20191210 - "Pechkoff, le manchot magnifique" de Guillemette de Sairigné : un héros de légende endormi réveillé par la plus noble des biographes.

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Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

"Le manchot magnifique"

De Guillemette de SAIRIGNÉ
Editions ALLARY, 571 pages

RECOMMANDATION
En priorité


THÈME
1884, Nijni-Novgorod, sur les bords de la Volga. Naissance de Yeshua Sverdlov dans une modeste famille juive. A priori aucun avenir pour eux dans cette Russie tsariste antisémite. 84 ans plus tard, la Légion étrangère rendra les honneurs en la cathédrale orthodoxe de la rue Daru à cet homme hors du commun, qui quitta l'école à 14 ans mais finit général français 4 étoiles, Grand Croix de la Légion d'honneur, ambassadeur de France, ancien compagnon de route de Maxime Gorki qui en avait fait son fils adoptif ;  Yeshua Sverdlov changeant son patronyme deviendra Zinovi Peshkoff, du nom de Gorki lui même. L'ancien "légionnaire", le seul mot de son épitaphe, sera l'un des hommes de confiance du général de Gaulle, son conseiller diplomatique pendant la guerre, remuant ciel et terre de Madagascar à l'AOF et à l'Indochine pour rallier combattants et soutiens à la cause de la Résistance.

Le Manchot magnifique est donc une biographie, pas une biographie ordinaire, mais la vie d'un aventurier de haut vol,  d'un personnage romanesque s'il en est, au pouvoir de séduction hors du commun qui n'a d'égal que son sens de l'Etat et des valeurs humanistes.

Car Pechkoff est un preux chevalier, ni affairiste ni opportuniste, aussi brillant sur les champs de bataille qu'autour des tables de négociations. Sa vie est un roman, le livre de sa vie un monument ... historique. Personnage complexe et paradoxal, Lyautey disait de lui :  "Il fut un grand soldat mais jamais tout à fait un militaire"; Pechkoff mit sa grandeur d'âme russe au service de la grandeur de la France. Bolchevik de la première heure, tandis que son frère Iakov, compagnon d'armes de Lénine deviendra Président du comité central exécutif en 1918, il prendra les armes aux côtés des Russes " Blancs".

POINTS FORTS
- Une grande fresque historique ; le livre d'une destinée légendaire et captivante, ce "Manchot" est un sésame pour nous aider à mieux comprendre les bouleversements et enjeux du monde du 20e siècle, à la rencontre des 100 grands  hommes qui l'ont façonné. Des prémisses de la révolution russe avec Gorki, à l'épopée de la France libre avec De Gaulle en passant par la pacification du Maroc avec Lyautey et la campagne de France avec le Général (à l'époque) de Lattre, sans oublier son poste d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en 1943, en Chine nationaliste  auprès de Chiang-Kaï Shek, nous caracolons avec le Manchot Magnifique à travers les plaines sibériennes, pénétrons l'inaccessible Caucase, crapahutons dans les montagnes de l'Atlas, jouons les gardiens de phare du Cap de Bonne Espérance" , collectons des fonds pour la Résistance au Waldorf Astoria ! Bien avant , au sortir de l'armistice de 1918, nous avions suivi Pechkoff en Syrie et dans "le Grand Liban", alors sous mandat Français, où notre héros avait fait preuve d'une rare perspicacité et habileté, comme chargé du renseignement militaire aux côtés de futur général Catroux.

- La rencontre de gens remarquables qui ont marqué notre époque à des degrés divers , avec force détails sur leur intimité, leurs comportements, activités et talents : Maxime Gorki, son père spirituel, que nous retrouverons exilé dans sa "cage doré" de Capri aux côtés de Lénine lui même et de notre "chauviniste émérite" selon les mots du poète de la révolution, Aragon, Blaise Cendras alias Frédéric Sauzer (rencontré dans une tranchée en 1915), Maurice Druon, Picasso , Derain ...Le prince de Danemark,  le Général Mac Arthur, qui recevra la légion d'honneur des mains du Manchot (!) à Tokyo, sa dernière conquête Edmonde Charles-Roux, et 100 autres. Ils deviennent tous, grâce à la complicité de Zinovi Pechkoff et à l'érudition de Guillemette de Sairigné, de vieilles connaissances pour le lecteur notamment grâce à des "tête-à-tête proustiens" selon le mot de Matthieu Galey.

- La richesse de la documentation reproduite dans L'ouvrage, l'imaginaire stimulé par l'iconographie (cartes, photos de l'époque très émouvantes, fac- similé de correspondances ).

- La belle écriture,  à la fois dense et fluide, au service des tribulations et de la fabuleuse destinée de cet aventurier de fer et de charme, ami des plus grands, attentif aux plus démunis ; la sobriété et la précision du style font mouche dans la description des heures dramatiques. Par exemple, lorsque le petit caporal légionnaire, le 9 mai 1915 en pleine campagne d'Artois, s'extrait avec ses camarades du 1er Étranger d'une tranchée près de Douai , part à l'assaut sous la mitraille "et s'effondre le bras droit fracassé par une balle explosive" ;  il le perdra sur le champ...! Ce jour là,"4 kilomètres seulement resteront acquis. À quel prix" ; le 2e Marche du 1er Etranger a perdu 50 officiers et près de 2000 sous officiers et légionnaires tués ou blessés".
La légende du Manchot est née. A la fin de sa vie, il confiera à son ami l'ambassadeur Huré : "C'est à cause de ma blessure que je suis devenu quelqu'un". "Quelqu'un d'autre ! " lui rétorqua Madame Huré. Un critique contemporain ne résistera pas au bon mot : "Il a eu malgré tout le bras long ".

POINTS FAIBLES
Quand on aime, on ne compte pas... les 571 pages de cette saga qu'aurait voulu écrire sa grande amie Edmonde Charles-Roux avant d'être emportée par la mort. Donc, aucun point faible pour moi qui aime tant les histoires qui nourrissent l'Histoire.

EN DEUX MOTS
De Gaulle a écrit cette lettre à Zinovi Alexeïevitch Pechkoff, élevé à la dignité de grand-croix dans la légion d'honneur : " C'est  une belle et noble carrière que vous avez eue là, mon cher général. Pour moi , je puis témoigner que vous avez été, au moment où il le fallait , l'homme qu'il fallait,  là où il fallait. J'ajoute que vous avez mis le style". Ce "Manchot magnifique" est bien l'hommage qui lui faut avec le style qu'il faut, écrite par la biographe qu'il faut ! Un travail titanesque pour un homme immense. Le Panthéon n'aurait certes pas été trop grand !

L'AUTEUR
Guillemette de Sairigné, née en 1947, est journaliste, ancienne collaboratrice à L'Express, Le Point,  Madame Figaro, spécialiste des grandes interviews. Elle est aussi, et surtout, la fille de son père, ce héros de Bir Hakeim, Gabriel de Sairigné, tombé au champ d'honneur en Indochine quelque mois après sa naissance ; elle écrivit "pour lui", à cinquante ans,  son premier ouvrage Mon illustre inconnu. Enquête sur un père de légende (1998) ; grand succès d'édition. Plus tard elle s'attaqua à la biographie d'une grande dame, figure légendaire de l'Armée, icône de la légion, d'origine russe ayant fui la révolution de 1917 et qui consacra sa vie, une fois revenue en France, à la création et à l'animation de la première brigade d'ambulances militaires équipées pour la chirurgie lourde (campagne de Tunisie, d'Italie en 44/ 45) puis qui, plus tard, servit en Algérie ( La Circassienne, Robert Laffont, 2011).

20190516 - Le Passepoil - LA LÉGION ÉTRANGÈRE

201904 - De la politique de « jaunissement » des effectifs du Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient à la création de l’armée nationale vietnamienne pendant la guerre d’Indochine

De la politique de « jaunissement » des effectifs du Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient à la création de l’armée nationale vietnamienne pendant la guerre d’Indochine

Par le commandant Yvan Cadeau du Service Historique de la défense

 

Le corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient (CEFEO), créé en 1943 et initialement destiné à libérer l’Indochine des troupes d’occupation japonaises, souffre dès les débuts d’un mal endémique : celui de l’insuffisance des effectifs métropolitains, et notamment des cadres et spécialistes.

Cette pénurie apparaît pleinement à la fin de l’année 1945 et au cours de l’année 1946 lorsque sont entreprises les premières grandes opérations contre un nouvel adversaire, le Viêt-Minh dont les buts de guerre sont la réunification des trois territoires (Cochinchine, Annam, Tonkin) constituant le Vietnam, l’accession à l’indépendance de ce dernier et l’instauration d’un régime communiste. Avec le déclenchement « officiel » des hostilités, le 19 décembre 1946, le triple problème de la maintenance, des relèves et des renforts du CEFEO prend, parfois, l’aspect d’une véritable « crise des effectifs », notamment en 1948-1949. Pour pallier ce problème et permettre au corps expéditionnaire de remplir ses missions, appel est fait, dès l’automne 1945, au recrutement de soldats ou de la main-d’oeuvre autochtone. Une telle politique n’est pas nouvelle pour l’armée française, qui y a déjà eu recours au XIXe siècle dans ses différentes entreprises coloniales que ce soit en Afrique du Nord ou en Indochine, et elle s’inscrit dans la logique occidentale de tous les pays s’étant lancés à la conquête de vastes territoires avec des forces expéditionnaires peu nombreuses.

À ce titre le démantèlement de l’Empire aztèque par Cortès au XVIe siècle, constitue un exemple des plus parlants, le conquérant espagnol et ses quelques centaines de soldats ne seraient sans doute pas parvenu à leur fin s’ils n’avaient bénéficié de l’aide de dizaines de milliers d’autochtones.

Dans le contexte particulier de la guerre d’Indochine où les enjeux politiques déterminent la conduite des opérations, la politique de « jaunissement » des effectifs du CEFEO - pour reprendre l’expression consacrée à l’époque -, atteint toutefois ses limites. Les autorités françaises, civiles comme militaires, prennent en effet très tôt conscience que toute action contre  le Viêt-Minh et son bras armé, l’armée populaire vietnamienne (APV), ne pourraient être efficaces que dans le cas de la construction d’un État vietnamien disposant d’une armée nationale opérant aux côtés du corps expéditionnaire français. Le développement de cette armée, soumis aux vicissitudes de la mise en place de l’État du Vietnam dirigé par l’empereur Bao Daï, va être long et donner, en définitive, des résultats mitigés. Si la France porte sa part de responsabilité dans la médiocrité de nombreuses unités de l’armée nationale vietnamienne (ANV), notamment en ne la développant que trop tardivement, celle du gouvernement vietnamien et son peu d’implication dans le processus semblent être à l’origine du manque de « mystique » et du faible engagement des cadres et de la troupe.

Le « jaunissement » du corps expéditionnaire

Dès 1943, et malgré le manque de moyens, décision est prise par le général de Gaulle de constituer un corps expéditionnaire destiné au théâtre asiatique dans le cadre de la lutte contre le Japon. « Le sang versé sur le sol d’Indochine […] serait un titre imposant »[1] pour légitimer le retour de la France en Indochine, écrira plus tard le chef du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Le général Blaizot, un colonial, est chargé de la constitution de cette force[2], mais il faut attendre le mois de juillet 1945 pour que les Français bénéficient - enfin - de l’aval américain les autorisant à participer aux opérations contre le Japon[3]. La fin des hostilités en Europe et la mort du président Roosevelt, profondément opposé au retour des Français en Indochine, rendent en effet désormais possible l’envoi de forces en Extrême-Orient. En août 1945, le Comité de Défense nationale fixe à 55 000 hommes les effectifs du CEFEO[4]. Ce dernier doit être organisé autour de deux divisions d’infanterie de type américain, les 1re et 2e division coloniale d’Extrême-Orient (1re et 2e DICEO). Mais, en raison des pénuries en cadres et hommes de troupe qui prévalent dans l’armée française de la Libération, la 1re DICEO est finalement remplacée par la 3e division d’infanterie coloniale (3e DIC), tandis que la 2e DICEO ne voit jamais le jour[5]. C’est la 9e division infanterie coloniale (9e DIC), division de la 1re armée française en campagne depuis le débarquement de Provence, qui est en fait désignée pour l’Indochine. Un groupement de marche, à l’effectif d’environ 2 200 combattants, formé à partir de détachements de la 2e division blindée (GM/2e DB), ainsi que diverses autres unités formant corps, existantes pour certaines depuis 1943, à l’instar du Corps léger d’intervention (CLI) ou de la Brigade de Madagascar (future Brigade d’Extrême-Orient, BEO), complètent le dispositif que soutiennent différents éléments organiques de corps d’armée (EOCA)[6].

Grâce à l’appel au volontariat dans les unités de la 1re armée française (les désignations d’office pour l’Indochine ne débutant  réellement qu’au début de l’année 1946) et au recours massif à la Légion étrangère, qui constitue un « vivier » particulièrement important dans l’Europe de l’après-guerre, les effectifs théoriques du corps expéditionnaire s’élèvent à l’été 1945 à 50 000 hommes - qu’il faut envoyer rapidement en Indochine.

Dans la réalité ils atteignent sensiblement 30 000 hommes, en Cochinchine (la partie sud de l’actuel Vietnam), au mois de décembre 1945. Ce chiffre se révèle toutefois insuffisant pour mener à bien les nombreuses missions auxquelles le CEFEO doit faire face : combattre l’insurrection viêt-minh et reconstruire les installations militaires et civiles au sud du Vietnam.

Aussi, dès le mois de novembre 1945, l’état-major du corps expéditionnaire procède à une vaste politique de recrutement de soldats autochtones qui apparaît comme la seule à même de permettre l’accroissement rapide des effectifs dans les unités et de leur donner un volume suffisant pour remplir leurs missions. Les autochtones, majoritairement vietnamiens sont donc engagés par milliers sous différents statuts : réguliers du corps expéditionnaire qui viennent « gonfler » les effectifs de ses bataillons en remplacement des pertes dues aux opérationsou aux maladies, supplétifs constitués en compagnies pouvant éventuellement accompagner les troupes en opération, simples partisans, équipés d’armes obsolètes et affectés à des missions de garde statique (comme celle des tours kilométriques) le long des voies de communication ou encore emploi de « coolies » comme journaliers[7]. Cette politique porte en partie ses fruits et, conjuguée à l’arrivée progressive des autres éléments du corps expéditionnaire, permet à ce dernier d’atteindre 62 000 hommes au mois de mars 1946.

Le déclenchement de la guerre d’Indochine, aux lendemains de l’attaque des garnisons françaises du Tonkin par les miliciens du Viêt-Minh, conduit le commandement français à accélérer cette politique de recrutement d’origine locale, notamment dans les unités de soutien et des services. L’effet recherché est double : tout en permettant un accroissement du nombre d’hommes dans ces formations, cette mesure doit faciliter la récupération d’un maximum de Français et de légionnaires, non spécialistes, afin de les reverser dans les unités combattantes où ils font grandement défaut.

En pratique, le recrutement des autochtones s’opère aux vues des effectifs à combler dans les bataillons et également des formations à mettre sur pied en fonction du plan d’organisation annuel des Forces terrestres d’Extrême-Orient (FTEO).

Avec l’approbation du commandant en chef, le 1er bureau - « organisation et effectifs » - autorise les directions de chaque arme et service à procéder aux engagements. De manière générale, les autochtones sont recrutés par unité formant corps après être passés devant une commission qui élimine les moins robustes. Plusieurs notes fixent les conditions d’engagement du personnel autochtone. La première, en date du 9 novembre 1946, stipule que le recrutement porte exclusivement sur les célibataires et fixe à un an la durée des contrats. En fait, afin d’élargir les possibilités, cette mesure est assouplie et les hommes mariés sont progressivement autorisés à souscrire un engagement, d’où la présence au sein ou à proximité des postes du « camp des mariés », resté célèbre dans le souvenir des anciens combattants d’Indochine. Par ailleurs, au cours des années 1947 et 1948, d’autres notes précisent les conditions de soldes et indemnités, la mise en place de l’habillement ou la composition du paquetage de chaque soldat. Le recrutement des autochtones est avant tout local, ce qui donne aux unités « un caractère régionaliste ». Les résultats ont comme conséquence de multiplier par deux, dans certaines formations, les effectifs des unités. Ainsi et à titre d’exemple, au 15 juin 1947, le 61e bataillon du génie (61e BG) totalise 565 hommes, officiers compris, et reçoit dans les semaines qui suivent un complément de 450 autochtones. La proportion moyenne de 50 % de Vietnamiens dans nombre de formations mérite toutefois d’être précisée, la répartition des Européens et des autochtones à l’intérieur des bataillons n’étant pas uniforme. De fait, le pourcentage de Français ou de légionnaires est plus grand
dans les fonctions de commandement ou les emplois administratifs.

En conséquence, la part d’autochtones dans les compagnies de combat est plus importante.


À compter du printemps 1947, et malgré l’opposition initiale de Leclerc un an plus tôt[8], les premières troupes nordafricaines et africaines débarquent en Indochine ; leur part ne fera qu’aller croissante (60 000 soldats d’Afrique subsaharienne et 130 000 Nord-Africains combattent en Indochine entre 1947 et 1954). Malgré ce nouvel appoint, le renforcement de l’adversaire et le « durcissement » de la guerre imposent un recours plus massif aux soldats autochtones, à tel point que l’on a pu parler de « surjaunissement » qui, dans certaines unités peut remettre en cause son caractère opérationnel. Malgré les appels répétés du commandement aux responsables métropolitains sur le péril et sur la baisse d’efficacité qu’induit un recours trop important à des troupes formées hâtivement, la situation n’évoluera pas. Ainsi, au 1er janvier 1954, les effectifs autochtones dépassent le total cumulé des combattants d’autres origines dans le génie (5 204 contre 4 884), dans le train (4 303 contre 4 160) ou encore dans les troupes aéroportées (5 546 contre 5 400). Dans l’artillerie, la proportion est de 5 496 autochtones contre 8 281 pour le reste du personnel, de même que dans l’ABC, arme plus technique ou le rapport est de 5 929 autochtones contre 9 365 Européens et Africains.

Si le recours aux Vietnamiens et, à un moindre titre, aux Cambodgiens et aux Laotiens, permet au corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient, de mener à bien et a minima les missions confiées par le commandement et lui donne, en définitive, les moyens de « durer », il ne résout en rien les questions de fond de nature politique. Dans cette perspective, seul un État vietnamien fort et allié de la France, bénéficiant d’un réel soutien populaire et d’une armée capable de défendre ses intérêts, serait à même de contester la légitimité revendiquée par le Viêt-Minh. Sur le plan international, cette mesure permettrait également de faire taire les accusations à l’encontre de la France accusée - parfois à raison - de maintenir sous une autre forme son entreprise coloniale. Les gouvernements français successifs comme les autorités responsables en Indochine l’ont compris dès les débuts du déclenchement de la guerre et parviennent, après maintes erreurs et tergiversations, à faire aboutir, entre 1947 et 1949, la « solution Bao Daï », à savoir la réinstallation au pouvoir de l’ex-empereur d’Annam. Cette restauration impériale, qui va de pair avec l’unification du Vietnam (chose refusée au Viêt-Minh en 1945-1946). D’un point de vue militaire, on espère que la création de l’État vietnamien permettrait celle d’une armée capable, à court terme, de prendre en main la lutte contre l’APV : la France, tout en conservant ses intérêts dans ses ex-possessions asiatiques, pourrait alors se désengager de la guerre – qui grève considérablement les finances du pays, et rapatrier ses troupes. Le retrait du corps expéditionnaire rendrait alors possible la modernisation de l’armée française comme la réunion de ses moyens entre le théâtre d’opérations européen et l’Afrique du Nord – où les mouvements indépendantistes (notamment en Algérie et au Maroc) se montrent de plus en plus virulents dans leurs revendications.

Le 2 juillet 1949, l’État du Vietnam est officiellement proclamé.

Au sein du gouvernement français, l’on se réjouit - « Nous sommes enfin sortis du tunnel » proclame, à Saigon, le ministre de la France d’Outre-mer, Paul Coste- Floret le 20 du même mois. Dans les semaines qui suivent et jusqu’à la fin de l’année 1949, une trentaine de conventions sont passées qui officialisent et matérialisent les transferts de souveraineté dans un certain nombre de domaines. Au Laos (convention du 19 juillet 1949) et au Cambodge (traité du 8 novembre 1949), les négociations ont abouti au même processus d’« indépendance » qu’au Vietnam. Le 29 janvier 1950, le Parlement français ratifie les accords passés avec ces trois pays qui deviennent officiellement des « États associés » au sein de l’Union française. Le 11 juillet suivant, un ministère chargé des relations avec les États associés voit le jour et est confié à Jean Letourneau. Sa mission est de mettre en application les accords signés, mais surtout de veiller à leur limitation et de faire respecter le cadre que constitue l’Union française (créé par la Constitution de 1946). Pour la France, « l’opération » Bao Daï constitue donc un succès, quoique laborieux. Grâce à la création de l’armée nationale, formée et encadrée par des militaires du CEFEO, les chances de venir à bout du Viêt- minh dans des délais raisonnables paraissent, à cette date, réelles. En effet, tel est bien le véritable motif du retour de l’empereur : installer le Vietnam dans la guerre, sous une direction française. Bao Daï et les effectifs qu’il s’apprête à lever doivent contribuer à la conclusion heureuse du conflit, car sur le terrain, les troupes font défaut et la lutte contre le Viêt-Minh n’enregistre pas d’avancées significatives.

La mise en place de l’armée nationale vietnamienne Jusqu’en 1948, il n’existe en Indochine aucune organisation centrale des forces armées des futurs États associés. Au Vietnam (comme au Cambodge) des formations de type militaire sont bien mises sur pied à la faveur du retour des Français, mais elles ne dépendent que d’autorités régionales. À partir du mois de juin 1948, la situation évolue et les autorités vietnamiennes (qui agissent dans l’attente de la conclusion de la « solution Bao Daï »), prennent sous leur contrôle direct un certain nombre d’unités : le mouvement est désormais lancé.

Après des mois de discussions, les Vietnamiens obtiennent satisfaction et, le 1er janvier 1949, l’armée vietnamienne voit officiellement le jour. Elle totalise alors environ 25 000 hommes : 15 000 réguliers et 10 000 supplétifs. Afin d’assurer l’encadrement de ces forces, le corps expéditionnaire détache 1 000 officiers et sous-officiers, tandis que les Vietnamiens fournissent eux, 2 000 officiers et sous-officiers issus dans leur grande majorité du CEFEO. Comme l’accroissement des formations est amené à se poursuivre, il apparaît indispensable de créer un organisme chargé de développer et d’organiser la liaison entre cette armée naissante et l’EMIFT, c’est chose faite avec la création, le 8 mars 1949, de la Mission militaire française près du gouvernement vietnamien (MMF/GVN). Les effectifs théoriques de cette mission ne seront jamais atteints puisque cadres et troupes sont directement ponctionnés sur le CEFEO [9]. Beaucoup de chefs de corps voient partir avec regret leurs meilleurs éléments affectés à l’instruction de la jeune armée vietnamienne. De fait, la mise en place d’une armée nationale moderne soulève d’importants problèmes de financement, d’encadrement et d’instruction (et de matériel) que le CEFEO pallie au mieux en détachant des milliers de ses soldats auprès des formations des États associés.

La montée en puissance des forces armées vietnamiennes (FAVN) se poursuit en 1950, mais l’incapacité de fournir aux troupes l’équipement et le matériel nécessaire provoque des ralentissements dans le processus de développement des bataillons vietnamiens. Au mois de novembre, la conférence de Dalat qui réunit Bao Daï et le ministre français des relations avec les États associés pose le principe de la mise sur pied de quatre divisions auxquelles doivent s’ajouter des éléments de réserve générale et des unités de supplétifs non endivisionnés [10] À cette date cependant, les forces existantes sont essentiellement composées d’infanterie même si quelques batteries d’artillerie et escadrons de cavalerie existent. Comme le rapporte un officier français en charge des questions d’organisation des armées des États associés, sans appui et sans soutien, l’ensemble n’a encore « nullement la physionomie d’une armée moderne articulée » [11].

Si les efforts entrepris à la fin des années quarante permettent au Vietnam de se doter d’un embryon d’armée, c’est véritablement la politique entreprise par le général de Lattre et l’aide militaire que ce dernier obtient des Américains qui accélèrent la création d’unités vietnamiennes nouvelles et leur intégration dans une institution homogène et cohérente. Le 1er janvier 1951, peu de temps après sa prise de commandement, de Lattre manifeste sa volonté de créer un secrétariat permanent à la Défense nationale (SPDN) chargé notamment « d’étudier l’organisation de l’Indochine en temps de guerre, la mobilisation des personnes et des ressources »[12]. Ce dernier devient ainsi l’instrument de travail du commandant en chef pour les études d’ordre militaire considérées à l’échelon gouvernemental de l’État du Vietnam.

L’action personnelle menée par de Lattre en faveur de la jeunesse vietnamienne[13], la promesse de l’arrivée rapide du matériel américain ainsi que la plus grande implication de l’empereur Bao Daï dans le conflit, portent finalement leur fruit et, au 1er août 1951, les bataillons d’infanterie entrant dans la composition organique des quatre divisions vietnamiennes prévues par la conférence de Dalat sont une réalité ; l’armée nationale vietnamienne (ANV) prend enfin corps[14]. Six mois plus tard, au 1er janvier 1952, ses effectifs se montent à 128 000 hommes (71 000 réguliers et 57 000 supplétifs) et ne cessent de s’accroître les mois suivants [15].

Évolution des effectifs de l’armée nationale vietnamienne et de son encadrement entre 1949 et 1953


De fait, si le général de Lattre donne effectivement l’impulsion au développement des armées nationales dès le début 1951, les effets de son action conjuguée aux livraisons américaines ne se font pleinement sentir qu’à partir de 1952. À cette date, l’ANV se dote d’états-majors (général et de régions militaires), et met sur pied des organismes qui visent à accroître l’autonomie de la jeune armée. En 1953, cette dernière se renforce encore davantage avec la constitution des bataillons légers dits kinh quan[16], totalisant 40 000 combattants supplémentaires.

L’objectif de ces TDKQ est de disposer d’unités plus légères, plus rustiques, adaptées au terrain, rompues aux procédés de combat menés par le Viêt-Minh, et animées d’une « foi » et d’un esprit patriotique plus élevés que la plupart des formations régulières. Au moment de la cessation des hostilités, en juillet 1954, les FAVN totalisent 272 000 hommes (229 000 réguliers et 45 000 supplétifs) auxquelles il convient d’ajouter 5 000 marins et aviateurs[17].

Appréciation de la valeur de l’armée nationale vietnamienne

D’une manière générale, les jugements portés à l’encontre des armées nationales – principalement de l’ANV – et de leurs soldats sont négatifs. Albert Merglen, qui a combattu au sein du 2e bataillon étranger parachutiste (2e BEP) note en avril 1953 qu’au « point de vue purement militaire il n’y a aucune comparaison entre la troupe et les cadres Viêts et ceux de Bao Daï. Les Viêts ont vraiment le meilleur de la jeunesse : des officiers énergiques, capables, animés d’un très grand patriotisme. Quant au haut commandement viêt, il est remarquable, il n’y a pas d’autre mot ». Un an plus tôt, le 15 mars 1952, il écrit déjà dans son journal : « On ne voit pas de Bao Daïstes [sic] se ruer à l’assaut avec grand courage, mais les Viêts le font reconnaissons-le »[18].

Pour l’historien Michel Bodin, « les anciens du corps expéditionnaire ne gardent pas une bonne impression des troupes nationales ». Quant à Robert Guillain, correspondant du Monde, il se montre plus définitif encore. Trois semaines après la chute de Diên Biên Phu, il écrit : « Nous avons raté l’armée vietnamienne […]. Dans le gâchis général, il y a, c’est vrai, des exceptions, [mais], à régime pourri, pas d’armée valable »[19].

Les reproches adressés aux forces armées des États associés et à leurs soldats par leurs homologues du corps expéditionnaire sont, de fait, très nombreux. Tout en louant les qualités individuelles du combattant vietnamien – courage, robustesse, résistance à la fatigue, sens de l’utilisation du terrain, adresse et discipline –, les critiques dénoncent les lacunes de l’ensemble.

La faible combativité des troupes, la médiocrité de l’encadrement vietnamien, ou encore, le peu de foi ou de « mystique » (le terme revient souvent) apportés dans le combat contre le Viêt-Minh sont pointés du doigt. Certes, les cadres vietnamiens sont en nombre insuffisant, la plupart sont d’origine bourgeoise et citadine ; ils connaissent « mal le peuple de la rizière sous leurs ordres [et] à l’inverse, l’homme du rang – surtout s’il a été précédemment sous les ordres de cadres français – n’accorde souvent à son jeune officier vietnamien qu’une confiance limitée ». Mais l’armée vietnamienne est une armée jeune qui manque d’expérience et, la valeur de l’armée viêt-minh le montre, le soldat vietnamien nationaliste, s’il manque a priori d’instruction militaire, peut faire un excellent combattant. En fait, le niveau de ces forces armées nationales dépend largement du moral de la nation vietnamienne et de son investissement dans le conflit. Or, dans ce domaine, force est de reconnaîtrele manque d’enthousiasme de la population comme l’attentisme des élites et du gouvernement. Ce problème davantage politique que militaire, le général de Lattre va tenter de le résoudre en impliquant Bao Daï dans la guerre et connaître là un échec relatif. Ainsi, si le 15 juillet 1951 l’empereur décrète bien la « mobilisation générale », la mesure n’a dans les faits qu’une portée limitée : des milliers d’appelés ne se présentent pas aux bureaux de recrutement et les passe-droits dont peuvent bénéficier les fils de notables ou de fonctionnaires la discréditent totalement. Sur 100 000 conscrits attendus moins de 10 % répondent à l’appel. La question de l’efficacité de l’armée vietnamienne apparaît in fine étroitement liée au problème politique. Les décideurs vietnamiens ont beau jeu de faire de la surenchère nationaliste, dénonçant une France reprenant d’une main ce qu’elle accordait de l’autre (accusation qui a sa part de vérité), ils ne s’investirent généralement jamais assez eux-mêmes dans le développement de leur armée, laissant le soin aux Français de l’encadrer et aux Américains de l’équiper.

Dans le rapport rédigé dans le cadre des Enseignements de la guerre d’Indochine[20], le capitaine Prestat livre d’intéressants éléments pour comprendre les erreurs commises par les Français et les raisons de l’échec, selon lui, du gouvernement vietnamien dans la création de son armée, le principal étant de ne pas avoir réussi « l’adhésion de la jeunesse »[21]. Pour l’auteur, le mauvais processus de recrutement des cadres et le trop rapide développement de l’ANV sont à l’origine de bien des mécomptes : « Après la promotion de quelques anciens militaires de l’armée française, la sélection des futurs cadres fut essentiellement fonction à partir de 1951 de diplômes universitaires d’une valeur fort discutable. Les délais consentis à la formation de base étaient de neuf mois pour les officiers d’active, de six mois pour les officiers de réserve, c’est-à-dire semblables à ceux consentis en France à des jeunes gens issus d’une sélection beaucoup plus rigoureuse, et qui trouvaient immédiatement leur place dans une hiérarchie stable et incontestée. Au Vietnam, par suite de l’accroissement tardif et précipité des Forces armées vietnamiennes, certains officiers se sont trouvés trois ans après leur sortie d’école à la tête de bataillons ou de secteurs territoriaux, avec comme seuls subordonnés des jeunes sous-lieutenants qui sortaient de l’École militaire »[22].

La politique dite de « jaunissement », à savoir l’intégration de soldats autochtones au sein du corps expéditionnaire, fut dictée par les nécessités opérationnelles et par les problèmes budgétaires auxquels était confrontée la France de l’aprèsguerre.

Elle permit toutefois, dans une certaine mesure, au CEFEO de remplir ses missions. Il est ainsi possible de se demander comment le commandement français aurait pu les mener à bien sans cet apport local. Les considérations purement militaires qui sont à l’origine du « jaunissement » se heurtent cependant à la volonté politique française d’impliquer l’État du Vietnam dans la guerre, une implication nécessitant concrètement la création d’une armée nationale. Le corps expéditionnaire transféra donc, à partir de 1949, certaines unités à la nouvelle ANV et détacha auprès de ses états-majors et bataillons, plusieurs milliers de ses propres cadres. En définitive, à la fin du conflit, malgré les nombreux reproches adressés et les lacunes dont souffrait cette jeune armée, il semble que le temps jouait en sa faveur et, qu’au moment de la cessation des hostilités, ses formations avaient enregistré des progrès certains. Ainsi, au premier trimestre 1954, une étude sur l’armée vietnamienne fait apparaître que sur 171 bataillons d’infanterie existant, 29 étaient en formation et que sur les 142 restant, 21 (14 %) étaient jugés très bons, 64 (45 %) bons, 43 (31 %) assez bons et 14 (10 %) passables ; la quantité de cadres français n’affectant pas le résultat puisque équivalent approximativement au tiers de l’encadrement dans chacune des unités [23]. L’expérience de la guerre d’Indochine le montre, la mise en place d’une armée nationale nécessite certes du temps, mais également un investissement politique réel et sans arrière-pensées de la part de l’ensemble des nations impliquées dans la lutte d’un adversaire commun.
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[1] Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Paris, Plon, 1989, p. 760.
[2] Le général Blaizot est plus tard nommé commandant en chef en Indochine de mai 1948 à septembre 1949.
[3] Jacques Dalloz, La Guerre d’Indochine. 1945-1954, Paris, Points Histoire, Éditions du Seuil, 1987, p. 78.
[4] Hugues Tertrais, La Piastre et le fusil, op.cit., p. 32.
[5] Les personnels qui auraient dû être intégrés dans les unités de la 2e DICEO sont répartis dans les différentes formations du CEFEO. Sur la question des effectifs du Corps expéditionnaire français d’Extrême-Orient, voir Michel Bodin, La France et ses soldats, Indochine, 1945-1954, Paris, l’Harmattan, 1996.
[6] Par ailleurs, aux forces qui se rassemblent en métropole et dans le reste de l’Empire, il convient d’ajouter les quelques milliers de soldats toujours présents en Extrême-Orient, reliquat de l’ancienne armée coloniale ayant échappé à l’armée japonaise ou internés par elle. Ainsi, en Cochinchine, le 11e régiment d’infanterie colonial (11e RIC) dont les soldats sont faits prisonniers à Saïgon après le coup de force du 9 mars 1945 représente encore, au mois de septembre 1945, un contingent d’un millier d’hommes environ. Enfin, au nord du Vietnam, le général Salan, lorsqu’il prend le commandement des troupes stationnées au Tonkin et en Chine, évalue, début novembre 1945, à presque 5 000 hommes (dont 4 500 pour la seule garnison de Hanoï) les effectifs français dont il peut disposer. Les forces réfugiées et immobilisées en Chine représentent une force équivalente.
[7] En avril 1946, un coolie est rémunéré entre 5, 80 et 6,50 piastres par jour, contre 7 piastres pour le coolie «spécialisé» et 4 piastres pour le coolie «femme» en raison de sa supposée plus faible résistance physique.
[8] Cette opposition s’appuie sur trois arguments. D’une part, Leclerc souhaite tout d’abord éviter la xénophobie des Vietnamiens à l’encontre des tirailleurs issus de l’Afrique subsaharienne - appelés dans l’armée française d’une manière générique « tirailleurs sénégalais ». Ensuite, il entend à l’époque ne pas prêter le flanc aux critiques américaines qui dénoncent le colonialisme français et l’utilisation de troupes coloniales pour restaurer l’ordre en Extrême-Orient. Enfin, il s’agit également d’empêcher la diffusion des idées nouvelles et révolutionnaires auprès des combattants africains.
[9] La MMF/GVN représente 4 514 hommes en 1952 et 4 360 en 1953, soit un déficit moyen de 20 %.
[10] Le général de Lattre de Tassigny procède ultérieurement à plusieurs modifications de ce programme de Dalat. Le nombre et la composition des divisions vietnamiennes évoluant.
[11] SHD. GR 10 H 981. L’armée vietnamienne de 1949 à janvier 1954. Rapport du lieutenant-colonel Viala, ex-chef de la section « organisation des armées des États associés ». Sans date, vraisemblablement fin de l’année 1954.
[12] Ibid.,
[13] Action symbolisée par son appel à la jeunesse du Vietnam dans son long discours prononcé au lycée Chasseloup-Laubat de Saïgon, le 11 juillet 1951 : « Soyez des hommes, c'est-à-dire : si vous êtes communistes, rejoignez le Viêt-Minh, il y a là-bas des individus qui se battent bien pour une cause mauvaise. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre patrie, car cette guerre est la vôtre […]. Jeunes hommes de l’élite vietnamienne […] le moment est venu pour vous de défendre votre pays », cité dans Jean Ferrandi, Les officiers français face au Viêt-Minh 1945-1954, Fayard, 1966, p. 265-276.
[14] À cette date, le concept de division comme grande unité tactique est abandonné, il ne représente plus qu’une entité logistique pratique pour traiter les problèmes d’équipement et de matériel avec les États-Unis. La 1re division est implantée au Sud-Vietnam, la 2e au Centre-Vietnam, la 3e au Nord-Vietnam, et la 4e division est celle des Pays montagnards du Sud (PMS). Le concept divisionnaire est par ailleurs remplacé par celui du groupe mobile, plus adapté à la forme de combat en Indochine.
[15] À cette date, les effectifs totaux de l’Union française dépassent les 400 000 hommes. Ces forces sont toutefois extrêmement composites et d’inégales valeurs, la plus grande partie est, en outre, dispersée -et immobilisée- sur l’ensemble des territoires de l’Indochine. Les armées nationales représentent 147 000 soldats contre 257 000 pour le corps expéditionnaire. Sur ce total, les Français métropolitains sont seulement 69 000 (17 % de l’ensemble des effectifs), soit 52 000 hommes pour l’armée de terre, 6 800 pour l’armée de l’air et 10 200 pour la marine. Voir SHD. GR 10 H 261. Réunion du 12 janvier 1952 présidée par le général Allard à l’occasion de la visite en Indochine des membres de la commission Finances de l’Assemblée nationale, en présence de messieurs Pineau (député de la Sarthe, SFIO), Frédéric-Dupont (député de l’Yonne, Républicain indépendant), Moreau (député de Paris, RPF).
[16] Leur nom complet étant Tieu Doan Kinh Quan (TDKQ) ou « bataillons légers ».
[17] L’armée nationale lao (ANL) se développe également à partir de 1953. Elle atteint un peu plus de 20 000 hommes lorsque les accords de Genève sont signés, chiffre sensiblement équivalent aux effectifs de l’armée cambodgienne.
[18] Albert Merglen, La naissance des mercenaires, Arthaud, 1970, 275 pages.
[19] Robert Guillain, « L’échec de l’armée vietnamienne », Diên Biên Phu, la fin des illusions. Février-juillet 1954, Arléa, 2004, p. 170-177.
[20] Les Enseignements de la guerre d’Indochine, édition présentée par Ivan Cadeau, Service historique de la Défense, t. 1, 2010 ; t. 2, 2013.
[21] SHD. GR 10 H 982. Ministère de la Défense nationale et des Forces armée - Guerre. Etat-major de l’armée. Cabinet. Section « Moral ». N° 351. Enseignement de la guerre d’Indochine. Rapport du capitaine Prestat.
[22] Ibid.,
[23] SHD.GR 10 H 241. MMF/GVN/Le colonel. Etude sur l’armée vietnamienne, doc. cit.,

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