20211121 - Sava Stépanovitch, parcours dans un siècle tourmenté

 

Sava Stépanovitch est décédé le 21 novembre 2021. Serbe d’origine, naturalisé français et américain, il est inhumé au carré légionnaire du cimetière orthodoxe de Sainte-Geneviève des Bois. Lieutenant de la Légion étrangère, lieutenant-colonel de l'armée Américaine, il traverse les guerres d'Indochine, d'Algérie et du Vietnam. Le général (2S) Bruno Dary a prononcé son éloge funèbre en brossant le parcours de celui qu'il appelle "Mon Ami".

 

Ecrire l’éloge funèbre de quelqu’un n’est jamais un exercice facile. Celui d’aujourd’hui l’est encore plus ! En l’occurrence, comment commencer et comment vous appeler, mon ancien ?

Ce terme de « Mon ancien » ne vous convient pas, car vous êtes toujours resté jeune de cœur et d’esprit ; et votre attachement à Saint-Cyr en est une preuve !

Alors, « Mon capitaine » ? Mais vous avez terminé à un grade supérieur dans vos différentes carrières militaires !

« Mon colonel » ? Mais ce n’est pas exact, car vous avez terminé votre carrière, comme capitaine dans l’armée française et c’est à ce titre que vous avez été décoré de la Légion d’Honneur !

« My dear fellow » ? Mais ici, dans le temple de la culture militaire française, ce serait déplacé !

« Cher donateur » ? ce serez vraiment vulgaire !

« Mon cher camarade » , C’est mieux, mais c’est un peu froid et vous méritez mieux !

« Cher Président », puisque vous avez présidé à la remise de votre prix à Saint-Cyr ? Ce serait un peu prétentieux, surtout pour vous, qui avez toujours su faire preuve d’une vraie humilité.

Alors, mon cher Sava, permettez-moi de vous appeler tout simplement « mon ami » ! Car vous fûtes vraiment un ami, et comme tout véritable ami, un ami sincère et un ami fidèle !

Et puis, mon ami, pour vous me permettrez de faire court, pour ne pas froisser votre simplicité de grand soldat, de celui qui, à l’instar de nos nombreux anciens, a dit et répété : « je n’ai fait que mon devoir ! ». Sinon, plusieurs livres ne suffiraient pas pour évoquer votre vie, ou plutôt votre légende !

Vous êtes né en Serbie en 1927, et à 16 ans, vous rejoignez la résistance des partisans Tchetniks contre l’occupation allemande ; vous êtes blessé au cours d’un accrochage, puis évacué et soigné en Italie.  Mais la situation a largement évolué dans votre pays natal, avec l’arrivée au pouvoir des communistes ! Ne pouvant retourner en Serbie, vous obtenez l’asile politique en France en 1947 et vous êtes accueilli par la famille des Rohan. Puis, après des études au lycée Lakanal, vous êtes admis à Saint-Cyr, à titre étranger et vous appartenez à la promotion Garigliano (1949-1951). Et, à la sortie, vous choisissez la Cavalerie.

Jeune lieutenant et comme « officier à titre étranger », vous êtes d’abord affecté au 1er régiment étranger stationné à Sidi Bel Abbes, en Algérie ; puis vous retrouvez la guerre, et la guerre contre le communisme, en rejoignant l’Indochine au sein d’un groupement amphibie de la Légion, à la tête d’un peloton de « Crabes » du 1er REC, puis quelque temps dans les rangs du 2ème Bataillon Etranger de Parachutistes – le 2ème BEP - en cours de reconstitution après son anéantissement dans la cuvette de Dien-Bien-Phu.

En 1955, avec le contingent français, vous quittez l’Indochine, cette terre que vous avez passionnément aimée, et où vous reviendrez plus tard, mais dans d’autres circonstances ! Avec la Croix de guerre des TOE, vous devenez « Français » autant pour les services rendus que par le sang versé ! Puis vous rejoignez  l’Algérie où vous allez continuer à servir votre nouvelle patrie, la France, durant plus de 6 années : vous servirez d’abord à la 2ème CSPL (Compagnie Saharienne Portée de la Légion Etrangère), puis au 2ème REC, et enfin dans le groupement des commandos parachutistes de réserve générale. Cité à 3 reprises pour toutes vos actions courageuses, vous quittez l’armée française, en mai 1961, après les événements d’Alger.

Quelques années plus tard, en 1965 et en raison de votre expérience, de votre parcours hors norme et de votre volonté de vous battre contre le communisme, vous rejoignez l’US Army avec le grade de capitaine. Vous y servez d’abord comme instructeur au centre des Forces Spéciales de Fort Bragg, avant de rejoindre cette terre que vous aviez passionnément aimée, le Vietnam, mais cette fois au sein de la 101ème Division Aéroportée. Vous y êtes d’abord officier renseignement, puis officier opérations de la 1ère brigade aéroportée. Dans les rangs de l’US Army, vous êtes cité à quatre reprises.

A la fin de la guerre du Vietnam, vous poursuivez votre carrière militaire, d’abord à l’académie militaire de West-Point, puis de nouveau en Extrême-Orient, en Thaïlande, au Cambodge, et toujours à l’étranger, que ce soit en Italie, en Belgique ou en Allemagne. Après 23 ans passées dans ses rangs, et une dernière fonction au Pentagone, vous quittez l’armée américaine, en 1987, avec le grade de lieutenant-colonel.

Mais si le métier des armes prend fin, quand vous arrivez à l’âge de 60 ans, votre carrière ne s’achève pas pour autant ! Fort de votre passé, de votre culture, de votre intelligence et des relations que vous avez su tisser au long des années sous les armes, vous allez continuer à rester particulièrement actif ! Vous allez œuvrer constamment à rapprocher la France et les Etats-Unis ; vous le ferez de façon discrète, comme en organisant chaque année, le 4 juillet, la cérémonie en hommage à Lafayette au cimetière de Picpus – et c’est d’ailleurs là que nous nous sommes rencontrés ! Vous le ferez de façon plus officielle à l’occasion du 50ème anniversaire de la 2° Guerre Mondiale, célébré en France. Et vous le ferez même au moment où les relations se tendront entre nos deux pays, quand la France refusa, en 2003, de s’engager en Irak. Et puis, au moment où votre pays, la France, est engagé dans les Balkans, vous n’oublierez pas vos origines serbes et vous serez amené à conseiller nos plus grand chefs militaires, comme le Chef d’Etat-major des Armées ou le Chef de l’Etat-major Particulier du Président de la République ; vous conseillerez même de hautes autorités politiques ! Parallèlement, vous donnerez des conférences, tant aux Etats-Unis qu’en France, jusqu’à un passé très récent ! Parallèlement à vos activités de conseil, vous n’oubliez pas l’Ecole qui vous a formé, alors que vous n’étiez qu’un étranger, Saint-Cyr : avec nous, vous allez créer un prix récompensant les meilleurs élèves de la Spéciale ; à Saint-Cyr, vous allez financer un cercle-mess pour les Elèves de Saint-Cyr ; et vous serez encore présent dans les murs de la Spéciale lors du dernier Triomphe, à l’été 2021 !

Et votre carrière culminera un certain 28 janvier 2020, quand le Grand Chancelier de la Légion d’Honneur vous remettra, au Palais de Salm, les insignes de « Commandeur de la Légion d’Honneur ».

Au-delà de votre vie passionnante et même tumultueuse, nous nous souviendrons de votre courage, qu’il soit physique ou moral, et qui s’est traduit par un engagement permanent et entier pour ce en quoi vous croyiez profondément ! Nous nous souviendrons de votre générosité sans limite et jusqu’à votre dernier souffle, notamment à l’égard de la Spéciale ! Et nous nous souviendrons surtout de votre fidélité à l’égard des pays que vous avez servis, des causes que vous avez défendues et plus particulièrement de la nation qui, voici plus de 75 ans, a su vous accueillir, quand vous étiez, seul, perdu et abandonné, et vous donner une famille, les Rohan et une patrie, la France !

GAR (2s) Bruno DARY, Président de la Saint-Cyrienne

20210420 - Il y a cinquante ans la vie dans un régiment pendant la Guerre d’Algérie (1955-1961) - Général Noël Chazarain.

20210420 - CAMERONE par le général Bernard Goupil

20210418 - Une unité particulière, la Légion étrangère - Réalité et légende - Noël Chazarain

20210416 - Belloy-en-Santerre - 4 et 5 juillet 1916

 https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/

JMO du RMLE du 23 juin au 12 juillet 1916.

20210411 - Volontaires pour Diên Biên Phủ

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Renfort parachutiste, mars 1954. © ECPAD

En avril 1954, après les combats qui se sont succédé lors de la bataille des cinq collines, la situation des effectifs du camp retranché s’est considérablement dégradée. Afin de renforcer la garnison, des volontaires non parachutistes sont largués sur Diên Biên Phu.

À la veille de la bataille de Diên Biên Phu, la garnison du groupement opérationnel du nord-ouest (GONO), commandée par le colonel Christian de la Croix de Castries, rassemble quelque 10 813 combattants répartis en trois sous-secteurs et huit centres de résistance qui accueillent dix bataillons. Par ailleurs, deux autres bataillons sont placés en réserve générale "en cas de coups durs" : le 1er bataillon étranger de parachutistes (1er BEP) et le 8e bataillon parachutiste de choc (8e Choc).

À partir du 13 mars 1954, les pertes dues à l’offensive viêt-minh font chuter le nombre de combattants des armes de mêlée capables de s’opposer aux unités de l’armée populaire. Aussi, dès le mois d’avril, le lieutenant-colonel Langlais, en charge des contre-attaques à Diên Biên Phu, demande à ses supérieurs, à Hanoï, d’autoriser le parachutage de personnels de renfort non brevetés parachutiste, c’est-à-dire n’ayant jamais sauté. Dans un premier temps, il reçoit une fin de non-recevoir, notamment en raison de l’opposition du colonel Sauvagnac, commandant les troupes aéroportées d’Indochine.

Face à l’urgence de la situation, l’état-major des forces terrestres du Nord-Vietnam décide toutefois, le 8 avril, de mettre en place des stages accélérés afin de breveter les combattants non parachutistes, volontaires. Les premiers stages doivent être organisés qu’à partir du 15. Cette décision et la lenteur apportée par le commandement dans ses réponses provoquent l’ire du lieutenant-colonel Langlais et, le 11 avril, ce dernier envoie au colonel Sauvagnac un télégramme devenu célèbre : "Vous n’avez pas encore compris la situation à Diên Biên Phu - Stop - Je répète qu’il n’y a plus ni GONO - ni GAP [Groupement aéroporté] - ni légionnaires - ni Marocains, mais seulement 3 000 combattants dont les piliers sont les paras qui au prix d’un héroïsme et de sacrifices inouïs tiennent tête aux 4 divisions de Giap. Le sort de Hanoï et de la guerre d’Indochine se joue à Diên Biên Phu - Stop - Devriez comprendre que la bataille ne peut être alimentée que par renforts parachutés brevetés ou non - Stop - Le colonel de Castries […] obtiendra du généchef [général en chef] tout ce que vous me refusez".

renfort parachutiste 1954

En effet, il faudra l’ordre du général Navarre lui-même pour que les volontaires soient autorisés à être largués sur le camp retranché. Au total, sur les 4 277 hommes qui viennent renforcer la garnison entre le 13 mars et le 7 mai 1954, environ 700 sont des volontaires non brevetés. Comme le rappelle un rapport en date du 15 mai, environ 1 100 autres candidats non brevetés n’ont pu être parachutés, "les possibilités de transport [aérien] ayant été inférieures à l’effectif disponible"…

Après la chute de Diên Biên Phu, le reproche est fait au général Navarre de s’être obstiné, au vu de la physionomie de la bataille, à alimenter celle-ci jusqu’aux derniers jours. En réalité, cet "acharnement à prolonger la résistance" comme le qualifie Navarre lui apparaît nécessaire à plusieurs titres : l’honneur militaire le commande, la possibilité d’un retournement de la situation n’est pas à exclure jusqu’au dernier moment et l’éventualité d’un cessez-le-feu avant l’ouverture des pourparlers sur l’Indochine à Genève l’interdit. Cette politique qui conduit dans les faits à poursuivre le parachutage de renforts au profit du GONO est, il convient de le souligner, non seulement approuvée mais également ordonnée par le gouvernement français.

Ivan Cadeau - Officier et docteur en histoire au Service historique de la défense – In Les chemins de la mémoire n° 243 avril-mai 2014

À savoir

Sur 4 277 volontaires parachutés (1 384 Français métropolitains, 30 Nord-Africains, 962 légionnaires, 1 901 autochtones), 680 sont des volontaires non brevetés (215 Français métropolitains, 30 Nord-Africains et 435 légionnaires).

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