18950331 - Le Progrès de Bel-Abbès - A Madagascar.

31/03/1895

 

La campagne de Madagascar depuis longtemps était rendue inévitable par les vexations des Hovas, commence bien.

Ce qu'il y a de plus heureux à constater, c'est que le Gouvernement, renonçant une bonne fois au détestable système des « petits paquets », parait vouloir engager une action réellement décisive.

Les hostilités ont déjà été engagées sur certains points du littoral, mais la campagne ne commencera réellement, que lorsque toutes les troupes et tout le matériel formant l'expédition seront rendus à destination; mais ce qui est pour nous de bonne augure, c'est que déjà, dans les quelques engagements qui ont eu lieu, il a été possible de constater que la résistance des troupes malgaches n'est pas, loin s'en faut, aussi grande qu'aurait pu le faire supposer la suffisance et la morgue du premier ministre hova. Au surplus, le matériel dont disposent, ces troupes, quoique fourni par des arsenaux européens — presque totalement par les Anglais— n'est pas de toute première valeur, tant s'en faut. Il abonde en rossignols, surtout en ce qui concerne l'artillerie, car, tandis que nos boulets balayent leurs positions; leurs projectiles se perdent à moitié chemin. Les fusils quoique généralement meilleurs, sont aussi, pour, la plupart, des armes réformées. Aussi, atteints par les balles de nos excellents fusils à répétition, à une distance qui ne leur permet pas de riposter avantageusement, ils ne tardent pas à s'enfuir.

Ce peuple, un peu primitif, a cependant ses malices. Plusieurs fois déjà les troupes ennemies ont cherché à surprendre les nôtres; mais comme dans nos camps on fait bonne garde, ils en ont été pour leurs frais et pour la perte de quelques-uns des leurs, car à chaque tentative ils ont été reçus comme il comporte.

Dès les premiers jours de mai, la campagne sera menée avec activité, car à ce moment toutes les forces seront, rendues sur le théâtre des opérations. Le transport, commencé depuis quelque temps déjà demande un temps considérable. Depuis plus d'un mois il y a eu plusieurs départ chaque semaine et, d'ici à la mie-avril, il y en aura presque tous les jours.

Du 25 mars au 28 avril, le seul port de Marseille aura une douzaine de départs, savoir :

25 mars, 13e Compagnie du génie — 27 mars, 14e Compagnie du génie et services administratifs de la première brigade — 1er avril, moitié de la 6e Compagnie du train — 3 avril, quartier général, demi-boulangerie et ambulance n° 1 — 6 avril, 1er bataillon du 200e — 9 avril, 40e bataillon de chasseurs, 12e compagnie du génie et hôpital d'évacuation — 12 avril, moitié de la 2e compagnie du train — 12 avril, état-major, 2e bataillon du 200e, demi-boulangerie et personnel médical des hôpitaux 2 et 3 —17 avril, 3e bataillon du 200e, ambulance n° 2, personnel de l'hôpital n° 4 et services administratifs de la 2e brigade — 20 avril, 5e compagnie du train — 22 avril, 4e compagnie du train — 24 avril, moitié de la 6e compagnie du train — 28 avril, 2e groupe de l'artillerie de terre et section de parc.

De Toulon partiront le 13 Avril, état-major de la 2e brigade, 1er bataillon d'infanterie de marine ; 23 avril, 2 bataillons de la même arme.

D'Alger, 31 Mars, 1 bataillon de Tirailleurs; 1er avril, moitié de la 1re compagnie du train; 3 avril, moitié de la 2e compagnie du train; 6 avril, conducteurs indigènes; 8 avril, 10e escadron de chasseurs d'Afrique.

D'Oran, 6 avril, 1 bataillon de la Légion étrangère.

De Philippeville, 10 avril, moitié de la 1re compagnie du Train; 11 avril, moitié de la 3e compagnie du Train ; 18 avril, section de munitions; 22 avril, artillerie de marine.

De Tunis, 11 avril, artillerie de terre.

Lorsque toutes ces forces seront rendues à Madagascar, la campagne sera menée activement.

Il y a tout lieu d'espérer que l'arrivée de nos troupes à Tananarive n'est plus qu'une question de temps.

Sous peu, notre drapeau flottera sur les murs de la ville malgache, rappelant à la reine, aux premiers ministres et à leurs sujets qu'on ne l'insulte pas impunément.

18950330 - Le Monde illustré - L'expédition de Madagascar.

 

L'expédition de Madagascar

 

 

Depuis qu'il en est question, nous avons publié plusieurs illustrations des plus intéressantes sur cette île vers laquelle nos troupes se dirigent en ce moment, et qui dans quelques mois sera devenue possession française. A l'heure actuelle, notre envoyé spécial, M- Louis Tinayre, navigue à bord du Yang-Tsé, et c'est de Port-Saïd qu'il nous adresse ses premiers documents.

M. Tinayre est un de nos collaborateurs les plus assidus depuis de longues années déjà, et son nom, bien connu de nos lecteurs, leur rappellera une série des plus artistiques sur toutes les grandes actualités qui se sont produites au cours de ces dernières années.

C'est à son frère, M. Abel Tinayre que nous avions confié le soin de nous renseigner sur l'expédition du Dahomey, et l'on sait de quelle façon brillante il s'est acquitté de cette tâche périlleuse.

M. Louis Tinayre, chargé de cette nouvelle expédition vers Madagascar, va donner un beau pendant à la campagne que son frère mena à si bonne fin, et nous sommes assurés d'avance du succès du consciencieux et vaillant artiste dont nous publions aujourd'hui le portrait et le premier envoi de documents.

Ce sont des instantanés résumant d'une façon pittoresque la vie à bord, et en outre, la liste des passagers militaires du Yang-Tsé, qui se divisent ainsi :

A bord du YANG-TSÉ. - Lieutenant-colonel de Beylié -  Chef d'Escadron Sanebousse de la Guillonnière - Le lieutenant-colonel Bailloud.

Sur le gaillard d'avant du Yang-Tsé - Groupe de sous-officiers.

Sur le gaillard d'avant du Yang-Tsé -Soldats jouant aux cartes.

Une sieste sur le gaillard d'avant du Yang-Tsé.

Lieutenant-colonel de Beylié, sous-chef d'état-major.

Le corps expéditionnaire : service des étapes (3e groupe).

Le lieutenant-colonel Bailloud, sous-chef d'état-major, commandant des étapes; le capitaine Chanzy, le capitaine de Coligny, et le lieutenant Venot, officiers adjoints.

Le service de l'artillerie des étapes : commandant Sanebousse de la Guillonnière, directeur; lieutenant Regnault, adjoint.

Service du génie des étapes : capitaine Adrian officier adjoint.

Service de l'intendance des étapes : Fauconnet sous-intendant de 2e classe, directeur; M. Mever, sous-intendant de 3e classe, adjoint; un groupe d'officiers d'administration, de gardes d'artillerie, d'adjoints du génie du service des étapes, a destination de Nossi-Comba; le capitaine Gomdard, du génie (retour du Soudan, chargé de monter les baraquements); Malinas, médecin major de 1re classe; M. de Libessart, aide-major de 1re classe; cinquante infirmiers..

Le capitaine de vaisseau Marquer, commandant la marine du corps expéditionnaire; le lieutenant de vaisseau Pierre, adjoint; lieutenant de vaisseau Roques, rejoignant le Rance; un groupe d'enseignes de vaisseau destinés à commander les canonnières fluviales;

Un groupe d'officiers d'infanterie de marine, allant à Diego-Suarez pour encadrer le 2e bataillon de tirailleurs malgaches;

Le Dr Peraud, médecin-major des tirailleurs malgaches; le Dr Rigaud aide-major aux tirailleurs malgaches.

Disons, incidemment, que le Yang-Tsé emporte tout le matériel nécessaire à l'établissement du sanatorium de Nossi-Comba;

Il y a, en outre, à bord du Yang-Tsé, une demi compagnie du génie, à destination de Nossi-Comba, pour installer le sanatorium avec le commandant Lacabe, du génie ; un détachement de deux cent quatre-vingts marins, à destination de Majunga, pour former l'équipage des canonnières fluviales; quatre-vingts hommes d'ouvrier d'administration; cinquante infirmiers, à destination de Nossi-Comba et un personnel médical, plus quelques ouvriers d'artillerie et du génie.

Aux dernières nouvelles de notre correspondant : bonne mer, état sanitaire excellent, entrain et gaieté de tous les passagers. dont aucun incident n'a troublé jusqu'ici le voyage.

Le général Duchesne. — Le commandant en chef du corps expéditionnaire de Madagascar commandait la 14e division à Belfort, lorsqu'il a reçu la nouvelle de sa nomination.

Le général Duchesne est né en 1837, à Sens. Il entra à Saint-Cyr à dix-huit ans, et fit la campagne d'Italie comme sous-lieutenant. Blessé à Solférino, il fut alors décoré de l'ordre de la Légion d'Honneur. Capitaine en 1870-71, il faisait partie de la division de Laveaucoupet dont on sait la conduite héroïque à Forbach.

Au lendemain de la guerre, nous le retrouvons en Afrique où il commanda un bataillon au 2e zouaves. Lieutenant-colonel en 1881, il battit Bou-Amama, en commandant la Légion étrangère. Deux ans après, il accompagna au Tonkin le général Négrier, et eut sa large part dans la victoire de Bac-Ninh et dans la prise de Hung-Hoa. Colonel à Tuyen-Quan, il était à Formose aux côtés de l'amiral Courbet. Il combattit jusqu'à la conclusion de la paix, et la croix de commandeur de la Légion d'honneur, récompensa ses brillants services au cours de campagne.

Le colonel Duchesne rentra en France en 1885 et commanda le 110e d'infanterie à Dunkerque. Général de brigade en 1888, il fut envoyé à Châteauroux. Il reçut la troisième étoile en 1893, et commanda d'abord, à Bourges, la division d'infanterie, et ensuite à Belfort la 14e division. C'est à Belfort que le gouvernement est venu le prendre pour lui confier le poste de confiance que lui ont valu ses beaux états de service.

18950329 - Le Gaulois

18950324 - Le Petit Journal Illustré - Départ du 200e pour Madagascar

18950323 - Le Monde illustré - A MADAGASCAR - LE PLATEAU DE L'IMÉRINA - PAYS DES HOVAS.

Le Monde illustré du 23/03/1895

 

A MADAGASCAR - LE PLATEAU DE L'IMÉRINA - PAYS DES HOVAS.

 

Notes et Souvenirs de voyage.

Deux routes mènent à Tananarive; nous les avons précédemment décrites.

Celle de l'est, qui longe la côte de Tamatave jusqu'au port d'Andevoranto n'a d'Andevoranto à la capitale hova que 200 kilomètres environ.

Celle de l'ouest, qui touche la côte à Majunga, peut utiliser, en saison favorable, 159 kilomètres de voies fluviales : elle compte, en totalité et en réalité, 442 kilomètres.

De ces deux routes, laquelle peut être le plus facilement franchie ? laquelle offre le moins de difficultés ? par laquelle fallait-il lancer notre corps expéditionnaire ?

J'ai signalé (numéros des 19 janvier et 23 février ) les obstacles qu'il faudra vaincre, de l'un ou l'autre côté.

Sur la route de l'est, ces difficultés sont : les lagunes des bouches de l'Ivondrono, soit trois quarts d'heure en dangereuses pirogues : le déversoir, après Tampolo, du lac Sarobahina, qu'il faut franchir le plus souvent en pirogues; puis le trajet par eau d'Andevoranto à Marombi par l'Iaroka et un affluents (trois heures en pirogues); les premiers escarpements du massif madécasse, entre Bedaro et Marozevo ( voir notre coupe de Madagascar); le second gradin, en forêts, de Beforona à Analamazaota; et, au delà du fleuve Mangoro, l'ascension du Mont Ifody, puis du sommet d'Angavo et des hauteurs d'Ankaramadinika, lisières du plateau central.

Un simple regard jeté sur la coupe que nous publions, permettra de constater que la route de l'ouest offre, au point de vue des difficultés topographiques, des difficultés presque aussi grandes. Si la baie de Bombétoke, puis le cours du Betsiboka et de l'Ikopa permettent de remonter, par voie d'eau, jusqu'à Suberbieville, la navigation en ces rivières est parfois fort difficile; il faut des chaloupes construites spécialement pour cette navigation et très souvent elles ne peuvent atteindre la région des chutes : on a déjà dit que la majeure partie de nos troupes ne prendrait pas la voie fluviale et gagnerait Suberbieville par la rive droite : nos soldats auraient à franchir plusieurs cours d'eau, entre autres le Betsiboka. Au delà de Suberbieville, la montée commence; au delà d'Ampasiry, la zone difficile débute : plateaux ravinés à parcourir, rochers à escalader, quelques rivières et quelques étangs à traverser; montées et descentes pour atteindre Marokolohy, montées et descentes pour atteindre Malatsy, montées et descentes pour atteindre Ampotaka, montées et descentes pour atteindre Kinajy, dernier poste hova du Boina (ou Boëni); au delà, ascension des rochers d'Ambohimena, derrière lesquels sera atteint, vers Ankazolée, la lisière septentrionale de plateau central.

Les difficultés sont-elles moindres par l'ouest, par cette route de Majunga ? moindres que par l'est ?

Certains l'affirment. D'autres le contestent.

Je n'ai pas à me prononcer : le lecteur a sous les yeux une coupe en profil, qui a été dressée avec le plus grand soin, et qui est d'une rigoureuse exactitude mathématique : il appréciera.

Il verra combien la route de l'ouest est plus longue que la route de l'est; il jugera si l'effort ne sera pas par l'ouest aussi pénible que par l'est; et si cet effort ne devra pas, par l'ouest, être soutenu plus longtemps.

D'ailleurs, pour une grosse et longue expédition, la question pouvait se poser de savoir laquelle des deux routes devait être préférée; mais s'il se fût agi d'une opération rapide, de la montée à Tananarive de mille, deux mille ou trois mille hommes, je ne crois pas qu'il eût fallu hésiter: toute préférence eût du aller, sans hésitation, à la route de l'est, la route par Tamatave et Andevoranto.

Des voyageurs ont, comme à plaisir, grossi les difficultés de cette route de l'est.

N'oublions pas qu'elle était sillonnée chaque jour par des milliers de porteurs (les borizanos), portant chacun sur leurs épaules de 25 à 50 kilogrammes de bagages ou de marchandises que chargés de 25 kilogrammes, ces indigènes franchissent en quatre jours la distance entre Andevoranto et Tananarive, que ce ne sont pas
seulement les marchandises facilement divisables comme les cotonnades et les liquides, qui sont ainsi montées, que des marchandises lourdes et encombrantes étaient montées constamment de Tamatave et Andevoranto au plateau central; que parmi ces marchandises encombrantes, il s'est trouvé tout le mobilier de la résidence générale, il s'est trouve des pianos et même ce meuble encombrant encore par ses dimensions,
des grands jeux de petits cheveaux; qu'il s'est trouvé le matériel de l'observatoire, et sa lunette astronomique, dont le transport fut plus retardé par l'effroi des porteurs que par les difficultés de la route.

Que ceux qui prétendent que cette route de l'est est impraticable aux services auxiliaires d'une brigade expéditionnaire, reconnaissent que c'est par cette voie que sont montés à Tananarive, d'une part, tous les chevaux qu'on y rencontre, — et ils sont relativement nombreux, — d'autre part les lourds canons qui sont à Tananarive en ce moment.
Débarqués à Tamatave, à Andevoranto, ou à Vatomandry, tout le matériel
de guerre destiné aux Hovas, a été porté à Tananarive par la route de l'est, les canons,leurs affûts, leurs munitions, les caisses de fusils et les caisses de cartouches.

Si cette route est difficile, elle n'est pas impraticable.

Lorsqu'en 1867, la reine Rasaohérirna descendit à la côte pour faire une cure aux eaux chaudes de Ranomafana (entre Mahelakely et Vliromby), elle fut accompagnée de quarante mille hommes et de quinze cents palanquins : la caravane put franchir les passages les plus difficiles de la montagne, comme des forêts.

Qu'importent maintenant ces souvenirs et ces constatations ? l'expédition prendra la voie de l'ouest, que les autorités militaires ont choisie avec ses avantages et ses défaveurs. Le sort en est jeté.

Dans deux précédents articles, nous avons suivi, les deux routes qui convergent vers l'Imérina : il nous reste à parler du plateau central.

Lorsque venant de l'est, on a franchi les hauteurs d'Ankeramadinika, (1,425 mètres), et lorsqu'on est arrivé aux villages de Manjakandriana (1,418 mètres), et d'Ambohibehasina (1,523 mètres d'altitude), ou lorsque venant de l'ouest, les rochers d'Ambohimena (1,462 mètres) ont été dépassés, l'aspect du pays se transforme: le décor est changé instantanément.

Derrière soi, une région tourmentée, pauvre et triste; quelques villages rares et chétifs, de simples cases en bois et en feuilles, ni routes, ni chemin.

Devant soi, un horizon merveilleux, ondulé et verdoyant, d'innombrables villages, plus de cases, des maisons; des maisons souvent coquettes, serrées les unes contre les autres, la campagne coupée en tous sens de routes et de sentiers; des cultures sur toutes les collines, des rizières dans tous les vallons : le spectacle saisit d'étonnement et d'admiration.

Le plateau de l'Imérina, domaine des Hovas, a été diversement jugé par les écrivains qui ont parlé de Madagascar.

Certains le représentent comme une contrée désolée et stérile. Ils ne se souviennent que de ces mots de Père Jésuite de la Vaissière : « La zone contraste péniblement avec le reste du pays. Bien qu'on y trouve le chef-lieu de la puissance civile, on voit immédiatement que ce n'est pas à sa richesse territoriale qu'elle doit
cet honneur. A part quelques débris de forêts ayant échappé, pense-ton généralement, aux ravages de l'incendie, l’œil n'aperçoit de toute part que des monticules dénudés et des bandes arides, où pousse un petit jonc que les habitants appellent bozaka et dont ils se servent pour allumer leur feu.

N'était le fond des allées magnifiquement paré pendant quelques mois par la verdure des régions, on se croirait en un vaste désert, d'où s'est retirée toute vie humaine. Dans un passé déjà assez reculé, ces monticules et ces bandes ont peut-être été boisés comme dans les portions de la zone moyenne, mais l'habitude de brûler les forêts, soit pour la plantation du riz, soit pour se mettre à l'abri des surprises de l'ennemi, a réduit le pays en cet état.

Les pluies tombant par avalanche sur ces monticules dégarnis d'arbres en ont d'abord transporté la terre au fond des vallées; les vents et les rayons de soleil, que rien n'arrêtait plus ont achevé l’œuvre de mort, et il semble que ces bandes, sur lesquelles reste seulement une terre argileuse et de couleur rougeâtre, doivent se refuser à toute espèce de production. Les faits cependant montrent... »

Les mêmes détracteurs citent, en les tronquant parfois, certains passages des descriptions de M. Grandidier, et notamment ceux-ci : « L'Imerina est un pays montagneux, coupé de nombreux cours d'eau, complètement nu, sans arbres, sans arbustes, et souvent même sans culture, à peu près inhabité dans les parties accidentées. Les collines qui couvrent presque tout le pays, et qui sont formées d'une argile rouge, dure et compacte au milieu de laquelle affluent de nombreux blocs de granit à surface bombée, ne sont pas fertiles. » M. Grandidier ajoute : « Dans le sud s'élève un grand massif nu et rocheux. l'Ankaratra, du Tsiafajavona, qui est le sommet le plus élevé de l'île de Madagascar, la vue s'étend sur la province tout entière, qui apparaît comme une mer de montagnes, sans arbres, sans arbrisseaux, où des roches nombreuses émergent au milieu d'une herbe grossière qui n'est même pas très bonne pour le bétail, et qui ne sert guère que de combustible aux habitants de ce pays désolé : le bois manque en effet dans l'Imérina et les gens riches peuvent seuls envoyer chercher des fagots dans la bande de forêt qui se trouve à la limite orientale. »

Si l'Imérina a ses détracteurs, elle a aussi ses admirateurs. Ceux-là citent d'autres phrases des mêmes auteurs, du P. de la Vaissière, et de M. Grandidier.

Le P. de la Vaissière a écrit: « Les faits cependant montrent que les landes de l'Imérina ne sont pas entièrement stériles, et qu'avec du travail on en peut tirer parti. Le caféier y vient assez bien: on y récolte çà et là de beaux maïs, et dans plus d'une localité la canne à sucre y est plantée sur une assez grande échelle en vue du rhum ou toaka qu'on en extrait. Les pommes de tertre, les haricots y sont devenus si communs qu'on les vend à vil prix. La terre malgache n'attend que des bras. Même celle du plateau central, toute stérile qu'elle paraisse, peut acquérir une vraie valeur, si elle est convenablement travaillée, et nous l'avons vue nous-même, depuis quelques années, se transformer complètement sous l'empire du travail. »

M. Grandidier efface l'impression de sa première description, en ajoutant: « Au centre même de la province,
il y a une grande plaine, le Betsimitatatra, qui jadis était un lac ou un marais, et qui forme aujourd'hui un immense champ de riz d'un aspect fort riant à la saison pluvieuse, d'où émergent ça et là, comme autant d'îlots, de nombreux hameaux ou maisons bâties sur de petits coteaux. Ce gigantesque damier aux cases vertes, que circonscrivent de petits murs de terre noire et ces nombreux gradins suspendus aux lianes des collines, qu'irriguent des ruisseaux amenés habilement sur les lieux de culture, montrent avec quelle intelligence et quelle ardeur les Hovas travaillent la terre : le riz que produit l'Imérina nourrit une population considérable. »


Les maisons de l'Imérina et les murs de clôture sont construits en pisé.

La terre argileuse du centre, réduite en boue, a une grande force de cohésion, et, séchée, devient extrêmement dure. Pour faire des blocs de pisé, on jette dans des moules en bois, ou des caisses sans fond, de la terre légèrement humide: on la pile; la forme acquise, la pièce est retirée du moule et mise à sécher un jour ou deux- elle peut ensuite être maniée et transportée sans crainte d'être brisée; ces blocs sont cimentés l'un à l'autre au moyen d'une boue claire, et les murailles une fois construites sont recouvertes d'un enduit de boue habilement mélangée de bouse de vache. Les constructions en terre sont bien plus résistantes qu'on ne saurait croire; certains murs de clôture se tiennent encore debout malgré toutes les intempéries des saisons et les pluies de l'hivernage, après vingt ans.

La maison hova a une forme rectangulaire: sa longueur moyenne est de 6 mètres, sa largeur de 4 mètres : elle est invariablement orientée du nord au sud : les vents généraux soufflent du nord-est pendant l'été, du sud-est pendant l'hiver, les ouvertures de la maison, une porte et une fenêtre, sont percées sur le grand mur de l'ouest. L'habitation est presque toujours divisée en deux: la pièce du sud, par laquelle on entre, est celle où se tient habituellement la famille, avec les poules, les canards, les oies, et fort souvent les porcs, les moulons, les jeunes veaux : l'angle du nord-ouest est occupé par le foyer: trois pierres entourent le feu et supportent la marmite au riz. La pièce du fond est la chambre à coucher, la chambre des hôtes; on y accède par une petite porte de communication : le sol et les murs en sont tapissés de nattes : un cadre de bois formant lit occupe l'angle nord-est; aucun autre objet d’ameublement, si ce n'est une cruche à eau, une caisse à provisions ou à vêtements, quelques calebasses, quelques marmites et quelques cuillers en corne. La maison hova possède parfois un grenier, où l'on monte par un escalier intérieur.

Dans la vue de l'Imérina ( ou Emyrne ) que nous donnons, on remarquera, au pied de la route, un village Hova d'une vingtaine de maisons en pisé; toutes les maisons sont orientées dans la même direction; elles possèdent la porte et la fenêtre, que nous avons signalées, et ont en outre une lucarne de grenier.

Sur une autre vue de l'Imérina, on verra d'immenses blocs de granit à surface bombée si caractéristiques
de la région; on verra un sentier et une route réelle, ce qui cause un grand étonnement au voyageur qui venant, de la côte, a cessé depuis longtemps de rencontrer des routes et des sentiers; on verra les bœufs et les moutons de l'Imérina paissant, un enfant les gardent; les indigènes des deux sexes se reposent au bord du chemin.

Une autre gravure montre la maison hova de Tananarive, plus grande, plus complexe que la maison des premiers villages du plateau; sa forme est celle d'un - : elle a plusieurs étages et une véranda.

Plus jolie encore est cette maison du Zoma de Tananarive, avec le jardin qui l'entoure, avec son étage, sa véranda circulaire, et ses gracieuses entrées, la porte extérieure, comme l'intérieure.

Une ancienne loi locale prescrivait de ne construire àTananarive que des maisons d'habitation en bois; dans la ville haute, près des palais royaux, on voit bien encore plusieurs habitations en bois; près de la maison en pisé en forme de que nous représentons, on verra une maison en planches de bois.

Mais la loi locale sur les constructions a eu le sort de toutes les autres lois malgaches: elle n'est ni suivie,
ni appliquée.

Si le bois est délaissé, la brique commence à être en faveur pour les belles constructions. On se sert de la brique séchée au soleil, ou de la brique cuite au four. Le palais du premier ministre a été bâti en briques
cuites. Nous figurons une maison en brique cuite bâtie récemment sur la place d'Andohalo, de Tananarive, par une princesse de la cour : cette construction, on en conviendra est des plus gracieuses et fait honneur au travail malgache.

Pour permettre à nos lecteurs de juger par eux mêmes de l'aspect de la valeur du plateau central, nous donnons le panorama d'un paysage voisin de Tananarive.

Mieux que toute description, celle photographie, témoin impartial et fidèle des choses, fixera le sentiment
de chacun.

Une description, qu'elle vante ou qu'elle dénigre, quelque habile qu'elle soit, laisse en l'esprit du
lecteur quelque doute ou quelque hésitation. Il voudrait voir, pour décider, pour rendre son propre jugement.

Nous le mettons à même de voir. Qu'il considère ces magnifiques rizières, qui tapissent le fond de la vallée, et ces autres rizières en gradins, qui s'avancent haut sur les collines, qu'il compte tous ces villages, toutes ces habitations jetées sur le sommet des collines et sur leurs lianes, pressées souvent les unes contre les autres, qu'il voie ces cultures, ces vergers, ces bois de toutes parts.

Qu'il regarde et qu'il juge. Est-ce une contrée stérile et désolée,sans arbres et sans culture, inhabitée ?


Henri MAGER

 

Le départ de Paris des troupes pour Madagascar, et la concentration à Sathonay.

 

— C'est à la date du 13 mars que ce départ a eu lieu, et il a fait vibrer tous les cœurs parisiens. Ne sont-ce pas, en effet, des volontaires qui sont partis pour cette expédition lointaine ?

On a demandé simplement: « Qui veut aller à Madagascar ? »

Et tant de soldats de bonne volonté ont répondu affirmativement qu'il a fallu faire un choix.

Paris n'a fourni qu'une faible partie des quinze mille hommes qui s'en vont là bas. De Paris même, sont partis deux cent vingt-cinq hommes qui, pris dans tous les régiments, forment l'une des compagnies du 200e de ligne.

De la place Saint-Augustin à la gare de Lyon, l'enthousiasme a été énorme.

Les balcons, les fenêtres, les toits noirs de monde. Partout foule inouïe. Les femmes jettent ou tendent des fleurs aux soldats.

Tous les fusils sont déjà ornés quand on arrive rue Royale.

Pas une place inoccupée sur les marches de la Madeleine. On envahit la chaussée pour serrer les mains des soldats.

Les troupes suivent les quais où, tout le long du trajet, elles sont saluées, acclamées.

Au Pont-Neuf, les commerçants du quartier offrent un bouquet tricolore au capitaine d'Hennezel qui remercie et confie les fleurs à un soldat.

On approche de l'Hôtel de Ville. Le préfet de la Seine, Mme et Mle Poubelle, de hauts fonctionnaires de la Ville sont descendus dans le jardin, d'où ils acclament l'armée.

Les officiers répondent par le salut du sabre. Et, plus on approche de la g¡re de Lyon, plus l'enthousiasme augmente. Bientôt on traverse des quartiers populaires où il y a encore moins de contrainte. Les ouvriers entonnent la Marseillaise.

Les femmes apportent aux soldats des fleurs, des paquets de tabac.

A la gare de Lyon, la police quoique très bien faite, a grand'peine à faire faire place aux soldats.

Enfin, l'embarquement a lieu, et le 200e penché aux portières, agite les fleurs reçues pour répondre aux cris de « Vive la France! »

Un fois le train parti, la foule tout émue a salué le drapeau porté par les soldats venus pour accompagner leurs camarades, et lui ont fait une ovation touchante.

C'est, nous dit notre confrère du Figaro, au camp de Sathonay vers lequel il a été dirigé, que le 200e recevra son instruction spéciale.

Les douze compagnies qui composent le 200e régiment de marche y sont toutes arrivées dans la journée de jeudi. Les débarquements se sont tous effectués à la gare Vaise-Lyon.

C'est la compagnie du 74e, partie, mercredi, de Paris, au milieu des ovations que nous avons décrites, qui, arrivant au petit jour, a été saluée des premiers vivats de la population lyonnaise.

A six heures, le détachement s'est mis en marche, précédé du capitaine d'Arnal de Serres, officier d'ordonnance du général Godefroy, qui guide la colonne.

Presque tous les soldats portent à leur képi ou fixé au canon du Lebel les bouquets de violettes dont on les a couverts pendant la traversée de Paris. En dépit des quinze heures passées en wagon, ils gardent une allure martiale, et, pendant la halte, à mi chemin, s'entretiennent avec une joyeuse fierté des manifestations patriotiques qu'ils provoquent. En face de la chapelle où repose le maréchal de Castellane, le capitaine d'Hennezel fait rendre les honneurs.

Les clairons sonnent, les hommes portent les armes, et le salut de cette jeune troupe qui va combattre à Madagascar au glorieux soldat de la conquête algérienne, a produit une impression profonde.

Le débarquement des autres compagnies a soulevé des acclamations plus retentissantes. La foule s'est sans cesse accrue jusqu'au soir à la gare et sur la route de Sathonay. On peut résumer d'un mot le sentiment qui anime tous les cœurs. C'est une belle journée d'espérance et de patriotisme.

Chaque compagnie est exactement forte de 225 hommes avec ses officiers et ses sous-officiers. Le régiment présente donc un effectif de 2,700 soldats, commandés par cinq officiers supérieurs et cinquante-neuf officiers subalternes y compris les officiers payeurs, d'approvisionnements et les adjudants majors.

Officiers et soldats-sont tous logés dans les baraquements du camp.

18950312 - Le Messager de l'Ouest - Military

 

Military

 

C'est M. Moingeard aide-major au 1er Étranger, qui est définitivement désigné pour accompagner nos soldats à l'expédition de Madagascar.

Nous apprenons de même source la sortie favorable de l’École de Sainl-Maixent des sous-officiers du 1er Régiment Étranger dont les noms suivent : William sergent-fourrier, Bord sergent-major, Merlzveiller adjudant.

 

Arrivés du Tonkin.


Arrivés du Tonkin. — Hier soir, par le train de 8 heures avec un retard de 2 heures sont arrivés 169 hommes du 1er Étranger sons le commandement du capitaine Ballet, et du lieutenant Coville. Ils reviennent du Tonkin et ont débarqué à Alger comme nous l'avons annoncé plus haut.

Tous ces militaires paraissent fatigués du voyage, deux ou trois malades ont fait route avec eux ; quelques autres sont restés à l'hôpital d'Alger pour leur rétablissement.

18950310 - Le Petit Journal Illustré - Le Général de Négrier

18950309 - Le Monde illustré - A MADAGASCAR - COMBATS D'ARTILLERIE.

 

A MADAGASCAR - COMBATS D'ARTILLERIE.

 


Après le bombardement des lignes hovas devant Tamatave, aux derniers jours de décembre, le découragement gagna nos ennemis : la maladie survenant, et les vivres manquant, les désertions se firent chaque jour plus nombreuses:de toutes les troupes, réunies à grand'peine par les Hovas au-devant de Sahamafy, d'Ampanalane, de Faharafate, de Soaneriana, il ne resta pas un homme en face de nous.

Nous n'avons pas profité de cette situation pour occuper les positions ennemies, et nous avons bien fait. Ce serait une grosse faute de commencer les opérations offensives dans une- saison aussi défavorable : ce serait exposer inutilement nos soldats à des accès redoutables, ce serait sacrifier un bon nombre au climat, sans suffisante urgence.

Lorsque les officiers hovas virent leur camp déserté et vide, ils ne s'émurent point; ils savent que les Malgaches ne peuvent constituer une troupe permanente ; la désertion est chez eux une habitude et une nécessité : le soldat qui n'est ni payé, ni nourri, ni soigné, va chercher ailleurs sa vie lorsqu'il ne peut plus vivre des pays où il est cantonné. La garnison de Faharafate a fondu comme se sont évanouies toutes les expéditions hovas.

Ces soldats disparus, les officiers hovas se sont efforcés d'en réunir d'autres. Des ordres ont été envoyés à tous les gouverneurs de la côte Est de Marancette, dans la Baie d'Antongil, au nord; jusqu'à Manamary, dans le sud, pour qu'ils écrèment leurs garnisons et pour qu'ils envoient chacun un nouveau contingent d'une centaine d'hommes vers Faharafate.

Une nouvelle garnison fut ainsi réunie, et pour marquer sa présence, le 21 janvier au matin, les Hovas ouvraient, audacieusement sur Tamalave le feu de trois batteries.

Les Hovas ont-ils donc des canons ? Ils en ont certes : j'en ai vu dans la batterie de Tamatave; mais le nombre en est fort restreint.

Parmi les canons que les Hovas avaient mis en ligne le 23 janvier est le Gand, un gros canon de 70 centimètres, provenant de la canonnière hova l'Ambohimanga, dont nous avons précédemment parlé; le Résident de France l'avait laissé débarquer, et des ouvriers anglais étaient venus de Maurice pour l'installer sur son affût ; les autres canons dont ils disposent sont ceux dit-on, qu'ils ont achetés non en Angleterre, mais en France.

Les boulets hovas n'ont pu nous atteindre : ils sont tombés quelques mètres en avant de nos lignes. Mais on a remarqué que leur tir devenait meilleur, qu'il se rectifiait. Nos ennemis auraient-ils dans leurs rangs des officiers étrangers, anglais ou autres pour les instruire ?

Point du tout. C'est nous qui les avons instruits.

L'élève se retourne aujourd'hui contre le maître.

Nous avons instruit, en France, dans nos régiments et dans nos écoles, depuis plusieurs années, de jeunes Malgaches : ils font usage contre nous de l'enseignement que nous leur avons donné si bénévolement.

En 1888, trois jeunes Hovas avaient été placés en subsistance au 122e de ligne avec l’autorisation du général Ferron : ils apprirent la langue française, entrèrent à l'école de Saint-Maixent, et servirent ensuite au 83e de ligne comme sous-lieutenants au titre étranger; ils sont à Madagascar maintenant.

En 1880 et 1891, trois autres jeunes Hovas ont suivi les cours de l'école de Versailles et fait un stage dans les régiments d'artillerie et du génie; ils sont à Madagascar maintenant.

Fort heureusement, ces élèves de la France n'ont que des canons assez défectueux et des canonniers insuffisants les servants des pièces se tiennent blottis dans des trous creusés dans le flanc de la colline en arrière des pièces qui se trouvent sur la crête : dès que le signal de charger est donné, ils s'élancent de leur terrier, chargent, tirent vivement, et reviennent précipitamment dans leurs trous jusqu'à ce que l'obus envoyé par la batterie française en riposte ait éclaté.

Puis le feu recommence si leur pièce n'est pas démolie.

Notre front n'est donc pas menacé; nos troupes se sont d'ailleurs fortifiées dans une ligne double de circonvallation qui va d'une baie à l'autre séparant complètement de la plaine la pointe de sable sur laquelle est bâtie Tamatave. Notre correspondant, M. Perrot, a pu photographier pour nos lecteurs, l'une des batteries françaises pendant l’action.

LES TIRAILLEURS MALGACHES.

Avec un petit nombre d'indigènes ayant pris part dans nos rangs à l'expédition de 1885, fut créé le premier noyau de tirailleurs.

Depuis neuf ans, cet embryon militaire a subi bien des vicissitudes : à chaque maison nouvelle, une nouvelle appellation lui échoit. Ils furent tirailleurs sakalaves, passèrent tirailleurs comoriens, devinrent tirailleurs de Diégo-Suarez et le dernier décret les concernant les nomme tirailleurs malgaches.

Sous un nom ou sous un autre, c'est toujours la même chose.

Ce sont de braves garçons, même s'il se trouve des Hovas dans le nombre, ce sont de bons enfants, très doux, trop doux même. Ce ne sont pas de féroces soldats. Ils se plient difficilement à nos exigences militaires : la régularité dans le travail est pour eux une dure nécessité; aussi, en ce moment même,les désertions sont nombreuses dans la garnison indigène de Diégo-Suarez,

Ils ne passent pas à l'ennemi par esprit de trahison, mais par besoin de reprendre la vie coutumière.

L'autorité militaire se montre cependant d'une extrême bienveillance envers eux; plus heureux que nos troupiers, ils sont dispensés de toute corvée, parce que, plus heureux aussi sous ce rapport que nos soldats, ils sont autorisés à mener partout avec eux, je ne dirais pas leur femme, mais une femme, et, naturellement, c'est la femme qui doit veiller à la propreté de la caserne et aux soins de la soupe. J'ai vu souvent les sergents européens donner directement aux femmes des ordres pour nettoyer et parfaire le service.

Excellente innovation, que ces petits privilèges accordés aux tirailleurs. Et cependant cela ne suffit pas encore. Les enrôlements lardent. La paye était insuffisante, pensait-on; elle a été augmentée; l'engagement ! exigé pour deux ans était trop long; un récent décret permet les engagements d'un an : les engagements vont-ils affluer? Le service est dur, quand il est si doux de ne rien faire, car il fait chaud hiver comme été.


HENRI MAGER

18950302 - Le Monde illustré - A MADAGASCAR - LA SITUATION

 

A MADAGASCAR - LA SITUATION

 

Depuis le bombardement de Varafatrana, aucun accident militaire à signaler du côté de Tamatave.

D'ailleurs, cet été est extrêmement chaud : et la fièvre ne tarderait pas à frapper tous nos soldats, comme pendant l'hivernage de 1829, si notre petit corps d'occupation était surmené.

L'état sanitaire demeure, de notre côté, relativement bon, avec 160 malades en moyenne sur 450 hommes.

Du côté des Hovas la maladie sévit plus cruellement : j'ai remarqué dans toutes les colonies, d'ailleurs, que les indigènes résistent beaucoup moins à la fièvre que les Européens : cela tient à ce qu'ils ont le sang appauvri par hérédité, que leur nourriture est insuffisante, qu'ils sont mal vêtus et mal abrités; les troupes malgaches de Varafalrana ont manqué de vivres, et sont décimées par la maladie. Rainandriamampandry, l'ancien gouverneur de Tamatave (dont nous avons publié le portrait), et qui, s'il n'est pas le généralissime sur la côte est (fonction dévolue au gouverneur de Manahoro), demeure l'organisateur de la résistance, est lui-même malade, très malade : certains assurent même qu'il est mort.

La fièvre sera, il faut le conclure, un aussi bon auxiliaire pour nous que pour les Hovas.

Si nous nous gardons d'avancer dans les marécages des plaines de Tamatave, nous nous fortifions chaque jour de plus en plus dans nos positions.

C'est ainsi que nos troupes se sont récemment installées dans la banlieue de Tamatave, au consulat anglais, tout près du sentier conduisant à Vaharafate. C'est le sujet d'une de nos gravures.

A l'occasion du 1er janvier 1895, les Français de Tamatave sont allés présenter leurs hommages aux autorités militaires. Le représentant du Comptoir national d'escompte, prenant la parole, s'est exprimé ainsi :

« Je viens au nom de la colonie française de Tamatave vous présenter tous nos remerciements pour la sollicitude dont vous nous avez entourés, ainsi que nos vœux les plus sincères à l'occasion du nouvel an que nous commençons aujourd'hui. La situation actuelle nous réserve encore une série de jours difficiles, mais nous pouvons pour ainsi dire en compter le nombre, et nous savons, d'autre part, qu'ils sont la conséquence inévitable de l'action engagée ici.

Mais nous apercevons déjà, dans un avenir prochain, le calme et la confiance de la certitude que nous avons tous de trouver à l'ombre de notre drapeau sécurité et justice égale pour tous. Grâce à vous, notre fier drapeau flotte sur Tamatave, comme il flottera bientôt, nous en sommes certains, sur de nombreux points de Madagascar; grâce à vous, la France aura un fleuron, et non des moindres, à ajouter définitivement à son domaine colonial, et nous verrons dans la France orientale, comme dans la mère patrie, l'application de notre fière devise: Liberté, Égalité, Fraternité.»

Le commandant Kiésel a répondu: « Je vous remercie du juste hommage que vous rendez aux chefs distingués à qui le gouvernement français a confié l'honneur de dénouer une situation devenue intolérable à tous. Le commandant Bienaimé vous a garanti une sécurité absolue et vous a dotés d'une administration municipale, se montrant ainsi à la fois chef militaire habile et administrateur prévoyant; grâce à lui, pendant que le sang-froid et le courage du colonel Colonna vous défendent contre les ennemis du dehors, l'esprit bienveillant et conciliant de M. Chaloin, groupant les sympathies, maintiendra l'ordre intérieur et entamera la lutte contre l'insalubrité.

Les mauvais jours que nous passons me semblent l'aurore d'une période lumineuse prochaine, où la justice, la civilisation, le progrès sous toutes ses formes triompheront enfin. Sur ces champs que la bravoure de nos soldats saura conquérir, se développera avec les voies de communication la richesse, fille de l'industrie et du commerce. Ce résultat est proche, et puissent nos efforts et nos vœux en rapprocher encore la réalisation ! En ce moment où le monde entier a les yeux fixés sur la Grande Ile, les Français de Madagascar ne peuvent faire autrement que d'adresser un souvenir de respectueux dévouement et d'affectueuse gratitude à la France qui s'apprête à verser pour eux le sang de ses enfants.

Je ne saurais trop le répéter, si l'expédition est rapidement conduite, si nos soldats ne sont pas maintenus dans la zone basse de Majunga, Marovay et Maevetanana, s'ils s'élancent prestement à l'escalade des plateaux, ils pourront atteindre l'Emyrne presque sans coup férir et sans maladie graves. Pour n'être pas désastreuse comme les précédentes, il faut que notre expédition soit rapide.

Henri Mager

18950223 - Le Monde illustré - MADAGASCAR - LA ROUTE DE MAJUNGA A L'ÉMYRNE

 

A MADAGASCAR - LA ROUTE DE MAJUNGA A L'ÉMYRNE

 

Mesuré sur la carte, c'est-à-dire sans tenir compte des ondulations du sol, la route de Tamatave à Tananarive, que nous avons décrite dans un numéro précédent, a vol d'oiseau, accuse 270 kilomètres; le fil télégraphique, qui chevauche par monts et par vaux, les détours et coupe au plus court se développe entre le port principal de la côte Est et la capitale des Hovas, sur 300 kilomètres.

Plus longue est la route opposée, celle de Majunga à Tananarive : à vol d'oiseau elle atteint 380 kilomètres; elle est, en réalité, de 442 kilomètres.

Si la route de Tamatave à Tananarive peut emprunter la voie de mer, ou plutôt la voie des lacs côtiers, de Tamatave à Andevorante, et même jusqu'à Maromby, — ce qui réduit le trajet par terre à 200 kilomètres environ, — la route de Majunga à Tananarive utilise les voies fluviales sur 159 kilomètres; la distance à franchir, par terre, est ainsi, de ce côté, de 283 kilomètres.

La route de Tamatave et celle de Majunga convergent vers un même point situé à une altitude de 1,450 mètres; il est assez logique que la plus longue des deux voies ait des pentes plus douces. La route de Majunga, quoique moins dure que celle de la côte Est, n'en est pas moins hérissée de mille difficultés et de mille obstacles.

Allons d'ailleurs la reconnaître pour la juger.

Majunga. — Majunga — dont nous avons déjà publié diverses vues dans notre numéro du 12 janvier — est le second port d'exportation de Madagascar; en 1890, Tamatave exportait pour 2,350,000 francs, Majunga pour 500,000, Mananjary (côte est) 460,000 francs.

Mais, au point de vue des importations, Majunga n'arrive qu'au troisième rang. En1890, Tamatave importe pour 4,120,000 francs, Mananjary pour 760,000 francs, Majunga pour 400,000 francs, seulement un dixième du chiffre atteint par Tamatave : Vatomandry et Vohémar ont moins d'importance encore.

Le commerce de Majunga, tant à l'entrée qu'à la sortie, atteignait ainsi 900,000 francs en 1890, dont 800,000 francs par pavillon français.

L'Annuaire officiel de Madagascar mentionne, comme résidant à Majunga, douze Français et trois Françaises.

La population indigène atteint probablement le chiffre de 5,000 tètes : des Sakalaves en nombre, et avec eux, quelques Hovas, fonctionnaires, soldats, ou commerçants, des Indiens, protégés anglais, tous commerçants, des Comoriens, protégés français, et des Antalaotra, métis d'indigènes avec des Comoriens, ou des Arabes; tous les Antalaotra sont mahométans.

Sur ses 500.000 francs d'exportation, Majunga expédie 275.000 francs de cuirs et 185.000 francs de caoutchouc, avec 40.000 francs de produits divers, dont 20.000 francs de rabannes.

Les cuirs sont de deux qualités : les cuirs de boucherie qui valent de 20 à 23 francs les 50 kilos, et les cuirs de l'intérieur, qui sont généralement traités au sel et dont la préparation laisse beaucoup à désirer. Elle est à un tel point défectueuse que les transactions deviennent impossibles. Les Américains qui vendent des quantités considérables de « toiles de coton », qui en entrent à Tamatave pour près de deux millions de francs par an (soit moitié des importations totales), avaient songé à acheter les peaux de bœufs pour donner du fret de retour à leurs navires; des cargaisons entières de peaux se sont moisies et cette perte a été trop sensible aux deux maisons américaines de Madagascar, pour qu'elles consentent de longtemps à tenter une nouvelle opération sur les peaux salées.

Quant au caoutchouc il est de trois qualités : le caoutchouc des Sakalaves, coagulé par l'action du citron ou du tamarin, mal recueilli, contenant de la terre, du sable, des cailloux, par suite déprécié et ne se vendant, en moyenne, que 11 piastres les 36 livres anglaises : le caoutchouc du Ménabé, venant du sud, plus propre que le précèdent, mais toujours humide et perdant parfois moitié de son poids pendant le transport en Europe; se vend 25 à 30 piastres les 100 livres anglaises; — enfin, le caoutchouc de Majunga qui est préparé par les Hovas avec l'acide sulfurique et qui atteint les prix de 36 et 40 piastres les 100 livres anglaises.

Le commerce de Majunga, loin de se développer, diminuait chaque année : les importations, qui se chiffraient, en 1890, à 400.000 francs, avaient été de 548.000 en 1888. L’exportation des peaux, qui avait atteint certaines années 188.000 peaux, était tombée en 1887 à 98.000, en1888 et 1889 à 66.000. en 1892 et 1893 à 53.000 peaux.

Les causes de cette crise économique résident certainement dans l'état d'insécurité où se trouvait la contrée sakalave, dont Majunga est le débouché : le brigandage, le fahavalisme arrêtait complètement la vie de ces contrées.

Notre intervention aura un salutaire effet et permettra l’exploitation du pays.

Embarquons-nous, — par la pensée — à Majunga soit dans une pirogue (il y a quelque danger, c'est couleur locale et ce n'est pas banal), soit en boutre, pour les apeurés, soit pour ceux qui recherchent, le confortable et la vitesse, en chaloupe en vapeur. Une chaloupe est à ce jour en service : la Boina, qui a été construite, non pas en France ou en Angleterre, mais à Madagascar même, à Suberbieville. dans les ateliers de M. L. Suberbie; ce fut une façon très heureuse et économique de résoudre la question du transport entre l'Europe et l'Océan Indien que de la supprimer, en montant sur l'Ikopa des ateliers suffisants pour la construction métallique. (Nous représentons cette chaloupe parmi nos gravures.) La Borna, qui a depuis longtemps fait ses preuves, mesure 24 mètres de longueur, 3m50 de largeur, 40 centimètres de tirant d'eau: sa force est de 90 chevaux.

42 kilomètres sont à franchir, à travers la baie de Bombétoke, pour atteindre Marovay.

Marovay. — Marovay, dont le nom signifie « beaucoup de caïmans », est situé au fond de la Baie de Bombétoke, en face Nosy-Ambatobé, et un peu dans l'intérieur, sur une petite rivière de 2 mètres de large, c'est le chef-lieu de l'un des vingt-trois gouvernements qui composent le Boeni ou Pays des Sakalaves du Nord.

Village de Marovay - Départ du courrier.

Village de Marovay - Les rues principales.

Village de Marovay - Les rues principales.

Village de Marovay - Vue d'ensemble.

Avec le gouverneur hova, Raini-Voanjo, un 12e honneur, nous compterons à Marovay, centre relativement important, cinq Français, un Autrichien, cinq Comoriens commerçants et quatre planteurs, un peu plus d'une cinquantaine d'Indiens. Près de la ville est un fort hova, modeste comme tous les forts hovas, un simple rova (se prononce rouve); tel celui que notre gravure représente : une palissade en pieux et c'est tout. Ni fortifications à la Vauban, ni batteries, ni canon; les Hovas n'ont aucune arme à nous opposer; dans leur aveugle orgueil, ils ont pris jusqu'ici notre patience pour de 1 impuissance; ils ne croient pas encore que nous nous déciderons a une action plus énergique qu'en 1883-85. Mais si nous avançons, ils se soumettront à la force. Depuis des années ils disent et répètent : « Nous ne céderons qu'à la force; mais devant la force, nous céderons. »Il nous suffira de paraitre pour obtenir une soumission complète, absolue.

Maëvatanana. - La rivière de Marovay dépassée, on entre dans le Betsiboka (se prononce Betsibouke); on le remonte jusqu'en face Trabonjy, autre chef lieu de gouvernement, peuplé de quelques centaines d'indigènes et où se sont fixés six commerçants indiens. On quitte alors le Betsiboka pour entrer dans son grand affluent l'Ikopa (se prononce lkoupe).

A 117 kilomètres de Marovay, à 159 kilomètres de Majunga, où se trouve en face de Maëvetanana.

Pour franchir la distance totale, les pirogues mettent 36 heures.

Maëvetanana, comme Marovay, comme Mahabo, Trabonjy, Ankoala, Amparihibé, Antongodrahoja, Ambodiamontana est chef-lieu d'un des vingt-trois gouvernements du Boéni. Ce village est situé à 4 kilomètres de la rivière, sur une éminence; l'une de nos gravures représente le rova du gouverneur; Romambazafy est entouré de ses aides de camp, près de lui sont ses soldats réguliers et ses musiciens.

Le port de Maevatanana est Suberbieville.

Suberbieville. — En décembre 1886, le premier ministre hova accordait à notre compatriote M. L. Suberbie le droit d'exploiter tous les gisements aurifères du bassin de l'Ikopa et du Betsiboka.

Préparation de la tranchée des sluices.

La sluice boxe.

Laveurs à la battée.

Un traité intervint entre Rainilaiarivony et son concessionnaire : les termes en furent à différentes reprises modifiés.

M. Suberbie avait pu s'engager, tellement l'exploitation se présentait sous un jour favorable, à payer, lui-même, et lui seul, l'emprunt des 13 millions en 10 semestrialités, versées de 1891 à 1895, et allant de 111.596 piastres pour la première (557.982 fr.) à 464.391 piastres pour la dernière (2.321.957 fr.).

Dès sa concession obtenue, M. L. Suberbie se met a l’œuvre.

Il travaille tout à la fois l'alluvion et le quartz; il lave les terres alluvionnaires à la battée, où il les traite par des procédés moins primitifs; il attaque la roche à Ampasiry par une méthode hydraulique ( qu'une de nos gravures figure ); il recherche les filons par puits et galeries.

Suberbieville est créé en 1889 : à certains moments 1.400 hommes travaillent sur les chantiers : ils donnent 27 kilogrammes d'or par mois : on eut pu en obtenir quatre fois plus si le; bras n'eussent manqué.

Marokolohy. — A Suberbieville, on abandonne la voie de l'Ikopa pour prendre la voie de terre. Pendant 25 kilomètres on longera le fleuve: 5 heures de marche conduiront au petit village de Tsarasaotro; la montée sera de 200 mètres.

Un plan incliné, avec de légères ondulations, montera à 400 mètres, puis une dépression dans laquelle est le village d'Ampasiry, aux granits aurifères.

La zone difficile débute : le plateau d'Ampasiry est extrêmement raviné; puis des collines succédant aux collines, des masses rocheuses de tous côtés; il reste 223 kilomètres pénibles à vaincre.

Huit heures et demie de marche ont mené à Marokolohy, l'un des chefs-lieux des gouvernements hovas échelonnés sur la route: là nous retrouvons un gouverneur, 9e honneur (Andriantseheno), avec son rova, sa garde et ses musiciens, et de nombreux moustiques dont les traces se retrouvent dans l'étvmologie du nom de ce poste.

Malatsy. — Quatre heures de marche à travers les collines d'Ambohimenakely, par une montée de 500 à 690 mètres pour redescendre à 580, permettent d'atteindre Malatsy, autre chef-lieu de gouvernement hova.

Ampotaka. — La rivière Kamolandy franchie, l'ascension des mille mètres de l'Andriba évitée par un détour, un regard donné sur les curieux monuments des antiques Yazimba qui se dressent sur la droite, on longe le cours du Mamokomita dans une région extrêmement tourmentée: la piste est de tous côtés dominée de sommets rocheux très escarpés.

On monte toujours: au delà de la cascade de Tafofo, une belle chute de 100 mètres, on est à 995 mètres d'altitude: on franchit un étang couvert de roseaux et une pente légère mène à Ampotakil, autre chef-lieu de gouvernement: c'est un village d'importance moyenne, comptant environ 100 cases.

Kinajy. — Entre Ampotaka et Kinajy, on longe un ruisseau, le Firingalava, que l'on passe plusieurs fois à gué. La pente est peu sensible; mais la piste est enserrée à droite par les rochers d'Ambohitohana. d'Ambohibé, d'Ankotrokotrana, de Kiangara, à gauche par les rochers de Tsinainondry, de Fandriandratsy.

Kinajy est le dernier chef-lieu de gouvernement du Boëni.

Au delà est la plus grosse difficulté de la route : il faut franchir les lianes du plateau de l'Emyrne; un gradin, une marche de 500 mètres d'élévation abrupte.

De Kinajy à Amboripotsy, la distance n'est que de 8 kilomètres, pendant lesquels on s'élève de 950 à 1.450 mètres.

Sakalaves. — 'Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les Sakalaves de la côte-ouest formèrent un puissant empire : le fondateur de la monarchie sakalave avait été, selon la tradition, le « brûleur de forêts », un blanc débarqué, peut-être au XVIe siècle, dans la Baie de Saint-Augustin. Des querelles intestines ruinèrent la puissance des Sakalaves. Lorsque les Hovas les attaquèrent sous Andrinampoinimerina (1787 à 1810) et sous Radama Ier (1810 à 1828), ils ne purent résister. Ils furent vaincus, ils ne furent pas soumis. C'est contre les Hovas que les Sakalaves contractèrent traités avec nous en 1840 et 1841 : ils avaient confiance en nous : et comptaient user de notre appui; nous les avons trahis en 1885 en les abandonnant aux Hovas.

Les Hovas n'ont pu se rendre maîtres du Sakalava : leur autorité ne s'étend pas au delà de quelques kilomètres à l'entour de leurs rovas, et les Sakalaves témoignent contre nous un ressentiment profond.

N'a-t-on pas assez répété depuis quelques année; que les Sakalaves seraient pour nous de précieux auxiliaires pour la campagne ? Pure illusion. Ces peuplades, guerrières par excellence, nous traiteront en ennemis. L'escorte du résident général descendant en novembre dernier de Tananarive à Majunga a failli échanger des coups de fusil avec eux. L'expédition aura à les réduire. Ils ne croient plus à notre parole : nous ne pourrons les désarmer par des promesses, faudra avoir recours à la force, cruelle conséquence des fautes du passé. Nous avons décrit les deux routes, qui conduisent au Plateau de l'Imerina ou Emyrne, celle de l'est et celle de l'ouest. Il nous reste à parler du plateau central.

HENRI MAGER

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