18951210 - Le Messager de l'Ouest - Lettre de Madagascar... (suite)

 

Lettre de Madagascar... (suite)


Kinâdjy, le 18 Septembre 95.

Le 15 à 5 heures du matin, le mouvement commence en trois colonnes, pour l'attaque des positions de Tsaimnardry. Un large couloir mamelonné entre deux chaînes de montagne de hauteur immense. Le bataillon de la Légion au centre sur le sentier de la gorge ou sur le Thalweg. Le bataillon malgache sur les hauteurs de droite, les Tirailleurs Algériens à gauche. A 8 heures du matin la fusillade éclate partout. Nous sommes devant de formidables retranchements. L'Artillerie Hovas commence à tirer de tous côtés. Ma compagnie accélère l'allure pour couper la retraite à l'ennemi fuyant devant les Tirailleurs malgaches et haoussas qui chargent à la baïonnette. Une large crevasse nous arrête.
Nous ne pouvons faire que des feux de salve qui dispersent les chemises blanches (Hovas ; il ont pour tout uniforme une chemise blanche) comme une volée de moineaux.
Par contre un canon à une hauteur de plus de 200 mètres, nous; envoie des projectiles.

Deux obus passent avec un bruit sinistre au-dessus de nos tètes et vont frapper dans un village en flammes à 20 pas derrière nous.
Un troisième fait voltiger la poussière à dix pas devant

Pendant ce temps le mouvement des malgaches continue et l'Artillerie de ce mamelon bat en retraite.

Nous reprenons notre itinéraire et peu après nous apercevons trois camps retranchés.

De tous côtés surgissent des Hovas et dirigent les feux sur nous. Deux hommes tombent ! un de la 1re et un de la 4e.

Nous avançons sans riposter prendre position permettant de tirer sur les camps.

De trois côtés les canons tirent sur nous !

Le bataillon est en ligne et on fait des feux de salve par section. A toute minute on aperçoit une fumée blanche, quelques secondes après la détonation, et en même temps le froissement du projectile qui se visse dans les couches d'air nous prévient que l'acier va passer.

Instantanément la poussière voltige devant ou derrière !

Sans émotion les feux continuent. En 10 minutes plus de 30 obus arrivent et c'est miracle que pas un ne touche.

Les Hovas tirent avec une admirable précision.

Ma compagnie lient la gauche de la ligne ; les hommes sont à genou, les chefs de section debout.

Le capitaine est à côté de moi et avec les deux sergents nous formons un petit groupe qui paraît être le point de mire de la pièce du camp gauche.

Trois projectiles arrivent successivement, le premier à vingt pas devant le rang du peloton ; la 2e à dix pas environ, et le 3e à moins de quatre pas.

Nous sommes éclaboussé de sable.

Je puis vous assurer qu'il n'est pas toujours aisé de commander : Joue ! Feu ! malgré tout, les hommes se comportent très bien.

Le général Melzinger arrive, et le général en chef aussi. Deux obus s'enfoncent à côté d'eux.... La place n'est plus tenable sans risquer de grosses pertes....

Par bonheur très peu d'obus éclatent.

Deux seulement tombent sur un rocher, se dispersent et blessent un cheval.

 

Ordre du Régiment

 

A la suite d'une bagarre dans laquelle des légionnaires demeurés inconnus ont frappé un homme et deux femmes, M. le Colonel du 1er Étranger à adressé aux troupes sous son commandement l'ordre du régiment suivant, digne en tous points de la haute intelligence et du grand cœur du soldat duquel il émane.

L'arme, que tout soldat a l'honneur de porter au côté, est, à la fois, un emblème de force et de confiance : force mise au service de la Patrie, confiance accordée par elle.

C'est donc, chez un militaire, une faute d'une gravité exceptionnelle de trahir cette confiance, d'abuser de celle force ; c'est, de plus une lâcheté lorsque, armé, il s'attaque à ce qui ne l'est pas.

Deux faits de celle nature, dont les auteurs n'ont pas été reconnus, mais qui mettent en cause le Régiment, viennent d'être révélés au Colonel : l'un, est l'agression sauvage d'un Spahis, qui est grièvement blessé ; l'autre n'a heureusement pas eu les mêmes tristes conséquences, mais s'est produit contre deux femmes, ce qui le rend particulièrement odieux.


Ces faits, qui ne peuvent être attribués qu'à l'ivresse furieuse, déconsidèrent le Régiment. Le colonel n'entend pas-que de pareils actes de sauvagerie, si rares soient-ils, viennent porter atteinte à sa réputation. En celte occasion, il fait appel à l'esprit de corps, si vibrant parmi les. légionnaires, pour que ceux-ci, quelques risques qu'ils puissent couvrir, désarment immédiatement tout camarade mettant sabre au clair et ne l'abandonnent jamais avant de l'avoir fait rentrer au quartier, dés que l'ivresse a commencé à le rendre dangereux.

C'est une question d'honneur pour tous, et le chef de corps qui s'adresse à l'honneur des siens a toujours pleine certitude d'être compris.

Le Colonel, DE VILLEBOIS-MÂREUIL

M. Laroche est nommé résident général à Madagascar.

 

M. Laroche ancien préfet d'Alger, est nommé ces jours-ci résident général à Madagascar, vient de s'embarquer à Marseille pour Majunga. Il  emporte avec lui certaines clauses formelles, destinées à modifier profondément le traité emporté par le Générai Duchesne et à affirmer plus étroitement notre protectorat sur Madagascar.

Devant un tel fait qui pourra rouvrir la question malgache avec toutes ses conséquences, alors que nos soldais épuisés sont obligés de se livrer à la répression du brigandage (état permanent de l'ile) nous nous demandons quelle est la responsabilité de ceux qui ont préparé avec la même insouciance et les clauses du traité qui nous lie aujourd'hui et l'organisation de l'expédition qui n'a dû son succès qu'a l'énergie de son chef et l'héroïsme des soldais qu'il commandait.

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