18951229 - Le Petit Journal Illustré - Le Général Zédé

18951227 - Le Courrier de Tlemcen - Madagascar

18951224 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar... (suite 4)

Lettre de Madagascar... (suite 4)

 

Je suis assis sous une tente et je contemple le paysage. Notre bivouac est établie dans un camp hova encore occupé hier par eux.

Aussi loin que je peux distinguer, des traces de feu.  — La désolation —  Partout les villages ne sont presque pas touchés car les maisons sont assez hautes et il n'y a que la toiture en chaume qui peut-être brûlée — A côté d'un groupe d'habitations, je vois une briqueterie.

C'est assez primitif. La terre est coupée par mottes, qui une l'ois extraites sont superposées et exposées au soleil. J'aperçois quelques maisons couvertes en tuiles et surmontées de paratonnerres.

A un autre endroit, j'ai vu un temple protestant inachevé. Aux ouvertures, l'encadrement en pierre de taille ainsi que les soubassements. On reconnaît cet édifice à son clocher où il ne manque que les cloches. Un tableau en chêne sur lequel on peut voir des numéros de psaumes, inscrits à la craie.

Les habitants semblent devenir moins farouches ou retirer la confiance aux ardeurs guerrières des Hovas. On en aperçoit fuyant dans les: montagnes au passage de la colonne, guettant notre départ pour revenir sans doute au gîte. Même dans un village il y avait toute une famille assise par terre, et nous regardait passer avec des grands yeux étonnés.

On a capturé un troupeau de moutons : nous ne sommes qu'a 30 ou 35 kilomètres de Tananarive.

Quel soupir de soulagement, car nos hommes sont presque à bout de forces.

27 septembre

Enfin, j'ai vu Tananarive, il est vrai à 15 kilomètres environ à vol d'oiseau. Une grande montagne avec un amas confus de constructions. Avec la jumelle j'ai pu distinguer la cathédrale et une immense façade dominant majestueusement, ce fouillis percé d’innombrables ouvertures rectangulaires.

Nous avons aperçu la capitale en ayant fait un mouvement tournant pendant la journée. Du. bivouac actuel la vue est masquée par de grandes montagnes.

Le 26 à 5 heures du matin, départ de Babay 1re brigade en avant, 1er bataillon du Régiment d'Algérie en tête, ma compagnie avant garde, 2 chasseurs nous précèdent en éclaireurs. A 1 kilomètre de nos avant postes l'ennemi est signalé. Ma compagnie prend la formation de combat et en arrivant sur un petit plateau nous sommes accueillis, d'abord par des Coups de canon venant d'un village perché sur une hauteur en nid d'aigle et par un feu terrible dé fusils dé toutes sortes. Les Hovas étaient là à 300 mètres formidablement
retranchés ou embusqués derrière une longue crête de rochers, un peu en contre-bas.

La compagnie est mise en ligne par sections debout et les feux de salve commencent. Pendant environ 25 minutes nous continuons ainsi sous un feu nourri qui fait littéralement pleuvoir les balles. 7 à 8 hommes tombent : on continue à tirer. Les Hovas restent et semblent ne pas vouloir céder. Pendant ce temps les compagnies de réserve sont en ligne et tirent également.

Le général Metzinger voit de même les balles tomber autour de lui.


(A Suivre)

Nos Légionnaires.

 

Le bruit court que nos rapatriés de Madagascar iraient débarquer à Mostaganem d'où les convalescents seraient dirigés sur Arzew et tes valides sur leurs régiments respectifs.

18951222 - Le Progrès de Bel-Abbès - Nos Morts.

 

Nos Morts.

Les 3000 décès survenus dans l'expédition de Madagascar, comprennent 2.487 Français, et se répartissent ainsi, par régiment :

200e de Ligne : 650 décès
40e Chasseurs à pied : 380 —
Chasseurs d'Afrique : 30 —
Artillerie de terre : 360 —
Génie : 260 —
Train : 210 —
Infirmiers : 60 —
Ouvriers d'administrat. : 50 —
État-major et gendarmes : 7 —
Infanterie de marine : 150 —
Artillerie de marine : 100 —
Marine : 30 —

Les troupes étrangères comptent 520 décès, dont :
Légionnaires et Tirailleurs algériens, 340.
Tirailleurs haoussas et malgaches, 180.
Dans cette véritable hécatombe ne sont pas compris les malheureux morts pendant la traversée de retour, ni les rapatriés morts en France ; ceux-là se chiffrent par centaines. Et encore, si c'était fini ! Mais on compte : de Tananarive à Majunga, dans les ambulances et hôpitaux, 600 soldats malades ; à Nossi Comba et Helville, 500 malades, soit 1.700 hommes, dont la plupart périront.

Enfin, les 183 officiers et 2.000 soldats rapatriables ne sont pas tous en bon état ; nous savons, par des missives d'amis, qu'ils sont réduits à l'état de squelettes, qu'un dernier souffle de vie et surtout l'espoir d'un prompt rapatriement, font seuls tenir encore debout. Acceptons cependant le charmant euphémisme du colonel Boilloud qui, dans son état, les qualifie de semi valides. Ces pauvres martyrs, derniers débris d'une magnifique division de 15.000 hommes se décomposent ainsi :

Officiers - Soldats

Légion Étrangère : 15 - 300
200e de Ligne : 45 - 600
40e Chasseurs à pied : 12 - 120
Chasseurs d'Afrique : 2 - 10
Artillerie : 20 - 40
Génie : 10 - 100
Train : 10 - 50
Services administratifs : 26 - 100
Service de santé : 26 - 150
Dépôt des isolés : 1 - 220
Dépôt,de convalescents : 1 - 300
Services des étapes : 15 - 10
Totaux : 183 - 2.000

Ces chiffres, si on les compare aux effectifs de départ, vous remplissent d'épouvante. Jugez en :

Le 200e de ligne, parti à 2.100 hommes, revient à 600 ; le 40e Chasseurs à pied est réduit de 1.000 à 120 hommes ; dans l'artillerie, chaque officier commande à deux hommes ; nos braves légionnaires eux-mêmes, si résistants à la fatigue, ne se comptent plus que 300 sur 950 partants, ! (y compris une relève de 150 hommes) ; dans les autres corps de troupes, le déchet est le même, sinon plus effrayant encore.

Nous n'ayons pas le courage d'ajouter un commentaire

18951220 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar... (suite 3)

 

Lettre de Madagascar... (suite 3)

 

Je viens de visiter un village qui n'est pas ; brûlé, car ceux qui sont en dehors de la route sont en général intact; les hovas n'ont sans doute pas osé s'écarter de leur chemin. Et les habitants n'ont pas tous obéi aux injonctions du 1er Ministre.

J'étais stupéfait. Le village est entouré d'un mur en terre de 3 mètres de hauteur. A l’intérieur il y a des amandiers et des grenadiers. Cinq à six maisons seulement à 2 étages.
Une maison au milieu ou plutôt un hangar qui devait servir de lieu de réunion sans doute. Une immense salle, les murs plâtrés, des nattes sur le sol, au fond une estrade. Des affiches en caractères latins : parlant de la religion protestante. Des bibles imprimés à Londres et signées de missionnaires anglais.

Dans les maisons, des chambres vastes, aux murs plâtrés, avec aux portes des battants en bois de chêne, avec moulures, mortaises, l'art moderne de la menuiserie.

Le sol en terre battue ou en bois. Les bottines à bouts pointus, de nombreuses bouteilles vides portant des étiquettes de liqueurs variées, dénotent que les habitants n'ignorent pas les douceurs et tes bienfaits de la civilisation. Des escaliers bien entretenus mènent aux étages. Les balcons en bon état.

Mais sur le tout, plane un silence de mort.
Comme culture presque pas de trace. Des rizières, du mansoé, des patates. Je crois que ces gens s'occupent principalement de l'élevage des bestiaux et que pour le reste ils vivent comme tous les peuples orientaux, de riz et de.... paresse.

Babay le 25 septembre.

Le 24, arrivée à l'étape à 5 heures du soir.

Aujourd'hui départ à 5 h. 1/2 : nous rejoignons la 2e brigade qui, contrairement aux ordres donnés, les hovas ayant été signalés et le général en chef n'ayant pas voulu laisser marcher la brigade seule.

Il y a même eu quelques coups de fusil d'échangés. Une connaissance a, en outre fait des feux de salve à 1500 mètres. D'après les prisonniers (la 2e brigade en a fait une vingtaine) les hovas sont complètement désorientés et n'osent pas retourner à Tananarive.

Donc, à partir de 8 heures du matin, marche d'ensemble de la colonne légère : arrivée ici à Babay à 1 heure de l'après-midi,

Le pays change de plus,en plus d'aspect; les villages deviennent inombrables. Partout, sur chaque mamelon, sur chaque hauteur, des groupes de maisons entourées d'un mur ou d'un fossé et d'arbres de toutes espèces. Dans aucune contrée en Europe il peut y avoir autant d'habitations réunies dans un cadre relativement restreint. Ces groupes ou hameaux ou villages sont composés, en général, de 4 à 10 maisons, dont le style devient de plus en plus propre, élégant, si je peux m'exprimer ainsi. Toutefois ii y a des villes de 100 à 150 maisons. Mais ces grands centres sont rares.

Je crois que chaque groupe d'habitation est peuplé par une seule et unique famille. Cela expliquerait cette quantité incalculable d'abris. Ils sont en général tellement proches l'un de l'autre que les habitants de deux groupes peuvent échanger des politesses sans trop crier.

La culture devient aussi plus nombreuse et plus riche.

On remarque la plante de l'ananas, de l'aloès, etc, etc.


(A Suivre)

Nos Malgaches.

 

Ce n'est pas sans une certaine stupeur mêlée d'une tristesse facile à comprendre que lors des rapatriements des premiers soldats revenant de Madagascar, que les habitants d'Alger se sont vus interdire l'accès auprès de ces pauvres diables que l'on débarquait dans leur port.

A ce moment, l'intérêt du Ministère, organisateur d'une expédition qui restera fameuse dans les annales de l'imprévoyance et de l'incurie administratives, demandait à ce que rien des choses navrantes connues de lui seul, ne vint aux oreilles du public, et que celui-ci dans un mouvement d'indignation, ne forçat un de ses mandataires, député ou sénateur, de lui demander compte du triste spectacle étalé sous ses yeux.

Aujourd'hui il n'en est plus de même, et nous ne comprenons pas qu'on prenne, alors qu'un débat sur Madagascar — étouffé dans l’œuf, il est vrai — nous a appris par la voix des députés qui y ont pris part, ainsi que par celle des journaux de toutes nuances, les conditions déplorables dans lesquelles s'est faite cette expédition qui n'a réussie que grâce à l'endurance de nos troupes, à leur héroïsme et à l'énergique conduite de son chef tant de précautions.

Aussi, c'est avec un profond étonnement que nous lisons dans l’Écho d'Oran, que la municipalité à la tête de laquelle se trouve l'honorable et sympathique M.Coutures, devra s'abstenir d'une manifestation populaire qui devait témoigner aux rapatriés de Madagascar les sentiments patriotiques et admiratifs de la population oranaise.

« La municipalité a été avisée officieusement, que toute communication serait interdite avec le bord, et que les quais seraient barrés pendant toutes les opérations du débarquement.

« Les Dames de France elles-mêmes, ne seront autorisées à assister au débarquement sur le quai qu'en très petit nombre et munies de leurs insignes.

« Elles ne pourront.distribuer aux convalescents qu'un peu de vin d'Espagne et avec l''autorisation d'un docteur militaire. »

De deux choses l'une : où, nos Malgaches que ramène le Chandernagor, sont dans un état pitoyable, et toutes les Dames de France à qui est dévolu, non le monopole de la charité, mais une mission à elles  confiée par toutes leurs concitoyennes, ne seront pas de trop, pour consoler ceux que la mort marque du doigt.

Où les convalescents, ainsi qu'on les désigne, pourront supporter— non sans émotion — il est vrai, les ovations enthousiastes de la patriotique cité qui à nom Oran.

Quoi ! couverts de fleurs à leur départ, les superbes bataillons que l’Algérie envoya au charnier Malgache, aujourd'hui décimés, réduits à l'état dé squelettes, ayant laissé un grand nombre des leurs là-ba, ne pourraient pas voir se joindre à la gloire qu'ils ont si chèrement achetée, un peu de l'amour que nos population tenaient en réserve pour eux en attendant leur retour.

Nous nous inclinons.— nous l'avouons sans comprendre — devant les décisions prises en haut lieu et nous sommes persuadés, absolument comme l’Écho d'Oran, que la manifestation que réserve les oranais à nos chers troupiers, sera — quoique non officielle—digne de ceux en l'honneur de qui elle aura lieu.

**

Quand à Bel-Abbès l'empressement avec lequel se couvrent les listes de souscriptions, démontre surabondamment que nos légionnaires en arrivant dans notre ville, seront reçus avec tontes les sympathies dont ils sont si dignes.


Cet article était déjà à la composition, lorsque les journaux quotidiens d'Oran, sont venus nous apprendre l'arrivée du Chandernagor sur la rade de Mers-el-Kébir dans la nuit du 18 au 19, d'où il en partait au jour pour venir s'attacher au quai de la Transatlantique.

Les lamentables compte-rendus de débarquement se passent de commentaires, et nous n'ajouterons rien à ce qu'en disent le Petit Africain, le Petit Fanal et l’Écho d'Oran.

Nous devons ajouter cependant que la consigne imposée pour, le débarquement des troupes du Chandernagor, n'a pas été aussi rigoureuse qu'on l'avait annoncée.


A. BOURDON.

18951217 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar... (suite 2)

 

Lettre de Madagascar... (suite 2)

 

Mais il a fallu retourner à plus de 6 kilomètres, chercher les sacs On a déjeuné, et à 2 heures nous sommes repartis en avant.

A 6 h. 1/2 du soir, arrivée à l'étape, après avoir escaladé ces immenses hauteurs. Fatigue terrible. Tout le monde était à bout, et après avoir mangé, à 9 h. 1/2, je me suis laissé tomber sur ma couverture pour dormir d'un sommeil de plomb.

Aujourd'hui 20, séjour. La 2e brigade va marcher devant nous à son tour. On suppose qu'à partir de maintenant la résistance dés Hovas sera nulle.

Par contre ils ravagent tout dans leur fuite. Tous les villages sont la proie des flammes et presque partout l'herbe ou la brousse est brûlée. De sorte que maintenant il faut se coucher sur le sol nu. Il est également très difficile de trouver du bois.

Il fait un froid de loup la nuit.

21 septembre 1895.

Encore séjour aujourd'hui pour permettre à la 2e brigade de prendre de l'avance.
Un fragment du courrier de France du 13 août est arrivé hier. p style="text-align: right;">Amtoby 23 septembre 1895.

Le 22, départ à 5 h. 30 du malin. Étape de 18 kilomètres, 6 h. 1/2 de marche fatigante. Le pays semble devenir moins accidenté. Une plaine mamelonnée entre deux chênes de montagnes qui se rapetissent au fur et à mesure que l'on avance.

Par ci par.là des villages ou plutôt des vestiges, car tout a été brûlée. La carcasse des maisons subsiste, carcasse en terre et briquettes rouges.

On trouve quelques cochons dans ces villages, des grenades et quelques amandes.

Aujourd'hui départ à 5 heures, 6 heures de marche-. Le pays devient de plus en plus beau ; des vestiges de villages partout, à chaque ruisseau ; en spécial on n'y voit que 6 à 10 maisons dans chaque. Certains sont fortifiés et ont fort bon air de loin. Dans leur précipitation les Hovas n'ont pas pu brûler, détruire tout, de sorte qu'il n'y a que les toitures en chaume qui ont brûlées. Plus nous pénétrons dans l'Emyrne, plus les habitations deviennent confortables ainsi que les alentours.

Des portes.en bois de chêne, grossièrement faites, il est vrai. Des charnières, des serrures, des charpentes bien assises, des volets aux fenêtres, jusqu'à des jalousies ou persiennes. Des balcons à certaines maisons, avec des arabesques sculptés en bois. J'ai vu des fauteuils style nouveau, une table ronde vernie avec des pieds tournés.

Devant une porte il y avait des crépins dénotant ainsi la demeure d'un gnaf. Bref, tout révèle une civilisation point du tout sauvage.

Mais tout est mort. La guerre a passée par ici. Pas un être humain. Par ci par là, un petit poussin abandonné ou un chien errant. Cela donne froid.

D'ennemis, pas de trace. Il est vrai que la 2e brigade qui nous précède, doit faire place nette.
24 septembre 95..
Nous sommes de garde au convoi et ne partirons qu'à 10 heures. Nous sommes à environ 60 kilomètres de Tananarive.

(A Suivre)

 

Pour nos Légionnaires

 

Nous avons reçu de M. le Maire de Bel-Abbès, la lettre suivante :

Bel-Abbès, le 15 Décembre 1895

Mon Cher Directeur,

 

Le Conseil Municipal s'est réuni hier en séance privée pour examiner les mesures à prendre en vue-de recevoir le plus dignement possible les troupes ayant tait partie du corps expéditionnaire de Madagascar qui doivent rentrer prochainement.

Conformément à une décision prise au cours de cette séance j'ai l'honneur de vous adresser ci-inclus une liste de souscription en vous priant de vouloir bien recueillir les offrandes de nos concitoyens qui ont toujours fait preuve de la plus grande générosité chaque fois que l'on a fait appel à leur patriotisme.

La Commune s’inscrit en tête de cette liste pour une somme de 500 francs.

Le montant de ces souscriptions sera remis entre les mains de Monsieur le Colonel, commandant le 1er Régiment Étranger qui pourra en faire au profit des rapatriés l'usage qui lui paraîtra le plus convenable.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur l'assurance de mes meilleurs sentiments.

Le Maire, BASTIDE.

 

Prise de Tananarive

 

A peine eûmes-nous connaissance de la prise de Tananarive que nous fîmes part à nos lecteurs de l'analogie frappante qui existait entre notre nouvelle possession et le Tonkin.

A Madagascar,tout comme en Extrême-Orient, la piraterie existe et il nous y sera beaucoup plus difficile à la réprimer— le climat y étant beaucoup plus malsain — et la connaissance que nous avons de l'île étant des plus imparfaites.

Nous ne pourrons employer à courir sus aux bandits Sakalaves que les troupes noires nous venant de la côte occidentale d'Afrique et si l'on tient compte des nombreuses défections qui se produisent, chaque, chaque années parmi nos noirs.; volontaires attirés par l'appât d'une prime, nous sommes persuadés que ce qui se passe au Tonkin se passera également à Madagascar.

La piraterie malgache trouvera des recrues dans les rangs des haoussas, les troupes noires devant seules occuper les divers points stratégiques de l'île.

Non contents de s'en prendre aux habitants de piller leurs cases, les fahavalos attaquent nos troupes blanches qui se dirigent vers la côte et tel pauvre diable que la maladie où les balles avaient épargné et qui croyait bientôt revoir la France succombe au coin d'un bois d'un fossé ou d'une route !

En effet nous lisons dans le Petit  Journal les lignes suivantes :
— « On disait hier que la colonne du général Metzinger est arrivée a Marololo fort réduite par les maladies et seulement 300 hommes- Aurait il pu. avec ces faibles forces, purger la roule des fahavalos audacieux qui l'ont envahie ? Cela me parait douteux.

Un détachement parti le 30 octobre d'Andriba pour Tananarive, sous le commandement du capitaine Pognard, a été attaqué par des bandits : on les a repoussés et huit d'entre eux seraient tombés entre nos mains, mais à un kilomètre à peine de Suberbieville, Rainigita, un des chefs sakalaves qui était revenu des premiers, a été razzié par des pillards qui lui ont volé des bœufs et, tué un homme sans qu'il pût se défendre, car on leur a enlevé leurs fusils et il n'y a plus à Madagascar que les voleurs qui soient armés. Le parc de Sakoabe, à 500 mètres de Majunga, où l'intendance avait réuni un certain nombre de bœufs, a été également enlevé dans la nuit du 3 au 4 novembre.

« Comme vous le voyez, la situation n'est pas très brillante, et il est temps que les troupes noires destinées à garder la vallée du Betsïboka nous arrivent. On dit que l'intention du général Duchesne est de maintenir à Mévatanana une garnison de 300 hommes avec 100 mulets ou chevaux et six mois de vivres ; ce ne sera pas de trop si ont veut utiliser la voie fluviale. »

N'est-ce pas que c'est édifiant et que la danse des millions et l'envoi des petits paquets de troupes va recommencer ! Nouveau minotaure Madagascar, va distraire de notre trésor le plus clair de nos réserves métalliques, et nous dégarnirons le Sénégal qui surveille Tombouctou pour garantir avec 5 à 6-000 hommes un territoire de 590.000 kilomètres carrés ! plus grand que la France !

L'Algérie a plus de 60.000 hommes pour la garder et on prétend faire respecter notre drapeau sur ce territoire Malgache avec 6.000 hommes.

Nous souhaitons de tout notre cœur que de cruels mécomptes ne viennent pas s’ajouter à nos embarras financiers et administratifs.

A. BOURDON.

18951213 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar... (suite 1)

 

Lettre de Madagascar... (suite 1)

 

Notre artillerie, retardée par les mauvais passages, arrive et se met en mesure de riposter avec efficacité. C'est merveilleux de voir des obus éclater au-dessus des positions ennemies.

L'infanterie recommence à marcher, et dès maintenant l'ennemi est en déroute Il est 2 heures. Quelle journée fatigante, les hommes n'en pouvaient plus, rien que des hauteurs et des ravins, les Hovas ont eu des pertes sérieuses, les malgaches ont 1 tué et quelques blessés, un de nos blessés est mort le lendemain ; nous couchons sur les positions conquises.

Le 16, marche et poursuite, quelques coups de canon et de fusil, sur des traînards. Arrivée à l'étape à 4 heures.

Le 17, même opération, l'avant-garde engage le combat vers 11 heures du matin. Au bout d'une demi-heure, tout est fini et les Hovas continuent leur fuite, on fait une dizaine de prisonniers.

Aujourd'hui nous faisons séjour, le2°groupe (marine) passe devant nous, pour exécuter un mouvement tournant ; le soir à 5 heures nous (le bataillon) prenons les avants-postes à environ 6 kilomètres d'ici.

Maharitza, le 20 septembre 1895.

Le 18, nous arrivons aux avant-postes à 7 heures du soir. Une altitude de 900 mètres.

De là on découvre les plus fortes défenses, qui aient été vues jusqu'à ce jour.

Partout des montagnes hautes, hérissées de retranchements.formidables.

Toutes les crêtes sont blanches de Hovas.

Le Général en chef donne ses ordres pour le lendemain.

Le 19, dès 4 heures du-matin, les colonnes, s'ébranlent. La brigade Voyron fait un mouvement tournant. Les Tirailleurs Algériens au centre, en réserve ; la Légion, sans sac, fait un mouvement tournant par la gauche.

En approchant nous sommes accueillis par des obus qui tombent, devant nous ; le tir est trop court.

En nous dérobant, nous grimpons toujours et nous arrivons en face, ou plutôt au-dessous de la plus formidable position, 1463 mètres d'altitude, on distingue une multitude de défenseurs, des canons, un drapeau.

Il est 0 heures, on entend la fusillade de la 2e brigade, on avance !

Un feu nourri ne nous empêche pas de marcher. Les Hovas tirent de trop loin.

Quelques balles (de fusils à tir rapide sans doute) passent au-dessus de nos têtes.

L'artillerie de chez nous tire quelques coups par dessus nous ; nous nous attendons à une résistance sérieuse, à une journée terrible. Tout à coup on voit de toutes les crêtes, l'ennemi battre en retraite.

Ce n'est pas étonnant : la brigade Voyron s'approchait insensiblement et allait les envelopper. Ce voyant, les Hovas avec leur lâcheté habituelle on cru devoir battre en retraite (pas par échelon ni en bon ordre).

Résistant, je ne sais pas combien nous aurions perdu de monde.

C’étaient les plus hautes, les meilleures et les plus formidables positions de Madagascar.

Les Hovas étaient plus de 8000 et avaient 30 canons, on en a capturé 2, il y â eu 1 blessé chez nous. A 10 heures du matin, tout était fini.


(A Suivre)

Les Malgaches.

 

Demain-samedi, le Conseil Municipal se réunira dans le local ordinaire de ses séances pour élaborer un programme de réceptions et de fêtes en l'honneur de nos pauvres Malgaches.

Combien va-t-il en revenir ? cent peut-être ?

Pauvres diables ! braves cœurs partis si joyeux se battre là-bas au nom de la France ! Comment allez vous nous être rendus !

Enfin ! nous savons que le Conseil fera tout ce qui dépendra de lui pour recevoir d'une façon digne de la ville qu'il représente les épaves de ce beau demi-bataillon parti il y a 8 mois.

 

L'interpellation de Madagascar

 

Cette interpellation attendue si anxieusement a eu lieu la semaine dernière.

Nous avons été un des premiers à penser qu'il s'en dégagerait quelque chose sur la façon dont cette expédition avait été entreprise, et par qui les responsabilités étaient encourues.

Nous sommes sorti — et bien d'autres comme nous — non pas Grosjean comme ci-devant, mais écœuré, nous pourrions ajouter dégoûté du spectacle auquel nous avions assisté.

Vous n'êtes pas sans avoir vu sur nos champs de foire, des théâtres de marionnettes. Il suffit; de tirer une ficelle et ces marionnettes sont mises en mouvement ; gesticulent et font comprendre leur mimé aux badauds qui ont donné deux sous.

Voila ce qu'ont, été nos parlementaires — à quelque parti qu'ils appartiennent— dans celle séance qui fait remonter nos souvenirs à un quart de siècle.

Le 15 juillet 1870, le ministre Olivier déclarait au corps législatif : « Depuis hier nous avons rappelé nos réserves. Nous continuerons à prendre toutes les mesures nécessaires pour sauvegarder nos intérêts, la sécurité et l'honneur de la France.»

Les « mesures nécessaires ». nous savons ce qu'elles étaient et, mieux encore, ce qu'elles ont coûté à la France. L'expérience, qui comportait cependant une grosse leçon n'a pas porté son fruit. Nous avons vu M. Hanotaux dans l'affaire de Madagascar, alors ministre des affaires étrangères, parodier la déclaration Olivier et affirmer à la tribune, dans les termes suivants, que nous étions prêts ; « L'expédition, disait-il, est étudiée depuis de nombreuses années, les sondages ont été faits autour de l'île, ou tout au moins à l'abord des ports utiles à l'expédition ; toutes les études sont faites, nous avons à l'heure actuelle préparé l'expédition, et pour ne pas engager la guerre sans l'assentiment du Parlement, nous venons dire : Tout est prêt, vous pouvez faire ou ne pas faire l'expédition. »

Tout est prêt ? Quelle ironie.

Vous faites écrire en face de votre nom : Olivier — Hanotaux ; 1870-1895.

Tout est prêt ? Quel mensonge ; comme vous avez trompé le pays et diminué à celle heure la confiance qu'il avait en son armée, en ses forces militaires ; comme vous nous avez montré que les sacrifices que nous nous imposons chaque année servent à peu de chose, — j'allais écrire comme ils servent à compromettre notre sécurité.

Nous ne savons pas jusqu'où nous irions, si nous laissions libre cours a notre indignation, partagée, nous en sommes certain, par tous qui, comme nous, espéraient en un retour de la vigilance et de la prévoyance.

M. le président du Conseil a refusé tous les ordres du jour tendant à là nomination d'une commission,parce qu'il pouvait a à l'occasion de cette enquête naître des inconvénients graves pour la défense nationale elle-même ». Vous n'auriez pas mal fait, M. le président, de l'aire ordonner, si c'était, possible, que les débats de cette interpellation I soient tenus secrets 1

Sait-on comment on organise en France une expédition comme celle de Madagascar ?

Écoutez l'aveu que va faire à la tribune M. le ministre de la guerre : « En réalité, dit M. Gavaignae, l’expédition a été préparée par une commission qui a siégé au mois d'août J894- et qui comprenait un chef de bataillon représentant le ministère des colonies; un chef d'escadron représentant le ministre de la guerre, un lieutenant-colonel de l'infanterie de marine et un agent du ministère des affaires étrangères.

«. En-raison des circonstances que je vais dire, en raison de la brièveté des délais qui ont été impartis ultérieurement, c'est réellement par cette commission de quatre membres, dont aucun n'avait de responsabilité dans la direction de l'expédition, que les bases pour ainsi dire définitives de l'expédition ont été jetées. Et on a plus eu ensuite qu'à ratifier en quelque sorte, sauf des modifications peu importâmes, les décisions que cette commission avait prises. '
cette commission a fonctionné au mois d'août 1894. C'est le 12 novembre, par une décision presque imprévue, qu'on a, du jour au lendemain, chargé le ministère de la guerre d'une mission à laquelle rien ne l'avait préparé, »

En ce qui concerne les sondages affirmés par M. Hanotaux, l'aveu du ministre de la guerre est intéressant à retenir : « Elle a été faite — la reconnaissance -  par trois officiers qui opéraient en pays ennemi et qui n'avaient à leur disposition que des moyens matériels EXTRÊMEMENT SOMMAIRES. »

Et l'histoire de l'embarquement du matériel ?

On se rappelle qu'il fallut pour  embarquer nos canonnières recourir à trois navires anglais, notre marine, prétendit-on n'ayant, pas de transports pouvant les embarquer. L'un de ces trois navires, le Brikburn, fut abordé par un navire anglais dans le golfe de Messine, subit des avaries qui le retinrent trois semaines dans le port de Messine, et le firent arriver à Madagascar après les affrétés transportant le gros du corps expéditionnaire.

Nous ne voulons rien commenter sur ce fait; nous bornerons à reproduire la déclaration suivante de M. Louis Brunet, lancée du haut de la tribune de la Chambre : Je ne puis établir aux yeux du gouvernement — et déjà j'ai communiqué une pièce à l'un de messieurs les ministres — de laquelle il résulte que, dans la question d'affrètement, c'est un étranger, un allemand, qui a profilé de ses relations avec le ministère de la Guerre et avec le ministère de la marine pour faire des propositions.

M. le Ministre de la Guerre n'a pas c0 dénié ce fait, pas plus que celui-ci relevé par M. Pierre Alype : les canonnières sont arrivées à Majunga ; on va donc les monter et s'en servir pour le transport, des troupes ; mais là, nouvelle déception, nouvelle faute encore
imputable, je crois à la marine : on s’aperçoit qu'une partie des pièces essentielles est restée à Toulon ; on ne peut pas les monter.

L'incurie a été poussée encore plus loin :

Ou sait qu'elle précieuse ressource est la quinine pour combattre les fièvres paludéennes. La 7e direction; (service de santé) le comprit si bien que. plusieurs milliers de kilogrammes furent  adressés au corps expéditionnaire. Lisons encore ici ce que dit l'Officiel à ce propos :

«... Ce qu'elle oublie de dire, c'est que les caisses qui la contenaient ont été jetées à fond de cale pêle-mêle, sans ordre, sans classification, avec les milliers de colis du corps expéditionnaire et que dans la précipitation du débarquement la plupart de ces caisses ont été oubliées et qu'elles ont été rapportées en France par les paquebots qui les avaient amenées. »

La question des transports à l'intérieur est des plus intéressantes à examiner, comme l'a bien voulu faire M. le Ministre de la Guerre, à qui nous cédons encore la parole.

« Ceux qui l'ont résolue disent, pour expliquer leur décision, que les transports par voiture présentent certains avantages incontestables. Dans les expéditions de ce genre, un mulet porte 100 kilogrammes et absorbe lui-même pour sa nourriture et celle de son conducteur 10 kilogrammes par jour. De sorte que le mulet porte lui-même dix jours de ses vivres et de son conducteur ; s'il fait dix jours d'étapes, il n'a fait aucun transport utile.

« Au contraire, le même mulet avec son conducteur, mangeant toujours 10 kilogrammes par jour, transporte dans une voiture légère du type qui a été adopté 200 kilogrammes ; s'il fait la même étape de dix jours, il a mangé 100 kilogrammes. Voilà l'argument considérable que l'on pouvait invoquer en faveur des voilures. C'est celui qui a déterminé leur adoption.

« J'estime, quant à moi, que cela a été une erreur, parce qu'il faut mettre en regard de ces avantages les inconvénients qu'on a payés si cher, la construction d'une route qu'implique nécessairement l'usage.des voitures, et j'estime que ces inconvénients pèsent d'un tel poids ('ans la balance qu'ils eussent dû porter à écarter celte solution. »

S'il fallait citer de ce débat tous les points malheureux, nous n'aurions pas de trop de ce journal. Il nous faut arriver a une conclusion. Avant cette conclusion nous demanderons encore à nos lecteurs la permission d'éclairer un autre point ; les erreurs de la période d'études : se perpétuant au cours et même après l'expédition.

Voici ce que nous apprend M. Marcel Hubert, et que nous devons croire exact, puis qu'aucuns rectification n'a été faite au cours des débats.

A un moment donné, le chef d'une partie du corps expéditionnaire, ayant besoin pour des troupes qu'il commandait de médicaments, chargea l'officier de marine commandant une canonnière de lui en rapporter. L'envoi ne fut pas fait. Au lieu de médicaments, la canonnière remonta le ballon du corps expéditionnaire. Je demande si cet officier de marine n'a pas exigé pour accomplir cet ordre qu'il fût écrit, ne voulant pas en prendre seul la responsabilité ?

«. Je demande par suite de quelle incurie, pour accompagner une expédition que l'on savait devoir se faire au moment des lièvres, on a envoyé un nombre d'infirmiers et de médecins notoirement insuffisant.

« Est-il vrai, que dans les hôpitaux, tous les médecins ont dû faire eux-mêmes le service d'infirmiers, et qu'on n'ait pas même pensé que les infirmiers pouvaient eux mêmes tomber malades. (Très bien !)

« Est-il vrai, comme on le disait tout à l'heure qu'un navire a dû revenir en France avec 700 malades soignés -par un médecin et deux vétérinaires, tous trois alités ? Est-ce que cela ne prouve pas qu'il y a eu des fautes graves commises, et dont la responsabilité doit être établie ?»

Voilà où nous en sommes après 25 ans de sacrifices.

Si le pays se contente des paroles des ministres, l'armée ne peut, le faire. Elle a le droit de connaître à quels sentiments ont obéi lés organisateurs de l'expédition de Madagascar et pourquoi les incuries signalées ont été commises.

C'est en sont nom que nous réclamons plus que jamais une commission d'enquête.

Commandant VICTOR.

18951210 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar... (suite)

 

Lettre de Madagascar... (suite)


Kinâdjy, le 18 Septembre 95.

Le 15 à 5 heures du matin, le mouvement commence en trois colonnes, pour l'attaque des positions de Tsaimnardry. Un large couloir mamelonné entre deux chaînes de montagne de hauteur immense. Le bataillon de la Légion au centre sur le sentier de la gorge ou sur le Thalweg. Le bataillon malgache sur les hauteurs de droite, les Tirailleurs Algériens à gauche. A 8 heures du matin la fusillade éclate partout. Nous sommes devant de formidables retranchements. L'Artillerie Hovas commence à tirer de tous côtés. Ma compagnie accélère l'allure pour couper la retraite à l'ennemi fuyant devant les Tirailleurs malgaches et haoussas qui chargent à la baïonnette. Une large crevasse nous arrête.
Nous ne pouvons faire que des feux de salve qui dispersent les chemises blanches (Hovas ; il ont pour tout uniforme une chemise blanche) comme une volée de moineaux.
Par contre un canon à une hauteur de plus de 200 mètres, nous; envoie des projectiles.

Deux obus passent avec un bruit sinistre au-dessus de nos tètes et vont frapper dans un village en flammes à 20 pas derrière nous.
Un troisième fait voltiger la poussière à dix pas devant

Pendant ce temps le mouvement des malgaches continue et l'Artillerie de ce mamelon bat en retraite.

Nous reprenons notre itinéraire et peu après nous apercevons trois camps retranchés.

De tous côtés surgissent des Hovas et dirigent les feux sur nous. Deux hommes tombent ! un de la 1re et un de la 4e.

Nous avançons sans riposter prendre position permettant de tirer sur les camps.

De trois côtés les canons tirent sur nous !

Le bataillon est en ligne et on fait des feux de salve par section. A toute minute on aperçoit une fumée blanche, quelques secondes après la détonation, et en même temps le froissement du projectile qui se visse dans les couches d'air nous prévient que l'acier va passer.

Instantanément la poussière voltige devant ou derrière !

Sans émotion les feux continuent. En 10 minutes plus de 30 obus arrivent et c'est miracle que pas un ne touche.

Les Hovas tirent avec une admirable précision.

Ma compagnie lient la gauche de la ligne ; les hommes sont à genou, les chefs de section debout.

Le capitaine est à côté de moi et avec les deux sergents nous formons un petit groupe qui paraît être le point de mire de la pièce du camp gauche.

Trois projectiles arrivent successivement, le premier à vingt pas devant le rang du peloton ; la 2e à dix pas environ, et le 3e à moins de quatre pas.

Nous sommes éclaboussé de sable.

Je puis vous assurer qu'il n'est pas toujours aisé de commander : Joue ! Feu ! malgré tout, les hommes se comportent très bien.

Le général Melzinger arrive, et le général en chef aussi. Deux obus s'enfoncent à côté d'eux.... La place n'est plus tenable sans risquer de grosses pertes....

Par bonheur très peu d'obus éclatent.

Deux seulement tombent sur un rocher, se dispersent et blessent un cheval.

 

Ordre du Régiment

 

A la suite d'une bagarre dans laquelle des légionnaires demeurés inconnus ont frappé un homme et deux femmes, M. le Colonel du 1er Étranger à adressé aux troupes sous son commandement l'ordre du régiment suivant, digne en tous points de la haute intelligence et du grand cœur du soldat duquel il émane.

L'arme, que tout soldat a l'honneur de porter au côté, est, à la fois, un emblème de force et de confiance : force mise au service de la Patrie, confiance accordée par elle.

C'est donc, chez un militaire, une faute d'une gravité exceptionnelle de trahir cette confiance, d'abuser de celle force ; c'est, de plus une lâcheté lorsque, armé, il s'attaque à ce qui ne l'est pas.

Deux faits de celle nature, dont les auteurs n'ont pas été reconnus, mais qui mettent en cause le Régiment, viennent d'être révélés au Colonel : l'un, est l'agression sauvage d'un Spahis, qui est grièvement blessé ; l'autre n'a heureusement pas eu les mêmes tristes conséquences, mais s'est produit contre deux femmes, ce qui le rend particulièrement odieux.


Ces faits, qui ne peuvent être attribués qu'à l'ivresse furieuse, déconsidèrent le Régiment. Le colonel n'entend pas-que de pareils actes de sauvagerie, si rares soient-ils, viennent porter atteinte à sa réputation. En celte occasion, il fait appel à l'esprit de corps, si vibrant parmi les. légionnaires, pour que ceux-ci, quelques risques qu'ils puissent couvrir, désarment immédiatement tout camarade mettant sabre au clair et ne l'abandonnent jamais avant de l'avoir fait rentrer au quartier, dés que l'ivresse a commencé à le rendre dangereux.

C'est une question d'honneur pour tous, et le chef de corps qui s'adresse à l'honneur des siens a toujours pleine certitude d'être compris.

Le Colonel, DE VILLEBOIS-MÂREUIL

M. Laroche est nommé résident général à Madagascar.

 

M. Laroche ancien préfet d'Alger, est nommé ces jours-ci résident général à Madagascar, vient de s'embarquer à Marseille pour Majunga. Il  emporte avec lui certaines clauses formelles, destinées à modifier profondément le traité emporté par le Générai Duchesne et à affirmer plus étroitement notre protectorat sur Madagascar.

Devant un tel fait qui pourra rouvrir la question malgache avec toutes ses conséquences, alors que nos soldais épuisés sont obligés de se livrer à la répression du brigandage (état permanent de l'ile) nous nous demandons quelle est la responsabilité de ceux qui ont préparé avec la même insouciance et les clauses du traité qui nous lie aujourd'hui et l'organisation de l'expédition qui n'a dû son succès qu'a l'énergie de son chef et l'héroïsme des soldais qu'il commandait.

18951207 - Le Monde illustré - Le nouveau résident général à Madagascar

 

Le nouveau résident général à Madagascar

 

Le conseil des ministres vient de signer une nomination attendue depuis longtemps avec anxiété, car elle emprunte aux circonstances actuelles une importance toute nouvelle.

Le gouverneur d'une colonie, en effet, peut beaucoup pour la prospérité du pays qu'il est appelé à administrer. C'est en quelque sorte de lui que dépend le succès. L'extension utile de la mère-patrie est entre ses mains.

Il faut à l'homme des qualités très diverses et très complexes : à la fois une grande souplesse et une grande fermeté, une initiative de primesaut, une énergie que rien n'abat, et surtout une connaissance, je dirai même une intuition des hommes.

Aussi ce n'est pas sans réflexion que le pouvoir central pourvoit à un poste d'une telle importance.

En l'espèce, il fallait un homme chez qui les qualités nécessaires se rencontrent à un degré de perfection appréciable.

Le choix du gouvernement s'est porte sur le préfet de la Haute-Garonne, M. Laroche.

Il ne pouvait être meilleur.

Nommé il y a à peine un an, à Toulouse, à la suite de circonstances exceptionnelles qui lui faisaient dans la ville une situation très délicate, M. Laroche sut s'en tirer à son honneur avec tact et surtout avec esprit.

Une grande loyauté, une décision ferme et prompte où l'on retrouvait le marin qu'il avait su être, un réel talent d'administration secondé par une grande souplesse de manières, avaient rapidement conquis au nouveau préfet les sympathies et l'estime de tous.

Sa carrière a été, du reste, des plus brillantes et des plus rapides.

Né le 24 février 1848, il entra dans la marine, où il fut bientôt nommé au grade de lieutenant de vaisseau.

En 1880, il donna sa démission pour entrer dans l'administration.

Successivement sous-préfet à Saint-Calais (Sarthe) (1880), à la Flèche (1881), à Brive (1883), à Douai (1887), au Havre (1888), il était nommé à la préfecture de la Charente le 8 janvier 1890, préfet à Alger le 27 septembre 1892, préfet de la Loire le 1er février 1894 et enfin en septembre 1894 préfet de la Haute-Garonne.

Il ne laissera parmi ses administrés que des regrets mais aussi la conviction que ses grandes qualités et sa fermeté décisive d'ancien marin feront rapidement de Madagascar une terre française et bien française.

18951206 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar.

 

Lettre de Madagascar.

 

Ambahimarina, le 3 septembre 1895.

Depuis 6 ou 7 jours, la situation ne présente aucun caractère particulier. Les travaux de la route ont été terminés hier. Nous espérons avoir fini avec le maniement des outils du Génie, ou tout au moins. Si nous recommençons ce ne sera pas pour longtemps, car d'ici une dizaine de jours nous supposons partir pour la colonne volante.

La brigade se forme ici en attendant des ordres. Le bataillon du 200e est arrivé ce matin. C'est la première fois que nous le voyons depuis le début de la campagne.

Nous attendons le renfort qui doit nous rejoindre vers le 9 ou le 10 courant.

Nous devons partir demain pour nous porter en avant : on ne sait pas juste où.

Il y a quelques jours, le frère du sultan de Comare est arrivé ici présenter ses respects au Général en Chef. Il était richement vêtu en bleu marin, redingote, etc, et était coiffé d'un fez. Quelques mulets portaient ses bagages. A notre camp il s'est mis en grande tenue : turban de soie multicolore, d'une grande valeur, pantalon blanc très large enfoncé dans des bottes vernies, un surtout d'une grande richesse, un sabre recourbé, poignée- ciselée et d'or, un poignard d'un prix inestimable, des décorations consistant en crochets, colliers, etc, constellaient sa poitrine.

Dans celte tenue cérémoniale il est allé au camp de M. le général Duchesne. Ne l'ayant pas vu revenir nous supposons qu'il suivra les opérations. Son arrivée a peut-être aussi pour but de voir un peu ses compatriotes à l’œuvre : en effet, le bataillon malgache compte dans ses rangs beaucoup de volontaires de l'Ile-de-Comores.

Mangasoarina, le 12 septembre 95.

Depuis ma dernière lettre nous n'avons fait que nous installer, faire des gourbis, etc, et nous préparer pour la colonne volante.

Les différents renforts sont arrivés le 10. Celui de la Légion forme un beau contingent qui donnera une bonne impulsion au bataillon.

Les malingres restent ici sous le commandement des officiers en trop, car les compagnies prenant part à la colonne légère ne sont composées, que de : 3 officiers et 120 hommes, cadre compris.

Le Général en chef nous a passé en revue ce matin et a été très satisfait du bon air martial des troupes.

Les moyens de transport sont encore réduits ; de sorte qu'on ne changera pas souvent de tenue.

Sans ordres contraires nous nous mettrons en route pour Tananarive le 14 au matin...

Encore 100 kilomètres de mamelon environ, et alors la plaine fertile de l'Emyrne où tout pousse — l'accès surtout — les kilomètres à avaler.

Il y aura peut-être de l'ennemi... Enfin ! qui vivra verra !

14 Septembre.

Départ ce matin à 5 heures. Le bataillon avant-garde de toute la colonne. Marche, de 16 kilomètres pénible, toujours dans la montagne, sur des sentiers à peine frayés et toujours en montant.

Campement à 3 kilomètres de l'ennemi qui est fractionné en plusieurs colonnes.

Ce malin, pendant la marche, rencontre de tranchées formidables, établies sur des hauteurs prodigieuses..— Tout était abandonné.

— Demain il y aura du tabac.

(A Suivre) .. .

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