189411 - Préparation de l'Expédition

Annuaire de Madagascar et dépendances - Année 1898

 

   

 

18941211 - 00 - Marches et opérations du Corps Expéditionnaire - 01 - Opérations Maritimes

Annuaire de Madagascar et dépendances - Année 1898

 

   

 

18941211 - 01 - Marches et opérations du Corps Expéditionnaire - 01 - Opérations Maritimes

1897 - Rapport sur l'expédition de Madagascar, adressé le 25 avril 1896 au ministre de la Guerre : suivi de tous les documents militaires - Duchesne, Jacques (1837-1918)

 

 

 

18941212 - Débarquement à Tamatave

Le Monde illustré du 02/02/1895 

 

A MADAGASCAR - LE DRAPEAU FRANÇAIS A MADAGASCAR

 

 

 

Dans la nuit du 11 au 12 décembre, le Papin arrivait de Maurice à Tamatave, porteur des instructions du gouvernement français.

Le débarquement des troupes, qui, depuis huit jours attendaient à bord du Peï-ho, fut décidé pour le 12 au matin.

Le 12, vers sept heures du matin, M. Berthier, interprète français de la résidence, est envoyé au fort hova, par M. Le Myre de Vilers, pour donner avis au commandant hova du débarquement des troupes, et lui conseiller d'évacuer la batterie, afin d'éviter une collision sanglante.

La panique gagne les Malgaches. Quelques minutes après, on voyait sortir du fort, en désordre, à toutes jambes, fuyant du côté de Parafate et de la montagne, 3 à 400 lambas blancs et quelques jaquettes rouges.

Pendant que les chalands et les remorqueurs à vapeur, canon-revolver à l'avant, accostent le Peï-ho pour prendre les soldats, M. Le Myre de Vilers, voulant s'assurer de l'évacuation réelle du fort, y envoie un blanc et quelques Saint-Mariens ; les Saint Mariens trouvent la batterie complètement évacuée; mais ils commettent l'imprudence de se montrer aux fenêtres de l'étage de la maison du gouverneur : le Dupetit-Thouars, les prenant pour des Hovas, tire six coups de hotchkiss et deux obus de 21 à la mélinite. Trois Saint-Mariens sont blessés grièvement ; un quatrième est contusionné.

Sept cents hommes, débarqués du Peï-ho sur les chalands, se dirigent vers le rivage : le commandant Bien-Aimé, chef de la division navale de l'océan Indien, se tient dans une baleinière.

Les troupes touchent terre ; elles débarquent en tenue de campagne, armées de lebel, les cartouchières pleines. Un groupe de cent cinquante Hovas semble vouloir prendre l'offensive : ils ne tirent cependant que deux coups de feu, dont l'un blesse grièvement à l'épaule un Saint-Marien.

Le Dupetit-Thouars envoie deux obus : l'un coupe, dans le fort, la drille du pavillon hova ; l'autre subit pour achever la déroute des Hovas.

De nombreux curieux ou collectionneurs avaient déjà gagné le fort pour y ramasser les éclats des obus, lorsque les troupes arrivent, le commandant Bien-Aimé marchant en avant.

Il pénètre dans le fort, suivi seulement de deux marins, et s'écrie à l'entrée du bastion : « Madagascar est désormais terre française. »

Les troupes arrivent : le pavillon va être hissé sur la batterie ; les trois couleurs s'élèvent lentement : les clairons sonnent victorieusement. « Voici la deuxième fois, dit le commandant, que le drapeau français flotte dans le fort ; mais, cette fois, ce sera pour toujours. »

Dans le premier moment d'enthousiasme, les avant-postes furent portés jusqu'au Chanangareza ; mais le lendemain, ordre fut donné de rentrer dans les limites occupées en 1883.

Notre gravure montre la batterie, au moment où le pavillon vient d'y être hissé « pour toujours ! »

 

 

Nos troupes, à défaut de casernes, ont été logées dans différents bâtiments, notamment dans le temple protestant hova ; elles s'y trouveront dans d'excellentes conditions hygiéniques.

 

 

Quelques jours plus tard, le 17 décembre, M. Sornay, — dont j'ai déjà eu l'occasion de parler à cette place, et dont je fus, pour une journée, l'hôte durant mon récent voyage à Madagascar, — le 17 décembre, M. Sornay était assassiné. Les Hovas ne lui ont pas pardonné ses sympathies françaises (il était Mauricien) : ils lui ont fait payer de la vie cet amour que tous les Mauriciens ont pour la France, leur ancienne patrie. M. Sornay, qui habitait Madagascar depuis 22 ans, nous avait rendu de grands services en 1883, et les Hovas l'ont assassiné « parce qu'il ravitaillait en provisions fraîches les soldats des corps d'occupation ». Ils envahirent sa plantation sous les ordres de Ralay, 12e Honneur, gouverneur de Mahasoa, le zagayèrent, lui tranchèrent la tète, la fichèrent au bout d'une zagaie et la promenèrent ainsi dans tout l'Ivondro : elle se trouve actuellement plantée devant le Rova de Mahosoa.

HENRI MAGEK.

18941228 - Bombardement de Farafatrana

Le Monde illustré du 16/02/1895

 

A MADAGASCAR - LE BOMBARDEMENT DE FARAFATRANA.

 

Tamatave était occupée par nos troupes le 12 décembre ; le drapeau français était hissé sur la batterie hova « pour toujours » ; toutes les tentatives pacifiques ayant échoué, notre plénipotentiaire, M. Le Myre de Vilers, quittait Madagascar le 27.

Le départ du ministre plénipotentiaire français, c'était la déclaration définitive et irrémédiable de l'état de guerre, c'était l'abandon par l'administration civile aux pouvoirs militaires de toute liberté d'action.

Pour marquer l'ouverture de cette situation nouvelle, un bombardement fut décidé ; le bombardement de Farafatrana fut pour la marine comme une fête d'inauguration.

Le 27 décembre au soir, le commandant Bien-Aimé avait passé en revue les troupes de la garnison : la première opération offensive était décidée pour le lendemain.

Le 28, avant huit heures, le Dupetit-Thouars quittait son mouillage en grande rade pour aller prendre position dans la baie de Panalana ; le Primauguet et le Papin s'embossaient sur place ; la mer était calme : pas un souffle n'en ridait la surface.

Pour seconder les canons des trois navires, une batterie (que nous représentons au moment de son départ, d'après une photographie de MM. Perrot) va prendre position dans la plaine de Betainaomby.

 

 

Enfin, les canons tonnent, les coups se succèdent de minute en minute ; la flotte tire environ cent coups, la batterie de terre cinquante.

A 10h1/2 le feu cesse : l'heure du repas sonne.

Les Hovas n'avaient pas riposté, toutes leurs défenses semblent anéanties.

Quelques heures après cependant ils démasquent une batterie : peut-être pensaient ils que nous avions épuisé toutes nos munitions. Ils tirent six ou sept coups de canon, dont un seul boulet est venu tomber à 400 mètres en avant des batteries de Betainaomby ; c'est leur plus grand effort.

Les batteries de terre ripostent, le Papin tire quelques obus à la mélinite sur la batterie hova ; lorsque la fumée est évanouie, on peut constater qu'il ne reste plus rien debout chez les ennemis, ni canon, ni Hova.

PRISE DE L'« AMBOHIMANGA ».

 

 

Du côté de Diego-Suarez, nous n'avons pas encore agi avec autant d'énergie : nous laissons les Hovas maîtres d'Ambohimarina, d'où leurs bandes pillardes viennent chaque nuit dévaster impunément notre colonie.

Nous n'avons pu de ce côté, malgré les douze cents hommes de garnison que nous entretenons dans notre colonie, préserver nos frontières.

Les colons de nos villages agricoles ont dit abandonner leurs cases pour se réfugier au chef-lieu : ils ont évacué entre autres villages, ceux de la Montagne d'Ambre et du Sakaramy ; le village d'Anamakia, qui est tout proche du chef-lieu (Antsirane), a déjà, lui aussi, été dévasté à différentes reprises par les pillards : l'audace des Hovas est telle que le 23 décembre ils ont attaqué le poste militaire de Mahatsinzo ; leur attaque, cela va sans dire, a été prestement repoussée par nos tirailleurs sakalaves que dirigeait admirablement le brave capitaine Jacquemin, ce crâne officier dont les démêlés avec M. Larrouy ont fait jadis quelque bruit.

Toutes les propriétés et les plantations de nos colons de Diego-Suarez ont été saccagées par les Hovas : quelques heures ont suffi pour anéantir les résultats de neuf années de travail et de sacrifices.

En rade de Diego se balançait depuis quelques mois le seul bateau qu'ait jamais possédé le gouvernement Hova : l'Ambohimanga ; il n'était plus armé ; ce n'était guère qu'une épave des grandes espérances hova ; le 13 décembre un détachement de marins du ponton de l’État, la Corrèze, a pris possession de cette canonnière; le pavillon de la reine a été abattu et remplacé par le pavillon tricolore.

Les Hovas eurent jadis une armée de mer : onze ou douze fusiliers marins ! qui avaient été embarqués à bord de l'Ambohimanga; cette armée de mer, s'en est allé comme leur armée de parade, faute de fonds.

 

 

Aujourd'hui le gouvernement hova n'a même plus son piquet de marins aux pieds nus : il l'a licencié depuis longtemps par nécessité budgétaire.

HENRI MAGER.

18950101 - A Madagascar - La Situation

Le Monde illustré du 02/03/1895

A MADAGASCAR - LA SITUATION

 

Depuis le bombardement de Varafatrana, aucun accident militaire à signaler du côté de Tamatave.

D'ailleurs, cet été est extrêmement chaud : et la fièvre ne tarderait pas à frapper tous nos soldats, comme pendant l'hivernage de 1829, si notre petit corps d'occupation était surmené.

L'état sanitaire demeure, de notre côté, relativement bon, avec 160 malades en moyenne sur 450 hommes.

Du côté des Hovas la maladie sévit plus cruellement : j'ai remarqué dans toutes les colonies, d'ailleurs, que les indigènes résistent beaucoup moins à la fièvre que les Européens : cela tient à ce qu'ils ont le sang appauvri par hérédité, que leur nourriture est insuffisante, qu'ils sont mal vêtus et mal abrités ; les troupes malgaches de Varafalrana ont manqué de vivres, et sont décimées par la maladie. Rainandriamampandry, l'ancien gouverneur de Tamatave (dont nous avons publié le portrait), et qui, s'il n'est pas le généralissime sur la côte Est (fonction dévolue au gouverneur de Manahoro), demeure l'organisateur de la résistance, est lui-même malade, très malade : certains assurent même qu'il est mort.

La fièvre sera, il faut le conclure, un aussi bon auxiliaire pour nous que pour les Hovas.

Si nous nous gardons d'avancer dans les marécages des plaines de Tamatave, nous nous fortifions chaque jour de plus en plus dans nos positions.

C'est ainsi que nos troupes se sont récemment installées dans la banlieue de Tamatave, au consulat anglais, tout près du sentier conduisant à Vaharafate. C'est le sujet d'une de nos gravures.

 

 

A l'occasion du 1er janvier 1895, les Français de Tamatave sont allés présenter leurs hommages aux autorités militaires. Le représentant du Comptoir national d'escompte, prenant la parole, s'est exprimé ainsi :

« Je viens au nom de la colonie française de Tamatave vous présenter tous nos remerciements pour la sollicitude dont vous nous avez entourés, ainsi que nos vœux les plus sincères à l'occasion du nouvel an que nous commençons aujourd'hui. La situation actuelle nous réserve encore une série de jours difficiles, mais nous pouvons pour ainsi dire en compter le nombre, et nous savons, d'autre part, qu'ils sont la conséquence inévitable de l'action engagée ici.

Mais nous apercevons déjà, dans un avenir prochain, le calme et la confiance de la certitude que nous avons tous de trouver à l'ombre de notre drapeau sécurité et justice égale pour tous. Grâce à vous, notre fier drapeau flotte sur Tamatave, comme il flottera bientôt, nous en sommes certains, sur de nombreux points de Madagascar; grâce à vous, la France aura un fleuron, et non des moindres, à ajouter définitivement à son domaine colonial, et nous verrons dans la France orientale, comme dans la mère patrie, l'application de notre fière devise: Liberté, Égalité, Fraternité. »

Le commandant Kiésel a répondu : « Je vous remercie du juste hommage que vous rendez aux chefs distingués à qui le gouvernement français a confié l'honneur de dénouer une situation devenue intolérable à tous. Le commandant Bienaimé vous a garanti une sécurité absolue et vous a dotés d'une administration municipale, se montrant ainsi à la fois chef militaire habile et administrateur prévoyant ; grâce à lui, pendant que le sang-froid et le courage du colonel Colonna vous défendent contre les ennemis du dehors, l'esprit bienveillant et conciliant de M. Chaloin, groupant les sympathies, maintiendra l'ordre intérieur et entamera la lutte contre l'insalubrité.

Les mauvais jours que nous passons me semblent l'aurore d'une période lumineuse prochaine, où la justice, la civilisation, le progrès sous toutes ses formes triompheront enfin. Sur ces champs que la bravoure de nos soldats saura conquérir, se développera avec les voies de communication la richesse, fille de l'industrie et du commerce. Ce résultat est proche, et puissent nos efforts et nos vœux en rapprocher encore la réalisation ! En ce moment où le monde entier a les yeux fixés sur la Grande Ile, les Français de Madagascar ne peuvent faire autrement que d'adresser un souvenir de respectueux dévouement et d'affectueuse gratitude à la France qui s'apprête à verser pour eux le sang de ses enfants.

 

 

Je ne saurais trop le répéter, si l'expédition est rapidement conduite, si nos soldats ne sont pas maintenus dans la zone basse de Majunga, Marovay et Maevetanana, s'ils s'élancent prestement à l'escalade des plateaux, ils pourront atteindre l'Emyrne presque sans coup férir et sans maladie graves. Pour n'être pas désastreuse comme les précédentes, il faut que notre expédition soit rapide.

Henri Mager

18950101 - Annuaire des Régiments étrangers

1895 - Annuaire de l'Armée française

 

 

18950112 - Majunga

18950112 - Le Monde illustré - Majunga

 

Majunga, ou Majangaye, comme on l'appelle quelquefois, est la ville la plus importante de le côte ouest de Madagascar. Elle est située dans la partie nord - ouest de cette île, à l'entrée de la vaste baie de Bombetoke.

La rivière Betsiboka, une des plus importantes de ce pays et dont l'un des affluents, l'Ikopa, prend sa source près de Tananarive, a son embouchure au fond de cette baie. Cette rivière est en partie navigable et, pendant la saison des pluies, des embarcations assez fortes peuvent facilement remonter jusqu'au grand village de Mahevatanena, qui se trouve à peu près à moitié de la distance qui sépare Majunga de Tananarive.

La ville de Majunga, fondée par des Arabes, il y a plusieurs siècles, est la seule de Madagascar qui possède des maisons en pierres. Elle s'étend au bord de la mer, et se compose de quelques rues où habitent, dans des maisons de construction arabe, les négociants européens ou indiens; ces derniers nombreux.

Autour et s'étendant surtout dans l'est, se trouve le grand village de Marofetra dont les paillottes abritent une nombreuse population composée de Makoas, de Sakalaves et de Comoriens. La plupart des habitants professent la religion musulmane, et la ville possédait autrefois trois mosquées. Il n'en reste que deux, en assez triste état, mais assidûment fréquentées.

Les Hovas résident dans un village dont les maisons se groupent autour d'un fort délabré, résidence du gouverneur. Ils ne sont pas nombreux.

Le climat de Majunga est chaud, mais sain. L'année se partage en deux saisons : l'une sèche l'autre pendant laquelle il pleut abondamment. Cette dernière, qui s'étend de novembre à mars, est la plus chaude, mais la température est souvent rafraîchie par la brise de mer.

Les environs de Majunga sont assez accidentés et se composent de collines peu élevées séparées par de profonds ravins qui se transforment en torrents pendant la saison des pluies. La campagne est parsemée de manguiers élevés qui s'élèvent, tantôt isolés, tantôt groupés en bouquets, et qui donnent d'excellents fruits. On trouve également quelques baobabs.

Majunga est le centre d'un commerce important et sert d'entrepôt aux produits qui s'importent, ou s'exportent des riches régions du Boeni et de l'Ambongo.

Ces deux contrées sont séparées par le Betsiboka, et l'Ambongo, qui se trouve sur la rive gauche, est complètement indépendant. Le lieu où se font surtout les échanges s'appelle Maroway, mot qui veut dire: où il y a beaucoup de caïmans, et cette dénomination est parfaitement justifiée par le nombre incroyable de ces amphibies que l'on rencontre dans les eaux de l'Arroyo sur le bord duquel se trouve ce village. La population est au moins aussi nombreuse que celle de Majunga, et on y trouve beaucoup d'Indiens. Ces derniers, parmi lesquels se trouvent des maisons de commerce fort sérieuses, sont répandus dans toute la région et font le trafic d'échanges avec les Sakalaves.

Le poste de Majunga est très fréquenté par des boutres qui y transportent des produits recueillis sur les divers points de la côte. On y voit assez souvent aussi des boutres arabes qui, après avoir transporté dans la baie de Baly un chargement d'esclaves achetés à la côte Mozambique, viennent se ravitailler.

L'un des plus grands marchands d'esclaves, Louis Dantary, occupe une vaste maison isolée, le plus souvent close, mais qui s'anime lors de la présence des boutres négriers.

Il y a peu d'Européens à Majunga et tous, à l'exception du consul britannique, sont Français; leur nombre est d'environ une dizaine.

 

L. PERRIER.

18950119 - La route de Tamatave à Tananarive

Le Monde illustré du 19/01/1895

LA ROUTE DE TAMATAVE A TANANARIVE

 

 

18950121 - A Madagascar - Combats d'Artillerie - Les Tirailleurs Malgaches

Le Monde illustré du 09/03/1895

A MADAGASCAR - COMBATS D'ARTILLERIE.


Après le bombardement des lignes hovas devant Tamatave, aux derniers jours de décembre, le découragement gagna nos ennemis : la maladie survenant, et les vivres manquant, les désertions se firent chaque jour plus nombreuses : de toutes les troupes, réunies à grand'peine par les Hovas au-devant de Sahamafy, d'Ampanalane, de Faharafate, de Soaneriana, il ne resta pas un homme en face de nous.

 

 

Nous n'avons pas profité de cette situation pour occuper les positions ennemies, et nous avons bien fait. Ce serait une grosse faute de commencer les opérations offensives dans une saison aussi défavorable : ce serait exposer inutilement nos soldats à des accès redoutables, ce serait sacrifier un bon nombre au climat, sans suffisante urgence.

Lorsque les officiers hovas virent leur camp déserté et vide, ils ne s'émurent point; ils savent que les Malgaches ne peuvent constituer une troupe permanente ; la désertion est chez eux une habitude et une nécessité : le soldat qui n'est ni payé, ni nourri, ni soigné, va chercher ailleurs sa vie lorsqu'il ne peut plus vivre des pays où il est cantonné. La garnison de Faharafate a fondu comme se sont évanouies toutes les expéditions hovas.

 

 

Ces soldats disparus, les officiers hovas se sont efforcés d'en réunir d'autres. Des ordres ont été envoyés à tous les gouverneurs de la côte Est de Marancette, dans la Baie d'Antongil, au nord ; jusqu'à Manamary, dans le sud, pour qu'ils écrèment leurs garnisons et pour qu'ils envoient chacun un nouveau contingent d'une centaine d'hommes vers Faharafate.

Une nouvelle garnison fut ainsi réunie, et pour marquer sa présence, le 21 janvier au matin, les Hovas ouvraient, audacieusement sur Tamalave le feu de trois batteries.

Les Hovas ont-ils donc des canons ? Ils en ont certes : j'en ai vu dans la batterie de Tamatave ; mais le nombre en est fort restreint.

Parmi les canons que les Hovas avaient mis en ligne le 23 janvier est le Gand, un gros canon de 70 centimètres, provenant de la canonnière hova l'Ambohimanga, dont nous avons précédemment parlé ; le Résident de France l'avait laissé débarquer, et des ouvriers anglais étaient venus de Maurice pour l'installer sur son affût ; les autres canons dont ils disposent sont ceux dit-on, qu'ils ont achetés non en Angleterre, mais en France.

Les boulets hovas n'ont pu nous atteindre : ils sont tombés quelques mètres en avant de nos lignes. Mais on a remarqué que leur tir devenait meilleur, qu'il se rectifiait. Nos ennemis auraient-ils dans leurs rangs des officiers étrangers, anglais ou autres pour les instruire ?

Point du tout. C'est nous qui les avons instruits.

L'élève se retourne aujourd'hui contre le maître.

Nous avons instruit, en France, dans nos régiments et dans nos écoles, depuis plusieurs années, de jeunes Malgaches : ils font usage contre nous de l'enseignement que nous leur avons donné si bénévolement.

En 1888, trois jeunes Hovas avaient été placés en subsistance au 122e de ligne avec l’autorisation du général Ferron : ils apprirent la langue française, entrèrent à l'école de Saint-Maixent, et servirent ensuite au 83e de ligne comme sous-lieutenants au titre étranger ; ils sont à Madagascar maintenant.

En 1880 et 1891, trois autres jeunes Hovas ont suivi les cours de l'école de Versailles et fait un stage dans les régiments d'artillerie et du génie ; ils sont à Madagascar maintenant.

Fort heureusement, ces élèves de la France n'ont que des canons assez défectueux et des canonniers insuffisants les servants des pièces se tiennent blottis dans des trous creusés dans le flanc de la colline en arrière des pièces qui se trouvent sur la crête : dès que le signal de charger est donné, ils s'élancent de leur terrier, chargent, tirent vivement, et reviennent précipitamment dans leurs trous jusqu'à ce que l'obus envoyé par la batterie française en riposte ait éclaté.

Puis le feu recommence si leur pièce n'est pas démolie.

Notre front n'est donc pas menacé ; nos troupes se sont d'ailleurs fortifiées dans une ligne double de circonvallation qui va d'une baie à l'autre séparant complètement de la plaine la pointe de sable sur laquelle est bâtie Tamatave. Notre correspondant, M. Perrot, a pu photographier pour nos lecteurs, l'une des batteries françaises pendant l’action.

 

LES TIRAILLEURS MALGACHES.

 

 

Avec un petit nombre d'indigènes ayant pris part dans nos rangs à l'expédition de 1885, fut créé le premier noyau de tirailleurs.

Depuis neuf ans, cet embryon militaire a subi bien des vicissitudes : à chaque maison nouvelle, une nouvelle appellation lui échoit. Ils furent tirailleurs sakalaves, passèrent tirailleurs comoriens, devinrent tirailleurs de Diégo-Suarez et le dernier décret les concernant les nomme tirailleurs malgaches.

Sous un nom ou sous un autre, c'est toujours la même chose.

Ce sont de braves garçons, même s'il se trouve des Hovas dans le nombre, ce sont de bons enfants, très doux, trop doux même. Ce ne sont pas de féroces soldats. Ils se plient difficilement à nos exigences militaires : la régularité dans le travail est pour eux une dure nécessité ; aussi, en ce moment même, les désertions sont nombreuses dans la garnison indigène de Diégo-Suarez,

Ils ne passent pas à l'ennemi par esprit de trahison, mais par besoin de reprendre la vie coutumière.

L'autorité militaire se montre cependant d'une extrême bienveillance envers eux ; plus heureux que nos troupiers, ils sont dispensés de toute corvée, parce que, plus heureux aussi sous ce rapport que nos soldats, ils sont autorisés à mener partout avec eux, je ne dirais pas leur femme, mais une femme, et, naturellement, c'est la femme qui doit veiller à la propreté de la caserne et aux soins de la soupe. J'ai vu souvent les sergents européens donner directement aux femmes des ordres pour nettoyer et parfaire le service.

 

 

Excellente innovation, que ces petits privilèges accordés aux tirailleurs. Et cependant cela ne suffit pas encore. Les enrôlements tardent. La paye était insuffisante, pensait-on ; elle a été augmentée ; l'engagement ! exigé pour deux ans était trop long ; un récent décret permet les engagements d'un an : les engagements vont-ils affluer ? Le service est dur, quand il est si doux de ne rien faire, car il fait chaud hiver comme été.


HENRI MAGER.

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