Editos du Comle

 

KB882 - Légionnaire, français par le sang versé.

 

 

En 2025, le système “Légion étrangère” interpelle toujours autant. Il fascine parce que, depuis sa création, les hommes qui la composent, ceux-là même qui font de la France leur pays d’adoption, consentent à aller jusqu’au sacrifice ultime si leur mission l’exige.

 

C’est la France qui abrite la Légion étrangère depuis bientôt deux cents ans.

C’est la France qui assume l’engagement de la Légion étrangère au combat.

C’est le drapeau français qui sert de linceul aux légionnaires qui tombent pour elle.

C’est la France qui, au travers de notre institution, paye le prix du sang.

C’est ainsi le thème retenu pour cette année : légionnaire, français, par le sang versé.

Le monument aux morts de la Légion étrangère souligne avec éclat le sacrifice ultime de ces hommes, comme en témoignent symboliquement les taches d’or sur la mappemonde, représentant les pays où un légionnaire est tombé au combat. Ainsi, on peut dire “sur la terre imprégnée du sang des légionnaires, le soleil ne se couche jamais”.

Le prix du sang

En ce début d’année, la Légion commémore les 80 ans des combats de la poche de Colmar qui se sont déroulés en janvier et février 1945. Au cours de ces combats et lors de la libération de la ville, le régiment de marche de la Légion étrangère, le 1er régiment étranger de cavalerie et la 13e demi-brigade de Légion étrangère, combattant au coude-à-coude, ont payé le prix du sang la libération de cette terre d’Alsace. Plusieurs centaines de ces braves légionnaires sont tombés en cinq jours seulement. Pour le Royal étranger et le RMLE, l’entrée dans Colmar symbolise le sacrifice. La population est confrontée à la triste réalité des corps de quatre légionnaires reposant sur la plateforme du premier char qui libère la ville.

C’est le symbole funèbre du prix du sang qui vaudra à la Légion étrangère d’être reconnue. Immédiatement, la population de Colmar baptise une “Rue de la Légion étrangère”. Cette rue existe toujours, en plein centre de Colmar et symbolise la reconnaissance de la population qui se souvient ainsi que leur liberté a été chèrement acquise.

Le sang versé, accomplissement de la fraternité d'arme

À travers ce sacrifice, nous nous relions à l’histoire, mais aussi à ceux qui viennent après nous, à nos frères d’armes qui poursuivent la mission. Cette fraternité d’armes est également celle qui existe entre les différents régiments de la Légion étrangère, réunis dans l’adversité. Thème retenu par l’armée de Terre pour l’année 2025, la fraternité d’armes s’inspire aussi de la coopération entre les armées alliées dans ces combats pour la liberté. Partie intégrante de l’armée de Terre, pour la Légion étrangère, verser son sang est l’accomplissement de la fraternité d’armes. Elle est une force qui unit les soldats dans une même volonté, un même idéal. Elle est l’âme même de la Légion, et se nourrit des valeurs de solidarité et de dévouement que l’on retrouve dans chaque moment de combat, mais aussi dans chaque geste du quotidien.

Aux Anciens, je souhaite une très belle année 2025. Leur exemple nous inspire et nous oblige à l’excellence.

À tous, je souhaite une très bonne nouvelle année, sous le signe de la fraternité d’armes et de l’engagement sans faille de ces légionnaires devenus français “par le sang versé”.

Dernière minute.

Alors que Képi blanc part sous presse, le cyclone “Chido” vient de ravager Mayotte. Le quartier Cabaribère du 5e régiment étranger a été touché et, si les familles du régiment sont heureusement saines et sauves, l’île déplore de nombreux morts et disparus. J’adresse mes pensées les plus chaleureuses à nos camarades du 5e Étranger et à leurs familles. Soyez assurés de notre soutien, de notre solidarité et de notre fraternité dans les défis que vous êtes amenés à relever. Nous sommes avec vous.

More Majorum

KB881 - Fraternité d'armes

 

KB880 - SAPEUR D'ASSAUT

 

 

Editorial du général Cyrille Youchtchenko, commandant la Légion étrangère

“La vie à la caserne / N’a rien de tentant,

En ce qui nous concerne, / Ça ne dure jamais longtemps

On nous donne des vieux bâtiments, / On les retape et on fout le camp”.

 

À la manière de son aïeul romain et comme nous le rappelle le chant de “Chez nous au troisième”, le Légionnaire bâtit autant qu’il combat.

Où la Légion combat, le régiment ouvre la voie.

Réduire le génie à cette partie visible et essentielle de l’ouvrage est une tentation fréquente. Y céder serait méconnaître que la sophistication croissante des moyens de la guerre terrestre a rendu indiscutable le besoin de créer des unités de génie d’assaut, et ce, dès le sortir de la Seconde Guerre mondiale. La Légion étrangère n’échappe pas au constat mais, pour être le premier, il fallait attendre. Le 6e Régiment étranger de génie (6e REG), régiment de génie d’assaut de la 6e Division légère blindée (DLB) et de la Force d’action rapide (FAR), est finalement créé en 1984. Il hérite alors des traditions du 6e Régiment étranger d’infanterie, “régiment du Levant”.

La vocation de sapeur d’assaut est immédiatement ancrée dans l’histoire du 6e Régiment étranger de génie. Six mois après sa création, sa première section est déployée en Centrafrique dans le cadre des Éléments français d’assistance opérationnelle (EFAO). L’opération Épervier, en 1987, verra le baptême du feu du 6e REG qui connaîtra son premier mort au combat, le sergent-chef Stevo Panic, ainsi que ses premiers blessés, le sergent Mitchell et le légionnaire de 1re classe Riber. Depuis, le régiment n’a pas connu une année sans déploiement opérationnel et a participé à toutes les opérations de son temps : des temples khmers du Cambodge (1992) aux sables du Mali, en passant par les regs de l’Érythrée (2001), les tempêtes du désert (1991), les plateaux de Somalie (1993), les mille collines du Rwanda (1994), les montagnes de l’ex-Yougoslavie (1992), du Kosovo (1999) ou les vallées afghanes. Le 6e REG est rebaptisé 1er REG en 1999, lors de la création d’un second régiment étranger de génie. Viennent alors les déploiements et la bande sahélienne. La fibre du régiment demeure. Où la Légion combat, le régiment ouvre la voie.

Ad Unum : jusqu’au dernier !

Cette légitime fierté d’un passé glorieux ne va pas sans une orientation déterminée vers l’avenir. Le 1er REG innove et se projette. Le génie est une arme technique et, comme dans toute arme technique, être à la pointe de la modernité est une des conditions pour dominer le champ de bataille. Dans le Golfe, les sapeurs d’assaut mettaient en œuvre les matériels de déminage les plus récents pour le succès de la Division Daguet. De nos jours, le 1er REG est pleinement intégré dans le combat SCORPION. Cet été encore, lors des Jeux olympiques de Paris, il a mis en œuvre la toute nouvelle embarcation fluviale du génie (EFG). Mais innover n’est pas qu’une affaire de matériel, c’est avant tout un état d’esprit. L’esprit pionnier irrigue aussi une réflexion tactique qui s’est enrichie au fil des générations et fait figure de moteur de l’arme du génie.

Célébrer les 40 ans de la création du 1er REG, c’est rappeler la complémentarité essentielle des régiments étrangers qui œuvrent sous la grenade à sept flammes. Une synergie qui permet à la Légion de s’engager au combat, comme un seul homme. Depuis 1984, le régiment met ses baïonnettes et ses savoir-faire au service d’un combat interarmes qui fait la force des GTIA de Légion, que ce soit sur les pitons d’Afghanistan, dans les sables du désert malien ou pour l’aide aux populations (Pakistan, Vallée d’Aoste en Italie, Indonésie, Syrie et toutes les tempêtes sur le territoire national...).

Dans son adresse du 1er juillet 1984, jour de la création du 6e REG, le général Jean-Claude Coullon, COMLE, avait indiqué la marche à suivre du tout jeune régiment : “Votre avenir est maintenant de forger un nouvel outil pour le combat moderne : un régiment de génie d’assaut. Dans cette tâche exaltante, vous avez le devoir de montrer l’image d’une Légion jeune et ardente, attentive aux évolutions, dont l’ambition est, toujours, d’être exemplaire.” 40 ans après, le 1er REG a pleinement relevé le défi.

Longue vie aux sapeurs d’assaut de la Légion. Ad Unum : jusqu’au dernier !

KB878 - Mur vivant, troupe résolue et froidement énergique

comle

 

 

Quand les premières notes du Boudin réveillent les Champs-Élysées, le 14 juillet, un frisson parcourt la foule. Voici la Légion ! Musique en tête, le pas lent et résolu, le regard à l’infini sous la visière horizontale du képi immaculé, les légionnaires passent, majestueux, insensibles aux vivats, image séculaire de l’audace sans vanité, de fierté sans arrogance, de la force sans haine. Oui, voici, fermant le défilé de notre armée, derrière le drapeau tricolore et les soldats Français par le sang reçu, les héritiers de tous les étrangers devenus fils de France par le sang versé”. C’est ainsi que Pierre Sergent introduit son livre La Légion, en 1985. Même si ce n’est pas sur les Champs-Élysées que le 1er REC a défilé cette année mais sur l’avenue Foch, et que ce sont les pionniers qui défilèrent en tête, l’impression donnée par le
REC est identique : mur vivant, troupe résolue et froidement énergique. Les légionnaires “fiers de leur état” vont de l’avant, calmes et droits... Le reportage de Képi Blanc est là pour en témoigner.

La veille de la fête nationale, comme traditionnellement à l’invitation du Président du Sénat, une cérémonie a regroupé dans le Jardin du Luxembourg, les défilants du 14-Juillet – pionniers, Musique de la Légion et 1er REC, les officiers de la Légion qui servent en état-major à Paris et les amis de la Légion.

Cette prise d’armes revêtait un caractère exceptionnel cette année. En effet, aux côtés du REC désigné pour commémorer les combats de la Libération, se trouvaient les chefs de corps et les drapeaux des deux régiments de Génie Légion pour célébrer les 40e et 25e anniversaires de création des 1er et 2e Régiments étrangers de génie. Alors que ces deux régiments sont en mission pour les Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris, leur présence rappelle le caractère sacré de la mission à la Légion, une façon de faire, un esprit dans l’accomplissement de la mission : célébrer le légionnaire bâtisseur, c’est rappeler qu’à la Légion, l’excellence doit s’appliquer dans tous les domaines.

Par ailleurs, cette prise d’armes au Sénat, qui consacre les liens étroits entre la Haute Assemblée et la Légion, a pour objet de fêter l’inscription dans la loi de la naturalisation dite “par le sang versé”, adoptée il y a 25 ans : dispositif à la fois exceptionnel et moralement juste, il permet à l’étranger blessé pour la France d’en devenir pleinement le fils, s’il le souhaite.

Et parmi ces hommes sans nom qui ont fait le choix de servir notre pays, plusieurs ont été mis à l’honneur, que ce soit en étant décorés, médaillés ou en intégrant pleinement la communauté nationale. La Légion peut s’enorgueillir d’avoir en son sein des “Maréchaux”, les meilleurs de ses sous-officiers. Ils sont désormais neuf sous-officiers à être décorés de la Légion d’honneur, représentants tangibles du service avec honneur et fidélité et de la gratitude de la nation.

L’été est le temps des passations de commandement. La Légion est heureuse d’accueillir les nouveaux chefs de corps du 2e REI, du 3e REI, de la 13e DBLE, du 2e REP et du GRLE. Tous nos vœux les accompagnent dans leur commandement. Aux colonels descendants, la Légion leur souhaite le meilleur, les remercie pour avoir présidé pendant deux ans aux destinées de “Monsieur Légionnaire” et leur dit qu’ils seront toujours chez eux à la maison mère. L’été est aussi le temps des promotions et la Légion est fière d’accueillir huit nouveaux officiers à titre étranger, cinq officiers des domaines de spécialité (ODS), trois officiers issus du rang et se réjouit de l’élévation du Père Yanick Lallemand à la dignité de Grand Officier dans l’ordre national de la Légion d’honneur. Qu’ils soient tous chaleureusement félicités.

Enfin, le ministre des Armées vient de lever l’interdiction de porter, par décision ministérielle de 1879, des inscriptions de batailles de 1870-1871 sur les drapeaux et étendards des armées. Aussi, dès la rentrée, le drapeau du
1er Régiment étranger sera enrichi du nom de la bataille de “Coulmiers 1870”, victoire de l’armée de la Loire qui, sous les ordres du général d’Aurelle de Paladines, bat l’armée allemande et délivre Orléans, le 9 novembre 1870, où le 1er Étranger s’illustre par une charge à la baïonnette.

Alors que la trêve estivale s’est installée dans le pays, que beaucoup goûtent au repos et que les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 sont lancés pour trois semaines, ayons une pensée pour ceux qui veillent sur nos concitoyens que ce soit sur la Seine, à Paris ou en Province, en Nouvelle-Calédonie, en Guyane et en opérations.

Le général commandant

la Légion étrangère

KB877 - La Légion c’est d’abord le combat, puis le travail et enfin la fraternité et la camaraderie

comle

 

 

L’ancien légionnaire André Chabal, doyen de l’Institution des invalides de la Légion étrangère (IILE), âgé de 99 ans et résident à Puyloubier depuis 3 ans, s’est éteint à la fin du mois de juin. Il aura servi la Légion étrangère pendant un seul et unique contrat, aux 1er et 3e BEP de 1948 à 1953. Conducteur sur la RC4 puis engagé dans les opérations de maintien l’ordre en Tunisie, il a quitté la Légion, muni de son certificat de bonne conduite (CBC). Pendant près de soixante-dix ans, il a vécu sa vie d’homme dans le civil et, au soir de son existence, il a demandé à retrouver la Légion et ses frères d’armes : cinq ans de contrat, trois ans à Puyloubier comme pensionnaire et une éternité au carré Légion... Il y rejoindra le général Rollet, ses frères pensionnaires et des figures illustres de la Légion, notamment le révérend Père Jules Hirlemann, aumônier à Bir Hakeim avec la 13e DBLE, Compagnon de la Libération, qui repose au cimetière de Puyloubier et qui déclarait : “sans fraternité humaine, il n’y a pas de Légion étrangère(2).

Cette fraternité est une fraternité au combat qui fait que le légionnaire va se dépasser pour son chef, pour la mission, pour son camarade, pour la Légion. Mais c’est aussi une fraternité qui se manifeste après la bataille, lorsque le canon se tait et qu’il faut panser les plaies physiques ou morales. Le légionnaire qui n’aura pas atteint la fameuse retraite à jouissance immédiate(3) (RJI), lorsqu’il quittera l’Institution, sans prime ni pécule, devra travailler pour vivre et subvenir à ses besoins. Alors, reprenant une idée de l’Ancien Régime, le général Rollet a créé “l’œuvre d’entraide” de la Légion étrangère, d’abord pour ne laisser aucun légionnaire sur le bord du chemin, puis lui assurer, à lui et sa famille, le soutien de l’Institution tout au long de sa vie et, enfin, le conforter dans la force de son engagement.

Cette “œuvre d’entraide” s’est consolidée d’année en année. De la création de la Maison du légionnaire à Auriol en 1934, à l’installation de l’Institution des invalides de la Légion étrangère à Puyloubier en 1954 en passant par le Service du moral et des œuvres de la Légion étrangère, sans oublier la fédération des sociétés des Anciens de la Légion étrangère (FSALE) et nos amicales, l’Entraide légionnaire grandit chaque jour en mettant en œuvre de nouveaux dispositifs, les renforçant par la loi ou des décrets afin de leur donner toute légitimité et plus de visibilité. Cette entraide est aujourd’hui cohérente, reconnue et efficace. De plus, la réflexion est permanente pour l’améliorer et la consolider grâce au conseil social de la Légion étrangère, instance stratégique consultative constituée de membres civils et militaires, rassemblés pour leurs connaissances, leurs compétences et leur affection pour notre institution, afin d’envisager le temps d’après.

Ainsi, depuis 2014, la Légion peut s’enorgueillir d’avoir deux établissements publics aux missions bien définies dans le domaine de la solidarité et de la condition du personnel. C’est au Foyer d’entraide de la Légion étrangère (FELE), que revient la solidarité, c’est-à-dire le soutien moral et matériel, le lien social, l’esprit de corps et l’engagement mutuel unissant tous les légionnaires, anciens ou d’active. Quant à la condition du personnel, elle est assurée par le Cercle mixte de la Légion étrangère (CMLE) qui détermine l’ensemble des facteurs concourant à l’épanouissement professionnel et personnel des légionnaires, notamment au quartier. C’est un acteur primordial de la cohésion et de la qualité de vie au sein de notre Institution. Organisme d’exception, créé au début des années 2010 dans un contexte d’embasement des armées, il doit son existence à la particularité du statut du légionnaire qui exige une vie au quartier dans ses premières années. Il est donc tenu d’apporter un soutien permanent dans tous les aspects de la vie courante, alimentation en premier lieu, mais aussi foyer, bazar, espaces de vie et loisirs. Décuplé en autant de succursales que de régiments étrangers, il permet à chaque chef de corps d’avoir les moyens de sa politique de condition du personnel. Il permet enfin, dans un cercle vertueux, de sceller un lien fraternel entre la Légion d’active et les Anciens à travers le reversement d’une partie des bénéfices au fonds d’entraide et de solidarité de la Légion étrangère.

C’est, en effet, un défi constant que de prendre soin de nos Anciens. Le FELE en est le garant et finance pour cela l’Institution des invalides de la Légion étrangère. Entité là aussi exceptionnelle, l’IILE a fêté le 17 mai dernier ses 70 ans d’existence. Le président René Coty, venu sur site pour l’inauguration le 2 mai 1954, ne serait sans doute pas déçu de ce qu’elle est devenue. Il en apprécierait sans nul doute les productions agricoles, dont la cuvée Esprit de corps d’un vin toujours “excellent” - aujourd’hui plus qu’hier - et qui peut désormais se déguster au cœur du nouveau chai. Il pourrait constater l’excellence de l’accueil fourni à nos Anciens mais aussi aux blessés des combats récents. Il serait admiratif de la qualité des occupations proposées aux pensionnaires. Il validerait à coup sûr les investissements majeurs en cours ou à venir, comme la rénovation du musée de l’uniforme ou l’extension de l’infirmerie pour améliorer constamment le fonctionnement de l’IILE.

70 ans de progrès à Puyloubier et 10 ans de travail rigoureux pour nos deux établissements publics font de notre modèle d’entraide une référence pour les armées ; modèle qui mérite au demeurant un investissement sans cesse renouvelé de tout un chacun, légionnaires comme amis.

Le général commandant

la Légion étrangère

KB876 - Aux héros de Camerone et de Diên Biên Phu

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Alors que nous venons de commémorer les 70 ans de la fin de la bataille de Diên Biên Phu, Geneviève de Galard Terraude, “Mam’zelle” comme la surnommaient les légionnaires, s’est éteinte à l’âge de 99 ans. La famille légionnaire a le cœur lourd tant “l’ange de Diên Biên Phu”, seule femme infirmière dans l’enfer de cette célèbre bataille, a marqué les combattants de la cuvette. Légionnaire de 1re classe d’honneur depuis Camerone 1954, la Légion lui rendra les honneurs qu’elle mérite.

Au début du mois d’avril, au cours de la cérémonie poignante de Camerone, l’émotion était forte parmi ceux qui étaient présents à la maison mère pour l’hommage aux Anciens, tombés en Indochine. Assister à un tel cérémonial donne une idée de la permanence et de la force des vertus militaires. Même si Camerone est passé depuis plus d’un mois, c’est le Képi Blanc du mois de juin qui fait la recension des commémorations de ce combat.

Il convient de revenir sur la première des fêtes de la Légion où les plus hautes autorités du ministère nous ont fait l’honneur de présider les cérémonies : le ministre des Armées au 2e REG, le chef d’état-major des Armées au 2e REP, où tous deux ont ajouté une palme aux drapeaux des deux régiments, le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) à la maison mère, le major général de l’armée de Terre au 1er REC ; l’ancien commandant de la Force Barkhane au 2e REI ; le gouverneur militaire de Paris au GRLE et les officiers généraux de corps d’armées, anciens chef de corps de Légion, au 4e RE et à la 13e DBLE, le général commandant la
6e BLB au 1er REG et, enfin, les COMSUP1  des forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien et des forces en Guyane, au DLEM et au 3e REI. Tous ont montré leur attachement à la Légion étrangère pour cet événement ; qu’ils soient remerciés d’avoir rehaussé de leur présence nos commémorations.

Au 1er Etranger, nos Anciens d’Indochine ont répondu présents dès lors que leur condition physique le leur permettait. Au son de la Sarabande de Georg Friedrich Haendel puis du Concerto de l’Adieu de Georges Delerue, le colonel Grué, le major Helferstorfer et le légionnaire de 1re classe Bosy ont remonté la Voie sacrée, encadrés par les pionniers. A travers eux, c’est à tous les combattants d’Indochine et de Diên Biên Phu que La légion étrangère a rendu un hommage saisissant.

Avec le colonel Grué, la Légion a honoré les quelque 250 légionnaires qui se sont battus contre 10 000 assaillants, défendant jusqu’à l’épuisement la citadelle de Dong Khé au mois de septembre 1950. Méconnu dans la geste légionnaire, faute de survivants pour raconter le combat, ce “Camerone des calcaires” du nord du Tonkin a retrouvé toute sa place dans les pages de gloire de la Légion. Enfin, le sergent Georges Pelletier, nommé chef de section au feu au 1er BEP, grièvement blessé après un combat héroïque en décembre 1951 à Xom Moc, a été fait chevalier de la Légion d’honneur, juste récompense pour celui qui, centenaire, a gardé dans sa chair, les stigmates de ce combat. Le porteur, les accompagnateurs et les décorés “sont des figures inspirantes pour tout soldat, de beaux symboles d’une Institution qui entretient et puise dans son histoire les ressources pour faire face aux défis de ce soir et se préparer à ceux de demain qui pourraient être plus exigeants encore2 … ”.

De fait, dans son ordre du jour, le CEMAT nous exhorte à nous entraîner sans relâche, pour être prêts aux affrontements les plus durs. “Demain, s’il le faut, comme vos Anciens de Camerone et de Diên Biên Phu, vous vous battrez avec la volonté de lutter jusqu’à la dernière extrémité pour vaincre”. Aussi, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté et que les esprits soient prêts, l’article 6 du Code d’honneur du légionnaire retrouve désormais sa version originale : “La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout, à tout prix”. Faire Camerone, certes, mais ne pas oublier qu’il n’y a pas de petites missions…

Pour conclure, à la demande de l’armée de Terre, des COMSUP et des chefs de corps, le ministre des Armées vient d’officialiser le changement de nom du Détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM). à compter
du 1er juin et afin de lui donner de la visibilité en interministériel et au sein des unités du “rocher”, le 5e Régiment étranger se substitue au DLEM, en devenant le régiment de Mayotte et récupère toutes les traditions du “Régiment du Tonkin”.

Le général commandant

la Légion étrangère

KB875 - La préparation opérationnelle

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Au moment où le souvenir des festivités de Camerone s’estompe, il est temps de poursuivre la préparation opérationnelle des unités de Légion. “Si vis pacem, para bellum (1)”, “train as you fight and fight as you train (2)”, “entraînement difficile, guerre facile”, nombre de dictons militaires rappellent que la préparation opérationnelle est décisive pour la victoire. Aussi, il est tout naturel que celle-ci soit au cœur de l’attention des chefs dans la grande transformation de l’armée de Terre qu’ils ont lancée. Repenser la guerre comme un affrontement de deux forces de même pied semble imposer une remise en cause de la manière de s’entraîner. Mais cela ne veut pas dire que depuis des années les unités se seraient laissées aller à la facilité ou que les régiments ne sont plus prêts à un engagement en haute intensité. En effet, l’article 5 du Code d’honneur du légionnaire reste bien ancré : “Soldat d’élite, tu t’entraînes avec rigueur, tu entretiens ton arme comme ton bien le plus précieux, tu as le souci constant de ta forme physique”.

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De fait, l’entraînement aux engagements les plus durs est culturel à la Légion et il ne s’agit pas de changer cet état d’esprit d’un iota. S’entraîner à la manière des Anciens, cela signifie cultiver le fond de sac du légionnaire : la rusticité. La guerre à l’Est est là pour rappeler à quel point cette dimension est indispensable au combat. Pour un légionnaire, faire la guerre, cela veut dire tenir le terrain, dans la durée, quelle que soit la météo, la température ou les conditions tactiques. Pour un légionnaire, faire la guerre c’est porter de lourdes charges et bondir de poste de combat en poste de combat. Mais cette rusticité n’est pas que physique, elle est aussi morale. Garder son sang-froid quand les difficultés se multiplient, résister aux épreuves physiques et morales, ne pas s’effondrer lorsque les morts et les blessés s’accumulent, cette force de caractère relève du savoir-être collectif et se développe par l’esprit de corps. Seuls le groupe, la section, la compagnie, le régiment permettent de faire face et de poursuivre la mission. Cette force d’âme se développe dans la douleur des entraînements difficiles mais aussi au quotidien par les traditions, les usages et les règles de vie en vigueur à la Légion.

Être prêt

Mais l’esprit des Anciens doit être baigné d’actualité, il s’agit de se préparer aux réalités des guerres d’aujourd’hui : Ukraine, Gaza, Haut-Karabakh... Il est indispensable que chacun s’intéresse à la manière de combattre dans son domaine de spécialité sur ces champs de bataille. Cette curiosité est salvatrice et offre l’ascendant dans des combats de position, en zone urbaine ou dans des offensives reposant sur la vitesse de la manœuvre. Les affrontements en cours convergent en un point : le vainqueur sait aussi bien utiliser les plus hautes technologies que s’en passer. Il sait surtout combiner ces deux situations. Plus que les considérer de manière successive, c’est de manière conjointe qu’il faut employer “high-tech” et “low-tech”. En 2024, l’enjeu est bien celui-ci. Être prêt revient à s’entraîner avec endurance, réalisme et pragmatisme. Le drill, véritable discipline de l’entraînement doit rester une force, comme il a toujours été à la Légion, aussi usant soit-il. Cette persévérance est surtout nécessaire pour maîtriser tous les matériels de haute technologie qu’il faut savoir exploiter à plein potentiel. Il serait inadmissible pour des soldats professionnels de n’utiliser qu’une partie des capacités de leurs équipements. Cet entraînement doit aussi nous permettre de savoir réaliser les mêmes performances dans des situations de frugalité technologique avancée. Afin d’atteindre cette excellence, l’autonomie du système Légion conserve toute sa pertinence, en garantissant la disponibilité des personnels, des véhicules, des transmissions, des optiques comme de l’armement.

Rien n’empêche

Je vous encourage donc tous, officiers, sous-officiers et légionnaires à poursuivre votre entraînement avec pugnacité. Votre niveau de préparation opérationnelle doit demeurer une obsession. L’ingéniosité et l’entrain sont, au bilan, les principales ressources pour, un jour, monter à l’assaut dans les meilleures conditions. La guerre de demain ne sera bien sûr pas celle d’aujourd’hui, mais plus vous serez prêts, plus vous saurez vous adapter. Votre imagination et le goût développé de nos régiments pour l’innovation sont les clés indispensables à la victoire. Enfin, nous détenons une richesse non mesurable dans la variété des profils de nos légionnaires et sous-officiers. Il est impératif de l’exploiter afin de s’adapter, le jour venu, avec réactivité et agilité aux menaces qui progressent dans tous les domaines, cinétiques comme non cinétiques. Poursuivons donc nos efforts, comme nous savons le faire, sans nous brider, ni nous restreindre.

Le général commandant

la Légion étrangère

CAMERONE 2024 : Le colonel (er) Bernard Grué portera la relique du capitaine Danjou

Il y a 70 ans, Diên Biên Phu tombait après un affrontement dantesque où la fatigue, la boue, le sang, la mort mais aussi la fraternité d’armes étaient quotidiens. La chute du camp retranché sonnait le glas de la présence française en Indochine où la Légion était présente depuis 1883. Ils sont moins d’une soixantaine de survivants aujourd’hui. Ils étaient soixante-trois à Camerone. Tous se sont battus, fidèles à leur serment de servir la France, jusqu’au bout, à tout prix. Les survivants valides et disponibles de l’Indochine seront à Aubagne, au pied du monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de Camerone et celle des 12 602 officiers, sous-officiers et légionnaires tombés en Indochine.

Entourés de la Légion d’active, des régiments et bataillons de Légion ayant combattu à Diên Biên Phu, le colonel Bernard Grué remontera la voie sacrée en portant la relique de la main du capitaine Danjou. Il représentera l’ensemble de ses frères d’armes.

Bernard Grué voit le jour le 24 décembre 1924 à Bordeaux. Engagé volontaire devant l’intendant militaire de Coëtquidan au titre de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr le 28 novembre 1945. Affecté au centre d’instruction d’Angers, il rejoint le camp du Ruchard le 15 décembre 1945. Conformément aux directives du Général de Lattre de Tassigny, qui prévoyait que les saint-cyriens devaient obligatoirement au préalable faire un stage dans la troupe comme sous-officier, il est nommé au grade de sergent le 15 mars 1946. Il est affecté au 99e bataillon d’infanterie alpine à Bourg-Saint-Maurice, en Tarentaise le 15 avril 1946. Le 1er août 1946, il est affecté au 92e régiment d’infanterie au camp d’Opme, près de Clermont-Ferrand.

Admis aux cours de l’école spéciale militaire interarmes, il rejoint Coëtquidan en Bretagne le 16 janvier 1947. Ayant satisfait aux épreuves de l’examen de sortie, il fait le choix de l’infanterie métropolitaine. De novembre 1947 à février 1948, il est détaché au 7e régiment de tirailleurs algériens en Allemagne où il est promu sergent-chef le 1er décembre 1947 avant de rejoindre l’école d’application de l’infanterie au camp d’Auvours dans la Sarthe le 16 février 1948.

A l’issue de sa formation, il choisit la Légion Etrangère et est affecté au Dépôt commun des régiments étrangers en Algérie. Il embarque à Toulon le 18 novembre, débarque à Oran le lendemain et est présent à Sidi Bel Abbès le 20 novembre 1948. Il est affecté au groupement d’instruction motorisé en qualité de chef de peloton.

Le 22 mai 1949, il embarque à bord du SS Pasteur à destination de l’Extrême-Orient. Il débarque à Saigon le 7 juin où il est affecté au 3e régiment étranger d’infanterie. Il prend alors le commandement du poste 41 situé à une vingtaine de kilomètres au sud de That-Khê, sur une portion de la RC4.  Il est nommé au grade de lieutenant le 1er octobre 1949.

Les 16 et 17 septembre 1950 à Dong Khe, le lieutenant Grué est à la manœuvre sur la défense de son point d’appui fortement attaqué par un adversaire très supérieur en nombre et en moyens, se battant pied à pied avec un acharnement admirable, infligeant de lourdes pertes aux rebelles. Le 17 au matin, alors que l’adversaire a pris pied dans la citadelle, Grué, en se précipitant au canon de 57, servant lui-même cette arme, repousse l’assaut par un tir meurtrier à bout portant qui provoque un repli désordonné des rebelles, laissant sur place une dizaine de cadavres. Le 18 au matin, sa position est écrasée par l’artillerie et cernée de toutes parts, il lutte jusqu’au corps à corps, puis, blessé, il perd connaissance et est capturé par l’adversaire.

Durant quatre ans, de septembre 1950 à août 1954, le lieutenant Grué est interné au camp n°1. Libéré le 28 août 1954, il est rapatrié sanitaire. Il quitte Saigon le 10 septembre et débarque à Marseille le 4 octobre. Evacué sur l’hôpital du val-de-Grâce à Paris, il bénéficie de congés de convalescence et de fin de campagne jusqu’à la fin mars 1955.

Désigné pour suivre une formation d’officier spécialisé dans les questions d’Orient et du Moyen-Orient, il est affecté à l’état-major des forces armées à Paris en novembre 1955. Diplômé des langues orientales en Persan, puis breveté de l’enseignement militaire supérieur, il part comme capitaine en Algérie d’où il revient pour intégrer le centre militaire d’études slaves puis pour suivre les cours de l’Ecole de guerre iranienne à Téhéran. De 1968 à 1971, il est attaché militaire adjoint à Moscou, de 1972 à 1974, il commande le 46e régiment d’infanterie à Berlin, puis il prend la direction du renseignement au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) à Paris. Il quitte l’armée en 1978 avec le grade de colonel et fera une seconde carrière dans un grand groupe pharmaceutique.

Il est marié depuis 70 ans cette année à Marie-Odile, qui l’a attendu pendant sa captivité. Il est père de trois enfants, Christine, Philippe et Anne-Marie, baptisée du nom du chant bien connu du 3e REI. 

Le colonel Bernard Grué est Grand officier de la Légion d’honneur, officier de l’ordre national du Mérite et titulaire de la croix de Guerre des théâtres d’opération extérieures avec une palme et deux étoiles de bronze, de la médaille coloniale et de la croix de la Valeur militaire.

KB874 - Le symbole de tous les combats héroïques

Combat héroïque pour certains, défaite magnifique pour d’autres, défaite tactique et ictoireopérative pour les théoriciens de la guerre, la littérature autour du combat de Camerone est abondante. Képi blanc, ce mois-ci, dans un dossier exhaustif, vient la compléter. Au-delà du contexte géopolitique, des combats à un contre cent et de l’héroïsme, il faut retenir que les légionnaires, fi dèles à leur serment, alors que tous leurs offi ciers étaient tombés, ont continué à se battre jusqu’au bout.

Commémoré à l’initiative d’un lieutenant en 1906, Camerone est le symbole de tous les combats héroïques de la Légion de Tuyên Quang à El Moungar, Bir Hakeim, Phu Tong Hoa, Diên Biên Phu et plus récemment Tombouctou. C’est aussi la toile de fond qui accompagnera le légionnaire tout au long de sa vie et qui lui rappellera qu’il a promis de servir avec Honneur et Fidélité, le jour où il a coiffé son képi blanc.

Il y a 70 ans, Diên Biên Phu tombait après un affrontement dantesque où la fatigue, la boue, le sang, la mort mais aussi la fraternité d’armes étaient quotidiens. La chute du camp retranché sonnait le glas de la présence française en Indochine où la Légion était présente depuis 1883. Ils sont moins d’une soixantaine de survivants aujourd’hui. Ils étaient soixante trois à Camerone. Tous se sont battus, fidèles à leur serment de servir la France, jusqu’au bout, à tout prix. Les survivants valides et disponibles de l’Indochine seront à Aubagne, au pied du monument aux morts pour honorer la mémoire des héros de Camerone et celle des 12 602officiers, sous-officiers et légionnaires tombés en Indochine. Entourés de la Légion d’active, des régiments et bataillons de Légion ayant combattu à Diên Biên Phu, ils seront trois pour remonter la voie sacrée et représenter l’ensemble de leurs frères d’armes.

Le colonel Grué, ancien chef de section au 3e REI, combattant sur la RC4, à Dong Khê et survivant du camp n°1, portera la main du capitaine Danjou. Il représentera les officiers ayant combattu en Indochine. Les sous-officiers le seront par le major Helferstorfer, ancien du 2e REI et du 5e RE en Indochine et ancien président des sous-officiers du 1er RE. Le légionnaire de 1re classe Bosy, ancien des compagnies de génie Légion et ayant effectué trois séjours en Indochine, représentera tous les légionnaires. Il incarnera aussi l’hommage que la Légion rendra, cette année, aux sapeurs légionnaires des 1er et 2e REG qui fêtent respectivement les 40 et 25 ans de leur création. Tous deux ayant servi au 5e RE, c’est aussi un symbole alors que le 5e RE va renaître à Mayotte, en remplacement du DLEM, le 1er juillet 2024.

Désigner celui qui aura l’honneur de porter la main du capitaine Danjou le 30 avril à Aubagne, n’est pas aisé. Seuls 74 porteurs ont eu ce privilège depuis 1947, date à laquelle un officier supérieur de la maison mère y a été assigné pour la première fois. Si de nombreux Anciens méritants, à l’image du commandant Bernard Amet, ont disparu trop tôt pour en faire partie, des hommes valeureux se sont succédé, du simple légionnaire symbolisant “le culte sacré de la mission”, au président dessous-officiers de la Légion désigné lors du confinement de 2020, ou bien encore les inspirants chefs de bataillon Cabiro, Faulques, Morin et Hubert Germain, le dernier des Compagnons.

Parmi les rescapés, la figure du colonel Grué s’est imposée car, au-delà de son courage au combat sur la RC4, de sa résilience en captivité au camp n°1 et de l’amour qu’il portait à ses légionnaires, son expérience relatée dans “L’espoir meurt en dernier” est édifiante pour tous ceux qui exercent des responsabilités, qu’ils soient civils ou militaires. Cette leçon apprise dans l’adversité est une remarquable règle de vie que je vous partage : “Outre la chance et la santé, il faut avoir la volonté tenace de vivre et de lutter (…), envers et contre tout et tous. Il est indispensable d’avoir au cœur un feu qui brûle sans cesse, une passion qui donne un sens et un but à la vie, une étoile qui nous guide, un beau et grand projet, exaltant, futile, aléatoire, qui nous font, sans cesse, rebondir vers l’avenir, (…), qui nous poussent à avancer quand nous avons envie de nous coucher (…). C’est cela, l’espoir qui fait vivre. C’est cela aussi, la magie du rêve qui encourage et nourrit l’action dans les moments les plus désespérés. Les plus belles entreprises sont nées d’abord dans le rêve. Et je suis maintenant persuadé que ces conditions sont valables tout au long de la vie, en toutes circonstances, à tous les âges, pour chacun de nous, car, si la guerre vient à prendre fin, la lutte pour la vie, elle, continue tous les jours, dans l’ombre et le secret, plus difficile, plus longue, plus ingrate encore que le combat dont il vient d’être question, parce qu’alors nous sommes seuls à la mener”.

Joyeux Camerone, “More Majorum” !

Le général commandant

la Légion étrangère

KB873 - “Rien n’empêche” le 2e Étranger de génie !

 

De Sidi Bel Abbès à Foum Zabel ou au Gahéré Guéni, le légionnaire a toujours eu une âme de bâtisseur parce que, d’une certaine façon, son cœur est déraciné. Il trace des routes, s’installe et reconstruit ici, les lieux qui ont été abandonnés ou les liens rompus là-bas. Le génie de la Légion incarne tout particulièrement, et pleinement, cet esprit propre au “légionnaire bâtisseur”.

Cette année, avec leurs frères d’armes qui ont libéré la France en 1944 ou combattu en Extrême-Orient ainsi qu’à Dien Bien Phu, les deux régiments de génie Légion sont mis à l’honneur. En effet, le 1er Régiment étranger de génie fête ses 40 ans et le 2e Régiment étranger de génie, ses 25 ans. Symboliquement, ils célébreront ensemble la Sainte Barbe, au mois de décembre.

Dernier né des régiments de Légion étrangère, le 2e Régiment étranger de génie (2e REG) a conservé, de ses illustres Anciens, le goût de l’aménagement et des constructions. Il arrive en 1999, à Saint-Christol, dans une caserne en piteux état. Les légionnaires réalisent alors le tour de force de transformer ces tristes locaux en un quartier somptueux prenant le nom de “maréchal Kœnig”. Les légionnaires font sortir de terre une magnifique place d’armes, un couloir mémoriel et un monument aux morts, pour honorer les héros d’hier et d’aujourd’hui. Une salle d’honneur est également aménagée pour mettre en valeur les exploits passés et présents du régiment.

Malgré sa jeunesse, le 2e REG a eu son content de gloire et d’aventures. Il a été déployé sur tous les théâtres d’opérations extérieures de ces dernières années. Des Balkans au Sahel, en passant par le Liban et, bien sûr, l’Afghanistan, ce régiment a inscrit ses pas avec humilité et détermination dans les traces de ses Anciens.

Il y est parvenu grâce à ses cadres et légionnaires qui manient la pelle et le fusil avec ardeur et détermination. Dans les vallées d’Afghanistan ou dans les déserts sahéliens, les sapeurs ouvrent, tracent la route et combattent aux côtés de leurs frères d’armes fantassins, cavaliers ou commandos. Une fois la piste ouverte et la zone saisie, ils ne s’arrêtent pas quand les autres se reposent. Ils doivent encore construire une base ou un poste opérationnel avancé pour se protéger des coups de l’ennemi et disposer d’une base d’assaut pour aller le frapper plus loin encore. C’est lors d’une mission de reconnaissance de la construction d'un de ces points d'appui que le chef de bataillon Dupin a trouvé la mort le 17 décembre 2010 à l’entrée de la vallée d’Alasay en Afghanistan. Son nom, dernier de la longue liste des officiers de Légion morts pour la France et qui figure dans la crypte du musée de la Légion à Aubagne, a été donné à la promotion de l’École militaire interarmes (EMIA) ; il est également mis à l’honneur dans le couloir mémoriel du 2e REG, où son portrait fait face à ses Anciens d’Indochine morts au combat.

Les sapeurs sont aussi déployés sur les pistes boueuses et dans la Selva en Guyane. Là aussi, ils montent à l’assaut, le fusil à la main pour traquer le garimpeiro et lutter contre l’orpaillage illégal. Ils doivent parfois tirer profit des unités spécialisées comme les plongeurs qui s’infiltrent à travers la jungle via les criques. Ce théâtre oblige à la mise en œuvre de la fouille opérationnelle, sollicite les savoir-faire des sapeurs, afin de rechercher les ressources dissimulées par les orpailleurs illégaux. Une fois ces missions remplies, les légionnaires remettent leur arme dans le dos, détruisent le matériel saisi et retroussent leurs manches pour rénover les pistes et les carbets du CEFE, illustrant la devise du génie : “Parfois détruire, souvent construire, toujours servir”.

Les légionnaires du 2e REG sont des légionnaires sapeurs de montagne, issus d’une fine alchimie : combattants parce que légionnaires ; bâtisseurs parce que sapeurs ; rompus aux milieux extrêmes parce que montagnards. La meilleure illustration de cette vocation de bâtisseur est le chantier de réfection du camp des Rochilles, au-dessus de Valloire, à plus de 2 000 m d’altitude. Sur un terrain où tout devient plus dur, où seules la plus grande rigueur et l’excellence ont leur place, les légionnaires ont montré toute l’étendue de leur savoir-faire. À la pointe de l’innovation, le 2e REG ne compte pas en rester là et prévoit la mise sur pied d’un groupe de pionniers spécialisé dans les infrastructures de préparation opérationnelle en montagne. 

Les sapeurs sont aussi des bâtisseurs de solidarité. Ils l’ont prouvé au travers des nombreux travaux au profit de la Légion et de ses Anciens comme le columbarium du Coudoulet, ou encore le chai, l’hémicycle et le musée à Puyloubier. La solidarité s’applique aussi au profit de la population française comme lors de la tempête Xynthia en 2010 ou en opérations (Baliste en 2006 et Amitié en 2010 au Liban). C’est enfin en mission de courte durée que cette solidarité se manifeste, hier comme aujourd’hui, dans la Corne de l’Afrique, à Djibouti, Obock ou Tadjoura. Et le temps n’arrive pas à user leurs solides ouvrages…

Mais le sapeur du 2e REG n’a pas l’apanage de cet esprit bâtisseur. Il coule dans les veines de chaque légionnaire et, comme le dit le chant, “on nous donne des vieux bâtiments, on les retape et on fout le camp”.

Enfin, il est impossible de terminer cet éditorial sans évoquer celui qui a bâti sa carrière par l’effort : le général Tresti s’est éteint le 15 février 2024. Il était un “concentré d’honneur et de fidélité”, selon les mots employés, en avril 2021, pour le décrire. La Légion lui a rendu un bel hommage, au quartier Vienot, en présence du général Guignon, des anciens COMLE, des Anciens, des délégations de la maison mère et des régiments, au cours d’une cérémonie solennelle, sobre et émouvante. Pour tous, le général Vittorio Tresti, de ses débuts avec des fourreaux de légionnaire puis de sous-officier sur les épaules en Algérie, d’officier à Diego Suarez ou Kourou, à la fin de sa carrière avec des étoiles de général de brigade, incarne la loyauté, la persévérance, la force de caractère, la promotion au mérite et l’illustration “qu’à la Légion, tout est possible”.

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