18950615 - Le Monde illustré - A Madagascar : Le sanatorium de Nossi-Comba.

 

A Madagascar : Le sanatorium de Nossi-Comba.

 

— En attendant l'arrivée du général Duchesne à Majunga, notre envoyé spécial, M. Louis Tinayre est allé visiter le sanatorium installé à Nossi-Comba, et il a noté cette intéressante excursion, grâce à plusieurs croquis qui nous montrent d'abord la montée vers le sanatorium en filanzane; c'e-st ensuite une vue générale du sanatorium, puis un ensemble des baraques élevées par le génie.


18950614 - Le Gaulois

18950614 - Le Courrier de Tlemcen - Madagascar

18950608 - Le Monde illustré - A MADAGASCAR - LES OPÉRATIONS MILITAIRES DE LA COTE EST

 

A MADAGASCAR - LES OPÉRATIONS MILITAIRES DE LA COTE EST - (Photographies de MM. PERROT frères et GIMEL.)

 

 

Le courrier postal parti de Tamatave le 5 ou le 6 avril, et arrivé à Paris le 1er mai, nous portait le récit des événements survenus sur la côte Est de Madagascar du 26 mars au 5 avril; il nous faisait notamment connaître quelques détails sur la reconnaissance dirigée le 2 avril dans la direction de Faharafate et de Sahamafy : nous en avons parlé dans notre numéro du 18 mai.

Le courrier suivant, arrivé en France le 20 mai, nous apprend les incidents de guerre qui se sont passés du 5 au 25 avril.

Le fait le plus important de cette période est la reconnaissance vers Ivondrono.

Ivondrono est situé au sud de Tamatave, près de la côte, et sur la rivière Ivondrono, à dix kilomètres environ du fort de Tamatave: c'était, il y a quelques mois, un assez gros village indigène, près duquel se trouvait la plantation maraîchère de M. Ch. de Sornay, l'une des premières victimes de la guerre: la reconnaissance devait voir si les Ilovas s'étaient fortifiés sur ce point, que traverse la piste de Tamatave à Tananarive.

De Tamatave à Ivondrono,il y a même plus qu'une piste; une véritable route est tracée : elle était entretenue en très bon état, grâce à l'active circulation des tonneaux de rhum; n'ayant ni charrettes, ni autres modes de transport, les Malgaches roulent les tonneaux; la route était assez bonne pour se prêter à ce genre de circulation et la quantité relativement considérable de tonneaux quotidiennement roulés suffisait pour tasser la route et la maintenir en état de satisfaisante viabilité.

Le 18 avril, le colonel Colonna de Giovellina partait de nuit, avec tout un bataillon, dans la direction d'Ivondrono. Nos soldats, qui espéraient rencontrer des Hovas, étaient pleins d'entrain; les ennemis se gardèrent bien de se montrer; la reconnaissance, en arrivant à Ivondrono, n'y rencontra que quelques poteaux carbonisés marquant l'emplacement du village, que les Hovas ont détruit pour faire le vide autour de nous; le colonel fit rouler les échos du son du clairon qui retentit comme un inutile défi; le café préparé, nos soldats reprirent le chemin de Tamatave.

Nous publions le portrait de M. le lieutenant-colonel d'infanterie de marine Colonna de Giovellina (Auguste-Napoléon-Emmanuel-Lucien), qui depuis le 12 décembre 1894, est investi des délicates fonctions de commandant de l'état de siège à Tamatave; il apporte dans ses relations avec la population civile un tact parfait et une urbanité qui font honneur à son caractère et qui lui ont valu les sympathies de tous; il est estimé des civils et aimé des soldats.

Une de nos gravures représente le Blockhaus des dunes (voir le plan des défenses de Tamatave publié dans notre numéro du 18 mai); ce blockhaus commande toute la partie sud des lignes; l'aspect n'en est pas terrible; mais c'est plus que suffisant contre un ennemi tel que les Hovas ou leurs recrues.

Tamatave étant en réalité bloqué par les Hovas, qui entourent nos positions en se tenant au nord derrière l'Ivolina, à l'ouest sur les hauteurs d'Ampassimandrona, Farafatrana, Soanirana, Ampagalana, Sahamafy, au sud derrière l'Ivondrono, l'approvisionnement de la ville en vivres frais présente de réelles difficultés: les denrées sont hors de prix; les œufs, les. poules et poulets se payent vingt ou trente fois plus cher qu'au début des opérations. Nos compatriotes se consolent en rimant des couplets. Jadis en 1885, MM. Miot et Patrimonio faisaient tous les frais des chansons d'alors, toutes fort médisantes; les rimeurs sont moins acerbes aujourd'hui: ils consolent leurs compatriotes dans le ris de toutes choses : les poètes sont philosophes, ces vers en témoignent :

Les pauvres bœufs qu'on voit passer,
Ne trouvant plus rien à manger
Ni choux, ni rave,
Se promènent bien tristement
Et maigrissent publiquement
A Tamatave.

Ils vont paître près du rova,
Demeure antique du Hova,
Humide cave,
D'où des officiers biscornus
S'élançaient sur les revenus
De Tamatave.


Il ne suffit pas de manger même de la vache maigre, il faut se blanchir. C'est encore là l'une des grosses difficultés du moment. Il n'y a pas de ruisseau, ni d'eau à Tamatave; il faut sortir de la ville et des lignes pour trouver une rivière, le Mananareza.

Un endroit a été assigné aux femmes indigènes de Tamatave pour aller laver le linge européen près de l'embouchure du Mananareza; pour qu'elles ne soient pas enlevées par les Hovas, qui, quoique invisibles, épient tout ce qui se passe de notre côté, les laveuses sont protégées et gardées par des factionnaires: notre photographie montre la scène mieux qu'aucune description ne la pourrait rendre.

Pour qu'aucune intruse, aucune espionne ne puisse se glisser dans le corps des laveuses, il leur a été distribué des cartes d'identité: elles doivent les montrer à toute réquisition : une autre de nos photographies montre les laveuses sur le point de rentrer dans les lignes et un factionnaire vérifie leur carte.

On rit de toutes ces misères à Tamatave, comme les Parisiens riaient de tous les ennuis du siège de 1870. Il serait cependant temps que tout cela cessât, qu'une action rapide et énergique nous ouvrît l'intérieur.

Les conditions de la prise d'Ambohimarina dans le nord prouvent que nous ne rencontrerons aucun obstacle jusqu'à Tananarive.

HENRI MAGER

18950602 - Le Petit Journal Illustré - Expédition de Madagascar - Prise d'un camp Hova

 

Expédition de Madagascar - Prise d'un camp Hova

 

 

Le Roman d'un Légionnaire étranger.

 

18950601 - Le Monde illustré - A MADAGASCAR

 

A MADAGASCAR

 

Poursuivant la série de nos illustrations, d'après les croquis de notre envoyé spécial, M. Louis Tinayre nous publions aujourd'hui, en un très curieux groupement, certains des épisodes les plus saillants des débuts de la campagne. De ce nombre a été l'exécution de M. Grévé, le Français qui a été fusillé par ordre du gouverneur hova de Mahalo, dans le Ménabé.

Le peloton d'exécution comprenait dix Hovas, sous le commandement d'un officier.

Les Hovas sont vêtus d'une sorte de blouse blanche, serrée à la ceinture par une cartouchière de chasse.

Ils ont les jambes nues, sont coiffés d'un chapeau de paille, et armés du fusil Schneider.

Ils sont placés sur deux rangs, et le premier rang seul tire. L'officier est vêtu d'un habit rouge avec ceinturon, pantalon et casque blanc.

La messe de Pâques a motivé une composition très pittoresque

Elle fut dite à Majunga, à huit heures du matin, par un des deux pères jésuites qui y sont fixés.

Les manœuvres de la 3e compagnie de tirailleurs malgaches, fournissent un intéressant sujet.

Ces manœuvres, sous le commandement du capitaine Jacquemin, ont été faites dans la brousse, et ont eu pour objet l'assaut d'un mamelon figurant la position ennemie. Marches, contremarches, éparpillement en tirailleurs, tir debout, tir à genoux, assaut à la baïonnette, rien n'a manqué à ces exercices dont le dessin de M.Tinayre nous donne une impression fort exacte et fort intéressante.

Bien curieux est encore le portrait du roi Sélim qu'il a photographié au moment où il se rendait au quartier général, monté sur son filanzane, et entouré de son escorte.

Le roi Sélim, chef de tribu sakalave, venait, en grande pompe, faire sa soumission au général Metzinger.

Voici le récit de cet incident, d'après notre confrère du Temps :

« Précédés d'une bande de types accomplis de fahavalos, soufflant éperdument dans des cornes de bœuf, cinquante Sakalaves à la mine patibulaire, le front orné du fébika (1), sortaient cérémonieusement de la place du Marché. Derrière eux venaient deux riches filanzanas portés par des esclaves; dans le premier on voyait Mpanjaka Salima, qui ne s'était jamais trouvé à pareille fête; il était chaussé de bas rouges et de pantoufles vertes, et, à son côté, s'appuyant d'une main sur le brancard du palanquin, marchait un grand diable de noir fort connu à Majunga, que l'on avait décoré, pour la circonstance, du titre pompeux de premier ministre du roi de Kandany; dans le deuxième se prélassait l'auguste mère de Salima, la reine Angala, orde vieille qui eut fait la joie d'un Callot ou d'un Gustave Doré. Tout ce beau monde s'en allait rendre visite au général Metzinger. On dit qu'au cours de cette entrevue, Salima, qui ne perd pas la carte, aurait demandé à être mis en possession du domaine et des tombeaux des rois du Boeni, ses ancêtres, ce qui équivaudrait, pour les Sakalaves à l'investiture de cet immense royaume qui s'étend depuis le Ménabé jusqu'aux confins de Diego-Suarez. »

Fort heureusement qu'il n'a pu tirer du général que de vagues promesses.

« Après cette visite, Salima s'est rendu à bord du Primauguet pour saluer le commandant Bienaimé. »

Onze coups de canon — quel fut l'inventeur de ce protocole ? — furent tirés en son honneur au moment où la baleinière qui le ramenait à terre s'est détachée du bord.

« Le lendemain, à trois heures et demie, Salima est retourné à Kandany. »

« Salima est au reste un monarque sans autre importance. »

« Il suffit de savoir, pour en être convaincu, que le gouvernement malgache a distribué le titre de mpanjaka (roi) à tous les chefs de tribu, quelque infime qu'elle fût. »

D'après les correspondances anglaises, on prêterait à la reine, au sujet des événements qui se déroulent en ce moment dans l'île, le langage suivant :

« Nous avons scrupuleusement observé les traités avec les Français, bien qu'on ait dit le contraire. Nous avons essayé par tous les moyens de supporter les injures dont ils nous ont accablée ainsi que nos sujets pendant neuf ans, sans ombre de justification. Ils ont rompu leurs traités, ils demandent notre terre pour leur peuple et nous refusons naturellement avec indignation de céder à cette monstrueuse demande. Il est préférable de disparaître du nombre des nations libres ou d'être exterminés plutôt que de devenir les sujets asservis de la France ou de toute autre nation étrangère.»

La reine aurait dit ensuite :

« Moi et mon peuple avons fait tout ce qu'il était en notre pouvoir de faire pour éviter la guerre et on ne nous a pas laissé le choix. Nous aurons donc la guerre. Moi et mon peuple aurons à combattre contre une puissante nation, la France. Dieu nous aidera; nous lutterons pour la défense de nos droits et de nos foyers, non seulement jusqu'à la défaite ou l'infortune, mais, si besoin est, tant qu'un homme restera debout, jusqu'à ce que le sang malgache ait inondé la plaine et la montagne et que notre nom et notre peuple ne soient plus qu'un souvenir. »

De même source, proviennent des informations de fantaisie sur l'état sanitaire du corps expéditionnaire.

Or il ressort de toutes les correspondances parvenues officiellement en France, que la santé des troupes ne laisse rien à désirer. Du reste, l'arrivée prochaine de nos soldats sur les premiers échelons du plateau central, dont la salubrité est incontestable, dissipera les inquiétudes que ces dépêches volontairement alarmantes pourraient faire concevoir.

18950601 - Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche - Le camp de la soif (12 au 15 octobre 1892)

 

 

Le camp de la soif (12 au 15 octobre 1892)


Au moment où nos troupes vont se trouver à Madagascar; dont le climat présente de grandes analogies avec le Dahomey, aux prises avec les nombreuses difficultés matérielles, inévitables dans les pays intertropicaux, il nous a paru intéressant de donner à nos lecteurs un extrait de l'ouvrage la France au Dahomey que publie dans quelques jours,chez Hachette, M. d'Albéca, administrateur colonial.

Cet ouvrage est un récit très complet, très vivant des événements survenus pendant les années 1892 et 1893. Ancien officier d'infanterie, ancien résident à Grand-Popo et à Porto-Novo, M. d'Albéca a été appelé par le général Dodds à suivre les opérations militaires en qualité de directeur des affaires politiques et indigènes. Tous les incidents de la campagne, voyages, combats, reconnaissances, prise d'Abomey, démembrement du Dahomey, reddition et déchéance de Béhanzin, sont traités avec clarté par un témoin oculaire, par un acteur qui a eu sa part de responsabilité dans l’œuvre accomplie rapidement et avec le succès que l'on sait.

Pour permettre au lecteur de bien suivre la marche des événements, M. d'Albéca remonte à l'année 1887, date de son débarquement à la Côte des Esclaves, et expose ses excursions à Grand-Popo, au Tado et au Dahomey, à l'époque où les féticheurs et les cabécères gouvernaient le pays et entravaient toute tentative d'exploration sérieuse. Çà et là des descriptions pittoresques, des aperçus sur les mœurs et les institutions, sur les sacrifices humains, sur la vie domestique et sur le rôle de la femme noire. Rien de trop didactique, rien de trop scientifique. Des faits et des impressions.

C'est attrayant comme un roman, et souvent précis comme un rapport militaire.

Cet ouvrage, un des plus complets et des mieux documentés qu'on ait encore écrits sur le Dahomey, est accompagné de nombreuses reproductions de photographies et de dessins dus à dés artistes connus, Riou, Weber, A. Paris, Mme Paula Crampel, Marius Perret, Boudaire, Foucher-Gudin, Brondy, etc.

Le Dahomey est un pays de, surprises et de mystères, dira le général. Dodds à sa rentrée en France. La première et la plus désagréable des surprises fit son apparition à Kossoupa. Pas d'eau. Dans des régions essentiellement marécageuses, cet élément devait être un auxiliaire plutôt qu'un obstacle. Subitement, à l'arrivée à l'étape, l'eau vint à manquer à un contingent de 2,000 hommes de troupe, 3,000 porteurs et 300 animaux marchant et combattant sous un soleil ardent. L'état-major, ne pouvant pas prévoir une pareille impossibilité,n'avait pas d'équipage d'eau, comme en Algérie: Il y avait là une lacune, dont personne n'était responsable, car on manquait de renseignements précis. En pleine saison des pluies, au milieu de marigots, à quelques mètres de Zou et de l'Ouémé il n'y avait ni puits ni sources, il est vrai. Mais une colonne en expédition dans des pays exotiques doit toujours avoir sous la main un équipage d'eau ou bien des récipients suffisants pour en improviser un dès que le besoin s'en fait sentir. Pendant l'insurrection du Sud -Oranais, nos chefs ont attribué à cette organisation la moitié de leur succès.

La nuit vient. Pas d'eau. Après avoir débroussaillé pour établir des abris, les hommes s'endorment péniblement, fiévreusement, pendant que les bêtes attendent impatiemment l'heure de l'abreuvoir, le pied à la corde, arrachant les piquets.

Le 11, départ de Kossoupa, par un temps épouvantable. De grand matin, une tornade vient améliorer la situation parce que l'on peut boire et approvisionner les bidons. Mais la pluie rend la marche très pénible à travers les fondrières, dans un sol argileux, mélangé d'une espèce de tourbe noirâtre faisant glisser les porteurs pieds nus. Les voitures se renversent, les roues des canons s'embourbent.

On arrive à Oumbouémédi sans avoir vu l'ennemi. Les guides parlaient d'un ruisseau. Il est à sec. Pas d'eau, c'est le mot lugubre qui circule vite dans cette agglomération d'êtres humains que la fatigue de la marche et la chaleur du soleil commencent à irriter. Le bivouac est placé à 50 mètres du cours d'eau, de l'Oued Secco disent les légionnaires qui se rappellent leurs courses à travers le Sahara. Un mirador est construit au haut d'un baobab pour observer la plaine, les hautes herbes entravent complètement la surveillance des faces parles sentinelles les plus avancées. On signale à 1 kilomètre une ligne de fumée, et dans le Nord-Ouest, des cases. Un guide moins ignorant ou plus prétentieux que ses camarades affirme que nous sommes en présence de l'armée royale et que le village entrevu est Cotopa ou Cotonou, au bord d'un cours d'eau, le Coto (Co boue, To rivière).

La cavalerie se répand de tous côtés à la recherche de l'eau un tirailleur haoussa découvre une source d'un faible débit dans un coin très fourré près du camp. On peut enfin abreuver les animaux et faire le café. Le convoi qui s'était enlisé arrive péniblement à 10 heures du soir.

Du 12 au 19 octobre, série de combats meurtriers, période de souffrances physiques, incidents de toute nature qu'il est impossible de détailler il faudrait un volume, il faudrait le génie d'Alfred de Vigny, ou le talent de Paul de Molènes.

Départ de Oumbouémédi le 12 à 6 heures du matin,en trois colonnes distinctes, formées d'un groupe avec son train particulier et un tiers du convoi administratif 'les voitures et la cavalerie suivent la route. A huit heures le lieutenant de spahis de Tavernost se trouve subitement aux prises avec une bande de Dahoméens qui ont réussi à s'approcher en rampant et sont trahis par leurs hurlements et leurs cris de guerre. Les cavaliers ne peuvent charger, le peloton Varenne les dégage. Bientôt l'action est générale, le feu ennemi très nourri,très régulier. Les tireurs ne se voient plus; les hautes herbes cachent même la fumée des coups; la formation de combat du corps expéditionnaire est très serrée les groupes se développent sur une ligne de 400 mètres, les fantassins exécutant des feux de
salve sur deux rangs et l'artillerie tirant à mitraille. Les Dahoméens tentent une attaque de flanc à gauche et en arrière.

Ils sont reçus par les feux des spahis qui ont mis pied à terre sur l'ordre du commandant Villiers, pendant que la compagnie Rilba exécute une contre-attaque qui déroute l'ennemi. La colonne se porte en avant.le fanion de la Légion au centre indiquant la direction pendant que les clairons sonnent la marche. On s'avance par bonds, une série de feux, une poussée de 500 mètres. On aborde une ligne de tranchées que l'ennemi vient d'évacuer.

A 11 heures le feu cesse des deux côtés pour reprendre à une-heure. Une reconnaissance de cavalerie ayant été attaquée sur le chemin on reprend la marche en avant par bonds de 200 mètres et à 3 heures seulement le colonel donne l'ordre de bivouaquer derrière une clairière. Pas d'eau. On envoie au camp de la vieille. Nous avons 4 Européens, 3 indigènes tués, 18 Européens, 11 tirailleurs blessés.

13. Combats matin et soir. Arrivée à trois heures à Akpa, 9 tués, 31 blessés.

Mais on est devant le Coto, le Jourdain de ces hommes qui depuis le 9 n'ont presque point d'eau; pas même pour faire le café deux fois par jour.

14. D'après les renseignements recueillis et confirmés par les officiers montés dans les arbres, la position du Coto présentait trois lignes successives de tranchées creusées à cheval sur le chemin qui traverse à gué le cours d'eau.
Ën attaquant directement, on eût éprouvé de grosses pertes. Le colonel Dodds décide que l'on tournera les défenses en se portant à 3 kilomètres vers le Nord, pendant que l'artillerie engagera, du bivouac même, un combat à grande distance qui trompera l'ennemi sur nos intentions.

Départ du bivouac d'Akpa en trois colonnes pour prendre le Cotb en amont.

L'ennemi s'aperçoit à 10 heures qu'il est tourné. Il se précipite vers le passage et commence le feu. L'artillerie laissée au bivouac est obligée de cesser le sien; le tir est impossible à régler le terrain est tellement fourré qu'on n'aperçoit même pas le point d'éclatement des projectiles.

A 10 heures 30 nous sommes à 800 mètres du lieu que nous voulons atteindre..

Quelques spahis avec Greppo, adjudant de cavalerie, partent en avant. Ils sont reçus par des coups de fusil que leur envoie des nègres dissimulés derrière des termitières brutes de cinq à six mètres.

Les canons dahoméens tirent de Cotopa : Un obus éclate en plein camp et tue trois Toffanis. Les misérables porteurs se tenaient constamment couchés par terre  la peur paralysait tous leurs mouvements la mort achevait leurs souffrances ceux qui étaient chargés de transporter les munitions sur-la ligne de feu regrettaient presque le sort de leurs camarades affectés au convoi, quoique ces derniers fussent particulièrement atteints par les projectiles. Le capitaine d'état-major Roget, méridional joyeux, à là mine toujours épanouie au milieu des plus tristes circonstances, dit le mot juste sur les Toffanis. « Ces gens-là regrettent bien vivement d'avoir embrassé cette profession. »

Journée du 15 octobre. Pas d'eau. On envoie une corvée au Coto sous le commandement du capitaine Sauvage; elle est repoussée.

Les brancardiers se couchent et refusent de marcher, les infirmiers à coups de bâton les obligent à se relever.

En présence de la force d'inertie opposée par les auxiliaires indigènes, la trique va désormais devenir l'arme de commandement, l'argument qui forcera l'obéissance,

Les Dahoméens à l'affût comprennent nos difficultés et deviennent plus audacieux. Un peloton de Légion arrivé au bord du cours d'eau est obligé d'engager un véritable combat à la baïonnette. Le mouvement offensif de l'ennemi est arrêté. Au centre du bivouac, le capitaine Marmet, officier d'ordonnance du commandant supérieur, tombe mortellement frappé. Déjà, dans la matinée, ce brillant officier que tous aimaient, avait paru triste et fatigué. A dix heures, il s'était retiré dans sa tente et couché près de son lit. A 11 heures une balle l'atteignit au ventre. « A moi, je suis perdu, que l'on vienne prendre mes dernières volontés pour ma femme. » On le porte à l'ambulance ses dernières pensées furent pour sa fillette et sa femme.

L'abbé Vathelet hii donna l'extrême onction pendant qu'à son chevet pleurait son ordonnance européenne. De 2 à 5 heures, il resta immobile,les mains croisées sur la poitrine. On l'enterra sur les bord du Coto qu'on ne pouvait passer.

Pour pouvoir le reconnaitre plus tard, on laissa à son doigt son alliance en or.

Cette mort impressionna particulièrement le corps expéditionnaire.

La journée du 15 coûte cher. Outre Marmet, le commandant Stéfani, le lieutenant d'Urbal sont blessés; il y a 8 tués. Le soir on change de bivouac, on se porte à 2,500 mètres en arrière du Coto, qui coule au milieu d'un taillis de verdure caché par des lianes, des dracoenas, des orchidées,des euphorbes au dessus desquelles s'entrelacent des palmiers sveltes et des fromagers ombreux, des tamariniers géants.

Manque absolu d'eau. Le nom de Camp de la soif est donné par les troupiers à cette étape inoubliable. Les sondages ne produisent rien. La souffrance est intense, les officiers eux-mêmes sont plus ne soutenus que par leur esprit militaire, par leur amour-propre. Les
Toffanis s'éparpillent dans les brousses et meurent les uns après les autres, moins durs à la fatigue et à la soif que les soldats européens.

A neuf heures du soir, le capitaine de spahis de Fitz-James, qui vient de rentrer d'Adégon, où il était allé chercher un convoi 4e vivres, propose au colonel d'aller faire de l'eau a Oumbouémédi. Il part emportant 1,100 petits bidons. Il rentre au camp à quatre heures du matin. Une heure après, une violente tornade éclate sur le bivouac. Le même cri de joie et de soulagement s'élève de tous côtés. Les. tentes sont abattues et transformées en baquets, en rigoles tous les récipients sont exposés à la pluie; on creuse des trous pour les bêtes. Les Toffanis tout nus, la bouche grande ouverte, boivent à même l'eau du ciel.

Un vieil adjudant de la Légion, le nez rougi par des libations copieuses, ne cherche pas à dissimuler son bonheur « On ne croira jamais, dit-il, à Bel-Abès où il y a tant d'absinthe, que l'eau fut si bonne au Dahomey. » La pluie tombe pendant une heure et la colonne peut s'approvisionner largement.

La situation cependant est critique.La résistance trouvée sur les rives du Coto indique que l'ennemi n'est pas à bout de force. Il défend la route directe vers Abomey, et le seul point d'eau de ce plateau ferrugineux, qui s'élève jusqu'à 80 mètres à partir de Cotopa.

Le corps expéditionnaire était réduit par le feu et la maladie. Il ne compte plus, le 16 octobre, que 63 officiers et 1,700 hommes de troupe, 2,000 porteurs, 160 chevaux et 47 mulets. Les ravitaillements devenaient de plus en plus difficiles, la ligne d'étape s'allongeait, les porteurs fondaient à vue d’œil- Il était nécessaire de reconstituer la colonne, fatiguée par les marches et combats, et de l'alléger en dirigeant sur l'arrière les malades et les blessés très nombreux.

Le colonel Dodds n'hésite pas. Le rapport du 16 est succinct « Aujourd'hui à huit heures, enterrement des morts. A midi, la colonne se reportera sur Akpa, pour procéder à l'évacuation des blessés et malades, se réapprovisionner et se reposer.

Elle reprendra le plus tôt possible la marche en avant. »

A 11 h. 30, le premier groupe s'ébranle.

Il y a 164 blessés et malades; les porteurs, éreintés, surchargés, les abandonnent.

Les tirailleurs sénégalais reçoivent l'ordre de prendre les civières. Ils s'écroulent sous le poids de leurs camarades mourants, qui sont de nouveau jetés par terre. A ce moment difficile, les légionnaires, sans attendre des ordres, se mettent quatre par brancard et chargent les blessés sous un soleil de feu d'abord, sous une tornade épouvantable ensuite.

Dans ce mouvement, les soldats européens transportaient non seulement les blancs, mais aussi les tirailleurs sénégalais et des paquets de Toffanis. Les chemins glissaient, les hommes tombaient dans des trous, les blessés criaient. Mais la légion 'étrangère, ce régiment d'élite, dernier vestige de nos vieilles armées, montrait une fois de plus ses qualités, endurance, courage et confiance dans le chef. Ces hommes, des mercenaires,venus de tous les points du monde, sans foyer et sans patrie, s'engageant soit pour un morceau de pain, soit par mépris de la vie, subissant fréquemment des souffrances peu connues, accomplissant sans arrière-pensée, 'sans espoir de récompense, des actes d'héroïsme, donnaient aux indigènes ignorants et veules, à une race inférieure d'esclaves, l'exemple de l'abnégation et de la servitude volontaire, supportées avec dignité.

Alexandre d'Albéca.

18950601 - Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche - Comment on se battra ?

18950531 - Le Courrier de Tlemcen - A Madagascar

18950525 - Le Monde illustré - Madagascar.

 

Madagascar.

 

— Le dessin de M. Tillayre, notre envoyé spécial, représente un campement du génie sous les manguiers, à un demi-kilomètre de Majunga. Les hommes sont installés dans des cases indigènes dont on voit deux spécimens au premier et au second plan.

Sous la vérande ou vérandah de la case, ils ont suspendu leurs lits pour être à l'abri des fourmis et les ont recouverts de moustiquaires. C'est l'heure de la sieste; trois soldats sont déjà couchés; un quatrième qui va faire comme eux, s'attarde à regarder trois coolies somalis qui finissent leur repas.

Ce dessin donne une idée assez exacte de la façon dont notre collaborateur est campé à Majunga.

 

 

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