Histoire et mémoire : Interview du général (2s) Jean-Claude Coullon par AM et CM

De tout temps les armées ont évolué et vu les réorganisations succéder aux organisations… La Légion étrangère, depuis sa création n’a pas échappé à cette règle. Cependant, plus qu’une simple réorganisation, une modification fondamentale va avoir lieu en 1984 sous l’impulsion du général Jean-Claude Coullon, commandant le Groupement de Légion étrangère et la 31ème Brigade, qui verra l’Institution sous les ordres d’un chef doté non seulement d’une autorité morale sur l’ensemble Légion mais aussi d’une autorité organique. Nous avons donc demandé au Général de bien vouloir se prêter au jeu de nos questions afin de laisser un témoignage écrit de cette réorganisation, pour sa valeur historique puisque faisant appel à la mémoire vivante de son concepteur.

L’interview a été réalisée par le lieutenant-colonel (te-er) Antoine Marquet (AM) et le chef de bataillon (te-er) Christian Morisot (CM):

Nous remercions le général d’armée Jean-Claude Coullon (JCC) de l’honneur qu’il nous fait et de la confiance qu’il a accordée à ces “compagnons d’armes” qui ont servi directement sous ses ordres, en leur révélant les dessous d’une page importante de l’histoire contemporaine de notre Légion étrangère.

 

AM et CM: « Permettez-nous, mon Général, de vous présenter succinctement :

Vous êtes Saint-Cyrien de la promotion 1950. Après la scolarité et un bref passage aux FFA vous rejoignez Bel-Abbès destiné au “renfort Indochine”, territoire où vous débarquez en septembre 54. La guerre est finie et les jeunes officiers Légion de renfort sont ventilés dans diverses unités. Il vous échoit un régiment de tirailleurs marocains avec lequel, plus tard, vous rejoignez l’Afrique du Nord. En avril 58 vous revenez à la Légion au sein des compagnies portées sahariennes du 2e REI. Vous y faites, comme lieutenant au début, un de vos temps de commandement. En 1961 vous rejoignez la métropole pour un autre temps de commandement et des postes en état-major avant de revenir à la Légion comme chef de bataillon, adjoint au commandant du GILE, en Corse, puis comme chef du BPLE à Aubagne.

Le 16 août 76 on vous confie le drapeau de la 13e Demi-Brigade à Djibouti. Le 1er décembre vous êtes promu colonel.

Général de brigade en 1982, vous êtes nommé, en octobre, commandant de la 31ème Brigade et du G.L.E. (Groupement de Légion Etrangère). Auparavant vous êtes au cabinet du ministre de la défense où, à l’été 82, vous êtes chargé de mission du gouvernement pour la mise en place de la mission “Epaulard” à Beyrouth, menée à bien par les légionnaires-parachutistes, rejoints par les marsouins du 3e RPIMa et du RICM, des éléments du 17e RGP et du Matériel. En 1983, vous commandez les éléments de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth au Liban…

Le 11 mai 1991, vous prenez la succession du général Compagnon à la tête de la Fédération des Sociétés d'Anciens de la Légion Etrangère (FSALE). C'est sous votre impulsion que sera traité le dossier de "légionnaire, Français par le sang versé".

AM: « Mon Général, c’est précisément le début de la période qui nous intéresse et qui suscite notre curiosité. »

CM: « Mon Général, pouvez-vous nous expliquer comment et pourquoi le Groupement de Légion Etrangère s’est-il transformé en COM.LE ? »

JCC: «La préparation de la mission "Beyrouth" m'avait conduit à porter la priorité de mon effort de commandement sur la 31° Brigade. J'allais, dès mon retour du LIBAN, donner la priorité à l'organisation de la Légion, organisation à laquelle j’avais beaucoup réfléchi durant mon commandement de la 13e DBLE et mon passage au cabinet du Ministre.

Mon ambition était de jeter les bases pour en faire l'outil de combat le plus solide et le plus moderne de l'armée de terre, avec pour fil directeur la volonté de voir former le légionnaire comme un compagnon d'armes et non comme un matricule, fort au physique comme au moral et comme un soldat indiscutable au plan de la compétence et de l'éthique. Pour atteindre ce but, il fallait disposer d'une autorité formelle sur l'ensemble de la Légion, ce qui n'était pas le cas dans ma fonction de commandant du G.L.E. Il fallait aussi réorganiser en interne la "maison- mère" afin de faire d'Aubagne le centre d'autorité non plus seulement moral mais organique de la Légion. Pour la conduite de cette action, je vais avoir la chance de disposer de trois atouts majeurs.

1-Le Ministre, Charles Hernu, dont j’ai été le chef adjoint du Cabinet militaire pendant 18 mois et le Chef d'Etat-major de l'Armée de terre, le Général Imbot qui est un ancien légionnaire de la "13" en Indochine et nos relations s’inscrivent dans l’amitié depuis que j'ai été son adjoint au bureau Infanterie de la DPMAT en 1973.

2-Les régiments sont commandés par une équipe de colonels de très grande pointure et d'une totale discipline intellectuelle : Germanos -2°REP, François -2°REI, Gosset -3°REI, Colcomb - 4°RE, Mayer - 5°RE (encore 5e RMP), de La Presle -1°REC, Cler -1°RE, Rideau -13°DBLE et avec lesquels la grande franchise des rapports est une marque de respect réciproque.

3-Enfin d’une équipe de collaborateurs d’une exceptionnelle qualité à l’état-major du G.L.E., en particulier mes deux adjoints successifs, les colonels Forcin et Lecorre (décédé en 2014), devenus de fidèles amis.

AM: « En 1984, dans l’après Beyrouth, la 31e Brigade va être dissoute pour laisser la place à la 6e D.L.B. Voyez-vous là une opportunité de réorganisation de la « maison » Légion ? »

JCC: « Oui, je vais en effet avoir la chance de cette opportunité qui est la dissolution de la 31ème Brigade. 1984 va donc être la grande année d'une réorganisation en profondeur de la Légion étrangère. J'y ai consacré la majeure partie de mon action avec la ferme volonté de convaincre de sa nécessité la haute hiérarchie et de réussir ce pari sur l’avenir.

Pour décrire cette réorganisation je vais employer le « JE » mais en fait, si en tant que Chef je suis bien le décideur, je bénéficie, comme je l’ai souligné dans mes « atouts » d’une solide « équipe » - mes adjoints, mes chefs de bureau de l’EM et les chefs de corps - d’une exceptionnelle qualité dont les conseils et les avis m’ont toujours été une aide précieuse. Cette réorganisation est donc au niveau de mon état-major et des chefs de corps une œuvre collective.

Début juin, dans la perspective de cette dissolution annoncée de la brigade, j’adresse une lettre au Ministre, par la voie hiérarchique, demandant la création du commandement de la Légion étrangère avec une proposition de l’arrêté ministériel de création correspondant.

Le 30 juin 1984, la 31e brigade est dissoute et donne naissance à la 6e division légère blindée dont le PC est à Nîmes. Une grandiose prise d'armes, présidée par le général Forray, Commandant la force d'action rapide (FAR), rassemble une dernière fois au quartier Viénot toutes les unités de la Brigade. J'ai convié à cette cérémonie, en souvenir de notre "campagne" de Beyrouth, le vice-amiral Klotz, commandant l'aviation embarquée et le groupe des porte-avions. Une page est tournée.

Le 1er juillet, je deviens le premier commandant de la Légion étrangère. (Enquête faite il a bien existé un commandement de la Légion (COLE) de 1955 à 1957 mais ce commandement ne regroupait pas toutes les unités Légion). En effet, jusqu'à cette date (juillet 1984), la République n'avait pas voulu - disait-on - rassembler les unités de la Légion sous un commandement unique, mettant, sans doute, en application l'adage historique : "Rome, prends garde à la colère de tes légions". Tous mes prédécesseurs, depuis le général Rollet en 1931, n'avaient été, au mieux, que des inspecteurs techniques de la Légion étrangère. Les généraux inspecteurs furent au nombre de six : Rollet(1931-1935), Monclar (1948-1950), Lennuyeux, Gardy, Morel, Lefort (1955-1964).

En 1972, une nouvelle formule est créée pour donner un semblant de cohésion à l'ensemble Légion : le Groupement de Légion étrangère (GLE) regroupant Le 1er RE et le 4ème RE. Mais ses chefs successifs, les généraux Letestu, Fourreau, Goupil, Lardry et moi-même, n'ont en fait que des prérogatives d'inspecteur technique sur les six autres régiments qui ne sont pas placés sous leur autorité directe. Or, l’arrêté signé Charles Hernu, qui fonde désormais le commandement, stipule : "L'officier général commandant la Légion étrangère exerce ses attributions sur l'ensemble de la Légion étrangère". Cet arrêté, nous l'avons élaboré à trois : Lecorre, Forcin, Coullon. Pas une ligne n'a été modifiée par le Ministre, alors que l'EMAT, fort d'idées préconçues sur les soi-disant appréhensions politiques vis-à-vis d'un tel commandement, m'avait prédit que le Ministre ne le signerait pas ! L'objectif principal est atteint. Mais encore faut-il le conforter par un effort d'organisation interne. Ce dernier s’inscrit dans deux objectifs :

1-Renforcer les liens internes de la communauté légionnaire et « afficher » la solidarité de ses membres,

2-Accroître la capacité opérationnelle de la Légion et solidifier son image. »

CM: « Comment entendiez-vous concrétiser ces objectifs ? »

JCC: «L’adoption d’un « Code d’honneur du Légionnaire » et l’institution de la fonction de Président des sous-officiers Légion constituent le premier objectif.

1-l'institution d'un président des sous-officiers de la Légion étrangère, autorité morale de l'ensemble du corps des sous-officiers de tous les régiments, désigné par le Général après avis des présidents des sous-officiers de chaque régiment. Ce président devient membre du cabinet du COMLE.

 

2-l'établissement d'une règle de conduite "légionnaire" commune que je baptise "code d'honneur du légionnaire". L'adoption de ce code m'était apparue nécessaire pour lutter contre la dégradation lente mais continue du sens moral de nos jeunes engagés dont une partie était constituée, il faut bien le dire, du sous-produit d'une civilisation urbaine manquant de plus en plus de repères moraux. J'ai l'adhésion immédiate de tous mes colonels pour cette entreprise, à l'élaboration de laquelle ils vont largement contribuer. Chaque régiment m’adresse ses propositions. Je confie la mise au point finale au 4e étranger.

En adressant le produit « fini » à toutes les unités, j'écris dans ma directive : « Je tiens à vous préciser le cadre général dans lequel vous le ferez enseigner et qui exclut toute proclamation à caractère solennel où ostentatoire. Il ne faut, en effet, jamais confondre éthique et folklore. » Jusqu’en 1998, la Légion demeurera la seule unité de notre armée disposant d'un code d'honneur et d'une formation morale inscrite au programme de son régiment d'instruction ».

CM: « Nous entendons bien les motivations déterminantes dans l’établissement du code d’honneur, mais pourquoi un P.S.O. Légion alors même que chaque unité élémentaire et chaque régiment en ont un et que le P.S.O. régimentaire est en prise directe avec le chef de corps, votre subordonné direct ? »

JCC: « Il me faut en effet revenir sur la création du poste de Président des sous-officiers de la Légion étrangère. A la Légion, le corps des sous-officiers est une institution, un ordre même. D'une discipline exemplaire, d'un incontestable professionnalisme, fiers de leur état et conscients de la force qu'ils représentent, les sous-officiers sont la "Légion" avec ses remarquables qualités mais aussi ses défauts. Véritables apôtres de l'institution légionnaire, combattants redoutables et d'un dévouement absolu, ils sont rarement pris en défaut. Mais ils ont l'orgueil, parfois excessif, de leur situation au sein des régiments. Rien n'est possible sans leur adhésion. Le général Brothier, un de mes grands anciens avait, à leur sujet, cette image :" Ils sont l'ossature, les courroies de transmission, les embrayages, les accélérateurs et les freins de la mécanique " Légion". Pour moi, ils sont et ils demeurent la colonne vertébrale de la Légion. Quand on a su gagner leur confiance et leur attachement, on peut tout attendre d'eux, sans avoir rien à demander. Ils aiment donc, très légitimement, être écoutés, entendus et traités comme des cadres de maîtrise et non comme de simples subalternes. Voilà pourquoi j'ai créé le poste de Président des sous-officiers de la Légion étrangère. Mes deux premiers Présidents furent deux de mes anciens sous-officiers de la 13ème DBLE : les majors Krepper et Ross, tous deux d'origine allemande. »

AM: « Nous croyons savoir, ou est-ce peut-être une légende urbaine, que vous « rêviez » d’une Légion interarmes de « mêlée » frisant les 10 000 hommes ; cela met en exergue votre remarque sur l’adage historique conseillant à Rome de prendre garde à ses Légions. Sans le transformer en réalité vous avez toutefois réussi à introduire le Génie d’assaut dans les rangs légionnaires qui étaient plutôt Génie «pelle et pioche» à l’instar de leurs devanciers romains et à transformer le 5ème RMP en 5ème RE. Etait-ce-là votre deuxième objectif ? »

JCC: « Oui. Le 5ème régiment mixte du pacifique (RMP), où la Légion est l'élément dominant

- 60% des effectifs - retrouve sa filiation légitime de 5e régiment étranger renouant ainsi avec le passé prestigieux de notre « régiment du Tonkin » de l'épopée coloniale. J'avais, en fait, demandé cette nouvelle appellation au général Imbot au retour de mon inspection de décembre 1983 à Mururoa. Il avait immédiatement acquiescé et décidé la mesure. Un régiment doit avoir des "racines", il y puise une grande partie de ses forces morales. Les sapeurs du Génie et les militaires du Matériel qui servaient au 5ème RMP ont été très fiers de porter, comme leurs camarades légionnaires, le béret vert pendant leur séjour en Polynésie. Et puis le terme "mixte" prêtait à ambiguïté. Certains pensaient même qu'il s'agissait d'un régiment où hommes et femmes étaient à parité.

Enfin et surtout, le 1er juillet, la Légion compte un régiment de plus, le 6e régiment étranger de Génie (6°REG). C'est une première dans son histoire de compter un régiment de cette arme dans ses rangs. Je l'avais demandé pour élargir notre "palette" interarmes. En contrepartie, il fallait sacrifier la compagnie renforcée de travaux routiers de la Légion étrangère (CRTRLE) qui, depuis cinq ans, jouait les terrassiers dans le camp de Canjuers.

Voici les circonstances exactes de cette création :

A mon retour de la mission « Beyrouth » de la 31ème brigade, en 1983, j’avais fait part au général Imbot de l’importance du rôle qu’avait joué l’unité du 17ème RGP placée sous mes ordres. J’avais, à la fois, été impressionné par la remarquable qualité professionnelle de ses personnels mais aussi par leur « usure » rapide, leur régiment étant l’unique régiment de génie d’assaut de notre armée. Il en avait convenu et m’avait demandé avec humour « si la Légion avait une solution à lui proposer ».

Cette boutade n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd d’autant qu’à l’époque, la CRTRLE, qui avait succédé au 61e BMGL à Canjuers, nous apparaissait exploitée par le génie travaux du camp comme une unité « corvéable à merci » (2 décès dus à la fatigue).

L’opportunité d’une solution Légion s’offrait par la dissolution de la 31ème Brigade et la création du COMLE. J’avais déjà fait étudier en cercle très restreint la transformation de la CRTRLE comme première mise d’une création d’un régiment de génie d’assaut légion. L’EMAT de son côté avait dans ses cartons une 6e DLB. Le rapprochement des deux « solutions », sous la houlette du CEMAT, aboutit à la création du 6e REG malgré la ferme opposition du Directeur et de l’Inspecteur du Génie (2 enfants de troupe comme moi), qui m’accusèrent d’avoir conduit une OPA Légion sur le Génie ! J’ai dû leur rappeler que la Légion ne pesait que 8 000 hommes contre un Génie de 35 000 hommes. Difficile de conduire une OPA avec une telle mise de fonds ! Là était d’ailleurs le vrai problème : « qui payait la facture en effectifs » ?

CM: « Précisément mon Général, qui va payer la facture humaine ? »

JCC: « Le 6ème REG créé, il fallait, en effet, pour l’EMAT demeurer dans son enveloppe d’effectifs. Aussi, en bon « ancien DPMAT » le général Imbot me fit successivement deux propositions :

1-Un commandement commun 6ème DLB/COMLE à l’exemple de l’ancien GLE/31ème Brigade. Economie : 1er RCS (Régiment de Commandement et de Soutien), cette fonction étant assurée par le 1er RE pour les deux unités DLB et COMLE. Refus sans appel et solidement argumenté de ma part : un chef ne peut pas avoir deux missions permanentes. Beyrouth avait été pour moi un exemple probant.

2-La mise sur pied d’un escadron de transport de la 6ème DLB au sein du 1er RE. Discussion de « chiffonniers », des deux côtés chiffres en main, avec le CEMAT par téléphone, puis, à Aubagne, avec le Major Général, le général Schmitt, pour aboutir à : entretenir en permanence un peloton de transport organique et, sur préavis, mise sur pied du reliquat de l’escadron, tout cela sur l’effectif du 1er RE.

Enfin pour mémoire, le dernier incident eut lieu avec l’Inspecteur du Génie, le général de corps d’armée Coutenceau. Il concernait l’inscription à porter sur le drapeau : 6ème régiment étranger DU génie -pour lui-, DE génie -pour moi- comme il y a un 2ème régiment étranger DE parachutistes et un 1er régiment étranger DE cavalerie. Le Chef d’Etat-major trancha le différend à mon avantage. »

AM: « Oui, néanmoins, le premier drapeau du régiment ainsi que les fanions des compagnies portaient la mention DU génie, il a fallu tout changer ».

JCC: « La CRTLE dissoute allait devenir le noyau actif de ce régiment de génie d'assaut, à la satisfaction de tout son personnel. Le 6ème REG fut implanté au camp de l'Ardoise, près d'Avignon. Une partie des cadres sous-officiers provenait de l'arme du génie, c’était ce que nous appelons dans notre langage légion des cadres "blancs". Cet apport nous était nécessaire en attendant de disposer des techniciens "génie" au sein de notre corps de sous-officiers. Le 12 octobre, le général Imbot, CEMAT remettait son drapeau au Régiment en déclarant : "En remettant son drapeau au 6ème REG, je paye ma dette à la Légion qui m'a appris à vivre et à servir comme elle vous apprend encore aujourd'hui, légionnaires, à vivre et à servir". Avec ce régiment la Légion disposait désormais de la gamme complète des armes dites de "mêlée" : infanterie, cavalerie, génie d'assaut.

Ce changement de dénomination pour le « 5 » et cette création du « 6 » confèrent au Commandement de la Légion, dès sa création, outre la notoriété, une base solide pour asseoir son autorité de fait au sein de l'institution légionnaire mais surtout au sein de l'Armée de terre, vis-à-vis des grands commandements qui ont « pour emploi » nos régiments de combat.

CM: « C’est à ce moment aussi que vous confiez l’étendard du 2ème REC au Détachement de Légion étrangère de Mayotte… »

JCC: "Oui. Au plan des unités, cette réorganisation des formations est complétée par l’attribution du drapeau du 2ème REC à notre Détachement de Légion de Mayotte qui, jusqu’ici, ne disposait que d’un fanion. L’accord m’est donné par le général Imbot en réponse immédiate à ma demande. Le DLEM prend ainsi rang de « corps de troupe ».

AM: « De l’eau a coulé sous les ponts. La Légion, et toute l’armée française, est en constante mutation comme tous les organismes vivants. L’arrêt des expérimentations nucléaires a provoqué la disparition de notre cher « régiment du Tonkin », le 6 que vous avez créé est devenu le 1er REG – J’ai eu comme pour le 5 le triste privilège de rentrer son drapeau au musée – le 2ème REG a été créé et s’est spécialisé dans le génie-montagne, la demi-brigade particulièrement chère à votre cœur, après avoir presque disparu monte fortement en puissance… – merci à sa croix de Compagnon de la Libération ? – Par quoi vouliez-vous compléter, en 1984 l’organisation nouvelle, complément qui doit se retrouver de nos jours ? »

JCC: « Cette action d'organisation sera complétée par une sensibilisation permanente des cadres à la qualité des relations humaines qui sont le ciment de notre institution légionnaire. Celles-ci reposent sur deux principes qui fondent l'exercice du commandement à la Légion étrangère :

1-Homme coupé de son passé, de son milieu social et familial, le légionnaire doit trouver à la Légion le climat affectif d'une nouvelle famille (Legio Patria Nostra).

C'est le chef qui crée ce climat.

2-0utre l'oubli, l'asile ou l'aventure, le légionnaire est venu chercher un idéal à la Légion.

C'est le chef qui personnifie cet idéal.

Ces relations humaines exigent donc de la part de l'officier : Amour, Exigence, Respect à l'égard de" Monsieur légionnaire". Voici le message que je me suis efforcé de faire passer pendant tout mon commandement.

En effet, le jeune légionnaire arrive à la Légion bien souvent déboussolé, avec l'intention de rompre avec son passé, à la recherche d'on ne sait quoi, mais d'autre chose que ce qui était jusque-là son quotidien. (C'est la raison pour laquelle on ne doit jamais l'utiliser dans son ancien métier sauf s'il en fait expressément la demande). En s'engageant à la Légion, il entre dans une véritable communauté militaire où la rude discipline n'exclut ni la confiance, ni la solidarité, ni l'amitié réciproque. Il voit ses cadres partager sa vie de tous les jours, et, en opération, les mêmes fatigues et les mêmes dangers. Il s'attache profondément à ses officiers dont il a la coquetterie et l'orgueil. Il finit par tout admettre d’eux, même leurs extravagances pour certains. Il n'y a pas une troupe, dans notre armée, où l'officier porte une aussi lourde responsabilité morale et affective à l'égard de ses hommes. »

AM – CM « Merci mon Général et que vive la Légion. »

Le général d’armée Jean-Claude Coullon est Grand Officier de la Légion d’Honneur (1989), Grand-Croix de l’Ordre National du Mérite, titulaire de 6 citations dont 4 à l’Ordre de l’Armée, de la médaille d’Outre-mer agrafe Liban, de la médaille commémorative d’Indochine et de celle des opérations de sécurité et maintien de l’ordre en AFN agrafes Algérie et Maroc. Il est commandeur de l’Ordre du Cèdre du Liban.

A propos... 19 mars 1962 !

Précisions s’imposent sans langue de bois:

Notre site n’a pas vocation de faire, à n’importe quel prix, la recherche d’un maximum de visiteurs, il nous suffirait pour y parvenir de prendre à notre compte toutes les discussions que les fidèles des comptoirs de nos multiples bistrots alimentent sans réelles retenues au quotidien. Nous serions alors un journal, satirique parfois, mais dans tous les cas marqué d’une affiche politique qui n’a pas sa place chez nous et nous avons le principe de nous abstenir de parler politique, religion ou autres…

Pour autant, parfois, il nous semble intéressant de mettre en place, comme une sorte de piqure de rappel, les situations qui  nous concernent tous et auxquels nous vous invitons à vous souvenir, par devoir de mémoire... Une de ces dates se présente; celle du 19 mars 1962 qui marque officiellement l'anniversaire de la fin des hostilités en Algérie. La FSALE, affiliée à la "Fédération Nationale André Maginot" a toujours refusé de participer et de cautionner cette cérémonie du "19 mars 1962"...

Explications:

 

1830: La France a pris pied en Algérie en juin avec le débarquement de Sidi Ferruch, intervention tendant à contrer les pirates turcs qui écument la Méditerranée, mais réponse, aussi, à un contentieux financier sanctionné par une insulte du Dey au consul de France.
L’invasion française met fin à trois siècles de domination ottomane, mais l’opération sera source de nombreux et longs conflits avec les populations locales.
1954: En Indochine, le camp retranché de Diên Biên Phu est tombé; les troupes ne quittent que progressivement le pays, l’Armée française dispose de moins de 50 000 hommes en Algérie.
Parallélement, des turbulances agitent le Maroc et la Tunisie qui accéderont à l’indépendance en 1956, de quoi penser que le fleuron de “l’empire français” restera calme.


Pourtant, l’Algérie s’enflamme, l’idée de l’indépendance est née, un petit groupe de nationalistes décide de la création d’un nouveau mouvement, le Front de Libération Nationale (FLN) doté d’une organisation militaire: l’Armée de Libération Nationale (ALN).
Les forces françaises restent dans l’incapacité de contrer une rebellion qui préfère le terrorisme aux combats traditionnels. Le gouvernement prolonge la durée du service militaire, c’est l’envoi des appelés du contingent en Algérie.
L’affaire de Suez, à l’automne 1956, constitue une parenthèse dans les combats algériens, mais aux lourdes conséquences, Nasser, vexé de voir les Etats-Unis refuser de financer le barrage d’Assouan, a décidé la nationalisation du canal de Suez. L’Angleterre et la France s’estiment lésées et tentent une intervention militaire. A peine les hostilités engagées, à peine le succès entrevu, les combats cessent suite à un ultimatum lancé de Washington et de Moscou. Nasser se gargarise, en Algérie, les rebelles considèrent les hésitations franco-britannique favorable à leurs actions.
Entre-temps, les opérations se poursuivent sur le terrain. Le 10 février 1959, le nouveau premier ministre Michel Debré, de retour d’Algérie déclare : “l’Algérie est terre de souveraineté française, ceux qui y vivent sont des citoyens français”. Au conseil supérieur de défense, il est décidé de porter de 30 000 à 50 000 hommes les effectifs des harkas, ces unités combattantes composées d’algériens fidèles à la France. Dans un même temps, Alger s’inquiète, trop d’anciens fellaghas convaincus d’assassinat sont libérés. Le temps passe, sans la moindre clarification, jusqu’à la spectaculaire conférence de presse du 16 septembre 1959 et la nouvelle lancée par de Gaulle: l’autodétermination ! L’Armée ne pouvait pas s’attendre à la pratique d’une telle politique… Les “pieds-noirs” s’enflamment, se révoltent, c’est la fameuse “semaine des barricades”, une ville dressée contre le pouvoir avec la sympathie évidente des militaires.

le FLN profita des accords d’Evian pour reconstituer ses forces armées et pour étendre leur autorité sur une grande partie du pays et de sa population. L’armée française s’y opposa jusqu’au 14 avril, puis dut y renoncer. A partir du 17 avril 1962, le FLN déclencha une vague d’enlèvements contre la population française. Le 14 mai la Zone autonome d’Alger, dirigée par Si Azzedine, rompit ouvertement le cessez-le-feu en déclenchant une série d’attentats. C’est alors que le président de Gaulle, tout en demandant au GPRA de les désavouer, accepta l’avancement de la date du référendum algérien au 1er juillet proposé par l’Exécutif provisoire. D’autre part, des enlèvements et des massacres avaient été commis après le 18 mars contre d’anciens « harkis", en violation flagrante des clauses d’amnistie des accords d’Evian ; des tracts de l’ALN saisis par l’armée française faisaient craindre qu’une épuration systématique soit déclenchée après le référendum. Le respect de ces accords par le FLN semblait de moins en moins assuré, car le Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), réuni à Tripoli en mai et juin, les avait qualifiés de « plateforme néo-colonialiste", puis s’était divisé entre les partisans du GPRA présidé par Ben Khedda et ceux de ses opposants rassemblés dans un « Bureau politique" par Ben Bella. Mais pourtant le référendum du 1er juillet eut lieu dans l’enthousiasme avec la participation du FLN faisant campagne pour le oui.
Le 3 juillet, la France reconnut l’indépendance de l’Algérie sous l’autorité de l’Exécutif provisoire, qui devait organiser au plus vite l’élection d’une assemblée constituante souveraine.

Les accords d’Evian, voulus par le gouvernement français comme la « solution du bon sens », se révélèrent donc une utopie, qui échoua à ramener une vraie paix en Algérie. Le « rapatriement » des Français d’Algérie, et celui de Français musulmans s’imposèrent comme des nécessités.

Prendre la date du 19 mars 1962 pour celle de la fin du conflit algérien, c’est vouloir ignorer que l’Algérie au lendemain même de cette date est entrée dans une nouvelle phase de violences avec les réglements de comptes entre arabes partisans ou adversaires de la présence française, les assasinats de milliers de harkis par le FLN; la fusillade de la rue d’Isly à Alger le 26 mars avec des dizaines d’Européens tués, l’exode des “pieds-noirs” vers la Métropole où le gouvernement n’a rien prévu pour leur accueil, les massacres d’Oran, le 5 juillet, où le FLN exécute plusieurs centaines d’Européens.

Comment, de ce fait, pouvons nous encore parler du 19 mars 1962 pour la fin de la guerre d’Algérie ?

CM

20241205 - FSALE - Réunion des Présidents des Amicales du Sud-Ouest

 

 

Le samedi 23 novembre 2024 les présidents de nos Amicales du Sud-ouest se sont réunis dans les murs de la 13e DBLE pour faire le point sur les activités de l'année écoulée et préparer l'avenir, en particulier en prenant connaissance des modalités de participation au Congrès de la FSALE à Castelnaudary prévu au mois de juin 2025.

Ce fut aussi l'occasion pour les Anciens de la phalange magnifique de retrouver leur régiment dans son nouveau quartier, bien loin de Dikhil, d’Ali-Sabiet, d’Ouhea ou de Gabode à Djibouti-ville.

Le colonel Brunet, chef de corps, avait mis à notre disposition sa salle de réunion et ouvrait à notre recueillement la salle d’honneur du régiment avec une visite guidée de grande qualité.

Cette réunion était marqué par un accueil fraternel des  caporaux-chef et du Président des sous- officiers qui nous ont embarqué chaleureusement dans une ambiance très conviviale qui restera inscrite dans la mémoire de chacun.

More Majorum !

 

 

Jean-Louis Lemmet, délégué régional du Président de la FSALE pour le Sud-Ouest.

20241203 - FSALE - Eloge funèbre aux Obsèques du général d'Armée (2s) Jean-Claude Coullon

 

 

Photos et éloge funèbre du général d’armée (CR) Jean-Claude COULLON aux Invalides le 3 décembre 2024

 

 

"Mon général,


Rendre hommage à un chef militaire d’exception tel que vous est un immense honneur.

Vous, officier clairvoyant et visionnaire, chef courageux et lucide au combat, profondément attaché à ses hommes.

Vous, serviteur fidèle de notre pays et de votre prochain.

Vous, époux, père, grand-père et arrière-grand-père aimant et attentionné.

Vous, tout simplement guidé chaque jour par le sens du service, la recherche de l’idéal, et l’attention portée à tous. Ces valeurs ont quotidiennement façonné votre vie sur terre pour en faire un acte de foi ferme, en la France, en son armée de terre en général, et à la Légion étrangère en particulier.

Dès le plus jeune âge, les huit années passées dans les écoles d’enfants de troupe de Billom, Autun et au Prytanée militaire de La Flèche vous inculquent la rigueur, l’amour de la France, et un sens aigu de la camaraderie. Vous entrez dans la carrière militaire, sans ambition ni calcul d’intérêt, mais prêt à tout donner pour notre pays. Saint-Cyrien de la Promotion Extrême-Orient 1950-1952, vous choisissez l’arme de l’infanterie, et après votre formation de chef de section à Montpellier, vous rejoignez le 20ème Bataillon de chasseurs portés en Allemagne en octobre 1953. Sans tarder, vous vous portez volontaire pour servir la Légion étrangère qui combat en Indochine. Vous êtes retenu pour la relève des chefs de section tués au combat, mais quand vous rejoignez l’Indochine à la fin de l’été 1954 le corps expéditionnaire français y panse ses plaies et prépare son repli. Vous êtes alors affecté au 5ème puis au 9ème régiment de tirailleurs marocains avec lequel vous serez rapatrié sur l’Afrique du Nord un an plus tard à l’automne 1955. Mis à la disposition de l’état-major de Constantine dès 1956, vous rejoignez le 1er avril 1958 le 2ème régiment étranger d’infanterie, que vous servirez jusqu’en avril 1961, et au sein duquel vous ferez montre de vos belles qualités de chef et de soldat, en commandant au feu les légionnaires qui vous comprennent, vous reconnaissent, vous suivent et vous adoptent, car vous les conduisez à la victoire. 4 citations, dont deux à l’ordre de l’armée, vont orner votre croix de la valeur
militaire en Algérie :
- En août 1958 dans le sous-secteur de Géryville, pour la mise hors de combat d’un groupe rebelle après avoir sauté avec votre véhicule sur une mine ;
- D’avril à juin 1959 dans le secteur d’Aïn Sefra, , en neutralisant plusieurs bandes rebelles et en sauvant une unité amie clouée au sol ;
- En avril 1960 à Beni Dir, puis en octobre 1960 dans le djebel Mefeg El Abiod lors d’une opération héliportée au plus près d’un ennemi fortement retranché dans les rochers ;
- En février 1961dans le djebel Ben Saied, en réduisant tout un bataillon rebelle qui avait accroché votre compagnie.

 

 

Les termes élogieux qui parcourent les textes de vos citations parlent d’eux-mêmes : "Jeune officier de Légion ardent et courageux. Commandant de compagnie de grande classe. Entraineur d’hommes, alliant un sens profond et réfléchi de la manœuvre à des qualités exceptionnelles de calme, d’audace et d’agressivité". Vous êtes alors nommé au grade de chevalier de la Légion d’honneur pour votre attitude au feu.
En avril 1961, vous retrouvez le Prytanée militaire de la Flèche, où pendant 4 années, vous témoignez de vos qualités intellectuelles, morales et militaires auprès des jeunes élèves. Beaucoup voient leur vocation militaire naître à votre contact. Certains d’entre eux ont d’ailleurs tenu à être présents aujourd’hui, dans cette Cour d’honneur des Invalides, pour vous témoigner de leur reconnaissance et de leur affection. Après quatre années passées à l’état-major du commandement en chef des forces françaises en Allemagne, vous retrouvez la Légion étrangère à l’été 1969 à Corte en qualité de commandant en second du groupement d’instruction de la Légion étrangère. Votre esprit fin, votre jugement sûr, votre souci du facteur humain et votre connaissance du légionnaire tant au combat que lors de ses premiers pas vous conduisent à prendre la tête du bureau personnel de la Légion étrangère à Aubagne en 1971, bureau que vous réorganisez en personnalisant le suivi administratif des légionnaires, grâce à votre contact direct et facile.
Après trois années de chef de la section « officiers » du bureau infanterie de la direction du personnel militaire de l’armée de terre, vous recevez à Djibouti à l’été 1976 le commandement de la 13ème demi-brigade de Légion étrangère. Dans cette période très tendue d’accès à l’indépendance du territoire français des Afars et des Issas, vous savez maintenir la Phalange magnifique dans l’estime de l’ensemble de la population et des dirigeants locaux, et obtenez dans votre commandement des résultats élogieux dans tous les domaines.
Professeur à l’Ecole de guerre, puis auditeur au Centre des hautes études militaires et à l’Institut des hautes études de défense nationale, vous êtes nommé en juin 1981 adjoint au chef du cabinet militaire du ministre de la défense.

 

 

Chargé par le gouvernement de préparer avec l’ambassadeur de France au Liban la participation française à la force multinationale, vous réussissez avec brio cette mission difficile en août 1982, dans Beyrouth en guerre. Votre courage, votre sens de la diplomatie, votre détermination, vos capacités d’organisateur ont permis de mener à bien ces négociations délicates, et de réussir le déploiement du détachement français. Votre action sera reconnue par l’attribution d’une nouvelle palme sur votre croix de la valeur militaire.
Nommé général au retour du Liban, vous recevez le 1er octobre 1982 le commandement du Groupement de légion étrangère et de la 31ème brigade. A la tête de la Force multinationale de sécurité à Beyrouth de juin à septembre 1983, vous êtes à nouveau cité à l’ordre de l’armée, pour votre force de caractère, votre courage personnel, votre sérénité et votre hauteur de vue exemplaires, qui permettent de maintenir à un niveau élevé le moral et la cohésion du contingent français harcelé par le feu des factions, et de transmettre aux autorités politiques une appréciation juste et fiable de la situation. Cette nouvelle expérience du feu alliée à une appréciation juste de l’état du monde et une profonde connaissance des attentes de la politique de notre pays vont vous inciter naturellement à confirmer votre acte de foi en la France par des actions fortes qui scellent pour de nombreuses années encore la Légion étrangère d’aujourd’hui. Vous voulez faire de la Légion l'outil de combat le plus solide et le plus moderne de l'armée de terre, avec pour fil directeur la volonté de voir former le légionnaire comme un compagnon d’armes et non comme un matricule, fort au physique comme au moral, et comme un soldat indiscutable au plan de la compétence et de l’éthique. Ces actes de foi parlent d’eux-mêmes :
- la création, le 1er juillet 1984 du Commandement de la Légion étrangère, qui vous donne une autorité formelle sur l’ensemble de la Légion. Vous faites d’Aubagne le centre d’autorité non seulement moral mais aussi organique de la Légion ;
- la création le même jour du 6ème régiment étranger de génie qui maintenant la tradition des légionnaires bâtisseurs de la Légion, y apporte le génie d’assaut ;
- la transformation du 5ème régiment mixte du Pacifique en 5ème Régiment étranger pour lui redonner ses racines légionnaires ;
- l’attribution de l’étendard du  2ème régiment étranger de cavalerie au détachement de légion étrangère de Mayotte ;
- l’établissement d’une règle de conduite légionnaire que vous baptisez “code d’honneur du légionnaire”, pour, disiez-vous, « lutter contre la dégradation lente mais continue du sens moral de nos jeunes engagés dont une partie constituait, il faut bien le dire, le sous-produit d’une civilisation urbaine manquant de plus en plus de repères moraux » ;
- la création du poste de président des sous-officiers de la Légion étrangère. Vous disiez : « à la Légion, le corps des sous-officiers est une institution, un ordre même ». Vous aimiez reprendre l’expression du général Brothier : « les sous-officiers sont l’ossature, les courroies de transmission, les embrayages, les accélérateurs et les freins de la mécanique Légion. » Vous choisirez pour cette fonction deux Maréchaux de la Légion, les majors Krepper et Roos que vous aviez connus à la 13ème Demi-brigade de Légion étrangère.

Nommé directeur du personnel de l’armée de terre en 1985, vous êtes le chef rayonnant et l’homme de contact qui sait concilier les intérêts des individus et ceux de l’institution, en proposant des solutions d’avenir dans une période difficile et de contraintes pour l’armée de terre.
Elevé aux rang et appellation de général d’armée et nommé inspecteur général de l’armée de terre en janvier 1989, vous vous montrez un grand serviteur de l’Etat et un conseiller apprécié et écouté du ministre de la défense, en particulier lors de l’élaboration du plan « armées 2000 ». En septembre, vous êtes élevé à la dignité de Grand-officier de la Légion d’honneur.

Admis dans la 2ème section des officiers généraux le 8 décembre 1990, vous ne posez pas le sac, et repartez pour un nouvel acte de foi en la Légion étrangère. A la suite du général Compagnon, vous prenez en 1991 la responsabilité de la Présidence de la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère, et pendant dix années, vous témoignez aux anciens légionnaires de votre sens du service et de votre attachement à tous. Avec monsieur. Pierre Messmer, président d’honneur de la FSALE, et le sénateur Picheral, vous vous battez pour la proposition de loi « Légionnaire, Français par le sang versé », malgré les vents contraires du ministère de la justice, et vous obtenez gain de cause. En 2005, vous êtes élevé à la dignité de Grand-croix de l’ordre national du mérite.

 

 

La Légion, qui connait les siens, ne s'est pas trompée en faisant de vous le Porteur de la main du Capitaine Danjou lors des cérémonies de Camerone en 2007. « Les vieux soldats ne meurent pas, ils s'effacent dans le lointain !" Vous avez fait vôtre cette maxime du général Mac Arthur, sachant avec sagesse rester parmi nous tous dans la discrétion, et gardant au fond de vous l’acte de foi en notre pays et en la Légion étrangère qui ne vous a jamais quitté. Aujourd’hui, c’est une section de la "Phalange magnifique" qui vient à vous, pour votre adieu, pour vous rendre les honneurs.
Mon général, vous fûtes ce chef d'exception unanimement apprécié des légionnaires que vous avez commandés avec droiture et justice. Vous serez pour les générations futures un magnifique exemple de courage et de clairvoyance, de volonté et de ténacité, et pour la Légion étrangère un Père Légion d’exception.
Au nom de tous les anciens, en présence de votre famille que je salue et de tous vos proches ici réunis, en ma qualité de président de la Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère, permettez-moi, avec le général commandant la Légion étrangère, de vous dire un immense merci et un chaleureux adieu.
Que Saint-Antoine vous accueille parmi ceux qui nous ont quittés au hasard d’un clair matin, et dont les visages vous ont accompagné lorsque vous remontiez solennellement et avec gravité la "Voie sacrée" menant au monument aux morts de la Légion étrangère !
Soyons et demeurons dignes de vous.

Au-delà de l’adieu que nous vous adressons aujourd’hui, ce sera notre façon à nous tous de vous rendre l’hommage que vous méritez.
A Dieu mon général !
More majorum !

 

20241128 - Décès du Général d'Armée Jean-Claude Coullon

 

 

 

Le Président fédéral de la FSALE, le général (2s) Jean Maurin a le regret d'annoncer le décès du général (2s) Jean-Claude Coullon, décédé le mercredi 27 novembre 2024.

Les obsèques auront lieu le mardi 3 décembre 2024 selon les conditions suivantes:

10h30: Office religieux en la cathédrale "Saint-Louis" des Invalides,

11h30: Honneurs militaires dans la cour des Invalides.

Prenez connaissance de l'interview du général effectué cet été 2024:

Alors que le temps s’écoule, que nos heures s’évanouissent, il nous faut sauver ce qui le mérite. Pour ce faire, encore faut-il que nos mémoires vivantes avant de partir pour leur dernier bivouac veuillent bien confier leurs souvenirs.

Le conte de l’été, publié récemment, avait pour finalité de faire connaître, sur le mode plaisant certes, une histoire vraie de la Légion des sables. Cette Légion du désert qui a forgé et vu naître une grande part de sa légende. Plus tard, d’autres défis se sont présentés à elle…

Les sursauts de l’Histoire jettent souvent aux oubliettes des pans entiers de la mémoire collective. Déjà au lendemain de la Grande Guerre beaucoup prétendaient “qu’il va suffire d’un peu de temps, à peine, pour emporter avec nos monuments, le petit plan de poussière qui les supporte…”

Peut-être que l’on a tort de parler, dans certains cas, de mérites ou de démérites, de vertus ou de vices. Pourtant, nous restons convaincus que ce qui est digne d’être gardé en mémoire doit être classé dans une catégorie qui le définisse : la Nécessité.

Nécessité d’être le plus fort et le plus heureux ou de disparaître, urgente nécessité de devancer le temps et de courir l’espace sous peine d’être écrasé; l’homme lutte sans cesse avec le nécessaire; sa pensée, son courage reçoivent une stimulation furieuse d’où peuvent provenir les sursauts, les progrès, les exploits, les accès de sublime vertu, les coups de génie humain.

C’est ce qui lui apparaissait comme une nécessité intangible au profit de la Légion moderne qui a guidé la pensée du général d’armée Jean-Claude Coullon, commandant alors le Groupement de Légion étrangère, pour concevoir le Commandement de la Légion étrangère.

Conscients que nous sommes en présence d’une mémoire vivante, nous lui avons demandé de nous confier son témoignage, ses souvenirs, sur son action visant la création d’un commandement unifié de la Légion étrangère et ce qui en découle et de fonctions et/ou concepts qui allaient ouvrir de nouvelles voies à une Légion progressant avec son temps - même si l’une de ces créatures a échappé à la volonté spécifique de son créateur : le code d’honneur; nonobstant les craintes de certains échelons à l’esprit quelque peu étriqué, sinon «complotiste ».

Nous sommes particulièrement honorés que celui qui fut notre chef estimé puisse encore s’intéresser à nous au point de nous offrir une telle page d’histoire de la Légion contemporaine, et de nous autoriser à la publier car nous savons que

« …lorsque le silence se creuse le long des tombes closes… » surgissent toujours, ici ou là, des historiens de fortune qui distordent, volontairement ou non, la réalité.

Le général Coullon a commandé dans tous les grades, jusqu’à et y compris, celui de général de brigade dans les rangs de notre chère Légion. Il a assumé quelques-unes des plus hautes fonctions pouvant être occupées par un officier général, il a un passé au service de la France hors du commun, il a présidé aux destinées de la FSALE pendant onze longues années, il a imaginé et fait voter la loi « Par le sang versé », il est titulaire des plus hautes dignités en matière de décorations, c’est dire qu’il n’avait rien à prouver ni à faire valoir.

AM et CM

                                                         

Le Commandement de la Légion étrangère par le général d’armée (2s) Jean-Claude COULLON, ancien commandant de la Légion étrangère 1982-1985:.

« Nous avons appris au fil du temps que rien de grand ne peut se faire seul ».

"La préparation de la mission “Beyrouth” (FMSB) m’avait conduit à porter la priorité de mon effort de commandement sur la 31e Brigade. J’allais, dès mon retour du Liban, donner la priorité à l’organisation de la Légion, organisation à laquelle j’avais beaucoup réfléchi durant mon commandement de la 13e DBLE et mon passage au cabinet du Ministre. Mon ambition était de jeter les bases pour en faire "l'outil de combat le plus solide et le plus moderne de l'armée de Terre", avec pour fil directeur la volonté de voir former le légionnaire comme un "compagnon d’armes" et non comme un matricule, fort au physique comme au moral et comme "un soldat indiscutable" au plan de la compétence et de l’éthique. Pour atteindre ce but, il me fallait disposer d’une autorité formelle sur l’ensemble de la Légion, ce qui n’était pas le cas dans ma fonction de commandant du Groupement de la Légion étrangère. Il me fallait aussi réorganiser en interne la “maison-mère” afin de faire d’Aubagne le centre d’autorité non seulement moral mais organique de la Légion.

Pour la conduite de cette action, je vais avoir la chance de disposer de trois atouts majeurs.  

       1- Je connais le ministre Charles Hernu et le chef d’Etat-major de l’Armée de terre, Le général Imbot qui est un ancien légionnaire de la “13” en Indochine et nos relations s’inscrivent dans l’amitié depuis que j’ai été son adjoint au bureau Infanterie de la DPMAT en 1973.

       2- Les régiments sont commandés par une équipe de colonels de très grande pointure et d’une totale discipline intellectuelle: Germanos (2eREP), François (2eREI), Gosset (3eREI), Colcomb (4eRE), Mayer (5eRMP), de la Presle (1erREC), Cler (1erRE), Rideau (13eDBLE). 

        3- D’une équipe de “collaborateurs” d’une exceptionnelle qualité tant à l’Etat-Major du GLE qu’au niveau des chefs de corps.

Je vais aussi avoir la chance d’une opportunité: la dissolution de la 31eBrigade.

1984 Va donc être la grande année d’une organisation en profondeur de la Légion étrangère. J’y ai consacré la majeure partie de mon action avec la ferme volonté de convaincre de sa nécessité la haute hiérarchie et de réussir ce pari sur l’avenir. Pour décrire cette organisation je vais employer le “je” mais en fait, si en tant que Chef je suis bien le décideur, je bénéficie, comme je l’ai souligné dans mes “atouts” d’une solide “équipe” - mes adjoints, mes chefs de bureau de l’EM, les chefs de corps - d’une exceptionnelle qualité dont les conseils m’ont toujours été d’une aide précieuse. Cette réorganisation est donc au niveau de mon E.M. et des chefs de corps une œuvre collective.

Le calendrier de cette réorganisation

Le 30 juin 1984, la 31eBrigade est dissoute et donne naissance à la 6e Division Légère Blindée dont le PC est à Nîmes.

Une grandiose prise d’armes, présidée par le général Forray, commandant la Force d’Action Rapide (FAR), rassemble une dernière fois au quartier Viénot toutes les unités de la Brigade. J’ai convié à cette cérémonie, en souvenir de notre “campagne” de Beyrouth, le vice-amiral Klotz, commandant l’aviation embarquée et le groupe des porte-avions.

Une page est tournée.

Le 1er juillet, je deviens le premier commandant de la Légion étrangère (enquête faite il a bien existé un commandement de la Légion (COLE) de 1955 à 1957 mais ce commandement ne regroupait pas toutes les unités Légion). En effet, jusqu’à cette date - juillet 1984 -, la République n’avait pas voulu, disait-on, rassembler les unités de la Légion sous un commandement unique, mettant, sans doute, en application l’adage historique: “Rome, prends garde à la colère de tes légions”.

Tous mes prédécesseurs, depuis le général Rollet en 1931, n’avaient été, au mieux, que des inspecteurs techniques de la Légion étrangère. Les généraux inspecteurs furent au nombre de six: Rollet (1931-1935), Montclar (1948-1950), Lennuyeux, Gardy, Morel, Lefort (1955-1964). En 1972, une nouvelle formule est créée pour donner un semblant de cohésion à l’ensemble Légion: le Groupement de  Légion Etrangère (GLE). Mais ses chefs successifs, les généraux Letestu, Foureau, Goupil, Lardry et moi-même, n’ont en fait que des prérogatives d’inspecteur technique sur les 6 autres régiments qui ne sont pas placés sous leur autorité directe. Or, l’arrêté signé Charles Hernu, qui fonde désormais le commandement, stipule: “l’officier général commandant la Légion étrangère exerce ses attributions sur l’ensemble de la Légion étrangère”. Cet arrêté, nous l’avons élaboré à trois: Le Corre, Forcin, Coullon. Pas une ligne n’a été modifiée par le Ministre, alors que l’EMAT, fort d’idées préconçues sur les soi-disant appréhensions politiques vis-à-vis d’un tel commandement, m’avait prédit que le Ministre ne le signerait pas! L’objectif principal est atteint, mais l’effort d’organisation ne s’arrête pas là.

Le 5e RMP redevient le 5e Régiment étranger et le 6e Régiment étranger de génie est créé. Le 1er juillet, le 5e Régiment Mixte du pacifique (RMP), où la Légion est l’élément dominant avec 60% des effectifs, retrouve sa filiation légitime de 5e Régiment étranger renouant ainsi avec le passé prestigieux de notre “régiment du Tonkin” de l’épopée coloniale. J’avais demandé cette nouvelle appellation au général Imbot au retour de mon inspection de décembre 1983 à Mururoa. Il avait immédiatement acquiescé et décidé la mesure. Un régiment doit avoir des “racines”, il y puise une grande partie de ses forces morales. Les sapeurs du Génie et les militaires du Matériel qui servaient au 5e RMP ont été très fiers de porter, comme leurs camarades légionnaires, le béret vert pendant leur séjour en Polynésie. Et puis le terme “mixte” prêtait à ambiguïté. Certains pensaient même qu’il s’agissait d’un régiment où hommes et femmes étaient à parité. Enfin et surtout, le 1er juillet, la Légion compte un régiment de plus, le 6e régiment étranger de génie (6e REG). C’est une première dans son histoire de compter un régiment de cette arme dans ses rangs. Je l’avais demandé pour élargir notre “palette” interarmes. En contrepartie, je sacrifiais la Compagnie Renforcée de Travaux Routiers de la Légion Etrangère (CRTRLE) qui, depuis 5 ans, jouait les terrassiers dans le camp de Canjuers.

Les circonstances exactes de cette création

A mon retour de la mission “Beyrouth” (FMSB) de la 31e Brigade, en 1983, j’avais fait part au général Imbot de l’importance du rôle qu’avait joué l’unité du 17e RGP placée sous mes ordres. J’avais, à la fois, été impressionné par la remarquable qualité professionnelle de ses personnels mais aussi par leur “usure” rapide, leur régiment étant l’unique régiment de génie d’assaut de notre armée. Il en avait convenu et m’avait demandé avec humour “si la Légion avait une solution à lui proposer”.

Cette boutade n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd d’autant qu’à l’époque, la CRTRLE, qui avait succédé au 61e BMGL à Canjuers, nous apparaissait exploitée par le « génie travaux » du camp, comme unité “corvéable à merci” (2 décès dus à la fatigue).

L’opportunité d’une solution Légion s’offrit par la dissolution de la 31e Brigade et la création du COMLE.

J’avais déjà fait étudier en cercle très restreint la transformation de la CRTRLE comme première mise d’une création d’un régiment de génie d’assaut légion. L’EMAT de son côté avait dans ses cartons une 6e DLB. Le rapprochement des deux “solutions”, sous la houlette du CEMAT, aboutit à la création du 6e REG malgré la ferme opposition du Directeur et de l’Inspecteur du Génie (deux enfants de troupe, comme moi) qui m’accusèrent d’avoir conduit une OPA Légion sur le Génie! J’ai dû leur rappeler que la Légion ne pesait que 8 000 hommes contre un Génie de 35 000 hommes. Difficile de conduire une OPA avec une telle mise de fonds ! Là était d’ailleurs le vrai problème: “qui payait la facture en effectif”? Le 6e REG créé, il fallait, en effet, pour l’EMAT, demeurer dans son enveloppe d’effectif. Aussi, en bon “ancien DPMAT” le général Imbot me fit successivement deux propositions:

       1- Un commandement commun 6eDLB/COMLE à l’exemple de l’ancien GLE/31e Brigade. Economie: 1 régiment de Commandement et de Soutien (RCS). Cette fonction étant assurée par le 1er RE pour les 2 unités DLB et COMLE. Refus sans appel et solidement argumenté de ma part: « un Chef ne peut pas avoir 2 missions permanentes ». Beyrouth avait été pour moi un exemple probant.

       2- La mise sur pied d’un escadron de transport de la 6e DLB au sein du 1er RE. Discussion de “chiffonniers”, des deux côtés chiffres en main, avec le CEMAT par téléphone, puis à Aubagne, avec le major-général, le général Schmitt, pour aboutir à: « entretenir en permanence un peloton de transport organique et, sur préavis, mise sur pied du reliquat de l’escadron », tout cela sur l’effectif du 1er RE . Enfin, pour mémoire, le dernier incident eut lieu avec l’Inspecteur du Génie, le général de corps d’armée Coutenceau. Il concernait l’inscription à porter sur le drapeau: 6e Régiment Etranger du Génie, pour lui, de Génie, pour moi comme il y a un 2e Régiment Etranger de Parachutiste et un 1er Régiment Etranger de Cavalerie. Le Chef d’Etat-Major trancha le différend à mon avantage.

La CRTRLE dissoute allait devenir le noyau actif de ce régiment de génie d’assaut, à la satisfaction de tout son personnel. Le 6e REG fut implanté au camp de l’Ardoise, près d’Avignon. Une partie des cadres sous-officiers provenait de l’arme du génie, c’était ceux que nous appelons dans notre langage Légion des cadres “blancs”. Cet apport nous était nécessaire en attendant de disposer des techniciens “génie” au sein de notre corps de sous-officiers. Le 12 octobre, le général Imbot, CEMAT, remettait son drapeau au régiment en déclarant: “En remettant son drapeau au 6e REG, je paye ma dette à la Légion qui m’a appris à vivre et à servir comme elle vous apprend encore aujourd’hui, légionnaires, à vivre et à servir”. Avec ce régiment la Légion disposait désormais de la gamme complète des armes dites de “mêlée”: Infanterie, Cavalerie et Génie d’assaut.

Ce changement de dénomination pour le “5” et cette création du “6” confèrent au Commandement de la Légion, dès sa création, outre la notoriété, une base solide pour asseoir son autorité de fait au sein de l’institution légionnaire mais surtout au sein de l’Armée de terre, vis-à-vis des grands commandements qui ont “pour emploi” nos régiments de combat. Au plan des unités, cette réorganisation est complétée par l’attribution de l’étendard du 2e REC à notre Détachement de Légion Etrangère de Mayotte qui, jusqu’ici, ne disposait que d’un fanion. L’accord m’est donné par le général Imbot en réponse immédiate à ma demande. Le DLEM prend ainsi rang de “corps de troupe”.

Le Code d’Honneur et le Président des Sous-Officiers de la Légion étrangère

Cette organisation sera complétée par deux créations. Elles ont vocation à renforcer les liens internes de la communauté légionnaire et à “afficher” la solidarité de ses membres.

Les voici: 

       1- L’institution d’un président des sous-officiers de la Légion étrangère, autorité morale de l’ensemble du corps des sous-officiers de tous les régiments, désigné par le Général après avis des présidents de chaque régiment. Ce président devient membre de mon cabinet.

       2- L’établissement d’une règle de conduite “légionnaire” que je baptise “code d’honneur du légionnaire”. L’établissement de ce code m’était apparu  nécessaire pour lutter contre la dégradation lente mais continue du sens moral de nos jeunes engagés dont une partie constituait, il faut bien le dire, le sous-produit d’une civilisation urbaine manquant de plus en plus de repères moraux. J’ai l’adhésion immédiate de tous mes colonels pour cette entreprise, à l’élaboration de laquelle ils vont largement contribuer. Chaque régiment m’adresse ses propositions. Je confie la mise au point finale au 4e Etranger.

En adressant le produit “fini” à toutes les unités, j’écris dans ma directive: “je tiens à vous préciser le cadre général dans lequel vous le ferez enseigner et qui exclut toute proclamation à caractère solennel ou ostentatoire. Il ne faut, en effet, jamais confondre ETHIQUE et folklore.” A l’époque où j’écris ces lignes (octobre 1997), la Légion demeure la seule unité de notre armée qui dispose d’un code d’honneur et d’une formation morale inscrite au programme de son régiment d’instruction.

Il me faut revenir sur la création du poste de président des sous-officiers de la Légion étrangère.

 A la Légion, le corps des sous-officiers est une institution, un ordre même. D’une discipline exemplaire, d’un incontestable professionnalisme, fiers de leur état et conscients de la force qu’ils représentent, les sous-officiers sont la “Légion” avec ses remarquables qualités mais aussi ses défauts. Véritables apôtres de l’institution légionnaire, combattants redoutables et d’un dévouement absolu, ils sont rarement pris en défaut. Mais ils ont l’orgueil, parfois excessif, de leur situation au sein des régiments. Rien n’est possible sans leur adhésion. Le général Brothier, un de mes grands anciens avait, à leur sujet, cette image: “Ils sont l’ossature, les courroies de transmission, les embrayages, les accélérateurs et les freins de la mécanique “Légion”. Pour moi, ils sont et ils demeurent la colonne vertébrale de la Légion. Quand on a su gagner leur confiance et leur attachement, on peut tout attendre d’eux, sans avoir rien à demander. Ils aiment donc, très légitimement, être écoutés, entendus et traités comme des cadres de maîtrise et non comme des vulgaires subalternes. Voilà pourquoi j’ai créé le poste de Président des sous-officiers de la Légion étrangère. Mes deux premiers présidents furent deux de mes anciens sous-officiers de la 13e DBLE: les majors Krepper et Roos, tous deux d’origine allemande.

Je vais compléter cette action d’organisation par une sensibilisation permanente des cadres à la qualité des relations humaines qui sont le ciment de notre institution légionnaire. Celles-ci reposent sur deux principes qui fondent l’exercice du commandement à la Légion étrangère:

        1- Homme coupé de son passé, de son milieu social et familial, le  légionnaire doit trouver à la Légion le climat affectif d’une nouvelle famille (LEGIO PATRIA NOSTRA).        

                                  C’est le chef qui crée ce climat.

        2- Outre l'oubli, l'asile ou l'aventure, le légionnaire est venu chercher un idéal à la Légion.  

                               C’est le chef qui personnifie cet idéal.

Ces relations humaines exigent donc de la part de l’officier : « amour, exigence, respect à l’égard du légionnaire”. Voici le message que je me suis efforcé de faire passer pendant tout mon commandement. En effet, le jeune légionnaire arrive à la Légion bien souvent déboussolé, avec l’intention de rompre avec son passé, à la recherche d’on ne sait quoi mais d’autre chose que ce qui était jusque-là son quotidien. C’est la raison pour laquelle on ne doit jamais l’utiliser dans son ancien métier sauf s’il en fait expressément la demande. En s’engageant à la Légion, il entre dans une véritable communauté militaire où la rude discipline n’exclut ni la confiance, ni la solidarité, ni l’amitié réciproques. Il voit ses cadres partager sa vie de tous les jours et, en opération, les mêmes fatigues et les mêmes dangers. Il s’attache profondément à ses officiers dont il a la coquetterie et l’orgueil. Il finit par tout admettre d’eux, même leurs extravagances pour certains.

Il n’y a pas une troupe, dans notre armée, où l’officier porte une aussi lourde responsabilité morale et affective à l’égard de ses hommes.

PS (NDLR) – Le général Coullon souhaitait atteindre deux autres objectifs pour compléter cette construction :

       1- Création du Conseil de la Légion qui se réunirait sous la présidence du CEMAT. Cet objectif a été atteint sous le commandement de l’un de ses successeurs, le général Bouquin.

       2- La réception, en tête-à-tête, du COMLE par le Ministre car, au plan politique, le COMLE assume deux responsabilités uniques et exorbitantes du droit public :

           a- Le recrutement d’étrangers au service des armes de la France dans des unités partie intégrante de notre armée,

            b- Le recrutement sous identité d’emprunt.

Il est donc important qu’il s’en entretienne avec l’autorité politique responsable de nos armées.

20230207 - Le mot de la communication

 


Ces billets sont placés sous la responsabilité de leurs auteurs. Sans pour autant ouvrir nos rubriques à tous et en faire un indigeste « Forum », il est toujours intéressant de recevoir les avis des anciens légionnaires et ainsi de communiquer entre nous en bonne intelligence, sans passion excessive.

La communication est avant tout un dialogue, un échange, adressez vos correspondances à la FSALE au Président, au Directeur-général ou à la Ccommunication, une réponse est assurée.

Pensez également à nous communiquer toutes les anecdotes qui concernent votre vécu légionnaire, elles alimenteront avec bonheur les pages de « Képi Blanc » et de notre site.

Bonne lecture !

CM

 

Nous pourrions être orgueilleusement satisfaits de notre condition d’anciens légionnaires mais nous ne sommes que des êtres humains qu’un passage à la Légion a marqué à vie et il nous faut, dans une sorte d’égoïsme partagé créer des différences. Le choix de se fédérer en une communauté fraternelle et familiale se révèle pour beaucoup d’entre nous essentiel et montre notre attachement viscéral à une Institution qui nous a éduqués, formés et nous a inculqué des devoirs, et quelques droits, liés à un sens de l’honneur et à une fidélité vissés au corps…et à l’esprit.

Mais au-delà des mots qui n’apportent aucun remède aux maux, nous avons, à l’image de nos Anciens, toujours cherché à analyser correctement les problèmes qui ne manquent pas de s’imposer à nous. On identifie ainsi la rareté, voire l’absence de « jeunes nouveaux anciens légionnaires », l’adhésion franche de certaines de nos amicales à notre communauté pour supprimer, une bonne fois pour toutes, ces dissidences et critiques qui ternissent notre cohésion jusqu’à se demander à quoi notre Fédération peut-elle bien servir ?

Des points de désaccord apparaissent mais ne sont pas évoqués, faute de temps ou de disposition, au cours de nos différents rassemblements. Présenter les bilans financiers c’est bien, mais il serait peut-être tout aussi judicieux de réussir à recueillir l’avis de chacun sur des thèmes bien précis afin de comprendre pourquoi certaines choses semblent nous dépasser, comme la non-participation à une importante manifestation ou le retard inconscient, ou pire, volontaire, du paiement d’une cotisation symbolique qui n’est là, en fait, que pour satisfaire une des clauses des statuts et qui s’avère nettement insuffisante pour faire tourner la boutique...

En leur temps, des réunions regroupaient les présidents d’Amicales ; mais force était de constater qu’elles n’apportaient aucune amélioration, chacun s’interrogeait sur le bien-fondé de la réunion, si ce n’était la joie de se retrouver d’une manière conviviale autour de quelques agapes et s’en retourner, à l’issue, dans ses terres. Le déplacement n’était que symbolique. Il montrait une belle fidélité mais n’apportait aucune réelle satisfaction quant au résultat final.

Aujourd’hui, il nous faut passer à la vitesse supérieure. Notre Président nous propose le texte qu’il réserva à la fameuse réunion dite « des consuls » aux Invalides, à Paris où il exposa sa version de ce qu’est aujourd’hui notre Fédération. D’entrée, il exclut de son discours toute promesse, nous ne sommes quand même pas des « politiques »… D’emblée il cherche surtout l’adhésion de tous ses “sujets” ; voilà bien une délicate affaire, et sans cesse il devra remettre le fer chaud sur l’enclume, la trempe est un art que peu de forgerons maîtrisent parfaitement sans une longue expérience. Ses prédécesseurs avaient acquis un indiscutable savoir-faire ; nul doute possible il n’aura aucun besoin de se retourner, nous sommes là et bien là derrière lui, il peut compter sur nous en toutes occasions et ce n’est pas un vain mot.

Des courants parfois contradictoires agitent la blogosphère des anciens légionnaires. Le courant entre anciens légionnaires séniors et anciens légionnaires jeunes a parfois du mal à passer. Les plus jeunes se considèrent parfois mal acceptés par les plus âgés. Conflit de générations ? C’est probable… « ah de mon temps… », le style de vie dans la société moderne a changé à une très grande vitesse qui nous surprend. N’ayons pas peur des mots : les « gilets verts », comme disent certains de nos Anciens, se regroupent et prêtent peu d’attention aux autres… bref, tout un faisceau de petits détails qui éloignent au lieu de rapprocher. En tout cas ces différents motifs font que le « sang nouveau » a du mal parfois à forcer un passage au sein des Amicales que les plus jeunes délaissent pour de nombreuses raisons.

Le lieutenant-colonel (er) Antoine Marquet, un de nos veilleurs a réagi aux nombreux commentaires des réseaux sociaux et analyse à sa manière le problème, de quoi peut-être amorcer une ébauche de solution, en tout cas une réflexion...

Je vous livre son billet in extenso.

CM

 

Du bien-fondé des amicales et de l’intolérance de certains :

Je viens de lire sur Facebook le désarroi d’un ancien chef de peloton qui « s’est permis », le malheureux (!), de donner de manière courtoise, sur la page d’un autre ancien,  son opinion sur un général estimé de celui-là. Il s’est fait insulter, malmener et in fine bloquer sans qu’on lui laisse « le droit de réponse ». Voilà une belle preuve d’ouverture d’esprit envers un camarade légionnaire qui a servi sous les ordres du général en question alors que celui qui poussait des cris de vierge effarouchée était déjà retraité… et probablement moins légitime à donner son avis.

Le congrès de la FSALE et donc des amicales de la Légion étrangère vient d’avoir lieu à Millau, au cours de celui-ci une évidence a été constatée d’un simple regard : le vieillissement des membres de nos amicales.

Voulues par nos très augustes anciens du début de l’autre siècle, les Amicales ou associations avaient un rôle important. Durant de longues décennies les légionnaires rendus à la vie civile éprouvaient de très grandes difficultés à s’insérer dans la société. Tous avaient servi la France ailleurs que sur son territoire métropolitain, exception faite des combattants des deux guerres mondiales. Ils devaient donc s’adapter à une société souvent hostile et à un environnement géographique totalement différent. Trouver du travail, se soigner, se loger, survivre, ce n’était pas aisé…

Les amicales, ainsi que la création de la maison d’Auriol dès les années trente puis de Puyloubier dans les années cinquante, ont constitué, au profit de la communauté légionnaire un bienfait non négligeable. Tous ces anciens avaient en commun non seulement d’être légionnaires mais d’avoir fait des guerres ensemble… le monde marchait alors à la vitesse de l’homme à pied.

La métropolisation de nos régiments a changé la donne. Il y avait alors ceux qui avaient « fait l’Algérie » parmi lesquels ceux qui n’y avaient fait que l’instruction ou le brevet para et puis les autres, ceux de Corse et plus tard de Castelnaudary... De surcroît il aura fallu attendre sept années après le conflit algérien pour que la Légion soit de nouveau engagée au combat, au Tchad. Pendant cette période, courte pour l’histoire et longue dans la vie d’un légionnaire - point de glorieux faits d’armes, point de décorations sur leurs poitrails vides mais qui offraient de la place pour en recevoir- l’accueil de jeunes anciens dans les amicales était froid et assez « méprisant » car ils n’avaient pas de campagnes à raconter… une sorte de légionnaires au rabais !

Les conflits modernes ont donné l’occasion aux nouvelles générations de légionnaires de se distinguer à l’instar de leurs anciens. La guerre du Golfe qui a vu le rétablissement de la croix de guerre qui n’était plus attribuée depuis l’Indochine, a dû en faire marmonner quelques anciens dans leur barbe des propos teintés d’un peu de jalousie… « ah, mais c’est que cette croix de guerre n’était pas comme les autres… » Mais voyons ! Comme si la balle tueuse portait une étiquette « Made in Indochine » ou « Made in Irak » ! Et la béance entre plus anciens et moins anciens s’est maintenue, sinon élargie. A cela sont venus s’ajouter des particularismes que je considère – de mon exclusif point de vue – superfétatoires : l’amicale des anciens légionnaires paras, celle des anciens du 2, celles des Chinois… pourquoi pas celle des anciens du gaz ?  Être ancien légionnaire, tout simplement, ne suffirait-il plus ?

De la vitesse de l’homme au pas, nous sommes passés à celle du cheval au galop, mors aux dents… les légionnaires s’intègrent de facto dans le tissu national comme tout autre citoyen, les origines nationales de nos légionnaires se sont très largement élargies, ils voyagent, se dispersent et ressentent moins le besoin de se grouper au sein d’amicales dont les membres se réunissent deux ou trois fois l’an ou bien se voient toutes les semaines pour jouer aux cartes et commenter la dernière prise d’armes dans  cette Légion « qui n’est plus comme avant… comme celle de mon temps ! »…

Tout cela me semble relever de la foutaise et de la « guéguerre » de clans qui n’ont pas lieu d’être. Et si les anciens, plus anciens, arrêtaient de prendre les plus jeunes pour des bons à rien et ceux-ci de prendre les premiers pour de « vieux, voire de très vieux cons » ?

Tous y trouveraient leur compte par le simple fait que l’union fait la force et que cette force des anciens, regroupés en amicales malgré les difficultés conjoncturelles, serait de nature à aider à maintenir la pérennité de l’idée que le Monde se fait de notre institution et à aider l’institution elle-même par la possibilité d’agir à son profit sur des sujets que les actifs ne peuvent aborder. Pour s’en convaincre, il n’est que de regarder le symbolisme de la loi « Français par le sang versé ».

Restons unis malgré les différences de nos carrières, de nos grades, de nos anciennetés, de nos combats et de nos passés.

Restons simplement légionnaires un jour, légionnaires toujours.

AM

20221126 - Actualités de la FSALE - Radicofani

 

Connaissance de notre Histoire légionnaire : Radicofani par Paul Bonnecarrère.

Radicofani : devise : « Radicofani, le courage d’oser ! » …
Chaque année, sans relâche, malgrè la Pandémie, nos Camarades et Amis d’origine italienne résidents en Italie, commémorent le combat de la 13e DBLE à Radicofani !
17 juin 1944, la progression de la Division française ralentit puis s’arrête au contact d’un seuil de résistance basé sur Radicofani, les monts Calcinajo et Cotona.
C’est une curieuse histoire que celle de Radicofani qui présente de mystérieuses coïncidences… En effet, cette puissante place forte, clef de voûte de la plaine de Sienne, fut en 1555 défendue victorieusement par les Français et quatre siècles plus tard par d’autres Français…


Radicofani, dans un paysage tourmenté, tâché d’ocre jaune et vert qui se situe au sommet d’une terrasse rocheuse dans un paysage tourmenté aux parois verticales, un donjon carré, très étroit, très haut et massif.
Voila pour le décor mais l’histoire qui suit ne serait pas compréhensible si, en préambule nous ne parlions pas de l’Auteur des récits qui suivront cette introduction.
J’ai rencontré monsieur Paul Bonnecarrère dans les années 70, alors que j’étais jeune sergent « rédacteur-correcteur » à Képi Blanc magazine. J’avais alors pour mission, entre autres, de gérer les planches-photos-contacts. A sa demande, je trouvais la photo qui devait illustrer la première de couverture de son livre « la guerre cruelle » qu’il s’apprêtait à publier. Cet écrivain-journaliste avait une admiration et reconnaissance pour la Légion depuis qu’elle l’avait recueilli alors que son avion venait de s’abattre dans le désert saharien au milieu de nulle part. C’est alors qu’il décida d’écrire plusieurs livres qui porteraient sur la Légion.


En 1974, fort de son succès d’écrivains de roman de guerre, il lui est demandé d’écrire treize feuilletons pour l’ORTF et la participation de plusieurs régiments Légion étaient sollicités. Nous nous retrouvions replongés dans l’ambiance d’héroïsme, de sacrifice, de virulence et de folle bravoure qui nous a envouté dans ses précédents récits, tous emprunts d’une vérité historique indiscutable.


Le livre « douze légionnaires » commence par « Radicofani, je partage les extraits passionnants de ce maitre incontesté du récit de guerre qui mérite d’être connu.

 

Radicofani, 18 juin 1940 :
Depuis plus d’une heure, sous une pluie fine dont le protègent mal ses vêtements en loques, Renato Moretti guette une occasion favorable d’aborder un ofiicier.
Efflanqué, tôt grandi, le visage tout en os, où brillent des yeux fiévreux, les cheveux embrousaillés, dégoulinant d’eau, l’adolescent se fond dans les ruines qui l’entourent. De l’autre côté de la pizzetta creusée de caractères géant, se dresse la mairie, intacte au milieu des décombres. Elle sert de PC au 1er bataillon de la 13e demi-brigade de la Légion étrangère.
Le village, Aqua Tendente, aux pieds du monte Amiata, est le dernier avant le col de Radicofani qui domine de ses 1200 mètres l’ensemble d’une ligne de défense fortement tenue par les Allemands. Au-delà s’étendent les vallées de la Toscane.
Des légionnaires entrent et sortent du PC. Aucun ne prête la moindre attention à Renato.

Il ne diffère en rien des gosses hâves et déguenillés qui rôdent sans cesse autour d’eux depuis leur débarquement à Naples, trois mois plus tôt. Les légionnaires se sont vite habitués à ces enfants qui surgissent silencieusement des ruines à chaque bivouac, une expression attentive sur leur visage précocement vieilli.
Renato observe ces allées et venues. Il devine que le bataillon est sur le point d’attaquer. Les Allemands ont transformé le Radicofani en forteresse. Ils ont dissimulé de l’artillerie lourde dans des grottes à flanc de montagne. Ils comptent retarder ainsi la marche victorieuse des troupes alliées, le temps en tout cas d’organiser une nouvelle ligne de défense beaucoup plus au nord.
Renato n’a pas eu à violer les secrets des états-majors. Il connaît la montagne, la position des canons, et toute cette agitation autour du PC du bataillon le renseigne sur l’imminence de l’attaque.
La bruine se transforme en averse, les ruelles en ruisseaux bourbeux où les soldats s’enfoncent en jurant. Renato s’efforce de ne pas bouger, le cou rentré dans ses épaules pour ne pas laisser pénétrer l’eau le long de son dos ; il grimace sous la pluie et regarde obstinément en avant. Soudain son expression se fige : une jeep vient de déboucher à toute allure sur la place. Ses roues soulèvent des gerbes de boue. Un officier est assis à côté du chauffeur. Renato le connaît de vue : c’est cet officier qu’il guette.
Le gamin se précipite.
« Signor commandante, signor commandante ! »
L’officier ne se retourne pas. Il a bien d’autres soucis en tête. Ces petits mendiants presque nus, effrontés, teigneux, font partie du décor de l’Italie en guerre, comme les arbres calcinés, les champs labourés par les bombes, les maisons éventrées où s’accrochent encore de pauvres vestiges de vie. Il ne les voit même plus.
« Signor commandante, mi ascolti. Devo parlarle. Mi ascolti ? E importantissimo ! »
Renato s’époumone. La jeep contourne un cratère, freine brusquement devant la mairie. L’officier saute à terre, s’engouffre à l’intérieur du bâtiment. La sentinelle a tout juste le temps de présenter les armes.
Renato s’arrête, essoufflé, rageur, il crache dans la direction où a disparu l’officier. La sentinelle et le chauffeur l’observent en riant. Comme s’il ne suffisait pas d’avoir craché, le gamin fait un bras d’honneur. Négligemment, du canon de son arme, la sentinelle lui fait signe de s’écarter. Renato hausse les épaules et s’éloigne, ses pieds nus clapotant dans la boue.
Le PC du capitaine Grandjean, au res de chaussée de la maison, est installé dans l’ancien bureau du maire. Les bombardements ont épargné le gros œuvre, mais il n’y a plus un carreau aux fenêtres. La couche épaisse de plâtras qui recouvrait le plancher à l’arrivée du bataillon a été méticuleusement repoussée contre le mur. Une photo en couleurs du Duce pend de guingois au dessus de la porte et s’agite avec des froissements dans les courants d’air.
Quand le capitaine Grandjean pénètre dans le bureau, le lieutenant Philippe et le lieutenant Dumas l’attendent. A l’expression préoccupée de leur chef, les deux jeunes officiers comprennent que l’offensive doit être lancée incessamment. C’est ce que leur confirme d’entrée Grandjean en déroulant les cartes du secteur : l’attaque du Radicofani débutera à l’aube du 19 juin. L’effort américain portera sur le flanc est du monte Amiata ; les canadiens feront porter le leur sur le flanc ouest.
« Et nous ? » demande Philippe.
Le capitaine Grandjean hoche la tête.
« Nous ? notre mission est formelle : le bataillon attaquera au centre pour créer une diversion. »
Philippe siffle entre ses dents. Son corps long et plat se redresse sous l’effet de l’indignation.
« Au centre ! Mais qu’est-ce qu’ils veulent ces Ricains ? Nous suicider ?
« C’est logique », remarque calmement Dumas.
Au contraire de Philippe, toute sa personne dénote la pondération. « Nous allons servir de cible aux obusiers allemands.
_ Logique ou pas, ce sont les ordres. Je n’y peux rien, trancha Grandjean.
_ Les ordres ! ils nous font le coup du Belvédère ! s’exclame Philippe. C’est une mission de sacrifice.
_ Et alors ?
_ Il n’y a pas une chance sur cent de réussir ! »
Grandjean contemple les deux lieutenants, il commence à s’amuser.
« Réussir quoi ? demande-t-il. A prendre le monte Amiata de front ? Même les Amerlocs ne nous en demandent pas tant !
_ Tiens ! c’est ce que je leur reproche, déclare Philippe avec mauvaise foi. Ils nous sous-estiment la Légion ! Pourquoi parler de diversion ? J’aime faire les choses proprement : on la prendra leur taupinière ! »
Grandjean n’en a jamais douté.
« On donne quartier libre aux gus ? s’enquiert Dumas, toujours pratique.
_ D’accord. Mais double Les patrouilles de police. Qu’on ramène laviande soûle à partir de 20 heures.
Heure H : 5 heures 30. Réveil général : 4heures. »

Comme la mairie du village, le débit de boissons de Guido Teveri, baptisé pompeusement « Grand Café Tivoli », a échappé partiellement à la destruction. C’est une salle voûtée au sous-sol d’une bâtisse qu’un obus a éventré. Pour y accéder, les légionnaires trouvent plus simple de passer par la brèche, plutôt que de descendre les quelques marches de l’entrée ; ils se laissent tomber au milieu des tables par un trou du plafond. Cette façon de procéder déclenche des rires sauvages à chaque nouvelle arrivée. Ce que Teveri ne dit pas, c’est que les Panzergrenadieren allemands faisaient exactement la même chose trois jours plus tôt.


Pour l’instant Teveri surveille du coin de l’œil une table où six légionnaires ivres qui sont aux prises avec quatre filles tapageuses qui essaient de leur soutirer de l’argent. Parmi elles, une adolescente, presque une enfant, son corps gracile nu sous une robe trop large pour elle, qui lui tombe comme un sac, les pieds nageant dans des chaussures à talons-aiguilles, se montre la plus effrontée. Pourtant on devine que cette impudence est forcée.
Teveri n’est pas le seul à observer ce qui se passe à cette table. Gianni, un légionnaire italien, suit la scène des yeux. C’est un homme d’une quarantaine d’années, au visage marqué de rides où la boue des derniers jours s’est incrustée comme un tatouage. Il est carré d’épaules, mais d’une taille nettement au dessous de la moyenne, ce qui lui donne une apparence difforme.
A la table des légionnaires, un gigantesque Polonais a assis de force l’adolescente sur ses genoux. Soûl à crever, les yeux fous, violacé, il frotte la fille contre lui. Celle-ci apeurée, se défend mal. Le Polonais éructe des mots sans suite : « Cigarettes… nylon… chocolat… » qui sonnent comme autant d’obscénités.
Soudain Gianni se lève. Il avance jusqu’à la table, saisit l’adolescente par le bras et, d’une traction brutale, la remet sur ses pieds. Cloué à sa chaise par l’alcool, le Polonais ne réagit pas. Pas encore…
« Comment t’appelles-tu ? « demande Gianni en italien.
L’adolescente, surprise par la voix sans accent, répond spontanément :
« Alida Moretti, monsieur.
_ Quel âge as-tu ? »
Cette fois la réponse tarde.
« … Dix-huit ans. »
Teveri intervient.
« Elle ment ! elle n’a que quinze ans. Ca fait au moins dix fois que je lui défends de venir… Mais va te faire fiche ! Elle se glisse avec les autres. Seulement, je l’ai prévenue : si son frère la trouve ici, il la tuera ! »
Le Polonais est enfin sorti de sa torpeur. Il vient de se lever. Il est pourpre, les yeux exorbités de haine. Son cou de taureau où les veines saillent comme des cordes se gonfle. Il va cogner.
Gianni n’a pas lâché Alida. Il saisit une bouteille à moitié pleine de vin et la brise sur la tête du molosse. L’homme tombe à la renverse. Une fills gueule. Devant le goulot brisé que Gianni tient toujours à la main, les légionnaires hésitent. Le silence devient insupportable.
Derrière son comptoir, Teveri reste bouche bée.
D’une manière inattendue, Alida réagit la première. Elle essaie de se dégager, tout en hurlant des insultes. Elle se débat, lance des coups de pied dans le vide. L’intervention de Gianni la frappe comme une formidable injustice. De quoi se mêle cette brute ? Le Polonais allait sûrement lui donner ces choses dont elle a envie, tous ces trésors que les soldats gaspillent avec une révoltante inconscience.
La rage puérile de la jeune fille, ses efforts désespérés pour se libérer détendent l’atmosphère. A présent hilares, les légionnaires ne quittent pas des yeux son jeune corps qui se tortille frénétiquement. Les jambes de la gamine volent dans toutes les directions.
Le Polonais s’est relevé en grognant. Il essuie le vin et le sang qui maculent son visage, s’effondre sur une chaise, les yeux vitreux, la bouche dégueulant des mots incompréhensibles.
Gianni traîne Alida jusqu’à la porte. Sans s’arrêter, il demande au patron :
« Où habite-t-elle ?
_ A gauche en sortant, la seule bicoque encore debout. »
Pour y parvenir, il faut escalader des maisons qui ne sont plus que des amas de décombres. Alida supplie Gianni de la lâcher. Elle appelle la Madone à son aide, invoque le Christ, tente de se jeter par terre. Mais Gianni demeure insensible à ses simagrées.
Pervenu devant la maison, il frappe à la porte, sans lâcher la gamine. C’est Renato qui ouvre.
« C’est ta sœur ? »
L’adolescent confirme d’un signe de tête. Gianni pousse Alida devant lui.
« Qu’est-ce que tu lui veux ?
_ Rien. Je la ramène. C’est tout. »
Alida se faufile à l’intérieur. En passant, elle fait mine de se protéger la tête, comme si Renato allait la frapper.
« Entre. »
La salle commune est enfumée. Alida a traversé la pièce en courant, s’est réfugiée dans un coin près de l’âtre. Gianni regarde autour de lui avec curiosité. Renato l’observe, perplexe. Ce soldat qui parle sa langue sans accent le déconcerte.
« Tu es italien ?
_ Oui. »
Le visage de l’adolescent s’éclaire.
« C’est pour ça que tu l’as ramenée ? »
Gianni fronce les sourcils. Pour une raison qu’il ne s’expliquue pas cette question l’énerve.
« Elle est trop jeune pour traîner dehors », dit-il avec colère.
Renato le regarde incrédule. Trop jeune ! Cette remarque le dépasse. Trop jeune pour faire la putain ? Que tout continue comme avant, malgrè la guerre ? Et lui alors, qu’est-ce qu’il fait avec les alliés ?
« Tu viens d’Amérique ? »
Gianni secoue la tête.
« Non », dit-il.
Et il ajoute :
« Avant la guerre, j’étais en Espagne. »
Comme renato visiblement ne comprend pas, il précise :
« Avec les antifascistes.
_ Les Rouges ? »
Gianni hausse les épaules. Il n’a pas envie d’expliquer.
Dans son coin Alida ricane.
« C’est un communiste, dit-elle.
_ Ta gueule ! » hurle Renato qui veut tirer cette affaire au clair.
« Si c’est comme ça, attaque t-il, tu devrais être avec les patisans. Pas avec les Français.
_ Je me suis engaé en 39. Dans la Légion. L’Italie n’était pas encore en guerre, tu comprends ? »
Renato réfléchit.
« Alors tu es un soldat de métier ? »
Gianni soupire. Cette discussion le fatigue.
« Quelque chose comme ça, dit-il pour en finir.
_ Depuis trois jours j’essaie de parler à ton commandant.
_ Qu’est-ce que tu veux ?
_ lui espliquer comment on peut monter dans la montagne par-derrière.
_ Pourquoi ?
_ vous n’y arriverez jamais de ce côté. Les grottes sont pleines de canons.
_ Alors ?
_ Alors, ça sera comme à Cassino. Vous ne partirez plus. Les Allemands bombarderont le village jusqu’à ce qu’il ne reste plus une pierre debout. On aura tout perdu. »
C’est au tour de Gianni de ne pas comprendre.
« Tu veux nous aider à rosser les Allemands ? »
Renato ne se donne même pas la peine de mentir.
« Je veux que tout ça finisse », dit-il.
Il se tient très droit, le visage fermé. Implacable. C’est tout juste s’il ne dit pas : « Foutez le camp. Laissez-nous vivre ! »
Gianni voudrait lui expliquer que eux, les Alliés, ce n’est pas pareil, qu’ils sont ici justement pour les libérer, mais il y renonce, découragé…
« Tu es déjà monté dans la montagne ? demande-t-il.
_ Trois fois. Tout seul. Les Allemands croient que c’est impossible, alors ils ne surveillent pas l’autre versant. Je connais le chemin pour contourner la montagne et, après, la voie pour grimper. Je pourrais le faire sans mes yeux. Chaque fois je suis monté la nuit. »
Gianni est sceptique. Le gamin cherche à se rendre intéressant.
« Qui me prouve que tu ne mens pas ? » dit-il.
Sans répondre, Renato se dirige vers un buffet dont il sort des boites de conserves qu’il pose sur la table. Cesont des conserves allemandes.
« Tu crois que j’y vais pour la promenade ? Il y a un dépôt de vivres en haut. Je les ai volées : des boites de porc, de poisson, de légumes. »
La fierté perce dans sa voix.
Gianni est convaincu. Il se lève et se dirige vers la porte.
« Viens avec moi, dit-il. Cette fois tu vas lui parler au capitaine. »
Sans l’interrompre une seule fois, le capitaine Grandjean a écouté les explications de Gianni qui fait office de traducteur. A présent il scrute le visage de Renato. Le gamin ne baisse pas les yeux. Malgrè ses vêtements en loques et ses pieds nus, il est parfaitement à l’aise. Debout, les lieutenants Philippe et Dumas se contentent du rôle de spectateurs.
« Quel âge as-tu ? demande Grosjean.
_Dix-sept ans. »
Le capitaine hoche la tête. Il hésite. Le gamin a l’air sûr de lui, mais ses motifs ne sont pas convaincants. Ils se retourne vers ses subordonnés.
« Qu’en pensez-vous ? »
Philippe s’emballe aussitôt.
« Formidable, mon capitaine ! Il pourrait conduire une vingtaine d’hommes au pied du piton, grimper et fixer au sommet une corde de rappel. Après tout, qu’est-ce qu’on risque ,
_ la vie de vingt gus et celle du gosse », remarque doucement Dumas.
Philippe ne se laisse pas arrêter.
« des gosses, il y en a d’aussi jeunes que lui au bataillon. Quant aux vingt gus, quils participent à l’attaque frontale demain à l’aube ou a un commado derrire les positions allemandes cette nuit, c’est pas loin d’être le même tabac. »
Grandjean réfléchit une minute. Toutes sortes d’hypothèses se heurtent dans son esprit, y compris celle d’un traquenard. Brusquement il se décide.
« D’accord, dit-il au gamin qui ne l’a pas quitté des yeux, je te fais confiance. » Puis à l’adresse de Gianni : « Démerde-toi pour lui trouver un uniforme et fais-lui couper sa tignasse ! »
Gianni traduit. Renato secoue énergiquement la tête.
« Jamais ! dit-il en crachant les mots. Ton uniforme, tu sais où tu peux te le mettre !
_ C’est un ordre, hurle Grandjean que le refus du gamin exaspère. Si ce petit con se fait faire aux pattes par les chleus en civil, tu sais ce qui l’attend. Fais-lui rentrer ça dans le crâne avant qu’il ramasse un coup de pied au cul ! »
Gianni ne prend pas la peine de traduire. Il soulève Renato et le sort du bureau comme un paquet.

La grande tente de l’antenne chirurgicale à la sortie du village est pleine de blessés français et allemands. Gianni déambule dans la travée. A deux reprises il s’arrête pour consulter la fiche qui pend au pied de chaque lit, puis repart en secouant la tête.
Au bout de la rangée de droite gît un légionnaire de sa compagnie. Il a été blessé à la tête par l’explosion d’un obus de mortier. Gianni s’approche. Le légionnaire le fixe d’un air hébété. Quand il reconnaît Gianni, son expression égarée fait place à un sourire de contentement. Ils ne sont pas particulièrement amis mais, dans ce lieu, n’importe quel visage familier est le bienvenu. Autour d’eux, sous la toile que cingle la pluie, dans la chaleur étouffante, des infirmiers vont et viennent silencieusement.
« Tu mesures combien, Fernand ? » demande Gianni au blessé.


Le légionnaire le regarde sans comprendre. Une lueur d’inquiétude s’allume dans ses yeux. Cette question lui paraît pleine de menaces obscures.
« Pourquoi tu me demandes ça ? dit-il avec angoisse.
_ J’ai besoin dee tes fringues. Ordre du Capitaine. »
Il decroche le battle-dress du blessé suspendu à un porte-vêtement.
« Dis donc ! C’est mes sapes ! t’es dingue ou quoi ! »
A côté d’eux, un blessé endormi pousse un cri et se réveille. Gianni sursaute.
« T’entends, dit-il avec reproche, tu déranges tout le monde.
_ Eh ben, merde alors, grommelle le blessé que la mauvaise foi de Gianni estomaque. Tu peux te les garder, mes fringues ! » et il ajoute, sinistre : « De toute façon j’en ai plus besoin. »
Il sait que c’est faux, que sa blessure n’est pas très grave, mais ce rôle de grand blessé qui n’en a plus pour très longtemps est pour l’instant sa seule défense. Gianni n’est pas dupe.
« C’est ça, ducon, s’exclame-t-il, le vieux et moi on est des détrousseurs de cadavres ! où est ton képi ?
_ Ah non ! mon képi, je le garde », gueule le blessé.
Gianni comprend qu’il est inutile d’insister. D’ailleurs Renato a besoin d’un casque, as d’un képi. Etcelui de Fernand est troué.
Sous les ordres du lieutenant Philippe, les trois sections sont prêtes à partir.
Les cheveux rasés, dans son battle-dress un peu trop grand pour lui, chaussé de pataugas, Renato Moretti est méconnaissable. Il a déjà oublié son refus de porter l’uniforme. Le gamin est parfaitement conscient de sa métamorphose. Il a perdu ses allures de chat errant. Avec le mimétisme propre à son âge, il singe les manières décontractées d’un vieux soldat. Les hommes qui font partie du commando l’ont adopté immédiatement. Il a partagé leur repas et discuté le coup comme s’il appartenait au bataillon depuis Narvik. Gianni ne le quitte pas d’une semelle. Entre le légionnaire et l’adolescent, c’est le coup de foudre de l’amitié.
La pluie a cessé. Un brouillard translucide monte de la terre détrempée où les semelles s’enfoncent avec un bruit de ventouse.
Renato a quitté la route de radicofani que l’ennemi ne cesse de surveiller, l’éclairant de loin en loin par des fusées parachutes, et pris à travers bois, Philippe et Gianni marchent derrière lui. Les légionnaires suivent en file indienne.
Le sentier s’élève peu à peu à flanc de montagne, en lacets étagés les uns au dessus des autres. Renato avance sans effort, du pas tranquille des montagnards auquel s’adapte celui de la Légion.
Soudait le gamin s’arrête, fait signe aux hommes derrière lui de s’accroupir. Un sentier plus large croise le leur, s’enfonçant dans un bois de pins. Aplatis sur le sol humide et glissant, les légionnaires écoutent . Bientôt le martèlement d’une petite troupe en marche se fait entendre. Du bras Philippe impose le silence. Il lève lentement son pistolet mitrailleur, le doigt sur la détente, prêt à tirer s’ils sont décoouverts. Derrière lui, les hommes l’ont imité, retenant leur souffle.
Une section de Panzergrenadieren débouche à moins de dix mètres. Les Allemands marchent les uns derrière les autres. L’un d’eux dérape sur les aiguilles de pins et jure. Des rires fusent. Renato écoute, attentif, leurs pas décroître. Le commando se remet en marche. La végétation s’éclaicit. La terre spongieuse se transforme en caillasse où ne s’accrochent plus que des buissons rabougris. Le sentier jusque-là bien tracé se perd dans un terrain en pente raide que surplombent des rochers. Cette ascension nocturne n’en finit pas. Le vent souffle de l’ouest en rafales. Le piton du monte Amiata très haut au dessus de leurs têtes bouche complétement l’horizon. Le lieutenant Philippe guette avec inquiétude les premières lueurs du jour. Il consulte sa montre. Dans une heure l’est s’embrasera, mais il croit déjà déceler des traits plus clairs dans la nuit qui les environne. Renato monte toujours. Le sentier a complétement disparu, avalé par d’immenses dalles polies qui paraissent prêtes à se décoller de la pente vertigineuse. Les légionnaires arrivent enfin aux pieds d’une haute falaise. Cette barre rocheuse interdit l’accès au sommet. C’est elle qu’il faut escalader maintenant. Les hommes se regroupent autour de Renato. Ils se tordent le cou pour tâcher d’apercevoir, quarante mètres plus haut, le faîte de la montagne. La muraille est séparée en deux par uns fissure qui la zèbre d’un trait plus sombre. Renato la désigne du doigt à Gianni et à Philippe. C’est par là qu’il va grimper.
Calmement, après s’être défait de son sac, Renato enroule en diagonale sur son torse un long filin de nylon. Pendant ce temps, Gianni sort d’une sacoche un poids d’un kilo surmonté d’un anneau. Il étale sur le sol trois mouchoirs les uns sur les autres, pose le poids au centre et replie les mouchoirs par-dessus. Il extrait ensuite d’une des poches de son battle-dress un étui de préservatifs qu’il déchire entre ses dents, déroule une première capote anglaise et l’étire jusqu’à pouvoir y introduire le poids. Les légionnaires suivent tous ses gestes avec intérêt. Gianni renouvelle l’opération deux fois avec deux autres préservatifs, puis il remet le poids à Renato. Seul l’anneau dépasse de l’enveloppe protectrice. Renato le fixe à un mousqueton de sa ceinture.
Le lieutenant Philippe s’approche du gamin. Il lui presse l’épaule d’un geste affectueux d’encouragement. Renato plonge la main dans l’échancrure de sa chemise, en sort une médaille qu’il porte au cou, l’embrasse et attaque la paroi.
S’aidant des pieds et des mains, profitant des moindres aspérités sur le roc qui devient de plus en plus abrupt, Renato commence son ascension. Il s’élève lentement, le corps pris entre les deux mâchoires de la faille, mesurant ses gestes, tâtant les prises, gagnant petit à petit de la hauteur. D’en bas, les légionnaires suivent son escalade avec angoisse. Le moindre dérapage peut être fatal à l’enfant. S’il venait à tomber, son corps s’écraserait aux pieds de la muraille sans que rien n’amortisse sa chute.
Renato s’élève ainsi d’une trentaine de mètres, puis s’arrête, le corps coincé. Les légionnaires le voient repartir, mais cette fois, non plus dans la faille devenue trop étroite pour lui, mais au-dehors, le corps collé à la paroi, s’aidant, pour monter, des rebords de la fissure. C’est d’autant plus risqué que les arêtes sont tranchantes comme des lames et n’offrent presque pas de prise. Farouchement, Renato continue. A chaque effort, il gagne quelques centimètres en hauteur. Anxieux, les légionnaires n’osent pas bouger. Ils ont l’horrible impression qu’un geste ou un murmure de leur part déclenchera la catstrophe. Enfin, ils voient le gamin se rétablir sur la crête et dispara^tre dans l’obscurité.
Renato exténué, se couche sur le dos. La bouche grande ouverte, il reprend lentement sa respiration. Son cœur bat follement. Un long moment, le petit italien savoure sa joie. Il a réussi ! Cette pensée l’enivre. Pour peu il se mettrait à crier. Et déjà un cri triomphe monte à ses lèvres quan il se rappelle soudain la raison de son exploit. Il jette un regard effrayé autour de lui.
Il est sur un plateau entre les deux versants du monte Amiata. A pic du côté de la muraille, le terrain descend en pente douce jusqu’aux éperons où se trouvent les grottes. Tout est désert. Rassuré, il ddégage le rouleau de filin, fixe le poids, parcours quelques mètres jusqu’à une corniche en surplomb…
Quarante mètres plus bas, les légionnaires ont logé et arrimé quatre fusils mitrailleurs et une caisse de munition dans des pneus.
Renato laisse glisser le filin entre ses doigts. A plusieurs reprises le poids est bloqué par une aspérité. Renato lui fait franchir l’obstacle dans un mouvement de balancement. Grâce à l’enveloppe qui protège le poids, l’opération se déroule sans bruit.
Le lieutenant Philippe s’empare du poids qui pend au-dessus de sa tête. D’un coup de poignard commando, il tranche le filin au ras de l’anneau. Gianni lui tend l’extrémité d’une longue corde à nœuds. Le lieutenant l’attache solidement au filin, puis tire sur celle-ci à deux reprises. C’est le signal qu’attend Renato. Le filin remonte doucement le long de la paroi. Aux pieds de Gianni, le tas formé par la corde de rappel s’amincit rapidement.

Renato a attaché la corde à un rocher. Couché à plat ventre, il suit l’ascension des légionnaires. Bien qu’ils soient aidés par la corde à nœuds, les hommes ont du mal à se hisser les uns après les autres jusqu’au sommet. Certains se heurtent durement au rocher. On entend les armes cliqueter. Des pierres se détachent. Parvenus sur le plateau, les légionnaires s’aplatissent autour de Renato.
Lorsque le commando est prêt à s’ébranler, le gamin se glisse silencieusement dans l’ombre. Le terrain, nu, où se dressent par-ci par là des rochers aux formes étranges, n’offre presque aucune protection. Il suffirait d’une sentinelle pour que le coup de main échoue. Mais les Allemands, confiant dans la muraille, ne surveillent que la vallée et le versant d’aqua Tendente.
Au bout d’une descente qui leur paraît interminable, les légionnaires parviennent au dessus des grottes. Huit obusiers de 105 sont répartis dans ces casemates naturelles. C’est sur leur tir plongeant, précis et meurtrier à toutes distances, que les Allemands comptent pour briser l’attaque alliée.
Renato désigne une route qui plonge en demi-cercle. On aperçoit distinctement les tranchées d’accès aux grottes, raccordées les unes aux autres par des ouvrages en superstructure, creusés dans les roches.
Trois légionnaires installent rapidement un FM, de manière à prendre la route en enfilade.

 


Le lieutenant Philippe divise le commando en trois groupes. Chacun a pour mission de s’emparer d’une des grottes. Les hommes se séparent en silence et s’évanouissent dans la nuit. Tout s’est fait par signes. Aucun mot n’a été échangé. On dirait des sourds muets discutant entre eux.
Suivi de Renato et de Gianni, le lieutenant Philippe rampe sur un ressaut rocheux au-dessous duquel s’ouvre un trou sombre. En se penchant on aperçoit le tube du canon qui dépasse. Couchés de tout leur long à plat ventre, les deux hommes et le gamin sont confondus avec la roche recouverte de lichens. Le jour pointe sur les hauteurs. En bas, très loin, la vallée est encore plongée dans l’obscurité. Le lieutenant Philippe conserve les yeux rivés sur la tratteuse de sa montre.
A l’orée d’un petit bois où le brouillard s’effiloche, le bataillon attend, embusqué, l’heure de passer à l’attaque. Comme souvent avant le déchaînement de l’enfer, un lourd silence pèse sur la campagne. Aucun bruit familier ne monte dans l’air traquille, ni chant de coq, ni tintement de sonnailles. Immédiatement après le bois, s’étendent des champs en pente que la route de Radicofani traverse en longueur. Au-delà, à moins de huit cents mètres, le terrain s’élève lentement, par de larges terrasses soutenues par des murettes en pierres sèches, jusqu’au sommet du monte Amiata comparable à la carène d peu ’un navire.
Toute la nuit, des sections srutent avec inquiétude cette étendue immobile et silencieuse sur laquelle dans quelques minutes une grêle de projectiles s’abattra. Il est fou d’espérer que sur cette plaine peu accidentée, continuellement surveillée par l’ennemi, le mouvement du btaillon passera inaperçu. Dès que les premières vagues s’élanceront des rafales d’obus les écraseront,
A moins que…
L’aube est déjà assez claire pour permettre de distinguer les choses. Le lieutenant Philippe se laisse descendre, la tête la première, soutenu par une corde de rappel que Gianni, arc-bouté au ressaut, assure. Le légionnaire parvient à quelques centimètres de l’excavation. Il porte autour du cou une musette remplie de grenades. Il en découpille deux, les lance dans l’embrasure. Aussitôt après l’explosion, suivie d’un cri de terreur aiguë, il en lance d’autres.
Alors, comme à un signal, tout éclate en même temps et de tousles côtés à la fois. Renato éberlué est pris dans un cyclone. A l’attente silencieuse, presque irréelle, a succédé un extraordinaire déferlement de violence et de bruit. L’artillerie allemande se déchaîne. Tout près de lui, les légionnaires attaquent les casemates à la grenade, fauchent au FM les survuvants. Contre-attaqués sur leurs arrières, ils retournent leurs armes, se transforment en défenseurs des ouvrages qu’ils viennent d’enlever. Une mitrailleuse isolée ouvre le feu du haut du talus et balaie toute la pente.
Cependant, dans la plaine, le bataillon s’est élancé. Deux obusiers de 105 tirent encore. Les hommes courent, s’aplatissent, se relèvent, parviennent aux premières terrasses où ils se heurtent aux armes automatiques et aux mortiers allemands qu’il faut réduire les uns après les autres.
Le lieutenant Philippe entraîne Gianni et Renato. Tout autour d’eux fusent des petites gerbes de terre et des cailloux. Ils parviennent derrière le blockhaus qui n’a pas été investi. Les cadavres de deux légionnaires gisent dans le couloir rocheux qui mène à la porte. Ils ont été déchiquetés par une grenade. Renato reste figé sur place. Il ne peut détacher les yeux des deux corps mutilés qui obstruent le passage. N proie à une espèce de rage incrédule, Gianni tire au pistolet mitrailleur par-dessus les cadavres. Ses balles arrachent des éclats de bois à la porte qui résiste. D’un geste, le lieutenant l’arrête. Il bondit par-dessus les corps, enfonce la porte d’un coup de pied, lance une grenade, se plaque contre le rocher. La violence de l’explosion jette Renato au sol. De l’intérieur de la grotte, une mitrailleuse tire des rafales. Le lieutenant est toujours adossé au rocher. Les balles ricochent sur la pierre ou s’enfoncent avec un bruit mou dans les corps étendus sur le sol. Gianni comprend que les Allemands ont dû se barriader solidement à l’intérieur. Il saute à son tour par-dessus les cadavres et se jette dans la grotte en tirant. Philippe s’arrache au rocher et le suit. Leurs armes crépitent frénétiquement. Brusquement le tir s’arrête.
Renato est conscient d’un changement autour de lui, mais son cerveau ne parvient pas à en saisir la nature. Il relève la tête. Le lieutenant Philippe se tient dans l’embrasure de la porte. Son visage est très pâle. Le fracas des armes s’est éloigné. Secoué par des nausées, Renato se met péniblement debout. Il s’avance comme un automate, enjambe les cadavres, s’approche du lieutenant. Celui-ci s’efface pour le laisser entrer.
Gianni gît sur le dos, la main droite encore crispée sur son pistolet mitrailleur, les yeux fermés. Renato le regarde, incrédule. Quelques minutes plus tôt, le grand légionnaire italien était en vie, et Renato lui parlait. Maintenant il est figé dans une immobilité telle qu’elle semble artificielle. Il va sûrement se passer quelque chose d’inouï, quelque chose de fantastique dont cette immobilité bizarre est l’annonce. Mais rien ne se produit. Aucun miracle ! Gianni ne se relève pas. Renato comprend qu’il ne bougera pas. De lourdes larmes silencieuses se mettent à couler sur son visage d’adolescent trop vite mûri par la guerre.
Le bataillon quitte Aqua Tendente. Devant la mairie et le long de la route de départ, des camions attendent, comme enracinés par leurs six roues dans la boue visqueuse qui recouvre tout, les décombres, la chaussée défoncée, les véhicules, les hommes… Les légionnaires, ployés sous le faix du paquetage, des armes, des cartouchières, se tiennent en groupes compacts, section par section, guettant l’ordre d’embarquer. Comme toujours il y a du retard. Les hommes grommellent : impossible de s’asseoir dans la boue où l’on enfonce par endroits jusqu’aux genoux. Les caisses de grenades, les cartons d’obus de mortier, empilés sur le bord de la route, offrent aux plus malins quelques rares sièges. Les autres attendent, debout, le visage maussade. Ils ont perdu le compte des jours et des nuits passés sous une pluie battante dans la glu noire des montagnes. Huit, dix jours peut-être, sans avoir eu la chance de changer de vêtements, de s’enrouler pour dormir dans une couverture sèche, d’enfiler une paire de chaussettes qui ne soit pas un torchon pourri… Sur la place de la mairie, la compagnie du lieutenant Philippe attend comme les autres. Au début, des plaisanteries, des encouragements, des rires donnaient à ce rassemblement un petit air de parade malgré les uniformes boueux. A présent, les jambes flageolantes, les mains crispées sur les bretelles de leurs paquetages, les légionnaires, la bouche mauvaise, piétinent sous la pluie comme un troupeau dans un parc. Parmi eux, un visage jeune, souriant, un uniforme tout neuf, encore sec : le légionnaire Renato Moretti.
Après la prise du monte Amiata, le jeune italien a demandé son incorporation au bataillon. Aux questions du capitaine Grandjean, il s’est contenté de répondre qu’il prenait la place de Gianni. Pour Renato cette longue attente fait patie de l’excitation du départ. Il n’en voit pas le côté accablant. Tout est bien trop nouveau, l’amitié des hommes, la griserie d’appartenir à un corps de combat, l’acier des armes, le sentiment d’invulnérabilité que lui donne cette multitude dont il sent gronder la puissance comme l’orage invisible au fond d’un ciel clair. Mais à mesure que le temps passe, les sourires amicaux, les clins d’œil, les petits signes qui le remplissaient de fierté, se font rares. Il n’y a plus autour de lui que des visages renfrognés, hostiles. Renato commence à se demander avec inquiétude s’il est toujours le bienvenu, si on veut toujours de lui.
Brusquement des ordres fusent. 3O part. » Les légionnaires s’ébrouent, assurent leurs paquetages, saisissent leurs armes, forment les rangs. « On part ! » Le mot court le long de la colonne…
Alida traverse précipitamment la place. La jeune fille cherche son frère, l’aperçoit qui grimpe dans un camion. Elle se précipite, glisse, se rattrape. Mais le camion s’est ébranlé. Les légionnaires penchés sur le hayon la voient. Des mains amicales s’emparent de Renato, le poussent, le tirent, le retiennent solidement quand il se penche par-dessus le rebord du hayon. Alida court de toutes ses forces, le visage levé vers lui. Ses yeux sont pleins de larmes. Leurs mains se touchent, s’agrippent. Le lourd véhicule prend de la vitesse. Des gerbes de boue giclent sous les roues. Renato arrache sa main à l’étreinte de sa sœur. La jeune fille fait encore quelques pas, puis s’arrête…
Un camion la dépasse, un autre d’où jaillissent des plaisanteries et des rires. Accrochés aux ridelles arrières des soldats inconnus la dévisagent. Alida hausse les épaules et reprend lentement le chemin d’Aqua Tendente.

 

20151107 - La bataille de Radicofani

20220629 - Nos artistes Légion ont du talent...

Nos artistes légionnaires ont toujours agrémentés nos quotidiens et nos environnements; ils ne manquèrent jamais de répondre favorablement à toutes nos sollicitations artistiques. C'est Rosenberg, Just, Marin et aujourd'hui, entre autres artistes légionnaires, Louis Perez y Cid qui nous représente souvent lors d'expositions où  son talent surprend et confirme sa sensibilité dans bien des domaines...

Petit clin d'oeil à un artiste qui mérite d'être mis sous les feux de la rampe...

 

Pour un esprit libre amoureux de la peinture, l'observation n'est jamais servitude. Elle l’incite, au contraire, avec force à s’évader… Où qu’il soit, il rencontrera les prétextes de l’enchantement qui le poussera à vouloir peindre et découvrir par impulsions et sensibilité, la beauté de toute création artiste, à la manière innocente des enfants.

 


C’est un peu un rêve enrobé d’optimisme et de rigueur, conséquence heureuse d’un temps où son passage à la Légion lui laisse entendre d’une toute petite voix que rien n’est jamais acquis et que la chance se mérite ? D’instinct, place nette doit se faire à tous ses acquis, ce fils d’immigré ne s’embarque jamais dans une aventure picturale sans un peu de concret, il lui faut toujours garder un fil conducteur et ne jamais naviguer dans le brouillard, la conduite prudente s’impose et pourtant quand folie lui prend, quel régal...

Dans ces instants intimes et combien précieux, touchés par une forme de bénédiction magique, son art se transforme en épouvantails déployés en mille et une facettes : ville, plein air, portraits, paysages, scènes de vie, qui façonnent les songes en s’incarnant et s’exposant en une explosion multicolore, lutte passionnelle où se mélangent pastels, huiles, aquarelles, créations vivantes des formes en mouvements de masses associés, complices généreuses des ombres et des lumières.


Andréas Rosenberg son maître lui a donné le goût de peindre et lors d’une belle rencontre il prit conscience que la magie du peintre est avant tout d’oser exploiter une certaine liberté avec le motif inventé: « la peinture, mon jeune ami, n’est qu’une hypothèse », il entendait par ces propos que les choses sont colorées et envoutées par le travail, l’expérience et les souvenirs, tout s’amalgame à une puissante colle, celle de l’aventure humaine. Alors, et alors seulement, nait du néant une œuvre d’art. A certains résultats, certains niveaux de réalisations, l’artiste pourrait même côtoyer les anges et copiner avec Dieu lui même sans qu’il n’en ressente la moindre prétention, sans qu’il en ait réellement conscience…

Louis fit sienne cette idée et se remis en tête les propos du vieux maître : « seules les nourritures terrestres sont assimilables par les usagers de la vie et pas plus en peinture qu’en poésie, on ne sait parler, sans dire tout et rien, surtout quand l’art se fait abstrait et qu’il faut des mots et des explications pour qu’il devienne compréhensible »…


Remonter à l’origine des techniques, le métier l’aide, modestie oblige, à redevenir le plus vrai possible, à donner vie à un portrait. Vagues, nuages, personnages de bande dessinée, tous obéissent et se plient à satisfaire leur créateur aux inspirations lumineuses ou la fantaisiste est la rigueur se partagent en folle sagesse.

Qu’il l’ait cherché ou non, sa peinture ressort de l’imagerie. La "révélation-message" de « Rosenberg » lui permet de connaître un chemin parsemé de passion qu’accentuent avec parcimonie et mesure, le bon goût et l’intensité colorée du beau.
Tout en évitant de se retrouver prisonnier de la couleur, Louis sait naturellement s’extirper du besoin de s’expliquer, ses innovations picturales éclairent les formes par une lumière naturelle descendue du ciel. Il lui arrive même de donner à la couleur une certaine noblesse en exaltant les parties les plus cachées au mépris de tous les usages, chargeant ses tableaux de couleurs chaudes contrastées avec celles des ombres les plus froides.


L’ingéniosité est chez lui mêlée d’ingénuité. Il fait découvrir dans ses portraits (vieil arabe) des rythmes, un pittoresque immortel où l’habileté consiste aussi à enrichir un patrimoine humain des plus expressifs.
L’admirable, c’est la diversité que seul le mot « arbitraire » permet à Louis d’inventer à chaque étape des équivalents inattendus, ainsi dans la « féria » les couleurs éclatent, les violets virent au bleu invitant aussitôt pensé à changer de perception en regardant dominer, d’une manière inattendue, des nuances de pourpre, magique ! C’est alors, une contemplation récompensée, une explosion de mouvements colorés, un jeu subtil de permutations de couleurs, puissance d’un goût indiscutable que laisse apparaitre l’ensorcelante révélation où chaque tableau aussitôt rêvé est perçu.

Toutes les audaces sont permises quand la fraicheur et l’intensité de l’aventure créatrice lui permettent de rendre réel un simple rêve.
Louis Perez Y Cid, un magicien.

136, allée des Mesanges - résidence "Tiaré" - 83 470 - Saint Maximin la Sainte Baume.

CM

20220604 - Assemblée Générale du samedi 14 mai 2022

 

Assemblée Générale du samedi 14 mai 2022

 

Accueil par le Président de l’Amicale du Larzac:

L’adjudant-chef (er) P. BRISSE prenant la parole souhaite la bienvenue à tous les congressistes et précise que l’ensemble des membres de son amicale présent, est là pour veiller aux besoins et à la satisfaction de tous.

Prise de parole du général de corps d'armée (2s) Robert RIDEAU:

Président d'honneur de ce 33ème Congrès, le général RIDEAU intervient avec un discours particulièrement apprécié de tous.

Intervention du Général Alain LARDET:

Le Général COMLE fait un point de situation sur la Légion d’aujourd’hui.

AG

Rapport moral et d'activités:

Le Général Rémy GAUSSERÈS Président de la FSALE, présente son rapport comme suit :

Depuis le 32ème Congrès de la FSALE organisé à Nîmes, les années 2020 et 2021 ont été très bahutées. La France a été ralentie par une longue série de confinements et nous avons appris à la mi-mars 2020 par le président de la République que nous étions « en guerre ».
- Mais vous, les anciens de la Légion, vous avez su réagir dans vos amicales et rester debout. Malgré des protocoles contraignants les amicales allemandes ont envoyé 13 000 litres de liquide hydro-alcoolique à Puyloubier et à Auriol, ainsi que des masques et des gants. En France des anciens se sont proposés comme brancardiers bénévoles dans leurs mairies, une amicale a réuni des fonds pour offrir un lit médicalisé. A Rennes l’amicale a publié trois livres, témoignages d’anciens légionnaires sur leurs guerres d’Indochine et d’Algérie ; à Bordeaux l’amicale a édité plusieurs DVD selon le même principe de recueil de témoignages d’anciens de la Légion étrangère.
- Au bureau à Paris la Fédération a continué à conduire une action sociale dynamique, déterminée par son comité de Solidarité et en cohérence avec les actions conduites par les autres acteurs sociaux, Foyer d’Entraide de la Légion étrangère (FELE), Fédération nationale André Maginot (FNAM), ONAC-VG, Terre-Fraternité, et toujours en liaison avec nos présidents d’amicales sur le terrain : cet appui financier de l’ordre de 120 000€ va au profit d’anciens qui demandent de l’aide, à des veuves avec enfants, au chômage et endettées. Ce soutien se prolonge par des visites aux hôpitaux de nos légionnaires blessés.

L’effort principal de la FSALE demeure l’Accueil-Placement des Jeunes Anciens Légionnaires (JAL). Le Bureau mobilise ses forces pour moderniser le système existant, aidé par un concepteur-développeur informatique pour mieux prendre en compte les attentes des JAL et les priorités des recruteurs, dans le respect des normes imposées par la CNIL. Les employeurs apprécient chez nos JAL le sens des responsabilités, de la discipline, leur esprit d’initiative et leur disponibilité. En 2020, malgré le confinement national, quarante-cinq JAL ont été aidés à trouver un emploi. En 2021 plus d’une centaine ont été embauchés, principalement en Ile-de-France, en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie.

Les buts de la FSALE sont fixés dans nos statuts : défendre les intérêts moraux et administratifs des associations qui la composent ; coordonner leurs actions et resserrer leurs liens de solidarité. Cela se traduit par une collaboration permanente avec l’ONAC-VG, la FNAM, les Gueules cassées, l’Union Nationale des Combattants, le Souvenir Français et la Saint-Cyrienne. Nous menons ces actions en coordination et en totale synergie avec le général commandant la Légion Etrangère.
Sans faire de bilan exhaustif de ces trois années, nous pouvons citer ici quelques réunions :
- Comité National d’Entente : en 2020, échanges avec Mr Benjamin Stora le 8 octobre ; première visio-conférence le 27 novembre. En 2021, le 17 mars seconde visio-conférence sur l’avenir du « monde combattant » et l’étude du rapport du CGA François ROBERT sur l’évolution du nombre de ressortissants de l’ONAC-VG.
- FNAM : en 2020, les 14 et 15 octobre Assemblée générale à la Grande Garenne et élection du nouveau président, le général Robert RIDEAU, ancien président de la FSALE ! En 2021 Congrès à Nancy avec vote pour l’avenir de la Grande Garenne et une proposition de mise en vente du domaine.
- Cérémonies nationales : en 2020, ravivage de la Flamme à l’Arc de Triomphe le 8 juin pour honorer les morts pour la France pendant la guerre d’Indochine. Le 14 juillet participation aux cérémonies Place de la Concorde. En 2021 participation aux cérémonies à l’Arc de Triomphe avec dépôt de gerbe pour tous les légionnaires morts pour la France.
- Activités spécifiques de la FSALE : deux AG se sont tenues à huis clos au 15 Avenue de la Motte-Picquet, le 5 novembre 2020 et le 3 juin 2021. Participation aux remises de cadeaux aux légionnaires pensionnaires aux Invalides avec le général COMLE : en 2020 le 14 décembre. En 2021 le 13 décembre.
- Enfin au-delà des réunions de prise de décision ou de conception, il y a eu les temps marquants de la disparition de nos frères d’armes du Bureau à Paris. Je souhaite citer ici :
- mars 2020 décès du Major Hubert Midy
- septembre 2020 décès du général Jean-Pierre Jacob
- juin 2021 décès du colonel Jacques Villerot ; nous ne les oublierons jamais.

La Fédération des sociétés d’anciens de la Légion étrangère regarde en avant et se tourne vers l’avenir. Le secret de sa vitalité authentique repose sur le principe simple de la solidarité légionnaire et sur les rapports directs et chaleureux qui se transmettent de président d’amicale à président d’amicale. Au moment où, atteint par la limite d’âge, je quitte la présidence de notre belle Fédération, je tiens à exprimer ma gratitude à celles et à ceux qui ont accompagné et rendu possible mon action.
Un nouveau président va reprendre le flambeau. Je lui souhaite la meilleure suite au service de ceux des anciens légionnaires qui ont besoin de notre soutien et de leurs familles éprouvées.

Soumis au vote ce rapport est adopté à l’unanimité moins une abstention.

 

Rapport financier et rapport du Vérificateur aux comptes:

Le colonel (er) Jean-Paul BLANCHARD, trésorier de la FSALE, détaille ensuite le bilan financier de la Fédération.
Le bilan 2021 a été vérifié et certifié par Monsieur Laurent GODEFROY, expert-comptable
Soumis au vote ce rapport financier est adopté à l’unanimité.

 

Point de situation sur les Amicales:

Le colonel Jean HABOURDIN, DG de la FSALE expose ensuite un point de situation sur les Amicales:

En quelques minutes, il n’est guère possible de rendre compte de façon exhaustive des activités de l’ensemble des amicales depuis notre dernière AG. Ce sera donc un bilan quantitatif et un coup de projecteur d’une amicale atypique « l’amicale Vert et Rouge ».

Nos amicales:

La FSALE tire encore sa force du nombre d’adhérents de ses amicales :
elle regroupe aujourd’hui 117 amicales dont une trentaine se trouve à l’étranger, inégalement réparties sur les cinq continents.
Ces amicales sont les parties d’un ensemble vivant et donc évolutif dont le bilan est aujourd’hui en baisse, quant au nombre d’adhérents : 8900 effectivement à jour de leurs cotisations.

L’amicale « Vert et Rouge »:

Cela fait maintenant douze ans que l’AALE « Vert et Rouge » a vu le jour : créée le 3 avril 2010 à l’initiative du Président de la FSALE de l’époque, le Général Robert Rideau, c’est le Général Jacob qui en fut le premier président pendant plus de 10 ans.
Répartis à travers le monde ou en France en attente d’une amicale près de chez eux, ou encore dans l’attente d’un point de chute définitif, si nos Anciens tout comme nos jeunes anciens légionnaires (JAL) quittant le service actif se voient dans l’impossibilité d’aller grossir les rangs d’une amicale, qu’à cela ne tienne, « Vert et Rouge » vient à eux, moyennant un outil de communication et un réseau efficaces.
Elle accueille gracieusement la première année tous ceux qui quittent la Légion d’active, mais aussi beaucoup de sympathisants aux profils des plus variés, ce qui en fait sa richesse.
Cette amicale virtuelle dans la mesure où la majorité des échanges se font en ligne, véhicule une volonté bien réelle de partage et d’entraide entre camarades et ses rangs ne cessent de grossir.

L’accueil et le placement des légionnaires nouvellement retraités:

Le colonel (er) HABOURDIN en charge du dossier à la Fédération, poursuit alors :

Le constat : le profil type dont nous nous occupons est un Jeune Ancien Légionnaire (JAL), qui a quitté le service actif entre 5 et 8 ans de services ou au-delà de 16 ans (Cch, S-Off ou Off.). Il est alors pris en charge par des acteurs :
- spécifiques : FSALE, BARLE, amicales, ONACVG,
- ou institutionnels : ARD, pôle emploi.

Avec pour cheminement :
1 objectif = retour à l’emploi d’un maximum d’anciens
1 volonté = éviter le déclassement et la paupérisation
1 chemin = la cohérence et la synergie des actions COMLE-BARLE / FSALE

La Banque pour l’emploi des légionnaires (BEL):

En tenant compte de ces constats et objectifs, nous avons décidé :
- de moderniser le système FSALE existant (qui devait être ouvert fin mars 2020 – début du 1er confinement), aidé par un concepteur-développeur informatique pour mieux prendre en compte les attentes des JAL, faire face aux cyber-attaques et aux priorités des recruteurs, dans le respect des normes imposées par la CNIL,
- d’identifier des CAP – Conseillers Accueil Placement (civils bénévoles, retraités récents ou anciens officiers disponibles) hors amicales sur les bassins d’emploi où se retirent nos JAL : C’EST UN BESOIN URGENT ET IMPERIEUX !

Le CAP a pour but d’établir le contact JAL (Jeune Ancien Légionnaire) – employeur potentiel, de développer avec eux une relation de confiance, de mettre à disposition du JAL une méthode et un réseau, de l’accompagner jusqu’au but en faisant preuve de discernement.

Pour mémoire : l’outil informatique : BEL est capable d’accueillir les offres d’emploi des entreprises démarchées ou qui nous démarchent et de les proposer aux JAL (internet – téléphone etc. …), éventuellement sous la médiation du CAP…

Se faisant, la FSALE affirme sa volonté de permettre à chaque JAL ou ancien, s’il le souhaite d’accéder ou de retrouver un emploi.

La communication:

Le chef de bataillon (er) Christian MORISOT prend la parole :
« Je ne saurai pas commencer mes propos sans rappeler que communiquer, c’est avant tout échanger, mais cela ne saurait se faire à sens unique…
Ce qui me semble important, c’est de revoir aujourd’hui, ensemble les moyens mis à notre disposition pour communiquer :
En premier, le site de la FSALE :  www.legionetrangere.fr (cliquez).
Le site est alimenté pratiquement chaque jour et semble donner satisfaction. Une possibilité vient d’être mise en place où chaque visiteur peut désormais intervenir en plaçant un commentaire à chaque article proposé.
Un constat s’impose, celui d’une concurrence des réseaux sociaux et en particulier « Facebook » où de nombreuses amicales possèdent une page et placent de nombreux articles sans souci de communiquer ces derniers sur le site FSALE. Pourtant une précision doit être dite : le site FSALE est l’organe de liaison officiel qui permet à toute la Légion des Anciens de savoir ce qui se passe dans les Amicales.
Le second moyen est « Képi Blanc » :
Nous avons la chance et l’honneur d’avoir parmi nous à cette AG, le capitaine Maël Couty, rédacteur en chef de KB. Ensemble nous avons un réel souci, celui concernant l’intérêt des textes qui finissent tous par se ressembler l’un, l’autre et surtout qui n’intéresser que les membres de l’Amicale concernée… A ce sujet, nous envisageons une restructuration de la mise en page qui permettra à toutes les amicales qui nous adressent un article et photos de paraître dans le magazine.
Affaire à suivre…
Par ailleurs, je remets en mémoire que, si le choix des photos ne pose aucun problème particulier pour le site, il n’en est pas de même pour « Képi Blanc » qui demande une propriété et une qualité indispensable…
Concernant « KB », un rappel s’impose : « Aucun article ne doit être adressé directement à la rédaction, il faut envoyer les articles aux adresses suivantes :
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En conclusion :
Tous les 3 ans, le langage est le même, l’intervention de la COM est identique, il suffirait de reprendre les écrits des précédents congrès, jusqu’à quand ? Il est temps de se faire écouter et d’écouter : comme dit précédemment : « la communication doit être, sous formes d’organes de liaison, l’information de ce qui se passe dans la plus petite Amicale ainsi que dans celles de toute la Légion des Anciens doit passer. »

Nous avons et aurons la communication que nous méritons !

 

Point de situation sur la Maison du Légionnaire:

Le général LE FLEM, concernant la Maison du Légionnaire explique :
La Maison du Légionnaire est apparue indispensable dès 1934 pour héberger d’anciens légionnaires sous-officiers ou militaires du rang retraités, réformés ou sans retraite. C’est aussi le nom de l’association loi 1901 créée en 1931.
Situé au bord de la Vède, sur la commune d’Auriol, au début de la route montant à la sainte Baume, le domaine de la Maison du Légionnaire d’une surface de 2 ha, comprend 7 bâtiments d’hébergement de taille variable permettant de loger 75 pensionnaires.
L’accès à la Maison du Légionnaire est réservé aux anciens sous-officiers et légionnaires titulaires du CBC, autonome physiquement et pouvant payer pension.
La maison fonctionne avec un directeur, un directeur adjoint administratif et un cuisinier salariés. Le restant des tâches indispensables au fonctionnement courant : entretien des espaces verts, service à table, courrier, conduite des véhicules, barman du club, etc... est assuré par des pensionnaires volontaires et physiquement en bonne santé.
L’un des défis de la Maison est d’avoir un recrutement « mixte » et équilibré de jeunes anciens permettant la réalisation des services bénévoles variés et de d’anciens beaucoup plus avancé en âge.
Par ailleurs, la Maison bénéficie du soutien financier du COMLE/FELE, d’associations (FSALE, UBFT, Maginot), de l’aide des régiments, des amicales qui sont toujours les bienvenues à Auriol.
Actuellement l’effectif des pensionnaires est de 48. Le bon chiffre serait de 60.
Le président a fait appel aux amicales pour qu’elles détectent des anciens dans leur environnement qui pourraient, compte tenu de leur situation personnelle, devenir pensionnaires à Auriol.
Le deuxième défi de la Maison du Légionnaire est la reconstruction du bâtiment Cattanéo en lieu et place de celui existant complètement insalubre : l’objectif est de réaliser 16 studios d’environ 17m² chacun avec terrasse ombragée. Pour parvenir à cet objectif une souscription a été lancée : dons à adresser à la FSALE avec la mention
« Maison du Légionnaire, challenge Cattanéo ». En parallèle des dossiers de subventions ont été établis auprès des collectivités territoriales et de fondations connues.

Point de situation de la SAMLE (Société des Amis du Musée de la L.E.):

Président de la SAMLE, le général (2s) PICHOT de CHAMPFLEURY précise les points suivants :

- la SAMLE est une association créée en 2003, relevant de la loi de 1901 et elle compte 646 adhérents,
- sa mission est de soutenir le Musée par : le développement, la conservation, la mise en valeur et le rayonnement du patrimoine Légion pour un budget de 70 K€, permettant de la souplesse en gestion et 85 % de dépense opérationnelles.

Les actions récentes de la SAMLE :
- achat de la collection ZINOVIEW pour un montant de 15 000 €,
- achat d’un second tableau de MARINO (350 €),
- Restauration du tableau de BEAUCE (Combat de Camerone dans la salle d’honneur) pour un coût de 30 000 €,
- Mise à l’abri des uniformes de Puyloubier (21 252 €)
Au bilan : une dépense total pour l’entretien du patrimoine de 66 602 €

Mais aussi des expositions temporaires :
- Exposition Noël légionnaire 2019 (147 000 €)
- Exposition ZINOVIEW 2018 (30 000 €)
- Exposition INVICTUS 2021 (30 000 €)
- Exposition « du Maroc au Levant » (31 000 €)
- Exposition « de Sidi bel Abbés à Aubagne » (30 avril 2022 à janvier 2023)
Soit un total pour ces 5 expositions, de 136 000 € en 5 ans !

Sans oublier les salles d’honneur des régiments - 36 600 € en 5 ans :
• 2018 : 1er et 2ème REG (8000 €)
• 2019 : 2e REP (8000 €)
• 2020 : 2e REP (6000 €) – 4e RE centenaire (4000 €) – 13e DBLE livre (3000 €),
• 2021 : 1er REC centenaire (4000 €) - GRLE neutralisation des armes (3600 €),
• 2022 : 1er RE (3000 €)

Une somme totale donc de 239 000 € pour le Patrimoine Légion

Enfin, l’action de l’année : la participation à la conception du livre « de Sidi bel Abbés à Aubagne » dont 30% des ventes seront reversées à la SAMLE

Comment aider la SAMLE :

- En adhérant (votre AALE et vous-même)
- En relayant les informations de notre page Facebook,
- La SAMLE reçoit aussi des dons….

Questions diverses:

L’ordre du jour étant épuisé et aucun participant à cette assemblée générale n’ayant souhaité s’exprimer davantage, le Général GAUSSERÈS a levé la séance à 12h00.

1895-1905 Madagascar

 

 

1895-1896 : expédition militaire française à Madagascar.

L’intervention française à Madagascar fut provoquée par la non-exécution des clauses du traité de 1985 qui avait établi un Protectorat de la France sur l’île. Les Français y étaient constamment molestés et le gouvernement Hovas se refusait à poursuivre les auteurs d’attentats devenus de plus en plus fréquents. ‘’Les Sakhalaves, les Antankares et les Antaimours n’ont jamais accepté la suprématie des Hovas qui leur ont imposé des fonctionnaires oppressifs et concussionnaires’’.

En 1895, la France doit envoyer une nouvelle expédition.

 

  • Le 1er Etranger forme avec le 2ème régiment un bataillon de marche qui dépend du ‘’Régiment Algérie’’, de l'armée d'Afrique, composé d’un bataillon de légionnaires et deux bataillons de Tirailleurs algériens, sous les ordres du colonel Oudri du 2e régiment étranger. Placé sous les ordres du commandant Barre, l’effectif du bataillon étranger, formé à Sidi-Bel-Abbès, s’élève à 22 officiers, 46 sous-officiers et 772 légionnaires.

Le 4 avril 1895, le bataillon de marche s’embarque à Oran.

  • Le bataillon est fort de quatre compagnies ; la 1ère du capitaine Perrot, la 2e du capitaine Courtois, la 3e du capitaine Bulot et la 4e du capitaine Sardi.

Le 23 avril, le bataillon débarque à Majunga dans des conditions incroyables : la baie de Bombetoka, à l’embouchure de la Betsiboka, offre un plan d’eau magnifique mais l’ensablement par les alluvions oblige les transports à mouiller loin de terre. Les vapeurs qui arrivent se disputent un vieux ponton charbonnier, les baleinières doivent s’échouer loin du rivage.

  • Le Régiment Algérie prend sa place dans la colonne mobile du général Metzinger. Il constitue l’avant-garde des troupes du général Duchesne, commandant l’expédition.

Des soldats musulmans combattent à Madagascar sous le drapeau français.

Fin avril 1895, les hostilités commencent avec la prise d’un bourg nommé Marovoay, au fond de la grande baie à l’embouchure de la rivière, par deux bataillons de tirailleurs sénégalais et une compagnie d’infanterie de marine. Les Hovas fuient comme des lapins, y compris le chef Ramastombozaba. 

  • L’objectif est Tananarive, quatre cents kilomètres au sud, dans la montagne.
  • Les légionnaires marchent avec l’avant-garde. Pas d’ennemi en vue. Les Hovas retraitent sans interruption, maintenant toujours une trentaine de kilomètres entre leur arrière-garde et l’avant-garde des Français. Les fièvres et la dysenterie frappent les deux camps.

Le 1er juin 1895, la Légion bivouaque au camp des Hauteurs dénudées. Cent kilomètres ont été franchis depuis Majunga. Les hommes sont rouges de la tête au pied, ainsi que leurs paquetages, les mulets ; la colonne est rouge par la poussière des sentiers de l’Ile Rouge.

  • Assez vite, les vraies difficultés surgissent pour le corps expéditionnaire, condamné à se battre sur plusieurs fronts ; Hovas, climat, conditions naturelles.
  • Les Hovas ne sont pas les plus dangereux. Ils tiraillent de loin sans grande précision et utilisent mal leurs armes. Par contre, la nature offre d’autres obstacles : marécages aux miasmes morbides, fourmis aux piqûres venimeuses, moustiques porteurs de fièvres, caïmans flottants entre deux eaux dans les marigots.
  • Décimé par la maladie, le corps expéditionnaire n’avance pas. Il gagne à peine deux à trois kilomètres par jour, laissant constamment des tombes derrière lui.
  • Expérimentés et aguerris, les légionnaires résistent mieux.

Le 6 juin 1895, l’avant-garde traverse par sections, à bord de la canonnière l’Invincible, la Betsiboka, large de 450 mètres. Les Hovas interrompent leur retraite et se retranchent dans un grand village nommé Maevatana.

Le 9 juin 1895, les légionnaires, les tirailleurs et les chasseurs à pied marchent à pied sur ce village ; la pente est rude ; un ou deux canons tirent d’un fortin perché sur une crête. Les obus mal dirigés n’explosent pas. Le général Metzinger donne l’ordre d’expérimenter quelques obus à la mélinite, nouvelle invention. Le premier de ces projectiles explose juste au-dessus du fortin. Une clameur s’élève dans une palpitation de lambas blancs et les survivants disparaissent au-delà de la crête rouge. Un légionnaire plante le premier de drapeau sur l’ouvrage.

  • Les Hovas abandonnent à Maevatana 700 fusils et 5 canons dont 3 Hotchkiss à tir rapide ; les artilleurs hovas ne connaissaient pas les fusées d’éclatement et se servaient de leurs projectiles comme des boulets. Les fantassins hovas ne savaient pas employer la hausse des fusils.
  • Dix pour cent des hommes du corps expéditionnaire, au moins, sont maintenant hors service. Un hôpital de campagne est installé en hâte à Suberbieville. Certaines unités ont perdu plus du tiers de leur effectif. Le fameux 200e de ligne, dont le chef de corps, le colonel Gillon, a succombé, compte 1 500 malades hospitalisés. Le ravitaillement arrive à Majunga par eau avec des canonnières tirant des chalands et les denrées sont ensuite transbordées à bord de pirogues. • Le général Duchesne décide alors de construire une route pour utiliser les 5000 voitures Lefèvre.
  • Il décide de rester à Suberbieville pendant que le Génie, la Légion et d’autres contingents prélevés sur les deux brigades entreprennent cet ouvrage. 160 kilomètres à construire ; Un demi-tour pour se mettre au travail sur la partie la plus malsaine du trajet.
  • Le 12 juin, la Légion commence sa portion de route entre Beratsnana et la rivière Mandroya. Les hommes du Génie et les légionnaires résistent le mieux au climat mais les terrassiers des autres corps font pitié. Chaque jour, les gradés comptent les manquants.
  • L’hôpital de Suberbieville devient chaque jour plus insuffisant et le cimetière est agrandi.
  • Le 14 juillet 1895, le général Duchesne ordonne une prise d’armes et une revue pour célébrer la fête nationale. Tout le monde doit y participer, même les convoyeurs kabyles. En dernier lieu, la Légion, dont le défilé a toujours fait tout oublier.

 Le 16 juillet, la piste carrossable est construite de Majunga à Suberbieville, et même un peu au-delà ; le corps expéditionnaire-bulldozer reprend sa marche en avant, deux kilomètres par jour. 

  • Construisant la route et se battant, ne s’arrêtant de se battre que pour poursuivre la construction de la route, la colonne française met trois mois et demi pour arriver au but.
    • L’objectif est Tananarive, quatre cents kilomètres au sud, dans la montagne.
    • Construisant la route et se battant, ne s’arrêtant de se battre que pour poursuivre la construction de la route, la colonne française met trois mois et demi pour arriver au but.

Fin juillet 1895, après un simulacre de combat, l’armée Hova abandonne la solide position d’Andriba, porte des Hauts Plateaux. La route y arrive le 26 août.

  • Le général décide de constituer une colonne légère de 4 000 hommes qui foncera à marche forcée sur Tananarive. Une fois encore la Légion est en tête. La colonne part le 14 septembre.
  • Le bataillon de la Légion, avec 19 officiers et 350 légionnaires, marche en tête de cette colonne ; il est mené par le capitaine Brundseaux et les lieutenants Martin et Tahon.

Le 20 août 1895, après 37 jours de progression insensée, la colonne principale atteint la région d’Andriba où les Hovas sont retranchés. La position est magnifique. Le mont d’Andriba, à 900 mètres d’altitude, s’érige au-dessus de la plaine comme un fort colossal, défendu à son pied par des batteries à tir rapide, à mi-hauteur par de l’infanterie dissimulée dans une brousse propice ; au sommet, deux pièces Hotchkiss commandant tout l’alentour. Le général Duchesne ordonne un repos de quelques heures et remet l’assaut au lendemain. Seule l’artillerie tonne et réduit au silence l’artillerie hova.

  • La reine a donné l’ordre aux défenseurs de tenir jusqu’à la mort.

Le 21 août, aux premières lueurs du jour, la colonne se remet en marche vers les retranchements d’Andriba, porte des Hauts Plateaux ; l’avant-garde les trouve vides. Tous les ouvrages de la position si bien armés ont été abandonnés par les défenseurs hovas après le simulacre de combats de la veille. Mais 200 kilomètres séparent la colonne de Tananarive tandis que la saison des pluies approche. Or la troupe est fatiguée. Les unités sont exsangues.

  • La Légion elle-même a perdu son commandant Barre. Le capitaine Rabaud l’a remplacé.

Le 23 août, à Mangasoavina, le général décide d’arrêter la construction de la route et de constituer une colonne légère de 4 000 hommes qui foncera à marche forcée sur Tananarive. Une fois encore la Légion est en tête. Les voitures Lefebvre sont abandonnées et les mulets sont chargés au minimum. La colonne comporte 237 officiers, 4 013 soldats et gradés, 1 515 convoyeurs auxiliaires, 266 chevaux, 2 809 mulets, 12 pièces de montagne avec 1 116 projectiles, 140 cartouches par homme et 22 jours de vivre. La colonne part le 14 septembre.

Le 26 août, la piste carrossable arrive à Andriba. Et les Français occupent la position forte sans tirer un seul coup de feu. L’ennemi véritable est la route de la mort.

Le 10 septembre 1895, la Légion reçoit d’Algérie un renfort conduit par le capitaine Brundseaux et 2 officiers et 147 hommes. La plupart des renforts nécessaires pour boucher les trous causés par la route, sont fournis par les formations et les services de l’arrière.

Le 14 septembre, la colonne se met en marche, suivant la piste malgache qui serpente au flanc des hauteurs rocheuses bordées de précipice. C’est la colonne ‘’Marche ou Crève’’.

  • Le bataillon de la Légion, avec 19 officiers et 330 légionnaires, marche en tête de cette colonne ; il est mené par le capitaine Brundseaux et les lieutenants Martin et Tahon.

Le 15 septembre, les légionnaires enlèvent le défilé de Tsinaïmondry.

Le 17 septembre, la colonne livre combat au col de Kiangara.

Le 19 septembre, un obstacle naturel barre la route de Tananarive : les monts Ambohimemas, culminant à 1 500 mètres. Les Hovas y ont construit 14 ouvrages. Ces forts sont simultanément, par les deux brigades de la colonne, tournés et attaqués de front. La manœuvre permet de les prendre à revers. Dès qu’ils se voient menacés d’encerclement, les Hovas abandonnent leurs canons et leurs fortins pleins de munitions et se sauvent à toutes jambes. La bataille est finie avant d’avoir réellement commencée. Et la marche en avant reprend.

  • Cette première victoire provoque une panique à Tananarive. Les habitants s’enfuient vers la campagne. La reine décide de rester. Le Premier ministre lève en hâte une nouvelle armée de 2 000 hommes en assurant la reine qu’elle est en mesure de s’opposer aux Français.

Le 28 septembre, après avoir fait opérer à sa colonne un vaste mouvement tournant pour attaquer la ville par le sud et par l’est, le général Duchesne lance six colonnes convergentes dont l’objectif est le palais de la reine. Les militaires français signalent des actions éparses, des velléités de résistance rencontrées ici et là. Les défenses, que les Hovas abandonnent comme d’habitude, sont successivement prises. Deux obus à la mélinite sont envoyés sur le palais royal et le grand pavillon Hova descend du sommet d’une des tourelles du palais et un drapeau blanc monte à sa place. L’objectif de la campagne est atteint.

  • Toujours à la peine depuis le départ, la Légion reçoit la mission d’occuper le palais royal. C’est un honneur. Le colonel Oudri et la 1ère compagnie du bataillon de Légion s’installent dans les murs de Ranavalona III.

Le 30 septembre, les Français entrent à Tananarive. L’armée Hova qui avait juré de mourir sans se rendre, se volatilise sans combattre du tout. La campagne est terminée. 

  • Finalement, au premier coup de canon sur la capitale Antananarivo, la reine Ranavalona III fait hisser le drapeau blanc. Elle accepte le protectorat français avec toutes ses conséquences.
  • Sur un effectif total de 21 600 hommes, 7 ont été tués au combat, 13 sont morts des suites de leurs blessures, 5 736 sont morts pour ‘’des raisons diverses’’.
  • Les responsables de la colonne doivent organise le transport des malades de Tananarive vers Majunga et des cimetières aux côtés des hôpitaux.

Le 22 octobre 1895, 358 sous-officiers et légionnaires et 20 officiers représentant le reste du bataillon de la Légion quittent Tananarive pour Majunga d’où ils embarquent pour l’Algérie, laissant derrière eux plus de deux cents morts tués par le climat, la fatigue et les privations. Fin du calvaire malgache. Le général Duchesne serre la main aux officiers : ‘’C’est bien à vous, Messieurs, que nous devons d’être ici et si jamais j’ai l’honneur de commander une expédition nouvelle, je ferai en sorte d’amener avec moi au moins un bataillon de la Légion’’.  

En juillet 1896, des cortèges de Malgaches marchent derrière un objet long dans les rues de Tananarive, avec un pasteur anglais en tête, récitant des prières. Un cortège est remarqué par un lieutenant de marsouins, qui remplit les fonctions de chef de la Sûreté, grand gaillard à barbe noire, observateur et méfiant. Le cortège n’a pas de pleureuses. Les Tirailleurs Sénégalais démaillotent l’objet long et trouvent une mitrailleuse Maxim. De nombreuses armes sont cachées dans la capitale depuis la capitulation et les chefs de la Résistance malgache espéraient les faire parvenir à leurs troupes avec la bénédiction britannique.

  • Dans la capitale, le calme règne et les militaires de la garnison nouent des relations très intimes avec les jeunes beautés indigènes, rieuses, agréables.
  • Une ombre arrive lorsque les exactions se multiplient dans l’intérieur de l’île ; convois et petits postes attaqués, plusieurs Français assassinés. Par les Favahalos, bandits traditionnels, selon la reine et ses ministres. Par des tribus rebelles et même la tribu des Sakalaves qui avaient vu en les Français des alliés dans leur lutte contre la domination hova.
  • Le général Joseph Gallieni, des Troupes de marine, le colonial du Soudan et du Tonkin, nommé commandant de la Grande Ile, demande au ministre des colonies André Lebon, une présence de six cents légionnaires afin de pouvoir, le cas échéant, mourir convenablement. Il a vivement apprécié la Légion lors de son séjour au Tonkin. Jusqu’en 1905, un bataillon complet résidera à Madagascar.

10 août 1896, avant de quitter Marseille, le général Gallieni rencontre le général Oudry, de retour de l’Ile. Embarqué à bord du Yang Tsé, le général Joseph Gallieni arrive à Majunga. Le résident Mazon lui dit qu’il est coupé de toutes communications avec l’intérieur et que des bandes du chef sakalave, Rabezavana, sèment la terreur dans toute la région. Mais le général lui répond : ‘’je veux d’abord saluer les morts’’.

  • Au temps des conquêtes coloniales, la pacification est un ensemble d’opérations, dirigées par des chefs militaires et qui comportent à la fois des mesures tout à fait humanitaires et des actes de violence.

15 septembre 1896 : le général Joseph Gallieni est nommé résident général à Madagascar.

  • Les 1ère et 2e compagnies formées par le 2e Etranger, commandées par les capitaines Flayelle et Deleure, partent les premières. Le commandant Cussac du 2e Etranger est désigné pour commander le bataillon.
  • Les 3e et 4e compagnies du 1er Etranger, commandées par les capitaines de Thuy et Brulard, quittent Sidi-Bel-Abbès le 21.08.1896, montent sur Marseille, débarquent le 14 septembre à Tamatave.
  • La 1ère compagnie, commandée par le capitaine Flayelle, part vers la côte ouest afin de réprimer une sédition sakalave, puis intervient sur Tuléar.
  • La 2e compagnie, commandée par le capitaine Deleure, assure la sécurité de l’axe Tananarive-Tamatave.
  • La 3e compagnie, commandée par le capitaine de Thuy, est détachée dans la région d’Ambatomango où elle participe à de dures colonnes contre les rebelles qui tiennent la forêt. Le climat est un des plus insalubres de l’île et cause de grands vides. La 3e compagnie passe ses hommes valides à la 4e compagnie et rentre en Emyrne, à Ilofy, pour s’y reposer et attendre les renforts.
  • Reconstituée avec des renforts venus de Sidi-Bel-Abbès, la 3e compagnie s’implante dans le cercle d’Ambohibé situé sur la côte ouest de l’île. Les reconnaissances se succèdent mais ses effectifs continuent de diminuer car le climat y est encore plus malsain. Pendant des mois, les légionnaires construisent des postes et des routes tout en livrant des combats aux rebelles.
  • La 4e compagnie, commandée par le capitaine Brulard, travaille en Emyrne.

Le 27 septembre, l'administration française abolit l'esclavage (il s'agissait d'un esclavage inter-malgache).

15 octobre 1896 : le résident général Gallieni tape fort pour montrer qui est le maître. Il fait arrêter, traduire devant un conseil de guerre, condamner à mort pour trahison et exécuter le prince Ratsimamanga, oncle de la Reine, et le ministre de l’Intérieur, Rainandriamampendry, personnages notoirement anti-français. La princesse, tante de la Reine, condamnée à mort est graciée et exilée.

  • Ces mesures produisent un effet foudroyant. Elles coupent les rebelles du reste de la population. Reste à réduire les rebelles, les Favalos, sorte de Pavillons noirs.

27 février 1897 : le général Gallieni destitue la reine Ranavalona III qui est exilée à La Réunion.

10 octobre 1897 : une heure avant le lever du soleil, 5 000 Sakalaves attaquent par surprise le poste d’Andembe, tenu par cent hommes ; les uns brandissent des sagaies, les autres possèdent des fusils introduits dans l’île par les Anglais, qui acceptent mal la présence française à Madagascar. Les légionnaires, rocs inébranlables dans la tempête qui gronde autour d’eux, tirent vite et bien. Les boîtes à mitraille de l’unique canon sauvent la situation au dernier instant. Peu après l’assaut du poste d’Andembe, la compagnie de légionnaires, commandée par le capitaine Louis Flayelle, est attaquée en forêt. Pendant plusieurs heures, un millier de Sakalaves s’élancent vainement contre les quatre faces du carré immobile d’où part un feu ajusté, meurtrier. Les légionnaires se dégagent finalement à la baïonnette.

  • La compagnie rentre au complet à Mahabé, après une marche de vingt-quatre heures, ramenant ses blessés et ses morts, toutes ses armes, tous ses bagages.
  • Epuisé le médecin-capitaine Morin, épuisé, ferme la marche. Ausculté par le lieutenant Charbonnel, il comprend que sa fin est là. Il donne au sergent infirmier pour chaque malade des instructions détaillées, il meurt en paix dans la soirée.
  • Quelques jours plus tard, la compagnie est surprise en pleine forêt. Le combat est à dix contre un. Le capitaine Flayette fait former le carré. Vingt-quatre heures plus tard, la compagnie rentre au poste, en pleine nuit, ramenant sur des brancards ses morts et ses blessés. Pas un fusil, pas une cartouche n’ont été abandonnés sur le terrain.

12 mars 1898 : le capitaine Louis Flayelle est tué à Vohinghezo lors d’un combat en forêt, dans la région de Tuléar ; la Légion Etrangère perd un autre officier, Montagnolle. 

Le 15 août 1898, la Légion Etrangère perd à Antsoa un officier, Harty de Pierrebourg.

En janvier 1899, les rigueurs du climat et la vie opérationnelle ont fait fondre les effectifs. La Légion Etrangère envoie d’Algérie un renfort de deux compagnies.

Le 03 juillet 1899, la Légion Etrangère perd à Amboraratra un officier, Guy Delavau.  

En 1899, la 5e compagnie du 1er Etranger est venue dans l’île.

  • Elle opère isolément dans la région proche de Fort-Carnot en Emyrne, où la rébellion vient de se rallumer. Le fort même, attaqué par 600 rebelles, ne doit son salut qu’à l’arrivée providentielle des légionnaires. Alors que les reconnaissances sillonnent la brousse, la 5e compagnie disperse plusieurs concentrations de rebelles dans le massif de l’Ankarakara et assure la pacification définitive de son secteur.
  • Le capitaine Morel, chef de la 5e compagnie, avant de procéder à la dissolution de son unité, a la consolation de recevoir la soumission des principaux chefs rebelles.

Le 22 mars 1900, le 4e bataillon du 1er Etranger est constitué pour renforcer le Corps expéditionnaire de Madagascar.

Le 1er avril 1900, arrive le colonel Joffre.

Le 20 avril, le 4e bataillon du 1er Etranger, commandé par le commandant Félineau, est mis à sa disposition ; débarqué à Antsirabe, il est employé aux travaux de défense de Diégo-Suarez. Il est rapatrié un an plus tard, après avoir laissé les éléments nécessaires pour maintenir les effectifs des unités du bataillon de marche.

  • Les combats fréquents ne constituent pas les seules activités des unités du 1er Etranger. Il faut dans des régions propices aux maquis malgaches construire des routes et des postes.
  • La 4e compagnie est engagée en Emyrne. Son service habituel, très pénible en raison de la fréquence du tour de service et du climat malsain de la région, consiste d’abord à escorter les convois. Elle prend part à des reconnaissances dans la vallée du Mangoro. Elle doit aussi imposer l’autorité française aux tribus de l’ouest et du sud qui razzient régulièrement les tribus voisines à caractère pacifique. •

Le 6 novembre 1900, le capitaine Astoin prend le commandement de la 4e compagnie.

En avril 1901, le 4e bataillon du 1er Etranger est relevé par le 2e bataillon du 2e Etranger. Sous le nom de ‘’Bataillon étranger de Diégo-Suarez, ce bataillon force dans la forêt la célèbre route d’Ambre, à la pointe septentrionale de Madagascar.

Le 26 octobre 1901, alors qu’il dirige une importante opération, le capitaine Astoin est mortellement blessé. Cette action coûte 90 morts à l’adversaire et aboutit à la pacification quasi définitive de la zone à la charge de son unité.

En février 1904, la 3e compagnie, commandée par le lieutenant Rollet, s’embarque pour Majunga et s’installe au camp du Sakaramy. Elle est dissoute le 21 juillet 1904.

Le 1er mai 1904, la 4e compagnie du 1er Etranger est dissoute à Diégo-Suarez.

En 1905, mission accomplie, les dernières unités du 1er Etranger quittent Madagascar ; en avril, la dernière compagnie de la Légion quitte Madagascar. La Légion a été un des grands artisans du succès du général Joseph Gallieni.

  • La Légion a perdu 260 des siens tués au combat. Parmi les blessés dans ses rangs, le lieutenant Prételat, futur commandant du groupe d’armées de l’Est en 1940.

En 1905, le général Joseph Gallieni rentre définitivement en France. Madagascar est calme. ‘’Il a reçu une forêt insurgée. Il a rendu une colonie tranquille et prospère’’. La fin de l'Indépendance est suivie de dix ans de guerre civile larvée, due à l'insurrection des Menalamba. Madagascar sera sous administration française de 1896 à 1960. Le général Joseph Galliéni, nommé gouverneur général de Madagascar (1896-1905), contribue à pacifier l'île. Selon ce dernier, l'action militaire devait être accompagnée d'une aide aux peuples colonisés dans différents domaines, comme l'administration, l'économie et l'enseignement. Elle nécessitait un contact permanent avec les habitants ainsi qu'une parfaite connaissance du pays et  de ses langues. Sous l'impulsion de Galliéni, de nombreuses infrastructures sont mises en place : premier chemin de fer Tananarive-Tamatave (achevé en 1903), achèvement du chemin de fer de Madagascar, développement rapide du réseau routier (1905 à 1935), Institut Pasteur, écoles, etc. Pendant la colonisation française, un enrichissement de la population malgache est constaté, reflété à travers un achat croissant de tissus. En 1907, pour la première fois depuis un siècle, les exportations malgaches sont supérieures aux importations, et le pays s'enrichit. De nombreux jeunes Malgaches vont aussi étudier en France et contribueront à faire connaître Madagascar. La période coloniale est toutefois accompagnée de mouvements de lutte pour l'indépendance. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Empire britannique prend possession de Madagascar pendant l'opération Ironclad, avant de la remettre aux Français libres en décembre 1942.

En mars 1947, l'Insurrection malgache éclate, qui entraîne une répression sanglante par l'armée française qui fait plusieurs dizaines de milliers de morts, les chiffres oscillants, selon les sources, entre une dizaine de milliers et 89 000. 140 Français et 2 000 Malgaches sont tués par les insurgés.

Le 7 juillet 1947, la Légion Etrangère perd à Ambodibolahy un officier, Henri Gresle-Bouignol.

Le 3 juillet 1949, la Légion Etrangère perd à Ambositra un officier, Georges Berthonnaud.

Le 2 octobre 1950, la Légion Etrangère perd à Ambinimanga un officier, Jean Birolet.

1958 : après de dures luttes pour l’indépendance et une violente répression, Madagascar devient une république autonome au sein de la Communauté, et acquit sa pleine souveraineté en 1960.Enfin son président Tsiranana devra s’effacer devant les militaires à la suite de troubles en 1975, remplacé par le général Ramanantsoa puis par le colonel Ratsimandrava en 1975.

Jean Balazuc P.P.P.P.

Février 2023

Sources.

Lettres du Tonkin et de Madagascar du général Lyautey – Librairie Armand Colin – 1921.

Livre d’Or de la Légion Etrangère de 1931 du général Rollet.

La Légion Grandeur et Servitude – Historama N° spécial 3- XI 1967

Mon pays la France – Jean-Pierre Vittori – Stock 1977.

La Légion Etrangère- Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite- Pierre Dufour – Editions Heimdal 2000

Le 1er Etranger – Philippe Cert-Tanneur et Tibor Szecsko – Branding Iron Production 1987.

Histoire de la Légion Etrangère de 1831-1981 – Georges Blond – Plon 1981

Histoire de la Légion Etrangère – de 1831 à nos jours – Capitaine Pierre Montagnon- Pygmalion, 1999.

Site du Mémorial de Puyloubier.

Wikipédia.

Astoin, capitaine ; le 06.11.1900, il prend le commandement de la 4e compagnie du 1er Etranger à Madagascar ; il est mortellement blessé le 26.10.1901 à Ambovombe alors qu’il dirige une importante opération.

Barre, chef de bataillon, commandant le bataillon de la Légion Etrangère du Régiment Algérie à Madagascar en avril 1895. Il doit quitter son commandement début septembre.

Berthonnaud Georges Fernand, officier de la Légion Etrangère, tué le 03.07.1949 à Ambositra, Madagascar.

Birolet Jean, officier de la Légion Etrangère ; tué le 02.10.1950 à Ambinimanga, Madagascar.

Brulard Jean-Marie, né le 01.03.1856 à Besançon ; saint-cyrien de la promotion 1877-1879 ; il participe aux campagnes de Tunisie, Tonkin, Algérie, Madagascar, Maroc et Dardanelles ; capitaine, commandant la 4e compagnie du 1er Régiment étranger à Madagascar en 1896 ; lieutenant-colonel affecté au 4e R.T.A. ; colonel, chef de corps du 1er Régiment de marche du 2e Etranger, au Maroc en 1907. Chef de corps du 2e Etranger de 1908 à 1911. Général de brigade en 1912, chargé de réorganiser l’armée chérifienne ; nommé commandant de la 2e D.I. le 19.09.1914 ; général de division le 25.10.1914 ; il participe brillamment à l’expédition des Dardanelles ; ses croix de guerre portent six palmes ; Grand Croix de la Légion d’Honneur le 09.01.1918; décédé le 19.11.1923 à Nanterre.

Brundseaux Paul, né le 04.10.1855 en Meurthe et Moselle ; saint-cyrien ; lieutenant au 4e Zouaves à Tunis ; il démissionne pour épouser une jeune chanteuse de concert, lui ayant fait un enfant ; civil, désargenté, il obtient de reprendre du service comme lieutenant à titre étranger ; au Tonkin, il glane les décorations ; il s’illustre comme capitaine lors de la campagne du Dahomey en 1892 ; capitaine, commandant une compagnie de la Légion étrangère à Madagascar en 1895 ; réintégré à titre français ; il est promu chef de bataillon en mai 1897 ; son bataillon du 1er R.E. fait partie de la Thème 37 163 colonne Bertrand en 1900 ; le 01.07.1900, le commandant avec une de ses compagnies occupe Taghit ; en 1902, il est de retour à Madagascar ; il est promu lieutenant-colonel en décembre 1903 ; en juin 1905, il est réaffecté au 1er R.E. ; il est au Tonkin en 1906 et 1907 ; colonel le 23.03.1908, il est le chef de corps du 136e R.I. ; général de brigade en 1912 ; il abandonne épouse et enfant pour se mettre en ménage avec une femme noire ; Gouverneur militaire de Paris, il finit sa carrière militaire en 1916, à la tête de la 136e brigade d’infanterie sur le front de France ; Gouverneur militaire de la Corse ; décédé le 02.01.1930.

Bulot, capitaine, commandant la 3e compagnie du bataillon de la Légion Etrangère envoyé à Madagascar en avril 1895.

Charbonnel, lieutenant de la Légion Etrangère, stationné à Mahabé en 1898.

Courtois, capitaine, commandant la 2e compagnie du bataillon de la Légion Etrangère envoyé à Madagascar en avril 1895.

Cussac, commandant du 2e Régiment Etranger ; commandant le bataillon de la Légion Etrangère envoyé à Madagascar en septembre 1896.

Delavau Guy Paul Marie Gontran, officier de la Légion Etrangère, tué le 03.07.1899 à Amboraratra, Madagascar.

Deleure, capitaine, commandant la 2e compagnie du bataillon de Légion Etrangère envoyé à Madagascar en septembre 1896.

Duchesne Jacques Charles René Achille, né le 03.03.1837 à Sens ; saint-cyrien de la promotion 1856-1858 ; sous-lieutenant au 2e R.I., blessé à Solferino ; lieutenant en 1861 ; capitaine en 1864 ; il sert dans la Légion Etrangère de 1876 à 1879 ; chef de bataillon au 2e Zouaves en 1882 ; lieutenant-colonel de la Légion Etrangère de 1881 à 1884 ; il commande une colonne dans le Sud-Oranais contre Bou Amama ; il commande deux bataillons de la Légion Etrangère au Tonkin ; il se distingue à Bac Ninh et Hang Hoa ; colonel, chef de corps du 110e R.I. en septembre 1884, il reste au Tonkin et commande la colonne de secours vers Tuyen Quang en novembre 1884 ; sous les ordres de l’amiral Amédée Courbet, il commande les troupes de débarquement à Formose puis dans les îles Pescadores en 1885 ; général de brigade en 1888, commandant la 33e brigade ; général de division, commandant la 16e D.I. puis la division de Belfort ; général de division, commandant en chef le corps expéditionnaire à Madagascar en 1895-1896. Il termine sa carrière comme général de corps d’armée à la tête du 5e C.A. en 1896 puis du 7e C.A. en 1900 ; décédé le 27.04.1918 dans le département de la Seine.

Flayelle Louis, officier de la Légion Etrangère ; homme grand et superbe ; fils d’un industriel et sénateur vosgien, fortuné, il consacre sa solde à améliorer l’ordinaire de ses hommes ; capitaine, commandant la 1ère compagnie du bataillon de la Légion envoyé à Madagascar en septembre 1896 ; tué le 12.03.1898 à Vohinghezo, Madagascar, lors de l’attaque de sa compagnie en forêt par des Sakalaves.

Gallieni Joseph Simon, né le 24.04.1849 à Saint-Béat en Haute-Garonne ; collège de La Flèche ; saint-cyrien de la promotion Suez 1868-1870 ; officier des Troupes de Marine ; sous-lieutenant au 3 e R.I.Ma., blessé à Bazeilles le 01.09.1870, fait prisonnier ; libéré le 11.03.1871 ; lieutenant au 2e R.I.Ma. ; à La Réunion du 25.04 ;1873 à 1876 : affecté le 11.12.1876 aux Tirailleurs sénégalais ; Expéditions en Afrique noire de 1877 à 1882 ; capitaine en 1880 ; le 29.03.1880, au Mali, il négocie Thème 37 164 avec les chefs coutumiers ; en 1881, au Niger, il négocie le traité de Nangou avec le sultan Ahmadou ; en Martinique en 1883-1886 ; lieutenant-colonel le 20.12.1886, commandant supérieur du Haut Fleuve (Sénégal) ; des succès militaires aux dépens du sultan Ahmadou en 887 et du sultan Samori en 1888 ; successeur du colonel Archinard le 10.05.1888, il entre à Kayes le 28.10.1888 ; colonel le 01.03.1891 ; au Tonkin en 1892-1896 ; chef de corps du 3e Régiment de Tirailleurs Tonkinois le 11.10.1892 ; commandant la 1ère brigade le 15.11.1892 puis la 2e division militaire ; promu général de brigade ; nommé résident général à Madagascar le 15.09.1896 ; sa politique : ‘’la tache d’huile’’ et ‘’la politique des races’’ ; général de division le 09.07.1899 ; il rentre définitivement en France en 1905 ; Gouverneur militaire de Lyon, commandant le 14e C.A. ; Grand-Croix de la Légion d’Honneur le 06.11.1905 ; en retraite en avril 1914 ; rappelé, Gouverneur militaire de Paris le 26.08.1914 ; en septembre 191 ; il réquisitionne les taxis parisiens pour la bataille de la Marne ; ministre de la Guerre en 1915 ; décédé le 27.05.1916 à Versailles ; Maréchal de France à titre posthume le 07.05.1921.

Gresle-Bouignol Henri, officier de la Légion Etrangère, tué le 07.07.1947 à Ambodibolahy, Madagascar.

Jonnart Charles, né le 27.12.1857 à Fléchin ; homme du Nord ; chef de cabinet du gouverneur Louis Tirman ; chef des services de l’Algérie au ministère de l’Intérieur en 1886 ; député du Pas de Calais de 1889 à 1914 ; sénateur de 1914 à 1917 ; ministre des Travaux Publics ; Gouverneur Général de l’Algérie d’octobre 1900 à juin 1901 pour un intérim, de mai 1903 à mars 1911 dans la pleine vigueur de sa personnalité, de janvier 1918 à juillet 1919 après avoir été ministre des Affaires Etrangères en 1913 et Haut-Commissaire à Athènes en 1917 ; il échappe à une embuscade dans le Sud Oranais le 31.05.1903 ; un très grand gouverneur ; il engage la politique d’association ; le règne de ce haut fonctionnaire exceptionnel et homme politique coïncide avec une prospérité sans précédent ; membre de l’Académie française ; ambassadeur au Vatican en 1919. Décédé le 30.09.1927.

Martin, lieutenant, commandant une section de légionnaires du Régiment d’Algérie lors de l’expédition de Madagascar en 1895.

Metzinger Louis Frédéric Hubert, né le 09.12/1842 à Dijon ; saint-cyrien ; sous-lieutenant en 1863 au 35e R.I. ; campagne de Rome ; lieutenant en 1868 ; il rejoint le 13e C.A. pour la campagne de France ; capitaine en 1870 ; chef de bataillon au 109e R.I. en 1879 puis à la Légion Etrangère en 1881 ; campagne d’Algérie du 03.08.1881 au 20.01.1883 ; lieutenant-colonel au 70e R.I. en 1885, puis au 34e R.I. ; colonel, chef de corps du 16e R.I. en 1887 puis à la 60e brigade d’infanterie ; général de brigade en 1891, commandant la subdivision d’Orab ; général commandant la colonne de l’armée de terre qui comprend le Régiment d’Algérie dans le Corps expéditionnaire à Madagascar en 1895 ; général de division en 1895, commandant la 29e D.I. de 1896 à 1897 puis le 15e C.A. de 1898 à 1902 ; retraité le 09.11.1907 ; décédé en 1917. Montagnolle, officier de la Légion Etrangère, tué le 12.03.1898 à Vohinghezo, Madagascar.

Morel, capitaine, commandant la 5e compagnie du 1er Etranger à Madagascar en 1899. Avant de procéder à la dissolution de son unité, il a la consolation de recevoir la soumission des principaux chefs de la rébellion. Morin, médecin-capitaine, affecté à une compagnie de la Légion Etrangère au Madagascar en 1897 ; malade, épuisé, il meurt à Mahabé après des combats très violents dans la forêt.

Oudry, colonel, chef de corps du 2e Etranger ; il commande le régiment de marche d’Algérie lors de la campagne de Madagascar en 1895. Il revient de l’Ile avec le grade de général.

Perrot, capitaine, commandant la 1ère compagnie du bataillon de la Légion Etrangère envoyé à Madagascar en avril 1895.

de Pierrebourg Harty, officier de la Légion Etrangère, tué le 15.08.1898 à Antsoa, Madagascar.

Prételat André-Gaston, né le 14.11.1874 à Wassy en Haute-Marne ; saint-cyrien de la promotion Alexandre III 1894-1896 ; lieutenant de la Légion Etrangère, blessé à Madagascar en 1898 ; commandant le 159e R.I. en 1916 ; commandant la 1er D.I. du 22.12.1927 au 03.08.1930 ; Grand-croix de la Légion d’honneur le 18.01.1939 ; commandant le groupe d’armées de l’Est en mai-juin 1940 ; décédé à Paris le 06.12.1969.

Rabaud, capitaine ; début septembre 1895, il remplace le commandant Barre à la tête du bataillon de la Légion Etrangère à Madagascar.

Ranavalona III, née le 22.11.1861 à Amparibe ; reine de Madagascar en 1895 : elle fait hisser le drapeau blanc sur son palais à Tananarive le 30 septembre 1895 ; déchue par le gouverneur général Joseph Gallieni le 27.02.1897 ; exilée à La Réunion ; décédée à Alger le 23.05.1917.

Ramastombazaha, général en chef de l’armée malgache constituée d’Hovas ; champion d’éloquence.

Rainandriamampandry, ministre malgache de l’Intérieur ; envoyé devant un tribunal pour trahison par le gouverneur général Joseph Gallieni, condamné à mort, exécuté le 15.10.1896.

Ratsimamanga, prince malgache ; envoyé devant un tribunal pour trahison par le gouverneur général Joseph Gallieni, condamné à mort, exécuté le 15.10.1896.

Rollet Paul Frédéric, né le 20.12.1875 à Auxerre ; saint-cyrien de la promotion 1894 Alexandre III ; affecté à la Légion le 04.12.1899 ; en 1901, lieutenant, il sert au 1er R.E. dans le Sud-Algérien ; de 1902 à 1905, il est alors à Igli à Madagascar ; ‘’lieutenant espadrilles’’ surnommé ainsi en raison de ses habitudes vestimentaires ; lieutenant, il commande la 3e compagnie du 1er Etranger en 1904 ; de 1905 à 1911, il sillonne les confins algéro-marocains à la tête de son unité ; puis il combat les irrédentistes marocains de la région d’Oujda ; en 1911, il est affecté avec la 3e compagnie montée du 2e Etranger au corps de débarquement de Casablanca : cette période façonne un chef militaire hors normes avec 17 participations à des combats contre les dissidents, attaques, coups de main, deux citations ; dès le début de la guerre, en congé de fin de campagne, le chef de bataillon demande à partir sur le front français et il quitte la Légion et se retrouve piégé dans la régulière ; chef de corps du 331e R.I. de 1914 à 1917 ; il retrouve la Légion le 30.05.1917 ; lieutenant-colonel, chef de corps du R.M.L.E. en 1917-1918 ; il en fait le Régiment le plus décoré de l’armée française ; il repart au Maroc en 1919 avec son régiment qui devient le 3e R.E.I. ; il devient un des maréchaux du général Louis Lyautey, à travers le Moyen-Atlas ; en 1925, il est nommé chef de corps du 1er Etranger ; il conduit les destinées d’Une Légion modernisée et dotée de structures sociales qui perdurent ; il organise les fêtes du Centenaire le 30 avril 1931 à Sidi-Bel-Abbès ; en 1931, il est nommé général de brigade, inspecteur de la Légion Etrangère, poste nouveau créé pour lui ; il crée une revue ‘’Légion Etrangère’’ ainsi que la Maison de retraite du légionnaire d’Auriol en 1934. Il est le ‘’Père de la Légion’’. Grand-Officier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre 1914-1918 avec sept palmes, une vingtaine de décorations. Rendu à la vie civile, il accepte la présidence de l’Union nationale des blessés de la tête et de la face, ‘’Les Gueules Cassées’’. Décédé le 16.04.1941 ; enterré à Sidi-Bel-Abbès, son cercueil est transféré à Aubagne le 29.09.1962, dans le carré Légion du cimetière de Puyloubier. La promotion de Saint-Cyr 1978-1980 porte son nom.

Sardi, capitaine, commandant la 4e compagnie du bataillon de la Légion Etrangère envoyé à Madagascar en avril 1895.

Tahon, lieutenant, commandant une section de légionnaires du Régiment d’Algérie lors de l’expédition de Madagascar en 1895.

de Thuy, capitaine au 1er Régiment Etranger, commandant la 3e compagnie du bataillon de la Légion.

15 octobre 1896 : le résident général Gallieni tape fort pour montrer qui est le maître. Il fait arrêter, traduire devant un conseil de guerre, condamner à mort pour trahison et exécuter le prince Ratsimamanga, oncle de la Reine, et le ministre de l’Intérieur, Rainandriamampendry, personnages notoirement anti-français. La princesse, tante de la Reine, condamnée à mort est graciée et exilée. • Ces mesures produisent un effet foudroyant. Elles coupent les rebelles du reste de la population. Reste à réduire les rebelles, les Favalos, sorte de Pavillons noirs.. • (S263-137) (S269-153) (S: W). 27 février 1897 : le général Gallieni destitue la reine Ranavalona III qui est exilée à La Réunion. • (S263-137) (S : W). 10 octobre 1897 : une heure avant le lever du soleil, 5 000 Sakalaves attaquent par surprise le poste d’Andembe, tenu par cent hommes ; les uns brandissent des sagaies, les autres possèdent des fusils introduits dans l’île par les Anglais, qui acceptent mal la présence française à Madagascar. Les légionnaires, rocs inébranlables dans la tempête qui gronde autour d’eux, tirent vite et bien. Les boîtes à mitraille de l’unique canon sauvent la situation au dernier instant. Peu après l’assaut du poste d’Andembe, la compagnie de légionnaires, commandée par le capitaine Louis Flayelle, est attaquée en forêt. Pendant plusieurs heures, un millier de Sakalaves s’élancent vainement contre les quatre faces du carré immobile d’où part un feu ajusté, meurtrier. Les légionnaires se dégagent finalement à la baïonnette. • La compagnie rentre au complet à Mahabé, après une marche de vingt-quatre heures, ramenant ses blessés et ses morts, toutes ses armes, tous ses bagages. • Epuisé le médecin-capitaine Morin, épuisé, ferme la marche. Ausculté par le lieutenant Charbonnel, il comprend que sa fin est là. Il donne au sergent infirmier pour chaque malade des instructions détaillées, il meurt en paix dans la soirée. • Quelques jours plus tard, la compagnie est surprise en pleine forêt. Le combat est à dix contre un. Le capitaine Flayette fait former le carré. Vingt-quatre heures plus tard, la compagnie rentre au poste, en pleine nuit, ramenant sur des brancards ses morts et ses blessés. Pas un fusil, pas une cartouche n’ont été abandonnés sur le terrain. • (S263-137) (S269-154 & 155). 12 mars 1898 : le capitaine Louis Flayelle est tué à Vohinghezo lors d’un combat en forêt, dans la région de Tuléar ; la Légion Etrangère perd un autre officier, Montagnolle. • (S263-137) (S269-154 & 155) (Site du Mémorial de Puyloubier). • Le 15.08.1898, la Légion Etrangère perd à Antsoa un officier, Harty de Pierrebourg. • (Site du Mémorial de Puyloubier). En janvier 1899, les rigueurs du climat et la vie opérationnelle ont fait fondre les effectifs. La Légion Etrangère envoie d’Algérie un renfort de deux compagnies. Thème 37 161 • (S263-138). • Le 03.07.1899, la Légion Etrangère perd à Amboraratra un officier, Guy Delavau. • (Site du Mémorial de Puyloubier). • En 1899, la 5e compagnie du 1er Etranger est venue dans l’île. • Elle opère isolément dans la région proche de Fort-Carnot en Emyrne, où la rébellion vient de se rallumer. Le fort même, attaqué par 600 rebelles, ne doit son salut qu’à l’arrivée providentielle des légionnaires. Alors que les reconnaissances sillonnent la brousse, la 5e compagnie disperse plusieurs concentrations de rebelles dans le massif de l’Ankarakara et assure la pacification définitive de son secteur. • Le capitaine Morel, chef de la 5e compagnie, avant de procéder à la dissolution de son unité, a la consolation de recevoir la soumission des principaux chefs rebelles. • Le 22 mars 1900, le 4e bataillon du 1er Etranger est constitué pour renforcer le Corps expéditionnaire de Madagascar. • Le 1er avril 1900, arrive le colonel Joffre. • Le 20 avril 1900, le 4e bataillon du 1er Etranger, commandé par le commandant Félineau, est mis à sa disposition ; débarqué à Antsirabe, il est employé aux travaux de défense de Diégo-Suarez. Il est rapatrié un an plus tard, après avoir laissé les éléments nécessaires pour maintenir les effectifs des unités du bataillon de marche. • Les combats fréquents ne constituent pas les seules activités des unités du 1er Etranger. Il faut dans des régions propices aux maquis malgaches construire des routes et des postes. • La 4e compagnie est engagée en Emyrne. Son service habituel, très pénible en raison de la fréquence du tour de service et du climat malsain de la région, consiste d’abord à escorter les convois. Elle prend part à des reconnaissances dans la vallée du Mangoro. Elle doit aussi imposer l’autorité française aux tribus de l’ouest et du sud qui razzient régulièrement les tribus voisines à caractère pacifique. • Le 6 novembre 1900, le capitaine Astoin prend le commandement de la 4e compagnie. • En avril 1901, le 4e bataillon du 1er Etranger est relevé par le 2e bataillon du 2e Etranger. Sous le nom de ‘’Bataillon étranger de Diégo-Suarez, ce bataillon force dans la forêt la célèbre route d’Ambre, à la pointe septentrionale de Madagascar. • Le 26 octobre 1901, alors qu’il dirige une importante opération, le capitaine Astoin est mortellement blessé. Cette action coûte 90 morts à l’adversaire et aboutit à la pacification quasi définitive de la zone à la charge de son unité. • En février 1904, la 3e compagnie, commandée par le lieutenant Rollet, s’embarque pour Majunga et s’installe au camp du Sakaramy. Elle est dissoute le 21 juillet 1904. • Le 1er mai 1904, la 4e compagnie du 1er Etranger est dissoute à Diégo-Suarez. • En 1905, mission accomplie, les dernières unités du 1er Etranger quittent Madagascar ; en avril, la dernière compagnie de la Légion quitte Madagascar. La Légion a été un des grands artisans du succès du général Joseph Gallieni. • La Légion a perdu 260 des siens tués au combat. Parmi les blessés dans ses rangs, le lieutenant Prételat, futur commandant du groupe d’armées de l’Est en 1940. • En 1905, le général Joseph Gallieni rentre définitivement en France. Madagascar est calme. ‘’Il a reçu une forêt insurgée. Il a rendu une colonie tranquille et prospère’’. • (S55’-43) (S62-86) (S82-2001 N°7) (S255-21 & 22, 189) (S257-38 à 40) (S261-16) (S263-137 à 139) (S269-151 à 155) (Site du Mémorial de Puyloubier) (S : W). La fin de l'Indépendance est suivie de dix ans de guerre civile larvée, due à l'insurrection des Menalamba. Madagascar sera sous administration française de 1896 à 1960. Le général Joseph Galliéni, nommé gouverneur général de Madagascar (1896-1905), contribue à pacifier l'île. Selon ce dernier, l'action militaire devait être accompagnée d'une aide aux peuples colonisés dans différents domaines, comme l'administration, l'économie et l'enseignement. Elle nécessitait un contact permanent avec les habitants ainsi qu'une parfaite connaissance du pays et de Thème 37 162 ses langues. Le 27 septembre 1896, l'administration française abolit l'esclavage (il s'agissait d'un esclavage inter-malgache). Sous l'impulsion de Galliéni, de nombreuses infrastructures sont mises en place : premier chemin de fer Tananarive-Tamatave (achevé en 1903), achèvement du chemin de fer de Madagascar34 , développement rapide du réseau routier (1905 à 1935), Institut Pasteur, écoles, etc. Pendant la colonisation française, un enrichissement de la population malgache est constaté, reflété à travers un achat croissant de tissus. En 1907, pour la première fois depuis un siècle, les exportations malgaches sont supérieures aux importations, et le pays s'enrichit. De nombreux jeunes Malgaches vont aussi étudier en France et contribueront à faire connaître Madagascar. La période coloniale est toutefois accompagnée de mouvements de lutte pour l'indépendance. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Empire britannique prend possession de Madagascar pendant l'opération Ironclad, avant de la remettre aux Français libres en décembre 1942. En mars 1947, l'Insurrection malgache éclate, qui entraîne une répression sanglante par l'armée française qui fait plusieurs dizaines de milliers de morts, les chiffres oscillants, selon les sources, entre une dizaine de milliers et 89 000. 140 Français et 2 000 Malgaches sont tués par les insurgés. Territoire d'outre-mer de 1946 à 1958, Madagascar obtient un premier niveau d'autonomie le 10 octobre 1958, en tant que République autonome Malagasy au sein de la Communauté. • (S : W). Le 07.07.1947, la Légion Etrangère perd à Ambodibolahy un officier, Henri Gresle-Bouignol. • (Site du Mémorial de Puyloubier). Le 03.07.1949, la Légion Etrangère perd à Ambositra un officier, Georges Berthonnaud. • (Site du Mémorial de Puyloubier). Le 02.10.1950, la Légion Etrangère perd à Ambinimanga un officier, Jean Birolet. • (Site du Mémorial de Puyloubier). Le 14 octobre 1958, Philibert Tsiranana devient président du Conseil de gouvernement avant d'être élu premier président de la République le 1er mai 1959. Le 26 juin 1960, l'île accède à l'indépendance mais la Première République malgache reste très étroitement liée à la France par les accords de coopération. Le président Tsiranana, critiqué par la population pour son soutien aux intérêts français, quitte le pouvoir en 1972.

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