SITUATION GÉNÉRALE.
La situation militaire s'est très notablement améliorée dans son ensemble depuis quelques semaines. La zône repeuplée et à peu près tranquille s'étend maintenant jusqu'à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest, à l'ouest et au nord-ouest de Tananarive, et jusqu'à quarante kilomètres au moins dans les autres directions.
Bien qu'il soit encore imprudent de voyager sans escorte, les attaques sur la ligne d'étapes ont cessé depuis que de nombreux blockhaus occupent tous les points dangereux de part et d'autre de la route.
Les bandes rebelles, affaiblies par de nombreuses défections, sont rejetées dans les parties peu peuplées des limites de l'Imérina et dans la forêt qui sépare l'Imérinade la vallée du Mangoro. Mais ces derniers rebelles, irréductibles, sont plus tenaces et plus courageux que ceux des grandes bandes avaient que nos troupes à combattre il y a quelques mois; malgré les nombreuses prises que nous avons faites, ils ont conservé un assez grand nombre de fusils à tir rapide, et ils n'hésitent pas d'ailleurs à attaquer nos postes et nos reconnaissances à l'arme blanche. C'est ainsi que la 3e compagnie de la légion étrangère a été assaillie dans la nuit du 7 au 8 décembre à Ankankélave (vallée du Mangoro), par un groupe de rebelles audacieux qui ont profité d'une obscurité épaisse pour se glisser tout nus jusqu'aux tentes de nos hommes.
Ils ont été vigoureusement repoussés, mais six légionnaires ont été blessé dans la lutte à l'arme blanche.
Une série d'opérations méthodiques vont être entreprises au nord et au sud de la route d'étapes, de concertentre les troupes des cercles d'Ambohitrabiby et d'Ambatomanga d'une part, et du Cercle de Moramanga d'autre part, pour arriver à faire disparaître les quelques bandes d'insurgés déterminés qui se tiennent encore dans la forêt.
M. le Colonel Combes a commencé ces opérations entre le poste d'Analabé etla vallée de la Mananara, et au sud-est,
M. le Lieutenant Colonel BorbalCombret vient de partir avec la 2e Ce de légion étrangère pour aller procéder à l'occupation du Voromahéry.
A l'ouest, un nouveau bond en avant sera fait prochainement pour rejeter définitivement les rebelles qui refuseraient de se soumettre dans les pays sakalaves.
Enfin au nord-ouest, M. le Lieutenant Colonel Gonard est sur le point de rouvrir définitivement nos communications avec Majunga en occupant avec la 5e compagnie sénégalaise, les postes d'Ambohimanjakely et de Kianjara, entre Ankazobé etAndriba.
Le 26 Novembre 1896, pendant une reconnaissance dirigée par M. le Capitaine Flayelle, le soldat de 2e classe Ilérold, de la 1ere Compagnie du Bataillon de Légion Etrangère, cherchant un gué pour traverser l'lkopa, perdait pied, entraînait d'abord M. le Capitaine Flayelle qui s'était porté à son secours, puis le Caporal Seylaz de la même Compagnie qui avait essayé de rendre le même service à son Capitaine. Tous trois, roulés et meurtris par une cascade, allaient disparaître, lorsque le sergent-major Broussouloux et les soldats Hergert et Amedei se jetèrent résolument à l'eau. Les deux premiers réussirent à retirer M. le Capitaine Flayelle et le Caporal Seylaz. Le légionnaire Amadei, ramenant son camarade Hérold, se rétablissait sur une roche et allait le sauver, lorsqu'il glissa et disparut à tout jamais avec lui.
En portant ce malheureux accident à la connaissance des troupes, le Général Commandant le Corps d'Occupation tient à rendre hommage au soldat Amadei, mort victime de son dévouement, et adresse ses félicitations à M. le Capitaine Flayelle, au sergent-major Broussouloux, au caporal Seylaz et au soldat Hergert, de la 1ere Compagnie du Bataillon de Légion Etrangère pour le courage dont ils ont fait preuve dans cette circonstance.
Au Quartier Général,
Tananarive, le 5 Décembre 1896.
Le Général Commandantle Corps d'Occupation
et Résident Général de France à
Madagascar,
GALLIENI.
NOUVELLES ET INFORMATIONS
TANANARIVE
La 2e Compagnie de légion (Capitaine Deleuze), mise à la disposition de M. le Commandant du Cercle d'Ambatomanga, a quitté Tananarive le 5 Décembre pour se rendre à Behengy, d'où elle doit concourir à l'occupation du sous-gouvernement de Tsinjoarivo (haute vallée de l'Onivé).
RENSEIGNEMENTS MILITAIRES.
AMBATOMANGA.
La 2e Compagnie du bataillon de la Réunion (Capitaine Cadet) est arrivés à Soavina. Cette Compagnie remplacera dans ses anciens postes la 3e Compagnie de légion mise à la disposition de M. le Commandant du Cercle de Moramanga (1er territoire militaire).
Le poste d'Ambohimangakely est supprimé.
DÉCISION N° 103
instituant l’œuvre des tombes à Madagascar.
Pendant la campagne de 1895 et les colonnes qui l'ont suivie, il n'a pas été possible d'apporter tous les soins désirables à l'entretien des cimetières et des tombes des officiers et soldats décédés à Madagascar. Il importe de donner aujourd'hui à tous ceux qui ont succombé des sépultures convenables.
Pour remédier à l'état d'abandon des cimetières actuels, parer aux frais des inhumations et permettre de munir chaque tombe d'attributs funéraires, le Général Commandant le Corps d'occupation et Résident Général de France à Madagascar.
Décide:
ART. 1. — Il est institué à Madagascar. une œuvre des tombes, qui sera chargée de pourvoir à l'entretien des tombes au moyen de souscriptions volontaires faites parmi les officiers du Corps d'Occupation.
ART. 2. — Il sera constitué une commission dite « Commission de l’œuvre des tombes », dans chacune des villes suivantes; Tananarive, Majunga, Diégo-Suarez,Tamatave, Fianarantsoa.
Les commissions auront la composition suivante :
1° Médecin chef de l'hôpital,
2° Un officier de troupes,
3° Un officier du Commissariat
Les membres seront nommés par le Commandant d'armes.
Chaque commission est chargée de recueillir les cotisations, auprès des officiers résidant dans la région dont elle est le chef-lieu, savoir :
Majunga : Boueni jusqu'à Andriba,
Diego-Suarez : Région de Diégo-Suarez.
Tamatave : Postes de la Côte Est, Ambatondrazaka.
Tananarive : Imerina, ligne d'étapes jusqu'à Andevorante.
Fianarantsoa : Betsiléo.
A l'aide des sommes versées chacune d'elles doit :
1° Pourvoir et veiller, sous la responsabilité du Commandant d'armes, à l'entretien du cimetière local;
2° Fournir aux postes de sa région des fonds pour l'inhumation des militaires décédés.
ART. 3. — Dans les cinq centres précités, l'entretien et la construction des tombes militaires pourront être assurés par des entreprises civiles,au moyen de marchés passés de gré à gré.
Dans les postes, la construction des tombes, la confection des ornements funéraires, l'entretien des cimetières seront assurés par les Commandants des postes à l'aide de ressources locales et des sommes fournies par l’œuvre des tombes.
A cet effet,des fonds leur seront envoyés sur demande spéciale adressée au Comité de leur région.
ART. 4. — Une souscription sera faite chaque année parmi tons les officiers présents dans la Colonie.
Les fonds seront remis au trésorier de chaque Commission qui en fera la répartition d'après les besoins.
ART. 5. — Dans les villes où il existe déjà des cimetières locaux, les Commandants d'armes s'entendront avec les autorités civiles pour qu'un emplacement soit réservé aux sépultures des militaires.
Tananarive, le 18 Novembre 1896, Le Général Commandant le Corps d'occupation et Résident Général de France à Madagascar. GALLIENI.