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20240929 - Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 237/2010 - 1901-1935 : La Légion étrangère au Maroc - Pierre Soulié

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Au Maroc, les XVIIIe et XIXe siècles sont marqués par des désordres de plus en plus graves aussi bien dans le domaine intérieur que sur le plan international. L’Espagne et la France sont amenées à protéger leurs navires de commerce circulant en vue des côtes marocaines contre les attaques des pirates de Salé.

À partir de 1830, la France doit interdire l’accès de la frontière algéro-marocaine aux pillards marocains et aux partisans d’Abd el-Kader réfugiés au Maroc oriental. Les exactions de ces deux groupes sont sanctionnées en août 1844 par le bombardement de Tanger et de Mogador par l’escadre du prince de Joinville, pendant que le général Bugeaud inflige une sévère défaite à l’armée marocaine sur l’oued Isly. Le problème de la sécurité de la frontière algéro-marocaine n’en est pas, pour autant, résolu. L’insécurité persiste jusqu’au xxe siècle, même après la signature par la France et le Maroc de la convention de Lalla-Maghnia portant sur ce que l’on a appelé par la suite la « zone des confins algéro-marocains ». La convention ne définit pas avec précision les territoires relevant de chacune des deux nations. Entériné par les nations européennes directement concernées par la sécurité de la navigation dans le détroit de Gibraltar et en Méditerranée occidentale, cet accord est contesté par l’Allemagne. Réputée se désintéresser des problèmes du Maroc après les déclarations du chancelier Bismarck, celle-ci n’a pas été consultée. L’empereur Guillaume II, ne s’estimant pas lié par ces accords, multiplie les incidents diplomatiques dirigés contre la France. Le plus grave est la visite qu’il fait à Tanger en 1905 où il prononce, le 31 mars, un discours par lequel il se proclame seul défenseur désintéressé du Maroc et signifie à la France, l’Espagne et l’Angleterre qu’il entend prendre part aux discussions que ces États auront entre eux à propos du Maroc. Simultanément, le Kaiser envoie à Fès un plénipotentiaire pour recommander au sultan de refuser le programme d’assainissement des finances proposé par la France en lui démontrant l’incompatibilité de celui-ci avec les conventions existantes. Le sultan repousse donc les mesures préconisées et invite les nations concernées, Allemagne comprise, à une conférence pour définir un programme acceptable de réformes à introduire dans son pays.

Du 15 janvier au 7 avril 1906 se tient, à Algésiras, une réunion qui aboutit à la signature de l’acte dit « d’Algésiras » par lequel les cosignataires garantissent la paix et la prospérité du Maroc moyennant une refonte de son administration. Ils chargent la France d’assister le maghzen dans la définition et la mise en œuvre du plan de réformes conforme aux recommandations de la conférence.
Le maghzen ne met aucune bonne volonté à se plier aux conclusions de la conférence. Il encourage une campagne de xénophobie antifrançaise et, dans la zone des confins, algéro marocains, il pousse au rassemblement de harka (bandes armées) devant contrecarrer les mesures de sécurité prises par la France.

1901-1907 — les débuts de l’intervention de la légion au Maroc

Durant la période comprise entre 1901 et 1907, la France hésite à adopter vis-à-vis du Maroc une attitude ferme et à utiliser le droit de suite que lui a accordé le sultan en 1901. Les opérations lancées le long de la frontière algéro-marocaine ne sont jamais poussées jusqu’à infliger une défaite sévère aux Marocains, ce que ces derniers interprètent comme une marque de faiblesse.

Quoi qu’il en soit, avant 1907, la Légion a participé à des opérations de protection de la frontière. Sa contribution est assez difficile à cerner car, de 1901 à la fin de la pacification en 1935, elle n’a reçu qu’exceptionnellement une mission qui lui était propre. Le commandement n’éprouvait, pourtant, aucune réticence à l’employer. Il cherchait une méthode et des moyens pour riposter instantanément aux exactions des pillards. La création des compagnies montées de la Légion répondait au moins en partie à ce besoin. De plus, l’état-major mettait au point le concept de « colonnes autosuffisantes ». Composées d’éléments prélevés sur les corps des diverses armes, ces formations polyvalentes groupaient des unités d’infanterie, de cavalerie, d’artillerie, du génie…, ensemble d’un maniement souple sur le terrain. Dans le cadre de cette stratégie, les deux régiments étrangers furent appelés à fournir aux colonnes soit un bataillon soit une ou plusieurs compagnies qui constituaient le « noyau dur » des colonnes. Au début du xxe siècle, c’est, le plus souvent, le 1er régiment étranger (re) qui détache des éléments auprès des colonnes opérant à la frontière marocaine, alors que le 2e re fournit renforts et relèves aux détachements de Légion d’Indochine et de Madagascar.

La colonne d’Igli

Une des premières opérations de ce type fut « la colonne d’Igli », commandée par le colonel Bertrand. Composée d’un bataillon de la Légion renforcé de la compagnie montée du II/1er re, d’un bataillon du 2e régiment de tirailleurs algériens, d’une section d’artillerie, d’un demi-peloton de spahis et d’un demi-peloton de chasseurs d’Afrique, elle est rassemblée à Zoubia et se met en route le 25 mars 1900 pour atteindre Igli le 5 avril. Pour impressionner la population, la colonne, en arrivant, défile devant l’agglomération, fanions déployés, aux sons de la nouba des tirailleurs accompagnée par les clairons et les fifres de la Légion. Pour éviter tout incident avec les autochtones, le défilé passe à mille mètres des premières habitations.

La mission paraît être de préparer à Igli l’installation d’un bataillon de la Légion qui y tiendra garnison pendant deux ans. Certains indices donnent, toutefois, à penser que le but visé est plus politique que militaire. La colonne doit montrer sa force sans, sauf cas de nécessité absolue, s’en servir. Elle doit, par sa présence, dissuader les Marocains d’aller piller en territoire algérien. En fait, son seul résultat est d’obliger le Maroc à abandonner un projet de mainmise sur la palmeraie d’Igli. La colonne quitte la zone le 9 novembre 1900 sans y laisser une formation de la Légion, et rentre à Sidi-bel-Abbès.

Combat d’El-Moungar

Le 2 septembre 1903, le 2e peloton de la 22e compagnie/2e re escortant un convoi de ravitaillement des postes des oasis présahariennes débouche vers 9 heures du matin dans la plaine d’El-Moungar. Pris à partie par plusieurs centaines de guerriers Doui Mena et Ouled Djerid, il combat de 9 heures 45 à 18 heures. En plus du capitaine Vauchez et de son adjoint, le lieutenant Selchauhansen, officier danois servant à titre étranger, mortellement blessés, les pertes s’élèvent à trente-quatre tués et quarante blessés. Le combat d’El-Moungar est, pour le 2e re, l’équivalent de ce qu’est le combat de Camerone pour l’ensemble de la Légion. Chaque année, toutes les formations du 2e re se recueillent en mémoire des héros d’El-Moungar qui ont respecté jusqu’au sacrifice suprême la parole donnée de servir avec « honneur et fidélité ». La nouvelle de ce combat provoqua en métropole une émotion considérable, l’opinion publique jugeant inefficaces les opérations sur la frontière algéro-marocaine et insuffisants les ordres donnés par les divers gouvernements parisiens pour interdire le territoire algérien aux pillards marocains.

Le colonel Lyautey commandant de la subdivision d’Aïn-Sefra

Le gouverneur général de l’Algérie, Charles Jonnart, qui vient de remplacer dans cette fonction le gouverneur général Laferriere, partage l’inquiétude de la nation. Il réclame au ministre de la Guerre la nomination au commandement de la subdivision d’Aïn-Sefra d’un officier énergique ayant l’expérience des opérations de pacification, capable, en outre, de créer une administration adaptée aux besoins de populations peu évoluées. Il suggère de confier ce commandement au colonel Lyautey qui, sous l’autorité du général Gallieni, a obtenu de brillants résultats aussi bien à Madagascar qu’en haute région du Tonkin. Le ministre se laisse persuader que le colonel Lyautey est l’homme de la situation. D’ailleurs, ce dernier souhaite obtenir un commandement plus actif que celui du 17e régiment de hussards en garnison à Alençon où il se morfond. La suggestion du gouverneur Jonnart est adoptée sur-le-champ et, en septembre 1903, le colonel qui vient d’être promu général de brigade rejoint Aïn-Sefra.

Le plan d’action qu’il met au point ne tient compte que de très loin des instructions de « prudence » reçues du ministre de la Guerre. Ce dernier lui a stipulé, qu’en aucun cas, les opérations militaires ne devraient donner prétexte au déclenchement d’un incident diplomatique par l’une des nations hostiles à l’implantation de la France au Maroc. Les missions fixées par le général précisent, en effet, qu’en cas de nécessité, les troupes transiteront par des secteurs dépendant du Maroc et que, dans des cas extrêmes, elles pourront s’installer « temporairement » sur des territoires plus marocains qu’algériens.

Dès le mois de novembre 1903, ces opérations commencent. Les 2e et 3e compagnies montées du 1er re intégrées dans la colonne du chef de bataillon Pierron quittent Aïn-Sefra en direction de l’ouest/sud-ouest, et arrivent en bordure du plateau dominant la palmeraie de Béchar. Un poste est construit, et des travaux de piste reliant la position à Aïn-Sefra sont entamés. Cette implantation provoque une vive émotion dans les milieux gouvernementaux de Paris qui réclament des explications au général. Se sachant couvert par le gouverneur Jonnart, il répond que ses troupes ne sont pas à Béchar mais seulement à Colomb, lieu-dit inconnu de Paris mais existant réellement à proximité de Béchar sous le nom de Tagda. Le nom de Colomb, patronyme d’un officier français tué dans le secteur, sera, par la suite, associé à celui de Béchar pour devenir jusqu’à nos jours Colomb-Béchar.

Simultanément, le général fait construire des postes à Forthassa-Gharbia, Bou-Aïech et Talzaza ; il fait réaliser l’embryon d’un réseau de pistes facilitant la surveillance du territoire et le cheminement des convois de ravitaillement. Des reconnaissances sont poussées vers la vallée du Guir et à la périphérie de la hamada (plateau désertique délimité d’ouest en est par les vallées des ouadi Ziz et Guir). En 1904, un autre poste est implanté à Berguent, en territoire marocain, à la limite nord des hauts plateaux. Cette nouvelle installation provoque, comme l’arrivée à Colomb (Béchar), une forte émotion au sein du gouvernement et une nouvelle demande d’explications. Le général Lyautey répond sèchement en menaçant de démissionner. Le gouverneur général Jonnart fait savoir, de son côté, qu’il approuve totalement la stratégie du général, et souligne que le nouveau poste permettra de surveiller en permanence le débouché du col de Jerada, point de passage obligé des rezzou lancés par les tribus marocaines nomadisant près de la vallée de la Moulouya. La construction du nouveau poste terminée, celui-ci est occupé par la 3e compagnie montée/1er re renforcée d’un peloton de spahis. En 1907, une piste reliant Mecheria en Algérie à Berguent sera réalisée sous la direction du lieutenant Rollet, alors officier à la suite dans cette compagnie.

En 1905, des reconnaissances sont effectuées dans le nord-est du Maroc, autour de la vallée de la Moulouya sur les zones de parcours des tribus Beni Snassen, et au sud sur la hamada du Guir, au sud et autour de Colomb-Béchar.

L’ensemble de ces mesures entraînent une diminution du pillage des ressources algériennes, mais cette amélioration n’est le fait que des fractions vivant près de la frontière. Les tribus plus éloignées de la frontière, dorénavant coupées des ressources procurées par le pillage, cherchent à trouver d’autres sources d’approvisionnement. Les informateurs de la subdivision d’Aïn-Sefra et de la division d’Oran signalent qu’autour d’Oujda, dans le nord-est du Maroc et dans les palmeraies du sud, des harka préparent des expéditions en territoire algérien.
À l’intérieur de l’empire chérifien, la situation continue à se détériorer : aucun effort n’est fait pour assainir les finances du pays ; les attentats contre les étrangers, et plus spécialement contre les Français, se multiplient ; les attaques d’établissements européens sont de plus en plus fréquentes.
La situation devenant intolérable, après l’assassinat à Marrakech du docteur Mauchamp, ressortissant français, le gouvernement se décide à autoriser, au début de 1907, le général Lyautey à entreprendre une action militaire au Maroc oriental.

1907-1919 — la Légion et les débuts de la pacification

Les opérations en territoire chérifien débutent en 1907 dans la zone accessible depuis l’Algérie. Au mois de mars, des éléments de la division d’Oran occupent Oujda, métropole du Maroc oriental, mais elles ont ordre de ne pas pénétrer de plus de dix kilomètres à l’ouest de la ville. Le gouverneur général Jonnart préconise, au contraire, d’occuper, « dans la foulée » Cheraâ, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’Oujda, pour enfermer les Beni Snassen dans leur massif montagneux. Il fait valoir à Paris que la demi-mesure autorisée par le gouvernement est, aux yeux des Marocains, une preuve de faiblesse qui les incitera à s’opposer à l’occupation de leur territoire. Il réussit à faire revenir sur sa décision le gouvernement qui finit par autoriser l’isolement du massif.

La Légion étrangère participe à ce premier mouvement par des éléments du V/1er re associés à des unités de tirailleurs algériens et de zouaves. La majorité des légionnaires stationnés dans l’ouest du département d’Oran, alors occupés à terminer la réalisation de diverses pistes constituant l’ébauche d’un réseau de communications routières avec le Maroc, ne peut participer aux opérations. La 3e compagnie montée/1er re, basée à Berguent, peut être envoyée le 1er décembre 1907 à Oujda où elle rejoint dans la colonne du colonel Félineau les 1re, 4e, 17e et 19e compagnies du 1er re. Le 13 décembre, la colonne progresse vers l’ouest, traverse l’oued Isly et va stationner, l’arme au pied, pendant trois heures, devant Ain-Sfa sans riposter aux tirs sporadiques venus du douar, puis elle se retire sur le bord de l’oued. Le 15 décembre, laissant leurs mulets dans la vallée de l’Isly, les cinq compagnies de la Légion repartent en tête de la colonne en direction d’Ain-Sfa. Elles avancent jusqu’à deux cents mètres des premières maisons. Les tirs de soutien de l’artillerie tombant cinquante mètres derrière le front des unités, le commandement fait replier celles-ci, geste de pacification dans la ligne politique qu’appliquera le général Lyautey sur l’ensemble du territoire marocain. Le résultat de cette mesure est la soumission sans combat en quelques semaines de 30.000 Beni Snassen.

Le commandement peut alors, dès le début de 1908, déplacer la majeure partie des unités présentes dans l’amalat d’Oujda vers le sud pour s’opposer à la marche des harka venant du Tafilalet et de la vallée du Guir. Trois colonnes comptant chacune une des compagnies montées du 1er re marchent vers la palmeraie de Bou-Denib où se trouve la harka de Moulay-es-Sebaï, adversaire acharné de la France et du sultan. Le 14 avril 1908, la 3e compagnie montée/1er re atteint dans la palmeraie le ksar cœur de la résistance. Une section de la compagnie tente de pénétrer dans le fort en empruntant une brèche ouverte par un obus, mais elle est repoussée avec des pertes importantes. Les légionnaires n’atteignent leur objectif qu’après élargissement de la brèche par l’artillerie. Abandonnant ses morts, la plupart de ses blessés, ses tentes et ses vivres, la harka s’enfuit vers l’ouest dans les contreforts du Grand Atlas.
L’importance stratégique de Bou-Denib est telle que les compagnies montées reçoivent l’ordre d’y construire, en deux mois, un poste pouvant abriter 1 500 hommes et 550 animaux ainsi qu’une redoute abritant des mitrailleuses et comportant des plateformes pour canons de 75 mm et de 80 mm de montagne. Le 30 août 1908, cet ouvrage, tenu par deux compagnies montées du 1er re, est attaqué par une harka de 20 000 hommes qui, après dix-huit heures d’assauts inefficaces, abandonne la partie en laissant 173 corps sur le terrain.

Le débarquement de Casablanca

Alors que le général Lyautey réussissait en 1907-1908 ses premières opérations au Maroc oriental, la situation des Européens installés aux alentours de Casablanca et dans la ville continuait à se dégrader. La construction d’une jetée, embryon du port de commerce actuel, se heurtait à l’hostilité des Marocains qui attaquaient le chantier et en détruisaient le matériel. Le 30 juillet 1907, ils assassinaient neuf Européens dont cinq Français, et assiégeaient les consulats étrangers.

Conformément aux accords d’Algésiras, la France, chargée d’assurer la sécurité du territoire et de défendre la légitimité du sultan, mit à terre, le 5 août, un détachement de fusiliers marins pour protéger les consulats. Ce détachement perdit son chef et eut cinq hommes blessés en entrant en ville. Le 7 août, un corps de débarquement de 2 000 hommes aux ordres du général Drude releva les marins. Sa mission, bien que plus étendue que celle des marins, est limitée par Paris à l’agglomération de Casablanca et à sa banlieue immédiate ; il ne peut s’emparer de positions stratégiques autour de la ville.

La Légion participe à cette opération par le VI/1er re débarqué le 7 août. Ce bataillon, commandé par le chef de bataillon Provost, doit repousser les assauts quasi quotidiens lancés par les Chaouia. Le 8 août, en défendant la face nord du camp numéro 1 où il bivouaque, le bataillon déplore son premier mort, le légionnaire Motz ; le 3 septembre, le commandant Provost, menant son bataillon à l’assaut de la crête de Sidi-Moumen située à moins de dix kilomètres à l’est de la ville, tombe à son tour. Le 2 septembre 1907, le corps de débarquement reçoit le renfort du VI/2e re suivi, deux jours plus tard, par le I/2e re. Installés au camp « Sud Ville », ces deux formations groupées administrativement forment le 1er régiment de marche/2e re (1er rm/2e re) commandé par le colonel Boutegourd. Ils repoussent, indépendamment l’un de l’autre, les attaques désordonnées mais violentes des tribus contre le chantier de la jetée et la ville. Dès les premiers combats, il est évident que respecter les ordres reçus de Paris et abandonner immédiatement le terrain occupé pendant les sorties aboutit à une situation absurde : Casablanca n’est qu’une position d’où il est de plus en plus difficile de déboucher. Pour sortir de cette situation, le 1er janvier 1908, le général Drude, contrevenant aux prescriptions du ministre, fait occuper Mediouna, agglomération distante de dix-huit kilomètres au sud de Casablanca puis, au lieu d’évacuer la place et de revenir à Casablanca, il y crée une garnison. Son successeur, le général d’Amade, adopte la même attitude : après avoir occupé Berrechid, il progresse vers le sud et s’empare de Settat après un dur combat mené par des éléments du 1er rm/2e re. L’activité incessante des troupes, l’omniprésence sur le terrain des compagnies montées de la Légion et l’action du service de santé auprès de la population aboutissent à la soumission de la très grande majorité des tribus Chaouia.
Les étapes de la pacification du Maroc, bien qu’encore peu discernables, se précisent :

  • soumettre, avec Casablanca comme base arrière, les tribus de la Chaouia en assurant la couverture lointaine de la ville par la construction de camps ou de postes à Boucheron, Ben-Ahmed et Ben-Slimane ;
  • reconnaître la côte atlantique au sud-ouest de Casablanca jusqu’à l’embouchure de l’Oum-er-Rebia ;
  • étendre progressivement les territoires soumis jusqu’au piémont du Moyen Atlas en refoulant les irréductibles dans la montagne.

Une fois la sécurité assurée à l’intérieur du périmètre délimité par les postes périphériques, les troupes commenceront à réaliser des infrastructures devant permettre l’évolution du Maroc vers la modernité : réseau routier, lignes télégraphiques, infirmeries, travaux d’irrigation…
À partir du mois d’août 1908, les opérations, au Maroc occidental, visent, au sud de Casablanca, à consolider la position de Settat. Le succès des actions entreprises permet au gouvernement de ramener en Algérie, le 1er août le VI/1er re, puis le 29 octobre le IV/2e re. À Casablanca seul reste le I/2e re qui, groupé avec le 4e régiment de zouaves, constitue un régiment de marche chargé d’aménager, à l’intérieur de la zone contrôlée, des camps militaires, de construire un réseau de routes et de pistes et d’assainir les secteurs insalubres. À Settat, limite sud de la zone, la 2e compagnie/1er rm/2e re du capitaine Rollet protège les travaux d’installation du bac de Mechra-ben-Abbou sur l’Oum-er-Rebia. Elle participe ensuite à la colonne du Cba Aubert de l’infanterie coloniale qui doit barrer la route de Fès à une harka rassemblée au sud d’Agadir, dans la région de Tiznit, qui marche sur Fès pour déposer le sultan. La mission de la 2e compagnie/1er rm/2e re, du 5 juin au 11 juillet 1910, consiste à protéger les convois de ravitaillement des unités combattantes. Le 5 août, une colonne d’« observation » est rassemblée à Guisser à trente kilomètres au sud/sud-est de Settat sous les ordres du Cba Forey. Elle comprend la compagnie Rollet, la compagnie Arqui (4e compagnie/2e re), une compagnie du 4e régiment de tirailleurs, un demi-escadron de spahis, une demi-batterie de 75, la section de mitrailleuses du 2e re et une section d’ambulances. En dépit de sa composition à but opérationnel, la colonne n’effectue que des reconnaissances et des tournées de police autour de Guisser. Les populations ne lui manifestent aucune hostilité ; elles attendent le passage de la colonne pour vendre aux militaires œufs et poulets, quémander du sucre et de la farine, et surtout pour bénéficier des soins donnés par le médecin et ses infirmiers, première manifestation de la politique de séduction des autochtones du général Lyautey.

Hostilité de l’Allemagne

Cette politique irrite l’Allemagne qui souhaite établir des relations commerciales avec le Maroc indépendamment de la France avec laquelle les rapports sont toujours aussi tendus. Le consulat d’Allemagne de Casablanca, transformé en officine de désertion, facilite le retour en Allemagne de ses nationaux « déçus de la Légion », et sert de refuge aux déserteurs avant leur embarquement sur un navire allemand. Un soir de septembre 1908, le chancelier du consulat escorte des déserteurs jusqu’au bateau battant pavillon allemand qui doit les rapatrier. Avant d’arriver au point d’embarquement, le groupe est arrêté par une patrouille de légionnaires qui, reconnaissant les déserteurs, les conduit au pc de la place et refuse de les remettre au consul.

Le 1er juillet 1911, l’ambassadeur d’Allemagne à Paris annonce au ministre des Affaires étrangères que son gouvernement va envoyer à Agadir un navire de guerre pour défendre les intérêts allemands menacés dans cette zone par des Marocains révoltés. Il ajoute que, compte tenu de l’insécurité en terre chérifienne, l’Allemagne considère que l’acte d’Algésiras est caduc. De nouvelles discussions entre l’Allemagne et la France sont nécessaires afin de régler entre les deux États les intérêts de chacun. Quatre mois de tractations furent nécessaires pour régler tous les points litigieux et obtenir l’abandon par l’Allemagne de ses revendications moyennant des compensations territoriales en Afrique équatoriale. Enfin, la convention franco-allemande du 4 novembre reconnaissait à la France le droit de conclure un traité de protectorat avec le Maroc.

La révolte de Fès

Les mehalla chérifiennes, n’ayant plus été payées depuis des mois, se révoltent, le 28 mars 1911. Elles entraînent avec elles les tribus berbères de la périphérie de Fès et assiègent la ville. Le sultan demande à la France d’intervenir en venant au secours de sa capitale.

Chargé de dégager Fès, le général Moinier rassemble à Kenitra un groupement formé d’unités pouvant, sans risque majeur, être retirées des opérations en cours pour marcher sur Fès. Ce groupement est scindé en trois colonnes. L’une d’elles, aux ordres du colonel Gouraud, comprend un bataillon du 4e zouaves, un bataillon du 3e tirailleurs, la 3e compagnie montée/1er rm/2e re du capitaine Rollet et un convoi de ravitaillement.

Partie de Kenitra le 11 mai 1911, la colonne Gouraud est harcelée, dans la nuit, à Lalla-Ito, par des Zemmour que repousse la compagnie Rollet. Longeant la rive gauche de l’oued Sebou, elle traverse ensuite des merja (marécages asséchés) couvertes d’herbes sèches d’une densité telle que la marche des hommes et des mulets en est ralentie. La compagnie Rollet, le plus souvent en avant-garde, n’a plus l’occasion de combattre, les Marocains ne s’opposant pas au passage de la colonne. La traversée du massif du Zegota ne rencontre pas de résistance et le 21 mai, après avoir traversé la plaine du Zais, la compagnie montée va installer son bivouac en face du palais du sultan à Fès-Jdid (Fès ville nouvelle). À partir du 25 mai, elle escorte des convois de ravitaillement empruntant la piste de Kenitra à Fès. Elle se heurte, dans la montagne, à des fractions des Beni M’Tir qui lui causent quelques pertes. Pour contrôler la piste entre le col du Zegota et le massif des Beni Ahmer, elle construit un poste à la N’Zala des Beni Ahmer. Vers le sud, en direction d’El-Bhalil et de Sefrou, elle reconnaît les premières pentes du Moyen Atlas en repérant les itinéraires praticables pour les colonnes qui soumettront, à une époque encore indéterminée, les Berbères du Moyen Atlas.

Le commandement, une fois la région de Fès pacifiée, détermine les projets majeurs de mise en valeur des territoires que contrôlent ses unités. Priorité est donnée au projet d’une route reliant directement Casablanca et Rabat à Meknès et Fès en évitant le détour par Kenitra et la traversée du Gharb. Ce projet est accueilli très favorablement par certaines fractions des Zemmour, et les premières reconnaissances sont lancées à partir de Fès et de Meknès jusqu’à Tiflet, à cinquante kilomètres à l’est de Rabat. Une piste est aménagée de Tiflet à Meknès avec le concours de la compagnie montée Rollet. La chaleur qui s’ajoute à la fatigue des légionnaires, en opérations sans interruption depuis le mois de mai, provoque une épidémie de fièvre typhoïde dont les seules victimes sont le lieutenant Allote de La Faye, décédé le 13 septembre à l’hôpital de Fès, et le légionnaire Kollsen, mort trois jours plus tard.
À la fin de 1911 et dans les premiers mois de 1912, la compagnie montée/1er rm/2e re reçoit une série de missions très diverses : chantier d’amélioration de la piste Meknès-Fès au pont de l’oued Ouislam, opération de police dans la vallée de l’oued El-Kell, escorte d’une reconnaissance évaluant la possibilité d’approvisionner Fès par voie fluviale empruntant le cours du Sebou, opération contre les Beni M’Tir et les Aït Youssi sur les premières pentes du Moyen Atlas, destruction de la casbah du caïd Raho, nettoyage du secteur de Sefrou et occupation de la ville le 12 janvier 1912. L’ensemble de ces opérations, aussi impressionnant qu’il soit, ne répond qu’à des besoins tactiques instantanés. Il ne s’inscrit pas dans une stratégie d’ensemble, impossible à définir en raison du manque d’effectifs, car les unités engagées dans une opération de pacification n’étaient pas en mesure, dans la majorité des cas, d’occuper le terrain conquis.

Le protectorat et le général Lyautey, résident général de France au Maroc

Le 30 mars 1912, le gouvernement français, conformément à l’accord franco-allemand du 4 novembre 1911, signe avec le sultan un traité de protectorat par lequel la France prend en charge les relations du Maroc avec les nations étrangères, les finances du pays, la police, l’armée, la santé publique… Cet accord est très contesté par le maghzen et par l’armée.

Le 17 avril 1912, les tabors chérifiens (éléments de l’armée du sultan) en garnison à Fès se mutinent. Ils massacrent leurs officiers et soulèvent la population de la médina contre les Européens qui doivent se réfugier à l’intérieur d’un périmètre de défense. La révolte gagne la montagne d’où descendent 20 000 guerriers qui assiègent la ville.

Le gouvernement français auquel le traité de protectorat a confié la responsabilité de l’ordre public doit ramener le calme au Maroc. Il fait appel au général Lyautey qu’il nomme, par décret du 28 avril, résident général de France au Maroc. Arrivé à Fès le 23 mai, le Résident lance, avec le peu de troupes dont il dispose, une série de petites opérations qui, en l’espace de deux mois, rejette les révoltés en direction du nord dans le Rif et au sud dans le Moyen Atlas. La compagnie montée Rollet commence par chasser les maraudeurs des jardins situés en contrebas du secteur oriental de la ville ; elle détruit les passerelles qu’ils ont lancées sur le Sebou. Les insurgés défendent leurs positions avec un tel acharnement que la compagnie doit donner l’assaut à un mamelon d’où partent des feux nourris et ajustés. En juillet, l’action est orientée au nord de Fès sur la rive gauche de l’Ouerrha pour créer un glacis de protection lointaine de la ville ; le 6 juillet, les légionnaires livrent un combat à Souk-el-Tnine, et le lendemain à Moulay-bou-Chta. Au cours de ces deux engagements, un caporal et un légionnaire sont tués et quatre légionnaires blessés.

Revenue à Fès, la compagnie s’installe avec des unités de tirailleurs nord-africains et sénégalais au camp de Dar-Mahrès où sera installée la portion centrale du 3e rei en 1924. Les travaux d’aménagement du camp qui lui sont assignés doivent être interrompus pour combattre une fraction des Beni M’Tir retranchée au Djebel-Kandar, dans le Moyen Atlas, et reconnaître le secteur d’Immouzer du Kandar.

Les objectifs fixés par le général Lyautey une fois atteints et l’insurrection domptée, les résultats doivent être consolidés par la mise en œuvre d’un programme de présence sur le terrain en évitant de recourir à la force, la faiblesse des effectifs ne le permettant pas.
La compagnie Rollet commence, en novembre 1912, la construction de la piste reliant Fès à Petitjean et Kenitra par le col du Zegota. Entre le 6 novembre 1912 et le 14 avril 1914, date de l’ouverture de la piste à la circulation, les travaux sont interrompus à plusieurs reprises pour procéder à des opérations de pacification au nord, à l’est et au sud de Fès.

Liaison entre le Maroc occidental et oriental

Au Maroc oriental, les colonnes venant d’Oujda arrivent à Guercif après avoir maîtrisé l’opposition des fractions occidentales des Beni Snassen. La perspective d’un conflit armé avec l’Allemagne oblige à réaliser rapidement la jonction à l’est et à l’ouest du Maroc, et à relier par voie terrestre la Tunisie et l’Algérie à la côte atlantique du Maroc par suppression de la solution de continuité entre Fès et Taza.

La compagnie montée du capitaine Rollet, intégrée dans le groupement du général Gouraud, quitte Fès, le 27 avril 1914. Détachée à l’avant-garde en soutien de la cavalerie, elle participe à la reconnaissance du terrain jusqu’à la crête dominant la vallée de l’Ouerrha. Les jours suivants, toujours à l’avant-garde, elle progresse en direction de l’est et combat, le 10 mai, au djebel Tfazza contre les guerriers Rhiata. Le 12 mai, elle participe à l’attaque contre les guerriers d’El-Hadj-Ami et contre les Tsoul, puis va cantonner au camp de l’oued Amelil et fait, le 16 mai à 15 heures, sa jonction à Meknassa-Tatania (à l’ouest de Taza) avec un élément du groupement du général Baumgarten venant d’Oujda.

Le 17 mai, le groupement du général Gouraud rejoint Taza où le général Lyautey, avant de passer en revue les deux groupements, constate officiellement la continuité territoriale existant dorénavant entre Tunis, Alger et Rabat/Casablanca.

À la fin mai 1914, le protectorat français du Maroc couvre :

  • d’est en ouest, depuis la frontière algérienne jusqu’aux premiers contreforts de l’Atlas, et du nord au sud, depuis la côte de la Méditerranée jusqu’au parallèle de Colomb-Béchar, une zone de cultures puis de hauts plateaux sur lesquels ne pousse que de l’alfa ;
  • à l’ouest, entre la côte atlantique et le Moyen Atlas, et du nord au sud, de la chaîne du Rif au piémont du Haut Atlas, un vaste territoire agricole coupé de collines de faible altitude. Le Maroc oriental est relié au Maroc occidental par le couloir de Taza qui culmine au col de Touahar.

Le programme du général Lyautey

Dans un rapport adressé au ministre de la Guerre, le Résident trace les grandes lignes du plan de pacification du protectorat qu’il se propose de réaliser. Passant en revue les zones encore dissidentes, principalement les chaînes du Moyen et du Haut Atlas, il compare celles-ci à une besace. Le sac septentrional, limité au nord par la ligne Meknès, Fès, Taza et Guercif, est limité à l’est/sud-est par les hauts plateaux des confins algéro-marocains et au sud/sud ouest par une ligne reliant Meknès à Ksar-es-Souk (aujourd’hui Er-Rachidia). Le sac méridional comprend la partie sud/sud-ouest du Moyen Atlas, le Haut Atlas et l’Anti-Atlas ; il est bordé à l’ouest par les plaines des Beni Amir et des Beni Moussa et la plaine de Marrakech ; enfin, à l’est, par les hamadas du Dra et du Guir. Soulignant l’hétérogénéité ethnique de chacune de ces zones, il en déduit son programme de pacification : dans un premier temps, isoler l’un de l’autre les deux sacs, puis réduire, dans une deuxième période, le sac septentrional occupé correspondant en gros à la tache de Taza qui menace le couloir de liaison entre Algérie et Maroc ; la pacification du sac méridional fera l’objet d’une troisième phase.

La déclaration de guerre de l’Allemagne à la France puis la campagne contre Abd el-Krim dans le Rif retarderont jusqu’en 1926 la réalisation de ce programme.

La Légion au Maroc pendant la Première Guerre mondiale

La déclaration de guerre d’août 1914 oblige le gouvernement à transférer en métropole la quasi-totalité des troupes du Maroc. En ce qui concerne la Légion, seuls sont envoyés en Algérie les légionnaires qui ne sont pas citoyens allemands ou autrichiens, le gouvernement se refusant à faire combattre ceux-ci contre leurs patries respectives.

Les formations de la Légion restées au Maroc, après les prélèvements ordonnés par Paris, étaient les 1er, 2e et 6e bataillons du 1er re formant le 1er rm/1er re, 1es 3e et 6e bataillons du 2e re formant le 1er rm/2e re, auxquels s’ajoutent deux compagnies montées du 1er re et la compagnie montée du Maroc, la compagnie montée/1er rm/2e re. Toutes ces unités n’ont qu’un effectif réduit. En compensation de ces prélèvements, la métropole envoya quelques bataillons de territoriaux qui devaient démontrer aux Marocains que la France restait présente au Maghreb.

Par ailleurs, le ministère prescrivait de rassembler les forces restantes à proximité de la côte atlantique et d’abandonner l’intérieur du pays. Le général Lyautey, convaincu qu’un tel recul entraînerait, à brève échéance, la perte de la totalité du pays, maintint, en dépit des ordres reçus, une présence militaire en bordure des zones dissidentes.

Les faits lui donnèrent raison. Les Tsoul, armés et soutenus financièrement par l’Allemagne, attaquent le couloir de Taza le 9 août 1914. Le 6 septembre, la 1re compagnie montée/2e re est accrochée sur l’Innaouen. Le 13 novembre, une reconnaissance dans le Moyen Atlas dirigée par le colonel Laverdure contre Kenifra, capitale de Moha ou Hamou, caïd des Zaian, tombe dans une embuscade. Elle est entièrement détruite, et la colonne de secours ne peut qu’ensevelir les morts en subissant, elle-même, des pertes. L’année 1915 est tout aussi agitée : le VI/1er rm/2e re participe, le 16 janvier, à une opération contre M’Rirt et la vallée du Guigou ; dans la vallée de l’oued M’çoun, le contrôle permanent du secteur ne peut être exercé qu’en construisant le poste de Bou-Ladjeraf ; le 1er mai, la compagnie montée du Maroc nettoie la région de Si-Ahmed-Zerouk et y construit un poste ; à la limite du Moyen Atlas, la tribu des Branes, alliée aux Beni Ouriaghel, harcèle convois et colonnes ; il faut trois engagements violents pour en venir à bout. En 1916, les reconnaissances du versant occidental du Moyen Atlas se multiplient dans la région d’Ifrane, dans le secteur du Tadla et en bled Zaian. Au printemps, la région de Bou-Denib s’agite et doit être reprise en main, ce qui donne lieu à plusieurs engagements mettant en jeu le VI/1er rm/2e re et la 1re compagnie montée/rm/1er re. En 1917, dès le 2 janvier, le I/1er rm/1er re entame dans le Tadla des opérations contre les Zaian, alors que commence la séparation des deux sacs de la besace imaginée par le résident général. Le 17 juin 1917, le groupe mobile de Meknès se relie à celui de Bou-Denib. Mais ils ne se sont rendus maîtres que d’un étroit couloir que les convois ne parviennent à emprunter qu’en organisant de véritables opérations de guerre.
Aucune grande opération n’a lieu en 1918. L’érosion des effectifs du Maroc aggravée par les envois de renforts en métropole interdit la poursuite de la pacification. Le 11 novembre 1918, les effectifs très réduits restés sur le sol marocain avaient réussi à conserver l’intégralité du protectorat français sur le Maroc. Les dissidents, toujours travaillés par la propagande allemande, refusèrent de croire à la défaite de l’Allemagne et continuèrent leur combat. La libération des classes appelées pendant les hostilités et le retour en métropole des territoriaux envoyés au Maroc en 1914 provoquèrent une crise des effectifs européens et de l’encadrement des troupes indigènes. Informé des problèmes que posait, alors, au commandement la présence en Algérie du régiment de marche de la Légion (rmle) qui, régiment de marche et non régiment organique de l’armée française, risquait d’être dissous à brève échéance, le Résident obtint du ministre le transfert de cette unité au Maroc afin de pallier, ne fût-ce que partiellement, cette crise.

La Légion dans la pacification, 1920-1935

Le 27 octobre 1919, le rmle arrive à Oujda. Il rejoint Taza d’où, pendant trois semaines, deux de ses compagnies pourchassent jusqu’aux abords du Rif des bandes armées qui refusent le combat et se réfugient au Maroc espagnol. Ces compagnies sont ensuite dirigées sur Meknès où doit stationner le régiment.

L’arrivée du rmle représente, en valeur absolue, un faible apport numérique pour les formations européennes, son effectif de 994 officiers, sous-officiers et militaires du rang est inférieur à l’effectif normal d’un bataillon. Il permet d’augmenter de 85 % l’effectif de 1 200 légionnaires que comptent les quatre bataillons formant corps du 1er et du 2e re et les trois compagnies montées présentes au Maroc.

Sachant que seule la Légion parviendra à lui apporter les effectifs qui lui sont nécessaires, le général Lyautey charge le lieutenant-colonel Rollet d’étudier une réorganisation de la Légion au Maroc. Après des discussions serrées, le ministère de la Guerre autorise :

  • l’affectation aux formations du Maroc de plus de la moitié des engagés volontaires au titre de la Légion ;
  • la transformation du rmle en régiment organique des troupes du Maroc ; il devient 3e régiment étranger d’infanterie (rei) et est affecté à Fès ;
  • le transfert d’Algérie au Maroc du 2e re qui devient 2e rei en garnison à Meknès ;
  • la création du 4e rei par groupement des bataillons formant corps des 1er et 2e re stationnés au Maroc avec implantation à Marrakech.

La création de ces régiments à effectif complet est rendue possible grâce à l’afflux de volontaires russes fuyant le régime des Soviets et de germanophones auxquels leurs pays ne peuvent fournir un emploi.

La reprise de la pacification

Jusqu’en 1919, la pacification n’avait concerné que le « Maroc utile » et les abords des Moyen et Haut Atlas. À partir de 1920, elle vise les tribus berbères peuplant des zones montagneuses, forteresses naturelles où sont organisés des embuscades contre les patrouilles et les convois militaires et des raids contre les tribus ayant fait leur soumission.

L’année 1920 est consacrée à la mise en place des régiments et à l’instruction des unités. Les recrues doivent être initiées aux particularités du combat au Maroc et être convaincues que la guerre n’y a rien de commun avec ce qu’ils ont pu connaître entre 1914 et 1918 contre les Alliés. Ils doivent comprendre qu’au Maroc, il est impossible de procéder par chocs frontaux contre un adversaire très mobile qui a une connaissance approfondie du terrain. Il faut apprendre à manœuvrer en tirant parti de la configuration du terrain et faire preuve de souplesse dans la manœuvre.

Pendant cette période, le 3e rei, premier régiment prêt à prendre part aux opérations, a pour mission de compléter un réseau de postes orienté au nord face à la chaîne du Rif et au sud face au Moyen Atlas, pour protéger la piste et le chemin de fer à voie étroite de Fès à Taza. Il garde un bataillon en réserve à Fès. Le 2e rei, après son transfert d’Algérie au Maroc, commence par repousser, entre Fès et Taza, les Beni Ouarain vers le sud afin de mettre le cordon ombilical entre Maroc occidental et Maroc oriental hors de portée des Berbères du Moyen Atlas.

En 1921, les objectifs consistent, d’une part à en finir avec la dissidence au Tadla et en bled Zaian qui menace encore les zones de cultures au pied du Moyen Atlas, d’autre part à créer ensuite une liaison entre Meknès et Fès d’un côté et Midelt de l’autre en passant par le col du Zad.

Le III/3e rei intégré dans le groupe mobile de Fès participe aux opérations de Kesmat-el-Khamis et de Kassiona avant de rejoindre, en juillet, le II/3e rei à Bekrit en limite nord du bled Zaian, puis de construire un poste au djebel Ayhoum. Le I/3e rei conquiert le marabout de Si-Ahmed-el-Monedden et construit un poste sur le lieu du combat. Un détachement du 4e rei défait les dissidents sur l’oued Oughziat, et le IV/4e rei occupe en avril Gheuder. À la fin de l’année, les objectifs fixés par le Résident sont atteints : les Zaian ont fait leur soumission, et le poste de Bekrit qui contrôle la zone à l’ouest de la piste Azrou/Midelt a été dégagé, mettant la liaison Meknès-Midelt à l’abri des incursions d’insoumis.

En 1922, l’objectif prioritaire est la réduction de la tache de Taza. Deux bataillons du 2e rei entrent, l’un (III/2e rei) dans la composition du groupe mobile du général Decherf avec lequel il remonte le cours de la Moulouya et occupe les postes du secteur d’El-Menzel. Le II/2e rei assure l’escorte de convois avant de rejoindre le groupe du général Aubert qui, marchant du nord au sud contre les Marmoucha, parvient à rejeter une partie des dissidents vers le cœur du Moyen Atlas. Les II et III/3e rei rejoignent le III/2e rei dans le groupement du général Decherf pour réduire le massif du Tichoukt, forteresse des Aït Tseghouchen. Le III/3e rei enlève la position de la Kelaa des Beni Alaham, puis combat au Tizi-Adni. Commandé par le chef de bataillon Nicolas, le bataillon fait les frais d’une erreur initiale du commandement qui refuse de tenir compte des suggestions du chef de bataillon. Celui-ci estimait nécessaire, avant d’attaquer Skoura, de modifier l’opération pour tenir compte des difficultés du terrain et remettre en ordre les unités. Cette suggestion n’ayant pas été retenue, le III/3e rei doit combattre dans des conditions défavorables entraînant la perte de 17 tués, 18 disparus et 64 blessés, pertes énormes par rapport à l’effectif des deux compagnies mises en ligne. L’opiniâtreté du III/3e rei dans cette malheureuse affaire fait l’objet d’une citation à l’ordre des troupes du Maroc.

Pendant la belle saison, d’avril à octobre, les Légionnaires combattent. Ils pénètrent en zone dissidente, s’y établissent et construisent les postes dans lesquels ils mènent pendant l’automne et l’hiver une existence monotone, vivant sous la menace constante d’un coup de main des dissidents. La corvée d’eau ne peut être faite que sous la protection d’un élément d’escorte prêt à riposter en cas d’embuscade. Les liaisons entre postes voisins ne se font que par moyens optiques ; communiquer par estafettes ferait tomber le messager dans un traquenard, les dissidents guettant en permanence l’occasion de s’emparer de l’arme et des munitions d’un isolé.

En 1923, au nord de la tache de Taza, la situation se détériore. Les succès d’Abd el-Krim contre l’armée espagnole incitent les tribus frontalières à se rebeller et à attaquer convois, patrouilles et postes de la zone française. La faiblesse des effectifs dont dispose le maréchal ne permet pas de protéger la frontière du nord simultanément avec la poursuite au même rythme que la pacification. Il faut, afin de pouvoir barrer la route de Fès aux Rifains, arrêter les opérations dans la tache de Taza. Les 2e et 3e rei sont envoyés dans le nord pour interdire aux rebelles l’approche des deux villes impériales. Pendant plus de deux ans, les unités des deux régiments s’épuisent à arrêter le déferlement des Rifains, à couvrir le repli des postes devenus indéfendables, à escorter les convois de ravitaillement des postes, escortes qui sont de véritables opérations de guerre nécessitant l’intervention d’un et parfois plusieurs groupes mobiles.

Pour maîtriser la situation, le maréchal Lyautey réclame des effectifs supplémentaires à Paris qui répond à ces demandes en n’autorisant le transfert au Maroc que d’un nombre très insuffisant de bataillons de tirailleurs algériens et sénégalais auxquels s’ajoutent, à diverses époques et à titre temporaire, trois bataillons du 1er rei. Le VI/1er rei du chef de bataillon Kratzert est envoyé au début du second trimestre 1923 au Maroc pour opérer contre les Marmoucha. Il retourne en Algérie en janvier 1924 après avoir participé à l’encerclement du massif du Tichoukt.

En 1924, le danger rifain se précisant, la couverture de la frontière entre le protectorat espagnol et le protectorat français demande toujours plus de troupes. Le VI/1er rei, maintenant commandé par le chef de bataillon Cazaban, revient en territoire chérifien au mois d’avril ; il est affecté au groupe mobile du général Freydenberg. Il participe, le 3 mai, au dégagement du poste de Taounate. Le II/1er rei du Cba Deslandes, arrivé également en 1924, escorte les convois de ravitaillement et les renforts destinés aux postes. Il est dirigé, avec le II/2e rei, vers le massif du Bibane où les deux formations dégagent, en juillet 1925, les postes de l’oued Hamdine et de Bab-Hoceine.

Le 10 juin 1925, le VI/1er rei est envoyé vers le poste de Mediouna qui doit être évacué. L’ennemi a isolé le poste par un réseau de tranchées occupées en permanence. L’évacuation du poste ne pourra se faire qu’en montant une action de corps franc. Plus d’une centaine de volontaires se présente pour faire partie de l’élément d’assaut dont l’effectif ne doit être que de 60 hommes. À la nuit tombée, le corps franc se dirige vers le poste. Il est rejoint en chemin par la plupart des volontaires dont la participation avait été refusée. En combattant, le groupe parvient à arriver au poste. Le retour vers le bataillon est dramatique : encerclé par un adversaire très nombreux, bien armé et abondamment pourvu de munitions, le corps franc est anéanti, quatre officiers et 60 sous-officiers et militaires du rang sont massacrés par l’adversaire. Leur sacrifice fait l’objet d’une citation du bataillon à l’ordre des troupes du Maroc. Le VII/1er rei arrive à Taza le 20 juillet 1925, venant de Sidi-bel-Abbès. Sous les ordres du chef de bataillon Merlet, il commence par combattre les Branes, délivre les postes de Bab-Moroudj, puis s’empare du piton d’Ashora avant de se tourner contre les Tsoul.

L’année 1925 est une année de grands bouleversements. Le maréchal Lyautey doit quitter définitivement le Maroc. Il est remplacé dans ses fonctions de résident général de France au Maroc par Lucien Saint, fonctionnaire de l’État, et dans son commandement en chef des troupes du Maroc, mais uniquement pour la durée de la campagne contre Abd el-Krim, par le maréchal Pétain. Ce dernier obtient de Paris tous les renforts en hommes et en matériel qui avaient été refusés au maréchal Lyautey. Débarquent à Casablanca ou passent la frontière à Oujda des divisions métropolitaines, de l’artillerie lourde, des chars Renault FT, des avions d’observation et de bombardement, abondance de moyens qui fait dire à certains qu’on veut écraser les Rifains avec un marteau pilon d’une puissance hors de proportion avec l’objectif.
Ces renforts, une fois acclimatés, rejoignent le front du Rif et passent à l’offensive au mois de mai 1926. Les I et III/3e rei groupés en un régiment de marche de la 2e division d’infanterie du général Billotte sont dans le secteur d’Aïn-Aïcha et participent à l’offensive générale qui amène Abd el-Krim à se rendre, le 28 mai, au colonel Corap.
Immédiatement après la fin des combats dans le Rif, profitant de la présence de troupes en bordure de ce qui reste de la tache de Taza, le commandement termine la réduction du territoire insoumis par l’opération du Tizi-Anzi.
À la fin de 1926, la zone de la dissidence ne compte plus que le second sac de la besace imaginée par le maréchal Lyautey.

Fin de la pacification

Après le rapatriement en métropole des divisions prêtées aux troupes du Maroc, le commandement doit réorganiser ses formations et déterminer l’ordre des priorités à donner aux secteurs restant à pacifier. Pour accéder aux confins algéro-marocains depuis Fès et Meknès au nord et Marrakech au sud et immobiliser les rebelles, il faut disposer de pistes capables de supporter la circulation de camions équipés de roues à bandages pleins. Deux pistes principales sont mises en chantier : la première relie Meknès et Fès à Ksar-es-Souk et au Tafilalet en passant par Midelt et la vallée du Ziz ; la seconde va de Marrakech à Ouarzazate en passant par le col du Tizi N’Tichka. Elle permettra d’accéder à la vallée du Draa au sud et, vers le nord, en remontant la vallée du Dades, de rejoindre Ksar-es-Souk. Entre Midelt et Ksar-es-Souk existait une piste praticable uniquement par des fantassins et des convois d’animaux : passant par Rich, Gourrama et Bou-Denib, elle avait une longueur de trois cents kilomètres, alors qu’en suivant le cours de l’oued Ziz, la distance n’est que de cent cinquante kilomètres, mais il faut percer un tunnel dans la cluse du Foum-Zabel. La route de Midelt à Ksar-es-Souk fut étudiée par la direction du génie de Meknès ; sa réalisation fut l’œuvre d’unités des 2e et 3e rei. Quant au tunnel, il fut percé entre le 24 juillet 1927 et le mois de mai 1928 par la compagnie de sapeurs pionniers du 3e rei (sur les cartes éditées par l’Institut géographique du Maroc, ce tunnel est toujours appelé « tunnel du Légionnaire »).

La piste qui relie Marrakech à Ouarzazate donne accès à la vallée du Draa en direction du sud. Elle permet, en remontant la vallée du Dades, de rejoindre Ksar-es-Souk à partir du sud. Cette piste fut réalisée par le 4e rei, aidé par des unités de tirailleurs qui fournirent la main-d’œuvre « pelles et pioches ». Moins connue que la « route du Ziz », celle-ci passe par le col du Tizi N’Tichka à 2 270 mètres d’altitude.

Ces pistes ayant été terminées, la réduction de la dissidence fut réactivée. Les groupes mobiles de Meknès avec le 2e rei, de Fès dont faisaient partie divers éléments du 3e rei et de Bou-Denib, commencèrent, entre 1927 et 1929, par ramener le calme dans les secteurs de Bou-Denib et du Tafilalet en utilisant des moyens beaucoup plus lourds que ceux dont avaient disposé les unités avant 1925 : artillerie de calibre 155, chars Renault type FT 17, aviation de bombardement… Il leur fallut ensuite réprimer une nouvelle rébellion des Aït Haddidou et des Aït Yahia dans la région de Gourrama et assiéger le ksar des Aït Yacoub.

En 1933, le djebel Sagho, dernier bastion de la dissidence, fut pris d’assaut par les compagnies montées des trois régiments étrangers d’infanterie du Maroc après un blocus de quarante-deux jours. Les dernières opérations eurent pour théâtre la vallée de l’Assif-Melloul et le plateau des Lacs dans le Haut Atlas, auxquels participèrent des éléments des 2e, 3e et 4e rei. La pénétration dans les territoires de l’extrême sud aux confins de la colonie espagnole du Rio de Oro ne donna pas lieu à des opérations militaires méritant d’être signalées. À la fin de 1934, la totalité du protectorat français du Maroc était pacifié.
En conclusion, il est possible d’affirmer que la part prise par la Légion dans les opérations de pacification du Maroc entre 1903 et 1934 est primordiale. Ses unités ont été l’épine dorsale des colonnes et des groupes mobiles chargés de soumettre les dissidents. Aussitôt les combats terminés, les légionnaires ont entrepris, avec des moyens réduits, la réalisation d’une infrastructure routière qui a été l’un des facteurs essentiels du développement économique du Maroc.

 

Ndlr L’auteur de cet article, Pierre Soulié, a rédigé son analyse à partir d’une source originale : A. Bernard, Le Maroc, Paris, éd. A lcan, 412 p. ; de ses recherches personnelles faites dans les fonds du shd ; P. Soulié, Le Général Paul-Frédéric Rollet, Paris, éd. Italiques, 735 p. ; Revue historique des armées, no spécial Maroc, 1981 ; J.-P. Mahuaud, L’Épopée marocaine de la Légion étrangère, 1903-1934, Paris, L’Harmattan, 2005, 284 p. ; P. Cart-Tanneur, La Vieille Garde, Paris, bip, 1979, 288 p. ; Le Troisième Étranger, Paris, efm, 1979, 191 p. ; Le Quatrième Étranger, Paris, bip, 1979, 183 p.

20240929 - Ecriture et migration - Chroniques de guerre - La Légion étrangère, une particularité française - Valérie Esclangon-Morin

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“Qui sait si l’inconnu qui dort sous l’arche immense,
Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé
N’est pas cet étranger devenu fils de France
Non par le sang reçu mais par le sang versé ?”
Pascal Bonetti, 1920.

“Étrangère ! non pas ! ô France, depuis quand
Le baptême du sang n’est-il plus un baptême ?
Qui donc vous renierait Français sans un blasphème,
Martyrs de Camaron, héros de Tuyen-Quan ?”
Henri Richardot (Dachères), 1912.

 

1 - Drôle de troupe ces légionnaires, héritage des bataillons étrangers levés par les rois de France puis par Napoléon. La Restauration continue ce recrutement particulier et la conquête de l’Algérie achève d’en faire une troupe à part entière. Ce sera la Légion étrangère, constituée en 1831 pour répondre aux nouvelles exigences de la conquête coloniale.

2 - Quels sont les objectifs de cette Légion étrangère ? Quels sont les étrangers qui la composent et quelles sont leurs motivations pour entrer dans ce corps spécifique ? L’analyse de ces motifs nous incite à nous pencher sur les raisons de la création de la Légion, sur la constitution de cette troupe mais aussi sur la création du mythe de la Légion comme modèle d’intégration et d’adhésion aux valeurs universelles de la France.

Une réponse aux besoins des conquêtes coloniales

3 - Au XIXe siècle, le développement des guerres sur les terrains extérieurs à la France (colonies africaines et asiatiques, Mexique, Crimée) rend indispensable la levée de nouvelles troupes. En complément des troupes coloniales et des troupes indigènes de l’armée d’Afrique, la constitution de corps de volontaires étrangers devient une évidence.

4 - Cette troupe est envoyée dans tous les théâtres d’opérations où elle s’illustre souvent. Ainsi, à Camerone en avril 1863, 60 légionnaires résistèrent héroïquement à 2 000 Mexicains. La Légion y gagne ses heures de gloire et son mythe fondateur. Au fur et à mesure des expéditions, la Légion devient une troupe de choc qui a la réputation de combattre jusqu’à la mort.

5 - Elle est aussi utilisée à d’autres fins. Elle se fait bâtisseuse, les légionnaires construisant des routes et des villages de colonisation, notamment en Afrique. Il existe toujours au niveau de la Légion un corps de pionniers, reconnaissable à leur tenue, composée de la hache, du tablier de cuir et de la barbe.

6 - L’Afrique reste le creuset de la Légion. La conquête algérienne a généré son existence et c’est en Algérie, à Sidi-Bel-Abbès (Sud oranais), qu’a longtemps été le cœur de la Légion. Jusqu’en 1962, elle y a ses quartiers, son centre de recrutement et son centre de formation, sa prison aussi. Après l’indépendance algérienne, en 1962, la Légion se replie à Aubagne dans le sud de la France.

7 - La France s’enorgueillit de cette troupe de choc qu’elle malmène pourtant, l’envoyant dans les expéditions les plus meurtrières. La Légion a payé un très lourd tribut lors des deux guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie. Aujourd’hui encore, elle est de tous les combats en Afrique et au Moyen-Orient.

Devenir légionnaire

8 - Pourquoi servir dans la Légion ? Quelle est l’attractivité de ce corps si particulier ? Est-ce réellement, comme le dit Pascal Bonetti, pour devenir français “par le sang versé” ? La naturalisation française, à laquelle le légionnaire a droit à partir de cinq ans de service, est-elle réellement un graal que l’on vient chercher du monde entier ?

9 - L’analyse de l’histoire des légionnaires semble brouiller un peu cette belle image. Le nombre important de désertions aussi, ces hommes n’hésitant pas à partir lorsqu’ils estimaient ne plus trouver ce qu’ils étaient venus chercher.

  • 1 Appel du 1er août signé Cendrars, Sarlius, Csaki, Kaplan, Berr, Oknosky, Dibroski, Isbicki, Schoumo (...)
  • 2 Appels reproduits dans l’ouvrage de Jean-Paul Mahuault, Engagés volontaires à la Légion étrangère p (...)
  • 3 Il existe un monument aux morts commémorant ces volontaires polonais morts pour la France à Neuvill (...)
  • 4 Ils furent 2 354 volontaires dans cette légion garibaldienne, dont Lazare Ponticelli, dernier poilu (...)
  • 5 Le ministère de la Guerre décide de n’ouvrir les recrutements qu’à partir du 21 août (soit le 20e j (...)

10 - Certes, il y a bien eu l’enthousiasme des milliers de volontaires étrangers se rendant en masse dans les bureaux de recrutement en août 1914, demandant à défendre la France et ses valeurs contre l’agression allemande. Ces étrangers ont été recrutés à partir d’août 1914 sous l’appellation d’“engagés volontaires pour la durée de la guerre”. C’étaient essentiellement des intellectuels francophiles et/ou vivant en France depuis longtemps. L’appel lancé par Blaise Cendrars et d’autres intellectuels résume bien leur motivation : “L’heure est grave. Tout homme digne de ce nom doit aujourd’hui agir, doit se défendre de rester inactif au milieu de la plus formidable conflagration que l’Histoire n’ait jamais connue. Toute hésitation serait un crime. Point de paroles, donc des actes. (…) Des étrangers, amis de la France, qui pendant leur séjour sur le territoire ont appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde patrie, sentent le besoin impérieux de lui offrir leur bras1.” Suite à cet appel, plus de 8 000 candidats à l’engagement pour la durée de la guerre se présentent le 3 août dans les permanences que l’association Les Amitiés françaises a ouvertes. Les demandes d’engagement sont adressées au ministère de la Guerre. D’autres appels suivent : celui d’Américains mené par Georges Casmèze, celui des juifs ou des Arméniens, des Syriens ou encore des Grecs2. Pour certaines communautés, cet engagement est l’occasion de demander la création de corps d’armée composés de membres de la même nation, comme c’est le cas pour les 300 Polonais – ils composent, en 1914, une compagnie du 1er régiment étranger, qui possède même ses drapeaux officieux avec l’aigle polonais3 – ou encore pour les Italiens qui servent dans la Légion garibaldienne, composant le 4e régiment étranger de la Légion étrangère4. Au total, plus de 32 000 hommes – représentant plus de 50 nationalités – s’engagent comme volontaires étrangers pour la durée de la guerre5.

  • 6 Blaise Cendrars, “L’Égoutier de Londres”, in La Main coupée et autres récits de guerre, Paris, Deno (...)

11 - Les raisons de leur engagement sont bien différentes de celles des légionnaires. Leur réversion dans les régiments de la Légion étrangère à partir de 1915 est d’ailleurs l’occasion pour Blaise Cendrars – lui-même engagé volontaire pour la durée de la guerre – de narrer ce choc des cultures : “L’arrivée de ces têtes brûlées de retour d’Afrique, de ces survivants de je ne sais quelles infernales campagnes coloniales, de je ne sais quelles criminelles expéditions punitives dans l’extrême Sud, qui étaient montés en ligne comme nous commencions à crever de misère et de honte dans les tranchées, nous fit un bien à tous, car chacun de ces damnés, ça se voyait, était moralement dépouillé de tout, orgueilleux et solitaire ; et c’est cet abominable moral d’hommes d’action, pour ne pas dire d’hommes de main, ou encore de héros désenchantés et revenus de tout, beaucoup plus que leur esprit de corps, auquel ils semblaient si manifestement, si exagérément tenir, qui nous servit d’exemple, à nous, jeunes écervelés, enthousiastes ou je m’en-fichistes (…) dont se composait notre IIIe régiment de marche de la Légion étrangère, le régiment le plus parisien de tous les régiments de l’armée française, et le plus intellectuel de tous (…)6.”

12 - En dehors de ces périodes de guerre, qui sont ces volontaires étrangers désirant entrer dans la Légion et quelles sont leurs motivations ? Devenir français n’est certes pas leur priorité première. La Légion propose autre chose : elle est une famille d’accueil pour des êtres brisés par la vie ou en quête d’une nouvelle patrie. Mais cette patrie n’est pas la France, c’est la Légion : “Legio patria nostra” est bien la devise des légionnaires.

13 - Elle absorbe les hommes en quête d’un nouvel idéal ou fuyant une vie éprouvante. Elle propose l’ultime possibilité, celle de l’effacement. Les légionnaires deviennent des “hommes sans nom”, des hommes sans passé, sans patrie. “Ce corps a pour vocation d’accueillir des hommes sans racines qui veulent tirer un trait sur leur passé”, dit Hélie de Saint-Marc, officier français de la Légion. Ils peuvent se racheter – ou pas – de leur vie d’avant. Ils entrent dans la famille : “Chaque légionnaire est ton frère d’armes, quelles que soient sa nationalité, sa race ou sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille”, indique le 2e article du code d’honneur du légionnaire.

Une légion franco-germanique ?

14 - La Légion est d’abord le creuset des hommes perdus, des apatrides, des vaincus de l’histoire. Pour cela, on y parle beaucoup la langue des exilés : le yiddish et le polonais au XIXe siècle, le russe dans les années 1920, l’italien et l’espagnol dans les années 1930… Mais la langue la plus parlée dans la Légion reste l’allemand. Entre 1830 et 1961, sur 600 000 légionnaires ayant servi dans la Légion, 210 000 sont allemands, 60 000 italiens, 50 000 belges et Français, 40 000 espagnols et 30 000 suisses. Ils représentent même 60 % des régiments étrangers entre 1945 et 1955, largement employés lors des guerres coloniales (Madagascar, Indochine et Algérie).

15 - Ce choix de la Légion par de nombreux jeunes Allemands reste à la fois un mystère et une source de tensions entre la France et l’Allemagne. Désir d’aventure ? Besoin de se mettre à l’abri du besoin ? Qu’est-ce qui pousse ces jeunes Allemands à s’engager pour une patrie qui est, par trois fois, son ennemi ? À l’inverse, pourquoi l’armée française accepte-t-elle de recevoir un nombre aussi conséquent de ces potentiels ennemis ?

  • 7 Entre 1882 et 1885, il y a 45 % d’Alsaciens-Lorrains et 20 % entre 1899 et 1905 contre 30 % de Fran (...)
  • 8 Celle-ci n’est d’ailleurs pas sans risque puisque, insoumis à la loi militaire allemande, les engag (...)

16 - Une première réponse est que, dans la Légion, on oublie sa nationalité, on est avant tout légionnaire. D’autre part, l’état-major de la Légion aime ces nationaux qui ont le sens de la discipline et incite donc au recrutement de légionnaires allemands (à l’exception de la période 1870 et 1880, où le sentiment anti-allemand est encore vif). Enfin, de 1871 à 1914, une grande partie des Allemands recrutés étaient des Alsaciens-Lorrains désirant fuir la conscription allemande7. C’est bien le seul réel exemple de motivation patriotique8. La loi du 5 août 1914 stipule d’ailleurs que tout Alsacien-Lorrain contractant un engagement volontaire au titre d’un des régiments étrangers recouvre la nationalité française. Ils sont 11 854 à s’engager au 1er avril 1915, soit plus du tiers des engagés volontaires dans l’armée française.

  • 9 Voir “Allemands, volontaires”, in Paul-André Comor (dir.), Dictionnaire de la Légion étrangère, Par (...)

17 - L’envie d’ailleurs peut aussi expliquer cette motivation. La loi du 9 mars 1831 stipulait que la Légion ne pouvait être employée qu’en dehors du territoire national. Pas question donc de s’impliquer dans des conflits nationaux. Cette loi n’étant cependant valable qu’en temps de paix, la Légion s’est trouvée engagée dans le premier conflit mondial. La France respecte pourtant la convention de La Haye qui stipule l’interdiction faite “à un belligérant de forcer des nationaux de la partie adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays”. Des camps d’internement sont donc ouverts pour les légionnaires allemands, mais les meilleurs sont regroupés dans les bataillons des deux régiments de marche créés à la demande du général Lyautey pour assurer la sécurité du protectorat du Maroc, dégarni de ses autres troupes envoyées au front. De même, au lendemain de la guerre, la Légion du Maroc offre la possibilité, pour de nombreux Allemands, de s’engager au service de l’ancien ennemi ; la France – et Lyautey au Maroc – encourage d’ailleurs ce recrutement, notamment en ouvrant des bureaux de recrutement dans la partie occupée par la France en Rhénanie9.

18 - Les différents gouvernements allemands ont pourtant tout essayé pour dissuader leurs jeunes de s’engager dans la Légion. À mesure que croissait le nationalisme, le départ de ces jeunes vers une armée étrangère choquait l’opinion publique allemande. Les nazis ont été les plus virulents. Sous le IIIe Reich, toute allusion à la Légion est prohibée. On crée un camp de concentration à Kislau (pays de Bade) pour “accueillir” les légionnaires en fin de contrat. Au printemps 1939, la nationalité allemande est même retirée aux légionnaires.

  • 10 Le 2e régiment étranger de cavalerie compte, en mai 1951, 43 % d’Allemands. Leur moyenne d’âge est (...)
  • 11 Hélie de Saint-Marc, Mémoires. Les champs de braises, Paris, Perrin, 2002.

19 - Pourtant, la Légion, quoique française, reste un idéal pour des jeunes soldats allemands déboussolés par la défaite en 1918 comme en 1945. En 1945, elle sert d’accueil pour de nombreux Allemands venant des anciennes régions orientales de l’Allemagne, devenues polonaises ou tchèques. Elle permet aussi aux anciens nazis ayant échappé aux foudres de la justice, de se refaire une identité10. Le jeune officier Hélie de Saint-Marc, ancien résistant et réchappé des camps de concentration nazis, se retrouve ainsi dans un bateau pour l’Indochine au milieu d’hommes qu’il a combattus. Ce qu’il en retient, c’est avant tout la capacité qu’a la Légion à d’effacer : “Les hommes avaient mis entre parenthèses leur nom, leur famille, leurs racines, leur nationalité. Ils s’étaient volontairement dépouillés de tout ce qui fait l’apparence sociale. Devant nous, ils étaient nus. La règle tacite était de ne jamais parler du passé. Nous la respections tous, conscients que la moindre curiosité pouvait être une offense. Je partageais avec eux la vision de trop de morts. Comme moi, ils essayaient de vivre avec le souvenir des engloutis11.”

La Légion, creuset de l’intégration à la française ?

20 - Sont-ils pour autant “français par le sang versé” ? Pas si sûr. Leurs noms n’apparaissent pas sur les monuments aux morts des villages de France et il faut attendre la loi du 29 décembre 1999 pour que la France accorde de droit la nationalité française aux légionnaires blessés au combat. Ils n’obtiennent pour toute intégration qu’une carte de résident au bout de trois ans de service à condition d’avoir auparavant obtenu un certificat de bonne conduite. Si le légionnaire veut devenir français, la procédure de naturalisation lui est facilitée : il est dispensé de prouver les cinq années de résidence en France et de passer une épreuve de langue, et la décision est quasiment toujours favorable.

21 - Néanmoins, l’intégration par le sang versé reste un mythe largement entretenu par la France. La grande majorité des légionnaires ne demandent pas la nationalité française. Si la France s’enorgueillit de ce corps spécifique, c’est en vertu de l’illusion qu’elle s’est forgée d’une nation qui attire les étrangers du monde entier, y compris pour combattre à ses côtés. C’est pourquoi la Légion est à l’honneur aujourd’hui lors des défilés du 14 Juillet. Le défilé des compagnies de sapeurs-pionniers, habillés du tablier de cuir et portant la hache, perpétue le mythe du soldat bâtisseur. Ce sont les héritiers des soldats de l’an II, s’enthousiasmant pour une France révolutionnaire aux accents des Lumières. Ce sont les héritiers des soldats de la Grande Armée, conquérant les pays européens avec le Code civil.

22 - Sans doute l’union entre la France et sa Légion repose-t-elle sur une vaste supercherie. La Légion offre une famille et un idéal à des milliers d’hommes dans le monde, une raison d’espérer à une République française en quête de modèles d’intégration. Mais laisser croire que la Légion est l’exemple parfait de l’intégration à la française relève de la construction d’un mythe national.

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Notes

1 Appel du 1er août signé Cendrars, Sarlius, Csaki, Kaplan, Berr, Oknosky, Dibroski, Isbicki, Schoumoff, Roldireff, Kozline, Esen, Lioschits, Frisendahl, Israilivitch, Vertepoff, Canudo.

2 Appels reproduits dans l’ouvrage de Jean-Paul Mahuault, Engagés volontaires à la Légion étrangère pour la durée de la guerre, Monts, éd. Grancher, 2013, pp. 82-92.

3 Il existe un monument aux morts commémorant ces volontaires polonais morts pour la France à Neuville-Saint-Vaast, bâti en 1929, « à la mémoire des volontaires polonais qui, le 9 mai 1915, se sont portés à l’assaut de la cote 140 et sont tombés pour la résurrection de la Pologne et la victoire de la France ».

4 Ils furent 2 354 volontaires dans cette légion garibaldienne, dont Lazare Ponticelli, dernier poilu français décédé en 2008 (les légionnaires ont d’ailleurs porté son cercueil). Ce régiment est dissous le 5 mars 1915 et la plupart des “garibaldiens” ont ensuite intégré les rangs de l’armée italienne, l’Italie entrant en guerre à son tour le 24 mai 1915.

5 Le ministère de la Guerre décide de n’ouvrir les recrutements qu’à partir du 21 août (soit le 20e jour de mobilisation) pour éviter l’enthousiasme des premiers jours. Les bureaux de recrutement des Invalides sont pourtant débordés à cette date. Plusieurs bureaux doivent être créés à Paris. Du 21 août 1914 au 1er avril 1915, 25 834 engagements sont signés, dont 6500 Alsaciens-Lorrains, 3393 Russes, 600 Arméniens. Chiffres extraits de l’ouvrage de Jean-Paul Mahuault, op. cit, p. 93.

6 Blaise Cendrars, “L’Égoutier de Londres”, in La Main coupée et autres récits de guerre, Paris, Denoël, 2013, pp. 312-313. Tous les étrangers n’ont pas eu l’enthousiasme de Cendrars. Ainsi, les 200 volontaires américains ont fortement protesté lors de leur réversion dans la Légion dont ils connaissaient la mauvaise réputation. Alan Seeger écrit que la Légion est “un régiment composé presque exclusivement de rebuts de la société, d’individus fuyant la justice et de brutes commandées par des sous-officiers qui nous traitaient tous sans la moindre considération”.

7 Entre 1882 et 1885, il y a 45 % d’Alsaciens-Lorrains et 20 % entre 1899 et 1905 contre 30 % de Français et 25 % d’Allemands. En 1872, est imposé aux “annexés” le service militaire obligatoire allemand.

8 Celle-ci n’est d’ailleurs pas sans risque puisque, insoumis à la loi militaire allemande, les engagés alsaciens et lorrains s’exposent à être arrêtés, condamnés à quarante jours de prison puis incorporés de force dans l’armée allemande s’ils retournent dans leur pays natal. 

9 Voir “Allemands, volontaires”, in Paul-André Comor (dir.), Dictionnaire de la Légion étrangère, Paris, Robert Laffont, 2013, p. 97.

10 Le 2e régiment étranger de cavalerie compte, en mai 1951, 43 % d’Allemands. Leur moyenne d’âge est de 23 ans. On y trouve des anciens de la Wehrmacht, des anciens SS, des anciens des Jeunesses hitlériennes, des jeunes sans ressources.

11 Hélie de Saint-Marc, Mémoires. Les champs de braises, Paris, Perrin, 2002.

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References

Bibliographical reference

Valérie Esclangon-Morin, “La Légion étrangère, une particularité française”, Hommes & migrations, 1306 | 2014, 133-137.

Electronic reference

Valérie Esclangon-Morin, “La Légion étrangère, une particularité française”, Hommes & migrations [Online], 1306 | 2014, Online since 06 August 2014, connection on 29 September 2024. URL: http://journals.openedition.org/hommesmigrations/2844; DOI: https://doi.org/10.4000/hommesmigrations.2844

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This article is cited by

  • Le Tourneau, François-Michel. (2023) Une géographie mouvante : la composition des effectifs de la Légion étrangère (1831-2022). Annales de géographie, N° 754. DOI: 10.3917/ag.754.0005

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About the author

Valérie Esclangon-Morin

Historienne, professeur-relai au Musée de l'histoire de l'immigration.

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