Articles 2016

20160221 - Le premier régiment de la légion etrangère (1905)

L'élite des colonies

Les officiers du premier régiment de la Légion Etrangère en 1905

Cette photographie, prise au second semestre de 1905, présente l'état major du 1er régiment de la Légion en Algérie, probablement à Sidi bel Abbes, dépot du régiment.

Les officiers fournissent une brochette impressionnante de baraoudeurs dont les décorations témoignent des campagnes effectuées en Afrique du Nord, au Tonkin, ansi que dans des destinations plus exotiques, comme le Dahomey ou Madagascar. 


Les principaux officiers

Chef de corps............................................................ 

Lieutenant colonel.....................................................

Chef de bataillons....................................................

....................................................................................

Colonel Boutegourd

Brundsaux

Cousin

Brulard                                                                                                                   

                                                                                 


Colonel Boutegourd

René Auguste Emile Boutegourd est né à Lambezellec (Finistère) le 20/9/1858. Ancien de saint Cyr dont il sort Sous Lieutenant en 1879, il a d'abord servi dans l'infanterie de marine et s'est distingué en extrème orient, notamment en conduisant en 1886 une colonne au Cambodge où il a été blessé. Il a aussi servi au Dahomey lors des opérations de guerre de l'automne 1890 comme chef d'état major et il y a reçu le grade de commandeur de l'étoile noire, qu'il porte ici au cou.

Promu Colonel du 1er régiment etranger en septembre 1904, il va faire la campagne du Maroc (1907-1908) et s'y distinguer à nouveau. ll y est nommé général de brigade en juillet 1908.

Revenu en France, la guerre de 14 le trouve à la tête de la 51e division d'infanterie de réserve qu'il commande durant près d'un an, avant d'être relevé de commandement actif. Il se sera notamment défavorablement fait remarquer pour avoir fait fusiller sans jugement sept soldats du 327e régiment d'infanterie qui se repliaient durant la bataille de la Marne.

Il finit sa carrière Grand Officier de la Légion d'Honneur. Il est mort en 1932.

Lieutenant Colonel Brundsaux

Paul Brundsaux est l'un des héros de la Légion. Sa silhouette illustre le monument aux morts de la Légion à Aubagne. Né le 4/10/1855, il a enchainé les campagnes coloniales. Dans ses souvenirs, le général Tahon en fait un portrait détaillé :"Officier sortant de Saint Cyr, d'une très bonne famille des Vosges, son père étant docteur en médecine, Brundsaux était lieutenant au 4e zouaves à Tunis lorsqu'il fit connaissance d'une jeune chanteuse au café concert. Enthousiste comme il l'était, il se donna entièrement à sa conquête, pourtant facile et pendant quelques mois mena joyeuse vie. Mais un jour, sa maitresse lui ayant annoncé qu'elle était enceinte, il ne douta nullement qu'il fût le véritable père et, malgré les conseils de son colonel, les prières de son père accouru à Tunis, il voulut à tout prix épouser la future maman. L'autorisation de se marier lui étant refusée, il donna sa démission pour épouser librement la mère de son enfant. Pour vivre il se fit alors voyageur de commerce en mercerie et il ne réussit pas. Il était dans la misère lorsqu'il apprit un beau jour qu'il était possible de reprendre du service à la Légion à titre étranger et après quelques démarches, il obtint sa nomination de lieutenant au 2e étranger au Tonkin. Il partit avec femme et enfant et mena là bas la vie dure de premier conquérants de notre grande colonie. Plusieurs fois attaqué, il fit avec sa femme le coup de feu pour disperser les pirates et les pavillons noirs afin de se frayer un passage dans la brousse. Revenu en Algérie au bout de quelques mois, il partit au Dahomey où avec la croix de chevalier, il gagna son grade de capitaine au titre français. Il fit ensuite la première campagne de Madagascar où il se distingua, fut cité et promu chef de bataillon, ayant ainsi en six mois rattrapé ses camarades de promotion. En rentrant il eut à bord un duel avec un camarade et à son arrivée à Oran mena quelques jours la grande vie. Son grand plaisir le soir était de se rendre en compagnie de jeunes officiers dans les cafés concerts, exigeant de l'orchestre qu'il joue immédiatement la marche de la légion, faute de quoi il brisait tables, chaises et bocks. Je le perdis ensuite de vue. J'ai pourtant appris qu'il avait fait campagne au Maroc et qu'il avait terminé sa carrière comme général gouverneur de la Corse. Il avait peu de temps après son retrour de Madagascar, abandonné femme et fille pour s'acoquiner avec une negresse."
Il commandera des brigades actives durant la guerre. Il est mort le 2/1/1930.

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Commandant Cousin.

Frederic Eugène Cousin est né le 3/7/1851 à Argenteuil. Ce fils de gendarme a déjà une longue carrière militaire, puisqu'il a été placé comme enfant de troupe au régiment des Cuirassiers de la Garde en 1856. Lorsqu'éclate la guerre de 70, il est sergent au 9e régiment d'infanterie et fait la campagne autour de Metz.

Promu officier en mars 1873, il poursuit une carrière en métropole jusqu'à son affectation comme capitaine au 1er régiment étranger en juillet 1892. Il y gravit alors  successivement les grades d'adjudant major, de major puis de chef de bataillon (le 31/10/1901), alternant les garnisons en Algérie et au Siam.

Le 18/7/1905, il est promu officier de la Légion d'Honneur, peu avant sa mise en disponibilité. Il est mort en 1933.

Commandant Brulard.

Jean Marie Joseph Armand Brulard est un baroudeur. Né en mars 1856 à Besançon, ce saint Cyrien a quitté la metropole dès 1883 pour enchainer les garnisons outre mer. D'abord en Tunisie, puis au Tonkin où il a servi aux chasseurs annamites et tonkinois. En 1890 il rejoint la légion étrangère comme capitaine et sert de nouveau au Tonkin, sur la frontière nord, puis à Madagascar de 1896 à 1899.
Promu Chef de bataillon en 1899, il fait campagne dans la région saharienne avec le 2e régiment étranger, puis de nouveau au Tonkin avec le 1er régiment. C'est à son retour qu'il est ici photographié en Algérie.

La suite de sa carrière est tout autant marquée par l'activité : d'aout 1907 à décembre 1908, il participe aux opérations dans la région de Casablanca et y obtient une nouvelle citation. Devenu général de brigade, il est chargé de l'organisation de l'armée cherifienne et participe de manière décisive à la conquête du Maroc.
Durant la guerre de 14, il commande la 2e division marocaine , puis après sa nomination comme général de division, il commande la 1er division du corps expéditionnaire en Orient, puis le corps expéditionnaire, avant d'être rappatrié pour raison de santé en février 1916. Revenu en France, il commande des divisions d'infanterie jusqu'en janvier 1918, date de sa mise en disponibilité. Il est mort en 1923, Grand Croix de la Légion d'Honneur et titulaire de nombreux ordres etrangers et coloniaux. 

 

Quelques "gueules"...

La Légion...

L'odeur du sable chaud, l'habitude des rizières et de Congaïs (jeunes filles vietnamiennes), mais aussi l'absinthe et la violence...

Adjudant Chef de musique Sablon Capitaine Strudel

Cet adjudant s'est probablement glorieusement illustré au Tonkin, puisque outre la médaille militaire, décoration traditionellement accordée aux sous officiers, il porte la légion d'honneur, beaucoup plus rare pour ce grade. Ce chef de musique, assimilable à un capitaine, est M.Sablon. Il porte les palmes académiques, distinction rare à la Légion...

Cet officier aux moustaches hérissées est le capitaine Strudel. Il porte la Légion d'Honneur, la médaille coloniale, la médaille du Tonkin et les ordres du Dragon d'Annam et du cambodge.
Il sera tué en 1915 à Perthes les Hurlus, à la tête du 415e régiment.

Lieutenant Lieutenant Capitaine

Belle brochette de décorations pour ce lieutenant. Ce lieutenant a la médaille coloniale et une décoration civile. Ce capitaine, arbore la Légion d'honneur, la médaille coloniale, la médaille du Tonkin, les ordres du Cambodge et est officier du Nicham Iftikar.

20160204 - Le 22e Régiment de Marche de Volontaires Étrangers (1ère partie)

 

 

26 janvier 2016

Régiment hors norme que le 22e R.M.V.E !

Jamais peut-être dans l’histoire de l’armée française contemporaine un régiment n’aura connu un destin si éphémère, si héroïque et si tragique à la fois. Qu’il nous soit permis, avant de narrer les combats dans la Somme autour de Marchélepot, de revenir à la genèse de cette unité.

* * * * *

Une des conséquences inattendues de la déclaration de guerre conjointe de la France et de la Grande-Bretagne à l’Allemagne hitlérienne, le 3 septembre 1939, fut de voir arriver des étrangers, non seulement de tout l’hexagone mais aussi du monde entier, venus se mettre au service de la France pour combattre le fascisme.

Pour certains, la France représentait alors le dernier rempart aux ambitions terribles et démesurées que le chancelier et führer allemand, Adolf Hitler, entendait imposer à l’Europe entière. Pour d’autres, les valeurs humanistes, républicaines et démocratiques issues de la Révolution française devaient être défendues vaille que vaille.

Le régiment de « l’Armée du Salut »

Surprises, les autorités militaires françaises le furent au cours de ce mois de septembre trente-neuf. Que devaient-elles faire de tous ces étrangers ne se comprenant pas – une cinquantaine de nationalités seront représentées au sein des volontaires étrangers – qui venaient s’enrôler dans l’armée française et envahissaient les bureaux de recrutement ? Quelle pourrait être la valeur de ces futurs soldats au combat ? Beaucoup étaient sceptiques.

En fait, le futur régiment allait être constitué majoritairement de réfugiés espagnols républicains et d’immigrés juifs d’Europe centrale, tous très motivés par le combat antifasciste. Les républicains espagnols s’engagèrent à l’automne 1939 auprès du bureau de recrutement de Perpignan tandis que les juifs d’Europe centrale, entre autres, le firent à Paris.

Passées les premières semaines d’incertitude, l’idée germa d’envoyer tout ce monde cosmopolite à Barcarès, dans les Pyrénées-Orientales.

Fin septembre, près d’un mois après la déclaration de guerre, une circulaire ministérielle enjoignait de diriger tous les engagés volontaires étrangers vers ce lieu proche de Rivesaltes. Là, ils furent encadrés par des officiers et sous-officiers, anciens légionnaires de l’armée d’Afrique, rappelés lors de la mobilisation générale et qui végétaient jusqu’alors au camp de Sathonay près de Lyon. Le but était alors de constituer des régiments de volontaires étrangers et non pas des régiments de la Légion étrangère car cette dernière, à la suite de désaccords en haut lieu refusa d’admettre les nouveaux venus en son sein. Le 2e R.M.V.E fut donc créé le 24 octobre 1939 à Barcarès. 

VILLIERS MORIAMÉ

Le lieutenant-colonel Pierre VILLIERS-MORIAMÉ en prit le commandement, secondé par l’infatigable commandant Raoul Émile DERAIN, son chef d’état-major, tous deux issus du dépôt de la Légion.

Situé au bord de la Méditerranée, le camp, occupé jusqu’à présent par les républicains espagnols, offrait un aspect rebutant où l’inconfort prédominait. Les installations étaient insalubres avec des baraques à moitié démolies, bien souvent dépourvues de vitres, donc « aérées ». Il n’était pas rare que le sable s’incrustât partout ; dans les dortoirs, les habits, mais aussi la nourriture.» 

La mer s’invitait aussi dans le camp lors des tempêtes et les installations devaient être alors évacuées.

« Le camp était composé de baraques en bois en très mauvais état où logeaient au moins cent vingt personnes. A l’intérieur, c’étaient des bat-flancs avec de la paille. Nous dormions dans des sacs de couchage gris. Mais, au bout de quelques semaines, ceux-ci avaient changé de couleur avec les déjections de puces. Ces baraquements ne comportaient pas de fenêtres et n’étaient pas pourvus d’éclairage. Nous avons dû installer l’électricité. Les cuisines n’avaient pratiquement pas de toits. Dès que la Tramontane soufflait, le vent transportait le sable qui se mélangeait à notre nourriture. Tout ce que nous mangions était rempli de sable.» 1

Il fallut déployer un génie exceptionnel pour tous ces hommes afin de rendre le camp et les baraquements vivables. Le système « D » pas toujours orthodoxe fut de mise pour les soldats de ces régiments de volontaires étrangers abandonnés là par l’administration et l’intendance militaires.

Tout manquait. L’équipement du soldat fut à l’aune de toute cette entreprise. Les volontaires reçurent de tous les magasins d’habillement des casernes de France des reliquats oubliés. Effets bleus de chasseurs, chemises neuves mais inadaptées, brodequins déformés et décousus aux semelles fatiguées. 2

Pierre Abonyi se souvient de cette époque : « Nous n’avions aucun tenue identique. Pour ma part, j’avais un pantalon de zouave, une veste de chasseur alpin. Seuls le calot et les bandes molletières étaient de couleur kaki. Pour finir j’avais une capote bleu horizon de la guerre 14-18. Quand j’ai eu ma première permission pour revenir à Paris, la première chose que j’ai faite, fut de m’habiller en civil car j’avais honte de cette tenue disparate. » 3

Malgré tous les obstacles rencontrés et trop peu d’encadrement au sein des compagnies, l’instruction fut poussée. Les exercices de combat, les marches se succédèrent. Heureusement, l’armement léger ne faisait pas défaut pour les compagnies de combat. Mais il fallut trouver des spécialistes pour celles de commandement et d’engins. Là le matériel spécifique manqua. Peu importe, le régiment alla de l’avant.  

Après la visite d’un général inspecteur d’armée, et son avis favorable, le régiment fut jugé opérationnel. Le 2e R.M.V.E changea de numérotation. Dorénavant et définitivement, par décision ministériel du 18 février 1940, il devint le 22e Régiment de Marche de Volontaires Étrangers (22e R.M.V.E.), à compter du 25 février 1940.

Après un court séjour au camp du Larzac, le régiment fut enfin pourvu de vêtements neufs couleur kaki, de ceinturons de cuir fauve, mais aussi bien chaussé. Les volontaires étaient perplexes. Il était loin de temps où le régiment était raillé comme étant celui de « l’Armée du Salut ». Pourtant, il était écrit que le sort continuerait à s’acharner sur lui. En effet, l’intendance n’avait prévu aucune bretelle de fusil, de bidon, de cartouchière pour cette unité. Le régiment « ficelle » venait de naître.

Le régiment « Ficelle »

Depuis longtemps, les volontaires du 22e, lassés de porter leur fusil à l’épaule ou à la main, avaient acheté de la grosse ficelle pour remplacer la courroie. Il fallut se résoudre à faire la même chose pour tous les objets constituant le barda habituel du fantassin de 1939 (bidon, havresac, couverture, tente, etc.).

Après le lancement de l’offensive allemande, le 10 mai 1940, le 22e R.M.V.E. se trouvait cantonné en Alsace. « Aussi, ce ne fut pas en vain que le poste « Radio-Stuttgart », bien renseigné, put, certain soir de mai, annoncer l’arrivée au front du 22e Régiment à ficelles, en lui souhaitant bonne chance. Ce titre devait rester au régiment, mais il s’en fit un titre de gloire… » 4

La campagne de France (mai-juin 1940)

Début mai 1940, le 22e R.M.V.E fut rattaché à la 19e Division d’Infanterie (Ier C.A. – 7ème Armée) qui stationnait en Alsace. Il y remplaçait le 71e régiment d’infanterie. A cette occasion, il perçut de cette unité les cuisines roulantes et les mitrailleuses de 20 m/m avec leurs munitions qui lui manquaient en échange de quelques mitrailleuses Hotchkiss de 8 m/m.

Mais bientôt, la division dut s’ébranler et faire mouvement après les premiers revers dans le Nord de la France. Le 22e était embarqué en chemin de fer à Dannemarie et Montreux-Vieux (Haut-Rhin) dès 23 heures 30 dans la nuit du 18 au 19 mai, pour partir dans la matinée du 19. Le convoi progressa lentement, passa par le sud de Paris, et ce ne fut que le 21 mai au soir que les trains stoppèrent à l’Isle-Adam (Val d’Oise) et dans ses environs.

Là, des convois automobiles prirent en charge les troupes pour les diriger vers le Nord afin de les amener à Conchy-les-Pots et Boulogne-la-Grasse (communes du département de l’Oise, limitrophes du département de la Somme) où elles stationnèrent le 22 mai.

Carte Santerre 22RMVE mai

La 19e division devait progresser en direction générale Nord vers Bray-sur-Somme. Le régiment continua donc sa remontée et occupa, le 23, Tilloloy. Les positions de combat furent prises le lendemain 24. La marche se fit alors en direction de Péronne.

Le 1er Bataillon, commandé par le chef de bataillon Volhokoff, part d’Hattencourt, le 24 mai, vers 10 heures. En passant par Chaulnes, le Chef de bataillon demande un peloton du G.R.D. 21 pour éclairer sa route. On ne peut le lui donner.[…] 5

Le I/22 reçut l’ordre d’attaquer Berny-en-Santerre le 25 mai : Monté dans un side-car, et muni d’un fusil mitrailleur le commandant Volhokoff reconnaît lui-même Ablaincourt et Pressoir, la distillerie et les premières maisons de Berny. Une compagnie est alors engagée dans le village ; mais presque aussitôt elle est attaquée par l’ennemi. Pour la dégager, le Commandant fait donner les deux autres Compagnies. Aussitôt, les canons et mortiers allemands entrent en action. […] Pour répondre, le 1er Bataillon du 22e Étranger n’avait que ses mortiers. Après une courte préparation, les voltigeurs entrent dans le village ; les fusils mitrailleurs les précèdent et tirent sans arrêt ; derrière eux, les grenadiers nettoient les maisons. Deux mitrailleuses allemandes gênèrent l’attaque, pendant un bon moment. Elles furent réduites par les mortiers. […] 6

L’action coûta au I/22, quatre tués et une quarantaine de blessés. 7. Occupé le même jour par une compagnie du 41e R.I. soutenue par le II/22, le village de Villers-Carbonnel fut aussitôt abandonné.

Au cours de ces actions, le régiment perdit :

– un officier blessé, le capitaine Houdoy, 3ème compagnie ; 
– sept sous-officiers blessés ;
– quarante-neuf volontaires blessés ;
– cinq volontaires tués et trois disparus.

Villers-Carbonnel

Carte postale de Villers-Carbonnel écrite par un soldat allemand
entre les 29 et 31 mai 1940

Deux jours plus tard, le 26 mai, le II/22 porta une nouvelle attaque sur Villers-Carbonnel. « Le bataillon du commandant Carré parut d’abord avoir une tâche facile et s’empara du village. Les voitures du bataillon suivirent et s’installèrent. Malheureusement, l’affaire tourna mal. Des éléments ennemis, soutenus par quelques engins blindés, vinrent de Pont-les-Brie, et contre-attaquèrent. Un repli rapide s’imposa, dans un assez grand désordre. Une vingtaine de voitures furent perdues… » 8. Le bataillon dut se replier sur Fresnes-Mazancourt où il s’organisa.

Quant au III/22, il attaqua vers Barleux, le même jour, dimanche 26 mai, ce fut là aussi sans succès et le bataillon fut contraint de revenir dans ses lignes de départ. L’échec du 2e bataillon sur Villers-Carbonnel l’aurait de toute façon contraint à abandonner le village, trop isolé au nord. Ainsi le baptême du feu ne fut pas très probant pour les différents bataillons du 22e R.M.V.E., victimes de leur inexpérience au combat. 

Les pertes de la journée s’élevèrent à :
– officiers blessés : capitaine Pithon, capitaine Pourchet, sous-lieutenants Jaunâtre et Sivitsky, aspirant Mura ;
– sous-officiers blessés : 10 ; volontaires blessés : 56 ; disparus : 130. 9

En fait, plusieurs dizaines, plus certainement entre cent et deux cents hommes, furent capturés à Villers-Carbonnel par les Allemands.

Les derniers jours de mai 1940 furent occupés, pour les bataillons du 22e R.M.V.E., à la mise en défense d’une sorte d’éperon censé briser toute attaque allemande venant du nord, constitué des trois villages : Fresnes-Mazancourt – Misery – Marchélepot, sans que l’idée d’une attaque générale sur Péronne ne soit pour autant écartée.

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© Eric ABADIE & Picardie 1939 – 1945 – janvier 2016

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  1. Témoignage de Pierre Abonyi, le 30 juillet 2010.
  2. Livre d’or du 22eMV.E. – 1939-1945.
  3. Témoignage de Pierre Abonyi, le 30 juillet 2010.
  4. Livre d’or du 22eMV.E. – 1939-1945.
  5. In BOURDAIS Louis, Souvenirs et témoignages sur les opérations et les combats de la 19e Division pendant la guerre 1939-1945, Amicale des Anciens 1939-1940 du 41e RI, Rennes 1947 p.127 à 129.
  6. In BOURDAIS Louis, Souvenirs et témoignages sur les opérations et les combats de la 19e Division pendant la guerre 1939-1945, Amicale des Anciens 1939-1940 du 41e RI, Rennes 1947 p.127 à 129.
  7.  In BOURDAIS Louis, Souvenirs et témoignages sur les opérations et les combats de la 19e Division pendant la guerre 1939-1945, Amicale des Anciens 1939-1940 du 41e RI, Rennes 1947 p.127 à 129
  8. In BOURDAIS Louis, Souvenirs et témoignages sur les opérations et les combats de la 19e Division pendant la guerre 1939-1945, Amicale des Anciens 1939-1940 du 41e RI, Rennes 1947 p.127 à 129.
  9. Journal des marches et opérations du 2e régiment de marche des volontaires étrangers pendant la campagne contre l’Allemagne du 2 septembre 1939 au ………… 19… (26 mai 1940).

20160202 - LA LÉGION ÉTRANGÈRE Récits militaires par M. ROGER DE BEAUVOIR. Illustrations de M. DOLDIER. 1888

1888 - La Légion étrangère de 1831 à 1887 - Grísot, Paul Adolphe

20160130 - Lettre ouverte du président de l'ASAF au sénateur Gilbert ROGER.

Paris le 17 janvier 2016

Le général (2s) Henri Pinard Legry,
président de l’Association de soutien à l’armée française (ASAF)

à

Monsieur le sénateur Gilbert Roger,
vice - président de la Commission des affaires étrangères, de la défense nationale 
et des forces armées du Sénat.

Monsieur le sénateur,

Comment, en tant que vice-président de la Commission des affaires étrangères, de la défense nationale et des forces armées, avez-vous pu tenir des propos aussi décalés, biaisés et pour tout dire affligeants, à l’encontre des « militaires retraités », lors de la dernière audition du chef d’état-major des Armées ? Il ne vous aura pas échappé que ce dernier  n’a pas répondu à votre question estimant sans doute qu’elle était hors de propos. J’ose croire que le silence des autres sénateurs sur ce sujet était la marque d’une désapprobation polie et gênée.

Car enfin, arguant que vous n’avez pas entendu « les sénateurs de la commission dire autre chose que leur confiance et leur soutien aux  armées », vous vous êtes permis de demander au général de Villiers de rappeler à l’ordre «  des militaires retraités qui critiquent sans cesse la politique menée  ».

L’utilisation de cette apparente et fausse réciprocité serait-elle la marque d’un esprit incohérent, voire sectaire ou ségrégationniste, oubliant que les militaires en retraite sont des citoyens français qui ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres ? Ils ne sont pas tenus au silence et bénéficient donc comme tous de la même liberté d’expression.
D’ailleurs, n’est-il pas paradoxal que vous refusiez la liberté d’expression aux soldats qui ont servi leur pays pendant des décennies au risque leur vie, au moment où le président de la République place au rang de héros nationaux, au titre de défenseurs de la même liberté d’expression, des caricaturistes qui ont si souvent dénigré, insulté et injurié, en toute impunité et pendant des décennies, de nombreuses institutions françaises, souvent régaliennes, dont l’armée et ceux qui y servaient ?

Monsieur le sénateur, votre intervention, caricaturale dans sa forme, est injustifiée sur le fond. Pourquoi des citoyens ayant reçu une longue formation militaire, acquis une riche expérience opérationnelle et possédant une connaissance approfondie des questions de Défense, devraient taire leurs réflexions, critiques et contre propositions sur des mesures prises par un gouvernement quel qu’il soit quand ils estiment, de manière argumentée, que ces choix sont mauvais pour la France et son armée ? Il y a parmi ces anciens militaires des experts dans les multiples champs relatifs à la Défense y compris hors du domaine strictement opérationnel comme celui des  relations internationales pour n’en citer qu’un.

Faut-il vous préciser que ces militaires ont des préoccupations qui ne se limitent pas au court terme en vue d’une éventuelle élection ou réélection ? Ils estiment de leur devoir, y compris au terme de leur service actif, de sensibiliser et d’expliquer aux Français certains sujets concernant leur Défense, mais aussi de les alerter sur les risques et si nécessaire de dénoncer les insuffisances et carences de notre armée susceptibles de mettre en cause nos engagements d’aujourd’hui et demain notre indépendance.

A cet égard, ne voyez-vous pas que les évènements contredisent chaque jour certains des choix faits  en dépit des réalités, alors qu’ils avaient été dénoncés par ces mêmes militaires ? C’est ainsi le cas des contrats opérationnels fixés dans le dernier Livre blanc qui sont incohérents au regard des menaces identifiées dans ce même document, d’une loi de programmation militaire 2014–2019 inadaptée aux besoins réels des armées, de l’engagement trop tardif en RCA avec trop peu de moyens pour tenter de remplir une mission ambiguë sans véritable vision politique pour ce pays, pour ne prendre que quelques exemples.

Votre brève intervention ne fait que renforcer ma conviction sur le devoir d’expression des militaires. Aussi je puis vous assurer que l’ASAF, avec ses milliers d’adhérents, de collaborateurs et de sympathisants, civils et militaires, va continuer son action avec une détermination accrue.  
Elle le fera hors de toute polémique avec pour seule finalité de contribuer à améliorer la connaissance et la compréhension de l’armée et des questions de Défense par le plus grand nombre de nos citoyens et à renforcer la cohésion de la Nation, quitte à dénoncer les contrevérités, démasquer les manipulations, critiquer les mauvaises décisions, quand bien même ces actions nuiraient à la popularité de responsables politiques ou aux intérêts de leurs partis.

En revanche l’ASAF continuera de soutenir tout ce qui contribue à renforcer la défense de l’intégrité du territoire et nos intérêts stratégiques, la protection de la population, l’indépendance de la Nation et la fierté des Français. Les hommes et les femmes,  qui ont fait à 20 ans le choix de servir par les armes leur pays au risque de leur vie, ne peuvent se résoudre à le voir de plus en plus menacé et fragilisé, sans réagir et sans mettre au service de leurs compatriotes leurs réflexions libres sous tendues par une longue expérience des crises et des conflits.

Monsieur le sénateur, j’estime que les propos publics que vous avez tenus ne font pas honneur à votre haute fonction et que vous avez de la sorte trahi la confiance que vous ont accordée vos électeurs. C’est à cause de telles paroles incongrues et méprisantes visant une catégorie de Français que la défiance des citoyens envers la classe politique battra hélas de nouveaux records.

Soyez assuré du respect que je porte aux sénateurs dès lors que leur action porte la marque du service exclusif des intérêts supérieurs de la France.

Copie à:

-          Monsieur le sénateur Gérard Larcher, président du Sénat

-          Monsieur le sénateur Jean-Pierre Raffarin, président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat

-          Monsieur le général d’armée Pierre de Villiers, chef d’état-major des Armées

20160130 - Discours du général d’armée Pierre de Villiers à l’occasion des voeux aux associations

 

 

Messieurs les présidents,

Chers anciens,

Mesdames, messieurs,


Chers amis,

C’est pour moi un grand plaisir de vous rencontrer à l’occasion de ce début d’année pour vous présenter mes meilleurs vœux pour 2016.

Je suis particulièrement heureux de vous recevoir pour ce rendez-vous désormais annuel auquel je tiens beaucoup, car, au-delà du plaisir que j’ai à y retrouver certains d’entre vous, c’est pour moi une occasion de vous témoigner la reconnaissance de notre institution militaire pour le soutien que vous lui apportez.

Les associations que vous représentez agissent pour les militaires, des trois armées, des directions et des services, – d’active comme de réserve – et pour leurs familles, que ce soit dans les domaines sociaux, culturels, mémoriels, ou plus largement de l’entraide. Notre tissu associatif illustre, par la diversité que vous incarnez, la richesse de nos valeurs et la solidité de ce que nous sommes.


Vos actions sont l’expression concrète de la cohésion de notre communauté militaire. Votre engagement complète et souvent soutien celui de nos militaires.

Vous le savez, être militaire, c’est bien plus qu’un métier :

- Porter les armes de la Nation est un engagement qui se traduit par l’acceptation d’exigences fortes : la disponibilité, la primauté absolue de l’exécution de la mission, l’acceptation du risque.

- Etre militaire, c’est aussi cultiver un certain nombre de valeurs. La première réside dans la notion d’engagement au service de la nation. Plus qu’un contrat, il s’agit de l’adhésion à un code d’honneur faisant référence au désintéressement, à l’obéissance, au courage, à la fraternité et au patriotisme.

Cet engagement et ces valeurs, vous les faites vivre ; avec nous, à nos côtés. Cette grande famille militaire, vous en faites pleinement partie ; elle est un monde à multiples facettes, mais c’est un monde qui se retrouve sur l’essentiel, sur le sens du service, et s’appuie sur des valeurs communes.

Ce qu’il y a de très fort dans notre communauté militaire, c’est qu’elle n’exclut pas, elle rassemble : des anciens combattants, jusqu’à nos plus jeunes engagés, en passant par nos familles. La dimension collective prime sur les intérêts individuels ; elle exige de cultiver la
cohésion, qui prend le nom d’esprit de corps ou d’esprit d’équipage, qui dépasse tout corporatisme.

Cette cohésion s’appuie sur la loyauté des individus au bien commun, sur l'affrontement collectif des difficultés, sur la perpétuation des traditions et sur le souvenir des faits d’armes. Là encore, vous y prenez votre part.

Cette cohésion s’exprime toujours de façon sensible et très vive lorsque des épreuves touchent nos militaires. Cette année encore, de nombreux frères d’armes ont trouvé la mort ou ont été blessés en opérations ou à l’entraînement. Ce fut encore le cas la semaine dernière en Savoie. A chaque fois, vous avez exprimé votre compassion et votre solidarité. Je vous en remercie chaleureusement et très sincèrement ; je sais les actions que vous menez, dans la discrétion et l’efficacité, pour les familles de nos militaires, celles qui sont touchées dans leur chair, mais aussi toutes celles qui ont à assumer les absences et, plus largement, les contraintes de la vie militaire.

Mais, je compte aussi sur votre soutien dans les difficultés du quotidien. Ce soutien constant, sincère et ferme, je vous le demande avec force ; il m’est précieux pour concentrer mes forces sur les enjeux des armées, et ils sont nombreux ! Que notre cohésion ne soit pas qu’une posture moralement confortable, assise sur le passé, mais une réalité agissante pour le présent et l’avenir : unissons nos forces pour le succès des armes de la France ; c’est le vœu que j’exprime pour 2016 !

Et pour que vous puissiez toujours mieux comprendre nos préoccupations et relayer nos combats, je voudrais maintenant vous parler de nos armées et des défis qui sont devant nous. Pour cela, je vous propose de le faire en deux temps : le premier pour tirer un court bilan de l’année passée et le second pour vous livrer ma perception des perspectives pour 2016. Désolé pour le manque d’originalité, on ne peut pas réinventer l’eau chaude tous les jours, mon but étant de vous donner des clefs de lecture utiles de compréhension.

***
Quel bilan donc pour 2015 ?

Commençons par les opérations.

Avec les attentats commis en France, 2015 restera marquée par l’irruption du terrorisme armé et violent à l’intérieur de nos frontières.

C’est la concrétisation du caractère transfrontalier de la menace djihadiste, de l’islamisme radical. Sommes-nous désormais en guerre ? Formellement : non ; dans les faits : sans aucun doute : - nous avons un ennemi : le Président de la République l’a clairement désigné,

c’est le groupe Daech, sans oublier tous les affiliés issus de la même idéologie.

- des actes de guerre ont été commis sur notre sol. La menace est telle que 10 000 soldats en armes ont été déployés sur le territoire national pour protéger les Français.
- Au Sahel et au Levant, nos armées conduisent évidemment des opérations de guerre, en défense de l’avant.

Au cours de cette année nous avons observé chaque jour des menaces qui se durcissaient et se rapprochaient de nos frontières et de celles de l’Europe. La Syrie et l’Irak avec Daech ; l’ensemble de la bande sahélo-saharienne avec ses groupes armés terroristes ; le Nigeria et les pays riverains du lac Tchad avec Boko-Haram ; s’y ajoutent d’autres menaces de déstabilisation que sont la piraterie maritime, la menace drones, le risque Cyber et les attaques dans les champs de la perception et de l’information. Les menaces paraissaient limitées, elles n’étaient que lointaine. Aujourd’hui elles sont aussi sur notre territoire.

Pour s’opposer à ces menaces, nos armées ont été fortement sollicitées.

Aujourd’hui, ce sont environ 34 000 soldats des 3 armées qui sont déployés 24h sur 24 à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Ils arment les forces de présence et de souveraineté ; ils assurent les missions permanentes de sécurité ; ils conduisent les opérations
extérieures comme les missions intérieures.

A l’heure où je vous parle, nos armées sont engagées dans 25 opérations extérieures et 10 000 soldats arment la seule opération

Sentinelle. Elles luttent contre le terrorisme maritime, contre les trafics, protègent notre zone économique exclusive et notre espace aérien. Elles tiennent enfin la posture permanente de dissuasion nucléaire, qui sanctuarise nos intérêts vitaux.
2015 aura été une année opérationnelle particulièrement dense et je voudrais faire deux constats et une remarque :

- Mon premier constat est que nos forces continuent d’être au rendez-vous. Que ce soit dans l’urgence ou au cours d’opérations planifiées, la compétence et la réactivité de nos armées n’ont jamais été prises en défaut. Nos Alliés nous admirent et nos adversaires nous craignent ! C’est la preuve par les faits : nous avons de belles armées ! J’ai écrit dans une tribune parue dans le journal Le Monde la semaine dernière mon admiration pour les femmes et les hommes de nos armées, militaires et civils, d’active et de réserve. C’est à eux que nous devons nos succès. Témoignons-leur notre fierté pour ce qu’ils réalisent.

- Mon deuxième constat est que les menaces du non droit progressent. Pour autant, celles de la force et de la faiblesse sont toujours présentes. Nous avons en quelque sorte, une double extension de la conflictualité : vers le bas, avec le terrorisme et les techno-guérillas et vers le haut du spectre avec les menaces de conflits de haute intensité. Je pense aux stratégies du « fait accompli » que l’on observe en Géorgie, en Ukraine, ou en mer de Chine. De ce constat s’impose la nécessité de conserver un modèle complet d’armée, c’est-à-dire capable de faire face à un large spectre de menaces. C’est ce modèle que nous portons avec l’équipe des chefs d’état-major d’armées, car c’est bien une équipe que j’ai autour de moi. La capacité de réponse de nos armées face à l’évolution des
menaces et au durcissement des conflits, dépend de la préservation de ce modèle.

Ma remarque concerne, quant à elle, l’engagement des armées sur le territoire national. Je rappelle d’abord que la défense du territoire commence avec la protection des approches aériennes et maritimes.

Nous avons bien une continuité et une cohérence géographique de notre défense, avec au loin la défense de l’avant – ce sont nos OPEX – au près, la protection des approches et enfin, sur le sol national, la protection de nos concitoyens.

S’agissant spécifiquement des 10 000 soldats de Sentinelle, nous sommes face à une véritable rupture stratégique par la nature et le volume de cette opération. Je sais que certains s’interrogent sur la pertinence de ce déploiement. On peut discuter de l’emploi des
armées sur le territoire national, mais non de ce qui constitue un postulat : les Français doivent et veulent être protégés, là où ils se trouvent, et il est de la mission des militaires d’y contribuer. L’emploi des armées sur le territoire national n’est pas nouveau. Pour autant,
cette mission de lutte contre le terrorisme est d’une nature nouvelle, c’est pour cela que Sentinelle ne doit pas être une simple excroissance de Vigipirate ! Autre contexte, autre ennemi, autre doctrine, autre dispositif.

Les forces armées n’ont pas vocation à agir « à la place », mais bien en complémentarité des forces de sécurité intérieure. Face à des groupes armés qui utilisent des modes d’action guerriers, je me bats pour que nous mettions pleinement à profit nos capacités en termes de planification, d’autonomie, de réactivité, au service de la sécurité des Français, sous la responsabilité, bien sûr, du ministère de l’intérieur.

Sentinelle évolue déjà progressivement, vers des dispositifs plus souples, plus réactifs, avec des modes d’action plus dynamiques et au sein de structures de commandement de type « groupements tactiques ». Tout n’est pas parfait, mais nous avançons dans le bon sens.

Voilà ce que je voulais vous dire sur nos opérations. Continuons à expliquer que quand la force avance, la violence recule ; nos actions à l’extérieur participent directement à la protection de la France et des Français.

Après les opérations, je veux vous parler de la transformation de nos armées qui continue.

Cette transformation n’est pas une fin, elle est un moyen ! Elle n’a en effet de sens que par les objectifs qu’elle vise. L’enjeu de réussite de la transformation de nos armées est clair : la conservation du caractère complet de notre armée. Il concrétise un juste équilibre entre les fonctions stratégiques, telles que décrites dans le Livre Blanc : dissuasion, intervention, connaissance-anticipation, protection, prévention. Cet équilibre permet de nous prémunir contre une brusque évolution des menaces. Méfions-nous des effets de mode.

La lecture de l’histoire nous enseigne que les guerres n’obéissent pas à des règles rationnelles ; leur caractère imprévisible impose la prudence dans la prédiction. C’est pour cela que notre modèle d’armée « à large spectre » doit être maintenu, notamment notre dissuasion nucléaire à deux composantes, gage de notre indépendance nationale.

Vous l’avez suivi, la LPM a été, au cours de l’année, actualisée à la suite de la décision du Président de la République d’annuler les déflations d’effectifs. Je me suis battu, aux côtés du ministre de la défense, dont je tiens à saluer la ténacité, pour cela avec volontarisme et sans esprit de recul.

Que faut-il retenir de cette actualisation ?

1er élément : elle préserve la cohérence entre les moyens et les missions. A missions supplémentaires, moyens supplémentaires : en effectifs, en équipement, en entraînement, en entretien du matériel.

2ème élément : l’augmentation du budget de la défense est une inflexion majeure qu’il faut saluer, mais elle ne relâche pas la pression et le costume de cette « LPM actualisée » reste taillé au plus juste. Depuis des décennies, le budget de la défense était réduit année après année. Aujourd’hui, il est augmenté. Cette inversion de tendance est même un tournant historique, mais ce n’est qu’une adaptation au niveau des menaces, à la mesure de la situation que nous vivons et des missions qui nous sont confiées. Il montre le début d’une prise de conscience de la dégradation de la situation sécuritaire et de l’importance de notre outil militaire. Nous avons rompu cette décroissance des crédits de défense ; le combat est désormais de faire reconnaître la nécessité de poursuivre dans cette voie.

3ème élément : les mesures décidées dans le cadre de l’actualisation de la LPM sont équilibrées entre les armées. Il faut le dire et j’y ai veillé personnellement en y mettant, là aussi, toute ma conviction.
***

Quelles sont maintenant les enjeux pour 2016 ?

Nous sommes en réalité au défi de plusieurs calendriers :
- D’abord celui des opérations. Sur le théâtre national, nos armées doivent durer et garder leur vigilance intacte. Tant que les effectifs ne seront pas remontés en puissance, nous devrons gérer les tensions qui pèsent sur notre personnel, son entraînement, sa formation. J’ai conscience que la remontée en puissance ne réglera pas tous nos problèmes ; elle sera néanmoins un ballon d’oxygène. Nous le savons, de nouvelles répliques terroristes pourraient à nouveau, brusquement, accélérer le cours de l’histoire, faire évoluer les postures et influer sur nos missions, en nombre et en nature.

A l’extérieur, face à des menaces en perpétuelle évolution et contre des ennemis qui cherchent le contournement permanent, nous devons conserver l’initiative et garder le bon tempo opérationnel. La configuration de nos OPEX en ce début d’année ne sera pas celle que nous aurons dans 12 mois. La réactivité de nos armées, leur agilité et leur capacité d’endurance seront, de nouveau, mises au défi. Au-delà des rois principes de la guerre de Foch, qui conservent toute leur pertinence, je me permets d’insister sur un facteur clef pour la victoire aujourd’hui contre les terroristes : la surprise. Il faut donc changer en permanence nos modes d’action tactique.

- C’est ensuite le calendrier des moyens. Ces moyens sont ceux prévus par la LPM ; ceux qui concrétisent l’ambition du livre blanc. Le livre blanc sera très certainement révisé après les élections de 2017, en prévision de la prochaine LPM dont la première annuité sera probablement en 2019. Nous devons d’ores et déjà prendre en compte ces échéances et nous y préparer. L’enjeu est le maintien d’un modèle complet d’armée et du nécessaire équilibre entre les fonctions stratégiques ; l’objectif doit être celui de 2% du PIB pour le budget de la défense, conformément aux engagements pris, dans le cadre de l’OTAN, au sommet de Newport, à comparer avec 1,7% actuellement, pensions comprises.

- C’est enfin le calendrier de la transformation. Dans ces grandes manœuvres, notre attention doit rester tournée vers le personnel de nos armées, directions et services, civils et militaires, d’active et de réserve. C’est l’esprit qui a prévalu à la demande d’un plan d’amélioration de la condition du personnel et qui a été annoncé par le Président de la République lors de ses vœux. Il s’agit de mieux compenser les sujétions qui ne cessent de croître pour les militaires. La déclinaison en mesures concrètes pour le personnel de nos armées sera un sujet d’attention en 2016 ; il sera déterminant pour le moral.

Trois chantiers principaux seront au cœur de notre transformation en 2016 :

- L’optimisation des structures de commandement symbolisée par le regroupement du ministère et qui concerne tous les états-majors.

Depuis fin juin, je commande depuis Balard toutes les opérations. Avec Balard, nous avons changé d’époque.

- La rationalisation du soutien, de l’environnement des forces et de nos organisations. Cela, sans fragiliser l’efficacité opérationnelle. Il faut continuer à améliorer notre système de soutien.

- La rénovation de notre modèle RH. C’est un chantier majeur.

C’est un chantier qui me tient à cœur, car je crois en la qualité de la jeune génération. Nous voulons un modèle plus dynamique dans ses flux, mieux pyramidé, plus responsabilisant, plus souple, plus attractif et mieux adapté aux besoins opérationnels des armées. Nous voulons rétablir la cohérence entre le grade, les responsabilités et la rémunération.

Face aux difficultés, qui ne manqueront pas, nous sommes résolus ; nous refusons de subir ; nous sommes dans l’action et nous regardons vers l’avenir. Je suis convaincu que les conditions du succès n’ont pas changé. Comme les valeurs pérennes qui traversent le temps, ce qui nous a permis de surmonter les épreuves d’hier nous permettra d’affronter les combats de demain :

- c’est d’abord la cohésion. Je vous en ai déjà parlé en début de mon propos. Elle est pour moi centrale car c’est l’expression de la primauté de l’intérêt commun sur l’intérêt particulier. Oui à l’exercice des responsabilités et non à celle du pouvoir !

- c’est ensuite l’adaptabilité, qui est un état d’esprit. Nous devons nous montrer agiles, proactifs et imaginatifs – pas simplement au plan tactique –, car, même si c’est parfois physiologiquement agréable, rien ne sert de ressasser le « bon vieux temps », alors que
l’histoire s’écrit sous nos yeux. Pas de retour en arrière, pas plus que de souplesse d’échine !

- ce sont enfin les forces morales. Elles permettent de surmonter les difficultés ; elles sont même essentielles au combat, dès lors que les modes d’action de nos adversaires cherchent à contourner notre puissance liée à la technologie – emploi d’engins explosifs improvisés, attaques suicides – et que leur motivation combine jusqu’au-boutisme et compétition pour le martyre. On combat autant avec son intelligence qu’avec ses tripes. Les forces morales sont le ressort de la résilience de nos armées ; les cultiver est une obligation opérationnelle et vos actions associatives de soutien y contribuent très directement.

Voilà ce que je voulais vous dire. Soyons fiers de nos armées. Soyons conscients des difficultés, sans pour autant verser dans le catastrophisme ni le pessimisme systématique qui paralyse et qui n’avance à rien. Soyons dans l’action et non l’incantation. Chaque époque à ses difficultés. Il ne suffit pas de prévoir l’avenir ; il faut le permettre ! Pour tous ces défis, je reste extrêmement déterminé et vigilant.

***

Voilà ce que je tenais à vous dire avant de partager davantage avec chacun d’entre vous autour d’une coupe de champagne, à la française.

Cela fait partie du génie français !

Je vous souhaite à tous, très sincèrement, une excellente année 2016.

J’associe à ces vœux vos familles, dont celle des membres et des volontaires de chacune de vos associations. Je vous demande de leur relayer mes chaleureux et sincères remerciements pour leur dévouement et leur action au service de nos armées, au service de ceux qui risquent leur vie, au service de leurs familles, et au service de notre pays et de son histoire militaire.

Entre l'utopie et la réalité, il y a l'épaisseur des hommes de foi… et vous êtes des femmes et des hommes de foi ; votre engagement le prouve tous les jours, au service du succès des armes de la France !
Je vous remercie et je suis prêt à répondre à vos questions si vous en avez.

20160128 - LE REGIMENT DE MARCHE DE LA LEGION ETRANGERE 1943 - 1945

 

 

AUTORITE21 HISTOIRE & DEFENSE

Oct 09, 2015

CREATION ET DENOMINATIONS :
 Le 5 décembre 1942 une Demi-Brigade de Légion Etrangère et d'Infanterie Coloniale est créée à partir d'effectifs du 3e REI. Elle devient le 15 décembre de la même année le 3e Régiment Etranger d'Infanterie de Marche (3e REIM).

le 1er juillet 1943, le 3e REIM redevient le RMLE.

À la fin de la guerre, le 1er juillet 1945, le régiment reprend de nouveau son appellation de 3e REI.
      
DECEMBRE 1942 - 3e REIM :
À la suite du débarquement des Américains en Algérie et au Maroc (opération Torch du 8 novembre 1942), l'ordre est donné à la Légion Etrangère de constituer des Unités pour combattre l'armée allemande en Tunisie. Après l'éphémère existence d'une Demi-Brigade de Marche de la Légion Etrangère et d'Infanterie Coloniale (5/12/1942) le Général Giraud crée le 15 décembre 1942 le 3e REIM (3e Régiment Etranger d'Infanterie de Marche) à partir du I/3e REI, du III/3e REI et d'un Bataillon mixte dont les effectifs proviennent du 3e et du 2e REI. Chaque Bataillon compte alors 4 compagnies.
   
Chef de corps Colonel Lambert     
  
I/3e REIM : Commandant Laparra

II/3e REIM : Commandant Boissier

III/3e REIM : Commandant Langlet
    
En janvier 1943 le 3e REIM est engagé en entier pour résister à l'offensive allemande qui vise à dégager le couloir de communication entre les armées de von Arnim de Tunis et celles de Rommel repoussées depuis El Alamein. Le 18, lors des combats du réservoir de l'Oued Kebir, le II/3e REIM est anéanti et son commandant, blessé, est fait prisonnier. Le lendemain c'est au tour du I/3e REIM de disparaître. Lors de ces combats, où le régiment qui fait preuve d'audace de courage et de vaillance, aura le triste privilège de rencontrer les premiers chars Tigre allemands, les pertes sont de 35 officiers et 1 634 légionnaires perdus.

Le Régiment ne compte plus que 2 Bataillons à 2 Compagnies chacun. Retiré du front le 10 février il est renforcé le 30 mars 1943 par un détachement en provenance du Maroc.
   
 Chef de corps Colonel Lambert     
   
I/3e REIM : Commandant Laparra

II/3e REIM : Commandant Gombeaud
   
Le 16 avril, le régiment est affecté à la Division Marocaine de Marche (DMM) commandée par le Général Mathemet. Le 12 mai, il reçoit la capitulation de 19 000 prisonniers.

RENAISSANCE DU RMLE :
Le 1er juillet 1943, le 3e REIM, entièrement équipé à l'américaine, redevient le RMLE. Il est « sur le pied » américain, c'est à dire « ternaire » (3  Bataillons à 3 Compagnies). Il devient le régiment porté de la 5e DB.
   
Chef de corps Colonel Gentis     
    
I/RMLE : Commandant Daigny (affecté au CC5)

II/RMLE : Commandant Charton (affecté au CC4)

III/RMLE : Commandant xxx (affecté au CC6)
    
BELFORT NOVEMBRE 1944 :
Les 14 et 20 septembre 1943, les 3 Bataillons débarquent près de Saint-Raphaël sur la plage de Dramont.

Du 15 novembre au 13 décembre, les Bataillons du RMLE participent avec les différents Combat Command de la 5e DB aux opérations de la Trouée de Belfort. La 3e Compagnie du I/RMLE est décimée à Montreux-Château tandis que des éléments de la 7e Compagnie (I/RMLE) s'illustrent près de Delle où elle neutralise une compagnie allemande.

En six semaines d’engagements quasi ininterrompus, le R.M.L.E. a perdu un millier d’hommes, quarante Officiers tués ou blessés. Cinq Chefs de bataillons ont été blessés : les Commandants Charton, Daigny, Gombeaud et Laimey, et le Commandant Roger Forde, mortellement blessé.

POCHE DE COLMAR JANVIER 1945 :
   
Chef de corps Colonel Gaultier (en intérim du colonel Tritschler)     
    
I/RMLE : Commandant Daigny (affecté au CC5)

II/RMLE : Commandant de Chambost (affecté au CC4)

III/RMLE : Commandant Boulanger (affecté au CC6)
    
Le Régiment est engagé avec la 5e DB à partir du 22 janvier 1945 dans la contre attaque décidée par le Général de Lattre pour soulager Strasbourg. le R.M.L.E. du lieutenant-colonel Louis Gaulthier et le 1er R.E.C. du colonel Roger Miquel opèrent dans le cadre de la 5e D.B. du général Henri de Vernejoul avec les trois C.C. vers Ribeauvillé. Les éléments du R.M.L.E. opèrent à partir du sud, sur un front de 25 km entre Mulhouse et les Vosges. Dans un premier temps toutefois, le C.C.4 marche avec la 3e D.I.U.S., démarrant un peu au sud de Sélestat.

Le 1er bataillon aux ordres du commandant Daigny est affecté au C.C.5 aux ordres du colonel Mozart ;

Le 2e bataillon aux ordres du commandant de Chambost marche avec le C.C.4 du général Guy Schlesser ;

Le 3e bataillon aux ordres du commandant Boulanger, appartient au C.C.6 du colonel Boutaud de Lavilleon.

Le CC6 est engagé avec le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes à Jebsheim au cours de combats très violents (N-E de Colmar) du 25 au 30 janvier. Le 25 janvier, le 1er R.C.P. enlève Jebsheim, avec le 254e R.I.U.S., après de rudes combats; 300 parachutistes sont tués et autant d’Américains. Le 3e bataillon du R.M.L.E. du commandant Boulanger et son détachement éclaireur du 1er R.E.C. se battent ensuite pendant trois jours pour nettoyer Jebsheim aux S.S. qui résistent jusqu’à la mort : maison par maison, étage par étage, cave par cave, les légionnaires de la 9e compagnie du capitaine Masselot doivent neutraliser un par un les fanatiques défenseurs. ‘’Chaque immeuble est une redoute, chaque soupirail cache un Panzerfaust’’, Le CC5 conquiert Urschenheim le 1er février 1945 tandis que le CC4 libère Colmar le 2.

ALLEMAGNE - AUTRICHE MARS – MAI 1945 :
Le 11 mars 1945 le Colonel Olié remplace le colonel Tritschler décédé au Val-de-Grâce. Le 15 mars, le CC6 (III/RMLE) es engagé avec la 3e DIA pour la conquête de la Ligne Annemarie puis dans la percée de la ligne Siegfried le 20.

Le 9 avril, le Régiment pénètre dans la Forêt-Noire et conquiert Stuttgart le 21. Continuant sa descente vers le sud il finit par atteindre le Danube puis le Lac de Constance. Il pénètre enfin en Autriche en mai 1945 à la veille de la capitulation allemande
  
DRAPEAU 

Sur l'avers :     
    
République Française

Régiment de marche de la Légion étrangère
    
Sur le revers :         
    
Honneur et Patrie
(sur les drapeaux de la Légion Etrangère, cette devise est remplacée depuis les années 1920 par Honneur et Fidélité)
    
INSCRIPTIONS :

Les noms des batailles s'inscrivent peintes à la main en lettres d'or sur le Drapeau
      
Camerone 1863

Artois 1915

Champagne 1915

La Somme 1916

Les monts de Verdun

Picardie-Soissonais 1918

Vauxaillon 1918

Maroc 1921-1934

Djebel Mansou 1943

Alsace 1944-1945

Stuttgart 1945
     
Lors de la Seconde Guerre Mondiale, le nouveau RMLE a reçu le drapeau du 3e Régiment Etranger.
 
DECORATIONS :
 
Croix de guerre 1939-1945 avec 3 palmes

Croix de guerre de l'ordre Portugais de la Tour et de l'Épée (Chevalier et Grand-croix) (Portugal)

Médaille des volontaires Catalans (Espagne)
 
Cravate bleue de la "Distinguished Unit Citation", avec inscription "Rhine-Bavarian Alps" décernée le 6 mai 1946 (États-Unis)
   
CHEF DE CORPS :

1943 - 1943 : Colonel Gentis

1943 - 1944 : Colonel Tritschler

1944 - 1945 : Lieutenant-Colonel Gaultier

1945 - 1945 : Colonel Olié
  
TRADITIONS :

INSIGNE :
Rectangle d'or portant en cœur un rectangle vert et rouge frappé d'une grenade à sept flammes avec en chef FRANCE D'ABORD et en pointe R M L E souligné.

DEVISE :

« FRANCE D'ABORD » qui est aussi la devise de la 5ème Division Blindée


TEMOIGNAGE :
« Depuis la plus petite cellule de combat, désormais organisée autour du véhicule Half Track, jusqu’au niveau régimentaire, presque tout est nouveau. Le légionnaire combattant-muletier polyvalent ne sert plus ; il apprend à devenir soit conducteur-mécanicien, soit mitrailleur de bord, soit fantassin porté. Avec la fin de l’épreuve égalisatrice de la marche à pied, la spécialisation individuelle commence. Le cadre de contact évolue de même et trouve sa place comme chef de groupe ou comme chef d’engin. Le sous-officier adjoint découvre les joies de la maintenance et de la logistique, quant au chef de section il apprend à manœuvrer plus vite, à déborder plus largement et surtout à se coordonner avec les autres rouages du combat motorisé : les chars, l’artillerie, le génie. Les capitaines et les chefs de bataillon apprennent à manœuvrer en appui des chars dans le cadre d’un Combat Command (CC) structure de combat interarmes où se mêlent trois escadrons de char Sherman, trois compagnies d’infanterie portée, une compagnie d’appui de bataillon d’infanterie (CAB), une batterie d’artillerie, une compagnie de chasseurs de chars Destroyer et des éléments du génie. Pour la souplesse de manœuvre, les CC sont divisés en sous-groupements (un escadron de Sherman, une compagnie d’infanterie et leurs appuis) et les capitaines jouissent d’une belle autonomie. La structure, les savoir-faire et la tactique de combat sont donc totalement nouveaux et vont nécessiter un temps d’apprentissage, sous l’encadrement des équipes américaines d’instruction du French Army Instruction and Training Corps, basé à Port-aux-Poules. »Ph GUILLOT.

Le R M L E mettra 14 mois pour être pret, entièrement équipé et armé par les Etats Unis, pour recevoir l'ensemble de ses véhicules, mais à Camerone 1944, il est « sur pied ».
    
LA PRISE DE COLMAR JANVIER 1945 :
Le 29 janvier, la 9e compagnie du R.M.L.E. dont l’encadrement est constitué par le capitaine Masselot et les adjudants Mobmeyer et Mertens, atteint enfin le carrefour sud du village de Jebsheim que bordent aussi par l’ouest les Américains de la 3e D.I. U.S.
 
La Légion perd un officier, René Mattéi à Grussenheim.

Le 30 janvier, à la demande des Américains, légionnaires du R.M.L.E. et parachutistes du 1er R.C.P. lancent en commun un ultime assautqui a enfin raison des dernières résistances du Gebirgs-Régiment 136 et des Jagdpanthers du 525e groupe de chasseurs de chars.Le capitaine Georges Gufflet, commandant la 10e compagnie est tué, et tous ses chefs de section sont blessés. La prise de Jebsheim est l’un des épisodes les plus dramatiques de cette bataille avec de terribles combats de rues. 500 cadavres ennemis sont dénombrés, outre le millier de prisonniers, pour la plupart blessés. Les sacrifices du R.M.L.E. ont permis de couvrir efficacement la manœuvre des autres corps sur Colmar. La Légion perd les officiers Raoul Franqueville à Elsenheim et Jacques Peyrières à Urschenheim.

Le 31 janvier, affaibli par de lourdes pertes, le III/R.M.L.E. doit être relevé. Le C.C.5 prend le relais afin de poursuivre sur Durrenentzen et le Rhin. Dans ces actions, la 13e D.B.L.E. et le R.M.L.E. n’agissent évidemment pas seuls. Ils s’intègrent au cœur et très souvent en tête de cet ensemble franco-américain qui pousse vers Neuf-Brisach et Colmar.

Le C.C.4, après avoir travaillé à Orbey avec la 3e D.I.U.S., est affecté à la 28e D.I.U.S. du général Norman D. Cota. La 28e D.I.U.S. perce immédiatement au nord de Colmar.

Le 31 janvier au soir, Colmar est largement débordé, par l’est, par le 21e C.A. U.S. et, au nord, le 2e C.A. français a atteint le Rhin. Au sud-ouest, le C.C.5 attaque en direction de Neuf-Brisach et du Rhin. Un escadron du 1er R.E.C. investit la vieille citadelle de Vauban. Au sud, le C.C.4 avec le 2e bataillon du R.M.L.E. fait route en direction d’Andolsheim.

La 1ère D.M.I. parvient à s’emparer de Marckolsheim au-delà du canal et la tenaille est suffisamment refermée sur Colmar pour qu’il soit possible de songer à prendre la ville.

Le général de Lattre de Tassigny décide alors de lancer l’assaut final sur Colmar.

Le C.C. 4 est fractionné en trois sous-groupements :
    
le   Sous-groupement A, commandé par le lieutenant-colonel Du Breuil, comprend le 1er escadron de chars légers (capitaine Bouchard), le 3e escadron de chars moyens (capitaine Gauthier) du 1er Régiment de Cuirassiers, et la 5e compagnie (capitaine Boret) du R.M.L.E.

le   Sous-groupement B, sous le commandement du chef d’escadron de Préval, réunit le 4e escadron de chars moyens (capitaine Dorance) du 1er Régiment de Cuirassiers et la 6e compagnie (capitaine Simonet) du R.M.L.E.

le   Sous-groupement C, aux ordres du chef de bataillon de Chambost, est constitué par le 4e escadron de chars moyens (capitaine Guibert) du 1er Régiment de Cuirassiers, la 7e compagnie (lieutenant Hallo, suite à la blessure du capitaine Grange) et la compagnie d’accompagnement (capitaine Carayon) du R.M.L.E.
 
Chaque   Sous-groupement dispose également d’un peloton du 3e escadron ‘capitaine Boileau) du 1er R.E.C. avec des automitrailleuses de reconnaissance, d’un peloton du 3e escadron (capitaine Chaumel) du 11e Régiment de Chasseurs d’Afrique avec des tanks-destroyers, et d’une section de la 2e compagnie (lieutenant Salvat) du 36e Génie.
 
Le 1er février à 15 heures, le général Guy Schlesser est convoqué au P.C. du général Milburn qui lui demande sa conception de l’opération. Les éléments avancés du C.C seront le soir même à 15 km au sud-est de Colmar, séparés d’ailleurs de la ville par le cours d’ l’Ill dont le franchissement sera difficile. Pour le général Guy Schlesser, l’opération payante consiste à maintenir une puissante pression devant Sundhoffen pour attirer au sud-est de Colmar les réserves de l’ennemi et même à lui faire croire à la volonté de franchir l’Ill en tentant de lancer un pont dans cette région, pendant que le C.C.4, tous moyens rassemblés (bien que réduits à 23 chars et 4 tank-destroyers) se décrochera très rapidement et dans le secret (par conséquent au cours de la nuit ) et du sud-est se portera en plein nord de Colmar, attaquera du nord au sud, fera irruption dans la ville et interdira le débouché des routes venant de l’ouest et du sud.

Dans la nuit du 1er au 2 février, après s’être emparé d’Horbourg, le C.C.4 remonte sur Colmar tous feux éteints, parcourt 30 km par une nuit noire sur des chemins encombrés, verglacés, chargés de neige, franchit le canal de Colmar, l’Ill et la Fecht sur des ponts glissants, pour rejoindre sa base d’assaut au nord de l’agglomération. A l’aube, toutes les unités sont en place. Le C.C.4 est prêt à bondir sur Colmar.

Soudain, en cette aube de Chandeleur, un vent chaud balaye la plaine d’Alsace. Il précipite une fonte accélérée de la neige, avec en contrepartie une débâcle généralisée des cours d’eau. Il a l’avantage de découvrir bien des mines et autres artifices semés par l’ennemi.

Le 2 février, Français et Américains peuvent charger de front pour entrer dans la ville. Tous les chars du C.C.4 sont aux lisières de la forêt au nord de la ville ; le 109th Infantry Regiment passe à l’attaque. Cependant, à l’est de la route de Strasbourg, la résistance reste farouche. Des chars allemands sont signalés vers le cimetière et toute progression de l’infanterie dans cette direction est impossible. Arrivé aux lisières de la ville, le 109th R.I.U.S. doit s’effacer et laisser au C.C.4 l’honneur d’entrer dans Colmar.

Les équipages du C.C.4, extrêmement fatigués (ils n’ont eu le temps, ni de dormir, ni même de prendre la moindre nourriture), sont freinés par le fossé antichars.

Vers 9 heures 30, un trou est enfin découvert dans le dispositif antichar ; le peloton du lieutenant de courson, qui est en tête, trouve, en se rapprochant de la route nationale 83, un chemin de terre bordant les excavations pleines d’eau d’une gravière et mal obstrué par la défense ennemie ; par la route des Carlovingiens, il atteint la route de Strasbourg en évitant les barricades et les obstacles construits à l’entrée nord de Colmar. Mais peu avant la caserne Macker, les chars de tête du sous-groupement B se heurtent à une très vive résistance allemande mais le commandant de Préval met toute son énergie et sa hardiesse pour que son sous-groupement reprenne, à toute vitesse, le mouvement en avant.

Derrière lui, le sous-groupement C du commandant de Chambost, qui a rejoint la route de Strasbourg par la rue des Belges, rencontre lui aussi du dur.

Le sous-groupement A du lieutenant-colonel du Breuil s’engage à son tour dans la brèche.

Le sous-groupement C assure sa sécurité jusqu’au sud du canal (Brennbächlein) en gardant toutes les issues de la route de Strasbourg avant de nettoyer la caserne Lacarre.

A 11 heures 15, les premiers chars du sous-groupement B du commandant de Préval débouchent place Rapp : le premier char du C.C.4 à entrer dans la ville est un char de la Légion ; les légionnaires du III/R.M.L.E. suivent dans la foulée. Le sous-lieutenant Frédéric Torquebiau est tué durant les opérations de nettoyage. Colmar est libéré mais les combats continuent.

A 12 heures 30, le sous-groupement B atteint son objectif à l’est de Wintzenheim.

A 13 heures, il s’engage alors des combats singuliers contre quelques lots de résistance, menés par de petits groupes de légionnaires, à la mitraillette, à la grenade. L’adjudant Deleenher, qui vient de succéder au sous-lieutenant Frédéric Torquebiau, est tué en pleine rue dans un véritable duel avec un sniper allemand.Sur la plage arrière du premier char entré dans la ville, les quatre hommes de protection sont tués par les snipers allemands.

A 14 heures, le commandant de Préval est blessé au cours de l’opération.

Ailleurs, c’est un groupe qui appelle par radio : il est cerné par une quarantaine d’Allemands. Un half-track fonce et le dégage.

Plus loin, c’est le sous-officier Bruneau qui, guidé par un civil de Colmar, contourne avec son char un pâté de maisons pour réduire un nid de résistance. Il est tiré 2 fois au Panzerfaust, 2 fois manqué.

La colonne du lieutenant-colonel Du Breuil défile en trombe ; après avoir traversé la ville, elle dépasse le sous-groupement B qui a atteint son objectif.

A 16 heures 30, le sous-groupement conquiert Wintzenheim où il fait de nombreux prisonniers.

Vers 17 heures, dans la ville enfiévrée, le combat se tait ; toute résistance cesse cependant qu’au clocher de l’Hôtel de ville de Colmar montent les trois couleurs.

Colmar libérée se tapisse de drapeaux, une fois relevés les blessés et les morts ; sept cents légionnaires en tout sont capables de se tenir debout pour participer aux festivités.

20160123 - Ceux qui critiquent l’armée de terre devraient se taire

 

 

Publié le 21/01/2016

Il y avait autrefois en usage une infraction d'atteinte au moral des troupes. Parfois, on rêve qu'elle soit de nouveau appliquée.

 

L’armée de terre est victime de son succès : elle est très populaire, mais pourtant elle est une grande inconnue pour une immense majorité de Français. Environ 1.000.000 de Français en âge de servir les armes (de 18 à 50 ans) ont reçu une instruction militaire de « terrien », c’est-à-dire aptes à une manœuvre de feux en grande unité organique (à l’exclusion, donc, de 95 % des gendarmes, aviateurs et marins qui manient des armements mais ne manœuvrent pas au sol). 200.000 hommes sont aujourd’hui en activité et environ 150.000 seraient rapidement opérationnels. Pour 60 millions de Français, l’armée de terre, le cœur terrestre de notre défense, est une terra incognita.

Alors fleurissent dans les dîners en ville, sur les blogs et les réseaux sociaux nombre de commentaires convenus, d’idées reçues, hélas, bien souvent chez ceux pourtant qui disposent d’une réelle sensibilité patriotique.

« Vigipirate ne sert à rien, les soldats n’ont pas de munitions, ce n’est pas leur métier, etc. »

Les premiers arrivés au Bataclan étaient les soldats de l’opération Sentinelle, armes chargées et approvisionnées. On a vu à Valence l’efficacité de leurs reflexes. Dans tous les quartiers ou l’armée a été déployée, la délinquance a diminué. Dans une guerre contre-insurrectionnelle, l’enjeu est la population et il faut bien commencer par reprendre le terrain et tenir les carrefours un par un avant de prétendre descendre dans les caches d’armes et débusquer les cellules.

« Comment peut-on faire une sortie en montagne alors qu’il y a un risque d’avalanche ? Qui est responsable de l’embuscade d’Uzbin ? Pourquoi plusieurs libérations d’otages ont-elles échoué ? Qu’est-ce qu’on fout en Afghanistan, au Mali ? On devrait aller en banlieue, etc. »

D’abord, un légionnaire s’entraîne par tous les temps. Ensuite, l’armée n’est ni une colonie de vacances pour jeunes désœuvrés, ni un sport étude. Donc oui, on s’y entraîne dur, même quand le risque d’avalanche est de 3 sur 5. Croyez-vous qu’il n’y a pas de risque d’avalanche lorsque la légion est déployée au Kosovo, en Afghanistan ou ailleurs ? Qui peut dire où il faudra déployer ces hommes demain ?

Ensuite, concernant le combat, chaque fois que l’armée de terre en général et les forces spéciales ont été engagées au feu, elles se sont brillamment comportées. En 1993, en Somalie, une unité d’appelés et d’engagés met par terre une cinquantaine de miliciens islamistes en une matinée, et ne subissent que des pertes légères. En 2008, à Uzbin, les paras du 8e RPIMa sont pris dans une embuscade à 1 contre 10. Ils subissent de lourdes pertes, mais lorsqu’ils se retirent du terrain, la katiba d’en face est décimée. En juillet 2013, un commando de 50 paras, en civil, équipés d’armes légères (pistolets et pistolets-mitrailleurs à munitions subsoniques), s’infiltre clandestinement en Somalie pour libérer un camarade. Ils perdent 3 hommes. En face, on compte une soixantaine de morts. Depuis mai 2013, les opérations Serval et Barkhane se soldent par des centaines de djihadistes tués.

Un soldat qui ne voudrait pas risquer sa vie pour son pays devrait changer de métier. Un civil qui ne comprendrait pas qu’un soldat meure pour son pays devrait se taire. Il y avait autrefois en usage une infraction d’atteinte au moral des troupes. Parfois, on rêve qu’elle soit de nouveau appliquée.

Oui, l’armée française subit des pertes à l’exercice et au combat, c’est le choix magnifique de ces hommes que de servir là où plus personne ne va. Oui, l’armée est une grande muette, mais aussi une grande sensible. Ne demandez pas à ces hommes de venir tout déballer sur un plateau chez Bourdin, Ruquier ou à « C dans l’air », ce n’est pas le genre de la maison. Leur hommage à eux est tout simple : se mettre au garde à vous devant les trois couleurs et sonner « aux morts ».

 

20160122 - Charles Édouard AMIOT

 

 

18 novembre 2014

Pour Charles Édouard Amiot, le mot « servir » n’avait pas le sens confortable qu’il a aujourd’hui. Cet homme était un homme de caractère, une forte tête, inaccessible à la lâcheté et à la capitulation sous toutes ses formes ou à la résignation.

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Ses parents étaient un brave couple d’ouvriers de Vieux-Thann, où Charles-Édouard naquit le 28 janvier 1882. À l’âge où les gosses ne pensent qu’au jeu, le petit Charles-Édouard connaît les servitudes du travail à l’usine à 12 ans. C’est une dure école. Grâce à sa vive intelligence (il a décroché son certificat d’études à 11 et demi), il décide qu’il ne finira pas comme ses camarades, condamnés à la grise destinée ouvrière. Il épargne sur son maigre salaire pour acheter des livres qui pourront compléter son instruction et son goût de l’aventure.

Fasciné par les récits fantastiques, les héroïques faits d’armes de la fameuse Légion Etrangère, il décide de s’engager à 16 ans et demi ! L’on peut se demander quelles furent les réactions de ce gamin de seize ans devant les réalités, hélas beaucoup moins romantiques, de la célèbre Légion. Et la vie fut sans doute très dure à Sidi-bel-Abbès sous le brûlant soleil du sud algérien. C’est là qu’il apprend les rudiments du métier militaire. Mais, au bout de 9 mois, une grave fièvre typhoïde vient mettre un terme aux efforts trop durs pour cet adolescent et Amiot est renvoyé dans ses foyers.

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Décidé à faire une carrière militaire, il s’engage au 2e Régiment d’Artillerie de marine à Cherbourg en 1900. Il y reprend sont instruction de soldat avec une farouche application. 4 mois après, le soldat de 2ème classe Amiot est désigné pour faire partie du régiment d’artillerie d’Indochine destiné à aller renforcer le corps expéditionnaire contre les Boxers. Pendant les 45 jours que dura le voyage en bateau jusqu’en Chine, la guerre prit fin et le bateau fut dirigé sur le Tonkin, également en guerre. C’est l’époque héroïque de la guerre coloniale en Extrême-Orient. Armement, équipement, approvisionnement sont rares ou insuffisants et l’on doit faire appel aux ressources du pays. Les maladies sont combattues préventivement par l’absorption régulière et massive du « chum-chum », l’alcool de riz indigène. Il faut une constitution de fer pour supporter tout cela. Aussi, après un an de séjour dans cette contrée malsaine, la fièvre, qui fait de terribles ravages, a une nouvelle fois raison du jeune Amiot qui, en mai 1902, doit être rapatrié.
De retour à Cherbourg, il reprend avec énergie son instruction et deux ans plus tard, et peut arroser son premier galon de brigadier. Cette même année, il part comme volontaire pour Madagascar, île plus grande que la France, où de nombreuses tribus malgaches sont encore insoumises.

En 1906, il retrouve le 2e R.A.C. à Cherbourg et reprend ses cahiers de cours de perfectionnement. Voici quelles sont les notes que ses supérieurs inscrivent dans son livret, au moment de son retour en France : « Très bon sous-officier, actif, intelligent et dévoué. Très bon instructeur, énergique. N’a reçu qu’une instruction primaire assez peu développée, mais doit néanmoins préparer l’entrée à l’école de Versailles et doit arriver par son intelligence et son travail. Aptitudes militaires remarquables. »
Avec la ténacité et l’obstination qui sont le propre du caractère alsacien, Amiot se met au travail. L’ex-légionnaire, l’ex-colonial redevient écolier. Mais les difficultés sont bien plus grandes que celles qu’il a rencontrées dans la brousse tonkinoise et malgache. Les domaines des sciences et des mathématiques, hélas, ne se conquièrent pas l’arme à la main …

En 1907, il entre à l’Ecole d’application militaire de l’Artillerie et du Génie de Versailles et fin 1909, il est nommé sous-lieutenant. En 1911, il s’embarque à Marseille pour le Maroc occidental en guerre. Et voici la note d’appréciation que son chef de corps place dans ses bagages : « Officier sérieux, consciencieux, énergique, vigoureux. S’est beaucoup appliqué à développer son instruction militaire et a obtenu de très bons résultats. Connaît parfaitement son service de chef de section. Très estimé de ses chefs et de ses camarades. Excellent cavalier, apte à faire campagne ».
Durant 13 mois il s’expose aux attaques incessantes, aux embuscades sournoises des tribus dissidentes, à travers la montagne, dans le soleil brûlant ou une pluie glaciale. Le 14 juin 1912, dans le vacarme d’une canonnade, la balle meurtrière surgit, rapide et brutale. Un choc violent atteint le lieutenant dans la région du bassin et le plie en deux. Opéré sur place, la balle a été extraite, sans anesthésie. Ce fut pour le blessé un miracle que d’échapper à la mort. La balle, après avoir percé l’os iliaque, était allée s’écraser contre la base de la colonne vertébrale ; un des éclats avait frappé le nerf sciatique gauche. La guérison est longue et difficile.

Le 7 juillet se réalise enfin un rêve depuis toujours caressé. Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. Car ce soldat se bat avant tout pour l’honneur et la gloire.
Le jeune militaire de carrière ne perd pas non plus de vue « le tableau d’avancement ». Son attitude au combat et sa blessure font de lui une célébrité. A son chevet défilent toutes les étoiles du monde militaire colonial, dont Lyautey.

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Il arriva cependant au lieutenant Amiot pendant son séjour au Maroc, une aventure toute différente de celles qui forment le menu habituel et qui devait avoir une influence considérable sur sa carrière militaire. Au camp de Souk-el-Arba, il trouva un de ces engins volants appelés « aéroplanes » faisant escale sur le chemin de Casablanca. Peretti, le pilote, redoutait de survoler seul une contrée dont il ignorait tout et demanda un volontaire pour l’accompagner. Amiot sauta sur l’occasion, sans hésiter une seconde. Le voyage s’effectua sans accroc et ce baptême de l’air convertit du premier coup l’artilleur à l’aviation. Désormais, il sera hanté par cette « arme » nouvelle dont il prévoit déjà le rôle futur.

De retour en France le 2 août 1914, au moment même de la conflagration qui met l’Europe en flammes, Amiot, affecté au 3e Rég. D’Art. col. Il sent le moment venu de tenter sa chance. Pendant que les hordes allemandes envahissent le sol de France, le lieutenant Amiot s’initie aux techniques de l’observation aérienne en un temps record. Deux heures de vol suffisent à l’officier artilleur pour s’habituer à l’instabilité de l’appareil et pour savoir adapter la vue à vol d’oiseau aux problèmes d’artillerie. Le reste du temps est employé à se familiariser avec le matériel et les méthodes d’observation aérienne et de coordination : topographie, orientation, photographie, signalisation, etc…

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Et début septembre 1914, Amiot est affecté comme lieutenant à l’escadrille Blériot 30 et prend part à la bataille de la Marne et à celle de l’Aisne. Le 4 novembre 1914, il écrit à ses parents : « …voilà 8 jours que nous sommes ici (St Jean d’Ypres, Belgique). Quelle bataille ! C’est la ruée sauvage des Allemands pour briser notre ligne. Les gros obus tombent jour et nuit, sans arrêt. Oui, depuis 8 jours, nous sommes terriblement marmités. Ypres est en feu et sur les routes d’interminables colonnes de civils fuient vers l’arrière, sans savoir où aller. Quel triste spectacle. Mais patience, nous aurons notre revanche. Je sors tous les jours, souvent plusieurs fois par jour et je suis exténué, mais je fais du bon travail : réglage du tir de nos 105 long (hélas, pourquoi n’en avons-nous pas de plus lourds, quels magnifiques cartons nous pourrions faire !) et hier j’ai mitraillé un Taube qui passait sous notre Voisin ; il n’a pas demandé son reste et est descendu à la première bande de cartouches. Je chevauche tout ce que j’ai sous la main : Blériot, Farman, Morane Saulnier, Voisin. Il fait froid à 2200 mètres et on nous canarde copieusement, mais les chances de nous attraper son minimes. Je suis heureux de faire du bon travail … »
Et la bataille des Flandres rapporte au lieutenant Amiot sa première décoration étrangère : la médaille belge de l’Yser.

L’année 1915 passe, fertile en émotions de toutes sortes. Le 28 septembre, il est nommé capitaine et en mai 1916, il passe à son tour le brevet de pilote et reçoit huit jours plus tard, le commandement de son escadrille, la déjà célèbre F 55. Et le 10 mai, l’escadrille F 55 part pour Verdun.
Depuis le 21 février, le monde entier a les yeux fixés sur ce coin de terre française où se déroule la plus farouche et la plus sanglante bataille des temps modernes. Le bombardement préparatoire a déversé sur le front d’attaque quatre millions d’obus. Et puis c’est la ruée …
Quand Amiot arrive à Verdun, la gigantesque mêlée dure depuis deux mois et a englouti près de 400.000 hommes. La classe 1916 s’est fait massacrer et par la brèche de 7 km que les Allemands ont ouvert dans le front au prix de 30 divisions, le sang coule à flots.
Sans une minute de repos, l’escadrille F 55 survole l’effroyable charnier et se bat dans les airs avec le même héroïsme que ceux qui se trouvent de plain-pied dans la fournaise.
En novembre 1916, l’escadrille F 55 mérita la belle citation à l’ordre de l’armée que voici :
« Depuis 5 mois sur le front de Verdun et sous la direction expérimentée du capitaine Amiot, l’escadrille a rendu les plus grands services à l’artillerie lourde, grâce à l’entrain, au courage, au travail et au dévouement de son personnel. Elle a permis d’obtenir sur les batteries allemandes une supériorité marquée grâce au repérage quotidien et aux périlleuses et importantes missions de réglage de tir qui lui ont été confiées ».

Au printemps 1918, l’Allemagne lance sa dernière et formidable ruée. Près d’un million d’hommes relevés en Russie foncent sur la charnière franco-anglaise et crèvent le front anglais entre Noyon et Bapaume, après une courte préparation d’artillerie qui n’a duré qu’un peu plus d’une heure, mais au cours de laquelle les Allemands ont tiré plus de coups de canon que pendant toute la guerre de 1870 ! Le 18 avril, l’ennemi a atteint Montdidier et les armées françaises doivent faire front vers le Nord. L’heure est grave. L’objectif, c’est Paris. Le 9 juin, le général allemand von Hutier avance avec 170.000 hommes. Le soir, le front est enfoncé jusqu’à Ressons-sur-Matz. L’escadrille d’Amiot participe activement à la bataille et l’attaque allemande est définitivement enrayée. Amiot est cité à l’ordre du G.Q.G. : « Officier d’élite, d’une bravoure et d’un sang-froid remarquable, a dirigé avec une habileté incomparable le service aéronautique d’un corps d’armée pendant les récentes opérations. Grâce à ses judicieuses dispositions, à son initiative et à son zèle, a pu assurer l’action d’un groupement de plusieurs divisions dans des conditions tout à faire supérieures. »
Et le 26 juillet 1918, le capitaine Amiot est promu Officier de la Légion d’Honneur.

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Après la guerre, il effectue plusieurs missions, comme courrier du Conseil Supérieur de Guerre, à Berlin, Prague, Vienne et Varsovie.

En 1920, il demande et obtient un congé de 2 ans.
Vingt années d’une vie qui, le moins qu’on puisse dire, n’a pas manqué de mouvement, ont tout de même fini par fatiguer Charles Édouard. Il a 38 ans et estime le moment venu de songer à « se ranger ».
Voici le bilan de ses 20 ans de service : 6 campagnes, 22 batailles rangées, Chef d’escadron, Officier de la Légion d’Honneur, 10 citations, 17 décorations, et non des moindres, puisque parmi elles figurent la Croix de guerre avec 7 palmes et 3 étoiles, l’Ordre de Léopold avec palme, la Croix de guerre belge, le Military Cross et le Distingued Service Ordre, l’ordre de la Couronne de Roumanie. Que d’efforts, que de courage et que de souffrances derrière ces trophées !

Et c’est à Altkirch qu’Amiot reprend contact avec la vie civile. Le conseil d’administration des Tuileries Gilardoni Frères lui confie le poste de Directeur général de l’usine d’Altkirch, qui a repris son activité dès la fin des hostilités. La capitale du Sundgau devient son « pays », à lui qui n’en avait jamais eu. C’est ici qu’il acquerra droit de cité, prendra racine et formera souche, c’est ici qu’il trouvera l’ultime repos.

Trop d’énergie, trop de dynamisme étoffent ce diable d’homme pour que, toutefois, son caractère puisse s’accommoder d’une paisible activité de rond-de-cuir. Et, tour à tour, il fonde et dirige l’usine des Chaux et Ciments et la Société des Matériaux de construction du Rhin, préside le conseil d’administration de la Banque Populaire et de l’Usine métallurgique d’Altkirch.
Ses qualités de chef s’affirment avec la même assurance que sur le champ de bataille. Et ces mêmes qualités, doublées d’un rare esprit d’altruisme, il les témoigne également à la présidence de l’UNC, de la Croix-Rouge, de l’Union Sportive Pro-Patria, de l’hôpital Saint-Morand et du Syndicat agricole.
Par sens du devoir civique plus que par ambition (car cet homme de caractère a gardé intactes ses qualités de droiture et d’intégrité), il tâte de la vie politique ; le 5 mai 1929, il entre au conseil municipal d’Altkirch, est élu adjoint en 1934, maire en 1945. L’année suivante, la confiance de la population l’envoie siéger au Conseil de la République (sénateur de la IVe république) et au Conseil général du Haut-Rhin, dont ses collègues lui confient la présidence.

Lorsque survient la guerre en 1939, le commandant Amiot rejoint l’Air 10, groupe des armées de l’Est, où il est chargé du 3e bureau. La « drôle de guerre » se passe à fournir un gigantesque travail d’organisation que la précarité des moyens et peut-être aussi une mentalité se contenant par trop de l’à-peu-près, rendait difficile sinon illusoire. Jour par jour, le colonel Luciani accompagné de son fidèle adjoint Amiot, nommé lieutenant-colonel le 15 mars 1940, parcourt les 200 km du secteur, guidant et encourageant les uns, forçant les autres à prendre des initiatives. Travail ingrat, tâche difficile, dans cette atmosphère de dangereuse euphorie, truffée d’illusions et réfractaire à toute idée de catastrophe possible.
Mai et juin amenèrent le brutal réveil, la désillusion, la défaite. Le 13 juin, le PC de l’Air 10 à Neufchâteau est soumis à un bombardement intensif. Les vagues d’avions se succèdent, les bombes descendent dans un long ululement sur la ville atterrée. Mais dans la petite pièce qui leur sert de bureau, le commandant de l’Air 10 et son adjoint restent à leur poste, impassibles. Cependant les bombes se rapprochent, sont sur eux. Alors Amiot se lève, se fige au garde-à-vous face à son chef et prononce, la main à la visière : « Mon colonel, si nous devons mourir, je tiens à vous saluer avant de nous retrouver dans l’autre monde … »
Il ne meurt pas, mais a le tympan crevé par le souffle de l’explosion. Le soir, le PC est transféré en lieu sûr, au prix de mille difficultés. Voici l’appréciation donné par le colonel Luciani : « Colonel Amiot, splendide soldat et officier, au cœur si profondément humain parce qu’ayant tant souffert, aux sentiments d’une élévation sublime, à l’âme si belle, gardant intactes les croyances de son Alsace, vous fûtes pour moi non seulement l’adjoint, mais l’ami, plus que l’ami, le frère qui, ayant peiné sur les routes glorieuses de notre empire colonial, avait des trésors d’expérience. »

Démobilisé à Lyon, le colonel Amiot y organisa sans tarder un centre d’accueil et de ralliement pour ses compatriotes alsaciens expulsés et soucieux de leur sort. Retiré par la suite à Bourg-en-Bresse et installé à l’Hôtel de France, son appartement devint très vit la cellule initiale d’un centre de résistance qui permit au général Cochet d’organiser la diffusion de tracts anti-vichyssois ou d’appels à la résistance, et au général Delestraing de constituer des dépôts clandestins d’armes et de munitions dans toute la région. Et quand le général Delestraing fut arrêté, Amiot continua la mission.
Cette activité devint particulièrement dangereuse lorsque l’état-major du corps d’armée von Wintherfeld s’installa à l’Hôtel de France ! L’immeuble fut entouré d’un triple rang de barbelés et truffé de sentinelle. Mais cette dangereuse promiscuité fournit au colonel Amiot des occasions inespérées de recueillir, souvent au prix d’une incroyable audace, des renseignements précieux.
Pris un jour dans une rafle monstre à l’instant même où il rentrait à l’hôtel, les poches bourrées de papiers plus que compromettants, une patrouille commandée par un sous-officier l’appréhenda à l’entrée des barbelés. Le moment était critique : mais Amiot ne perdit pas son sang-froid. Avec un incroyable culot, il se dressa de toute sa haute taille devant l’Allemand, et aboya en allemand : « Qu’est-ce qui vous prend ? Vous ne savez que je suis le colonel Amiot ? Faites immédiatement dégager la chicane,  le général n’aime pas attendre … » Et le sous-officier, surpris et impressionné, se rangea au garde-à-vous sur le côté !

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La France a récompensé tant de courage, de dévouement et de patriotisme. En 1949, il devient Grand Officier de la Légion d’Honneur.
Voici le texte du décret du 28 février 1949 : « … Officier supérieur de réserve, au magnifique passé militaire. Plusieurs fois blessé et cité, Commandeur de la Légion d’Honneur le 30 septembre 1930. A pris une part essentielle à la lutte clandestine contre l’ennemi. A obtenu et transmis des renseignements de la plus haute importance en dépit des recherches et perquisitions des SS. A organisé des missions clandestines au cours desquelles il a maintenu élevé le moral de ses compatriotes alsaciens. A travaillé en liaison avec un important réseau de résistance. Signé : AURIOL. »
Cette distinction fut remise au colonel Amiot le 20 mai 1950, à Altkirch, par le général Koenig, dont une lignée d’ancêtres furent citoyens d’Altkirch, au cours d’une magnifique manifestation organisée par la municipalité.

Charles-Édouard Amiot, quel homme !

Quand ses concitoyens lui parlaient de ses états de services et des faits de guerre, il leur répondait : « J’ai eu simplement plus de chance que mes camarades … »
Lutteur, le colonel Amiot l’est resté jusqu’à la fin et se défendit avec courage contre la maladie qui l’emporta le 16 mars 1952. Ses obsèques donnèrent lieu à une grandiose manifestation d’estime et de sympathie.

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Sources :
– Une fière figure d’Alsace : Charles-Édouard Amiot, grand officier de la Légion d’honneur, de Charles Voegele – 1953
https://www.senat.fr/senateur-4eme-republique/amiot_charles0037r4.html

20160119 - Deux légionnaires dans l’enfer vert

Depuis cinquante ans, dans l’état d’Amazonie, l’armée brésilienne dispose d’un camp établi en pleine forêt dans lequel elle forme ses militaires et des soldats étrangers à survivre et à se battre dans la jungle. Deux légionnaires français y ont suivi récemment un stage de 10 semaines. Une expérience extrême.

Les participants transportent leur matériel dans des baluchons fabriqués avec des ponchos sur un radeau qu’ils ont construit.

 

Une explosion suivie d’un long coup de sifflet retentit sur les rives du Rio Puraquequara, affluent de l’Amazone. Il est à peine 5 heures du matin sur la base d’instruction Jorge Teixeira, du nom du premier commandant du Centre d’instruction de la guerre dans la jungle (CIGS), situé à Manaus, au Brésil. L’ambiance est donnée. Après quatre heures de sommeil, 73 stagiaires commencent une nouvelle journée d’instruction dédiée au combat en jungle, plus particulièrement aux opérations fuviales, dans cette région la plus humide du globe. Les quinze premiers jours du stage, ils étaient 118. Les tests ont eu raison de 45 d’entre eux.
Certains sont partis d’eux-mêmes, d’autres, à la suite d’exemptions physiques. Les stagiaires qui iront jusqu’au bout seront brevetés et deviendront des spécialistes de ce type de combat. Humidité et chaleur intenses, densité de la végétation, fleuves et cours d’eau sombres, fore et faune sauvages, sensation de cloisonnement et visibilité réduite… ne seront plus des obstacles insurmontables.

Confort proscrit et interdit de rire

Cette formation de 10 semaines en forêt amazonienne est réputée être l’une des plus difficiles au monde. Pourtant, le lieutenant Bastien, 26 ans, et le sergent Pablo, 40 ans, tous deux légionnaires, sont toujours présents malgré 4 semaines intenses, coupés du monde. Français, Sénégalais, Vénézuéliens, Argentins ou encore Équatoriens partagent une volonté commune aux côtés de leurs camarades brésiliens : obtenir le Graal, le brevet des combattants de la jungle, symbolisé par un jaguar. Tout au long du stage, ils sont placés dans des conditions réelles de combat en jungle.
Tout confort est proscrit. L’hygiène n’est pas la priorité. Rire est interdit. La nourriture est identique à chaque repas : riz, haricots rouges et farine de manioc. Les protéines ? On peut les trouver dans la jungle. Les hommes dorment également peu : pendant plus de deux mois, ils ont pour seul lit un hamac. Dans la chaleur et l’humidité de la forêt, aucune intimité n’est possible.
Ils sont pourtant tous volontaires.
« Depuis 1964, l’école forme l’armée brésilienne et des armées étrangères au combat en jungle. Il existe différents stages selon les grades.

Exercice d’infiltration : après avoir sauté du Black Hawk, les soldats nagent sur deux kilomètres avec sac et armement.

En ce moment, nous en proposons un dédié aux offciers subalternes et aux sous-offciers, explique le colonel Alcimar, 23e commandant du CIGS. Il se compose de trois phases : connaissance du milieu et survie, techniques spécifques et opérations spéciales. Son objectif : savoir commander du plus bas échelon au plus haut durant un combat en jungle. » Tous les stagiaires portent le même uniforme brésilien afn que règne l’esprit de groupe. Oubliés grade, nom et prénom. Un numéro, collé sur leur arme et leur chapeau camoufé – qu’ils ne quittent que pour dormir – les désigne désormais. Pour le lieutenant Bastien, qui porte le numéro 13, « il ne s’agit pas de nous déshumaniser, mais simplement de nous reconnaître plus facilement. Les 15 premiers jours du stage sont les plus diffciles. Le rythme est épuisant, c’est physique, mais tout est dans le mental. Nous n’avons pas un moment à nous. Nous ne connaissons pas le programme de la journée. D’ailleurs, nous ne savons jamais ce que nous allons faire dans les 5 minutes à venir ».

Dans les eaux sombres du Rio Puraquequara

Dans cette phase dédiée aux opérations fuviales, le lieutenant et ses camarades auront droit à des cours théoriques de tir, de krav maga, d’orientation sur l’eau, des tests écrits, tous suivis d’entraînements pratiques, de jour comme de nuit. Tous les entraînements se font en treillis et rangers, sac sur le dos, le Para FAL, fusil d’assaut brésilien, à l’épaule et coupe-coupe à la ceinture. Soit plus de 35 kilos à porter ou tirer, lorsque les stagiaires sont au sec… Ce qui est rare dans cette séquence au cours de laquelle ils se retrouvent le plus souvent dans l’eau sombre du Rio Puraquequara. D’ailleurs, après un entraînement de descente en corde lisse et en rappel depuis un hélicoptère brésilien Black Hawk sur la zone habituellement dédiée aux exercices de tirs, ils sont héliportés au-dessus de la rivière. Nouvel exercice : sauter à l’eau depuis l’aéronef avec tout l’équipement puis nager sur 2 kilomètres pour rejoindre la rive. Mieux vaut éviter de boire la tasse, car le risque d’infection est réel. Mais tout ça n’arrête pas les stagiaires. Le commandant du CIGS ajoute : « Tout est surveillé. Le service de santé effectue des prises de sang, des analyses d’urine, veillant particulièrement à ce que personne ne contracte la leishmaniose ou la fièvre jaune... La moindre blessure est difficile à soigner à cause de l’humidité du climat. Souvent, malgré maladies et blessures, les stagiaires ne veulent pas s’arrêter. C’est ce qui est dangereux. Nous faisons donc attention. » Le temps libre étant compté, « nous le passons à entretenir notre corps et notre armement », commente le lieutenant Bastien. Le sergent Pablo donne des astuces pour tenir : « Il ne faut surtout pas mettre de talc sur les pieds ! Avec l’eau, il se transforme en boue, ce qui irrite la peau. Il faut se badigeonner de vaseline, la couche d’huile protège l’épiderme. »
Il faut apprendre à se soigner seul. Les crèmes sont autorisées, pas les comprimés. Pour combattre en jungle, il faut savoir durer, d’où l’importance des cours de survie : trouver sa nourriture, se soigner avec les plantes, et éviter celles qui sont toxiques… « La jungle est comme un magasin : on trouve tout ce qu’il faut pour survivre », explique le soldat Cauchman, du CIGS, en même temps qu’il se frotte les mains avec des termites. L’odeur qui se dégage de ces insectes écrasés – proche de l’odeur de la sève de pin – est un antimoustique naturel. Car le risque de paludisme est bien présent, lui aussi.
Nouveau coup de sifflet. Les stagiaires se regroupent rapidement, sans un mot, sac sur le dos, arme à la main. Au pas de course, entamant leur chant de section en portugais – bien que certains ne parlent pas la langue – ils partent pour une nouvelle instruction. « Sou guerra na selva (je suis la guerre en jungle), Vim para aprender (je suis venu pour apprendre), Para min lutar (pour lutter), treinar e combater (m’entraîner et combattre), Um, dois, Selva ! (un, deux, la jungle !), Três, quatro, Brazil ! (trois, quatre, le Brésil !). » Le soleil se couche sur l’Amazonie. Cela fait 13 heures que les stagiaires sont debout. Mais la nuit ne symbolise jamais la fn d’une journée lorsqu’on apprend à combattre dans la selva…

 

Flora Cantin

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