Articles 2016

20161020 - Xavier Augustin Richert

Extrait de l'oeuvre " Une saga familiale" de Ulrich Richert

Képi Blanc

Avant 1914, notamment à la première époque de Lyautey, dans le Sud Orannais, puis au Maroc, époque où le Général Richert a fait ses premières armes, la tenue de combat du Légionnaire comportait le Képi (bleu ou rouge, avec un couvre nuque blanc). Il devint kaki en 1917 et se portait déployé ou roulé derrière la nuque, pour se protéger du soleil africain.

L’usage de porter ce protège nuque commençait à se perdre dans les garnisons. En tenue de service, ou en sortie, on ne le portait plus guère qu’enroulé.

Le 30 avril 1931, à Sidi-Bel-Abès, à l’occasion de la traditionnelle célébration de Camerone, où se sont déroulées, en même temps, les fêtes du centenaire de la Légion et de la conquête de l’Algérie. Au cours du brillant défilé, qui marqua ces mémorables évènements, les premier et quatrième Régiments Étrangers étaient en Képi rouge.

Par contre, ce que l’on sait beaucoup moins, c’est qu’à cette même occasion, le képi blanc, « sans couvre nuque » a fait sa première apparition officielle, dans la tenue du Légionnaire.

Le Général Richert avait été invité, avec son Régiment, le deuxième Étranger, alors en garnison à Meknès. Comme du reste tous les régiments de la Légion, à participer à cette double commémoration,. Ce d’autant plus que ses légionnaires s’étaient particulièrement distingués lors des durs combats de pacification du Haut-Atlas.

C’est alors que Richert a eu une idée, pour le défilé : Afin de mieux démarquer son Régiment des autres, il a demandé à tous ses hommes, de porter, par dessus le Képi, une housse blanche soigneusement immaculée.

Le deuxième étranger fut particulièrement remarqué et très applaudi. A la réception qui suivit, cela valut à notre Colonel les félicitations particulières du Général Franchet-Desperey.

Ce ne fut ni la première, ni la dernière des mille extravagances, plaisanteries, incartades et autres exploits à la hussarde, accomplies par notre fougueux Général Sundgauvien. Ce qui ne lui valut pas que des compliments, au cours de sa carrière. Toujours est il que depuis lors le Képi-blanc a été officiellement adopté par l’ensemble des régiments de la Légion.

LE GENERAL RICHERT


Xavier Augustin RICHERT. Le Général Légionnaire baroudeur bien connu a vu le jour le 29.08.1879. Cet homme a laissé son empreinte tant dans son village natal qu’à l’armée. A la Légion étrangère et à la diplomatie de l’entre deux guerres.

Il a fréquenté l’école communale de Saint-Ulrich. Puis celle de Strueth, où ses parents se sont établis après la mort du grande père paternel.

En ce temps là, toutes les familles, autant que certains habitants portaient des sobriquets, qui leur avaient été attribués à l’occasion d’un événement, remontant parfois dans la nuit des temps et dont personne, même les anciens ne pouvaient expliquer la provenance.

Xavier Richert, le père du futur Général était connu  sous le sobriquet « Dr Glàserväri ». La majorité des habitants du village avaient en fait oublié qu’il s’agissait d’un Richert. On a appelé le futur Général, qui continuait la lignée « S’Glàseväris Auguste ».

Tout jeune Auguste se distinguait déjà comme meneur de la bande de ses camarades. Lorsque l’on jouait au jeu du Gendarme et des voleurs, il prenait le rôle , soit du commandant de Gendarmerie ou du chef des voleurs. Dans les deux cas c’était toujours sa bande qui gagnait. Si le jeu portait sur la guerre, il était le Général vainqueur. S’il s’agissait de religion, il représentait, pour le moins l’évêque, qui venait visiter ses ouailles.

A 12 ans, en l’absence de son instituteur, il a pris les rennes de l’école, faisant la classe à la place de l’enseignant défaillant, pendant quelques temps.

A 14 ans, ses parents l’ont envoyé au collège des Bénédictins à Delle, dans le but de lui faire acquérir la connaissance de la langue française et préparer ses études classiques.

Sa mère nourrissait le secret espoir de le destiner à la prêtrise. Son père souhaitait le voir devenir un homme d’affaires internationales. Le jeune Richert ne rêvait que plaies et bosses. Il souhaitait réaliser une carrière plus dévorante.

Dans sa prime enfance il avait été marqué par la mort, à l’âge de 2l ans, de Jean-Baptiste Kayser, qui s’était engagé dans la Légion Étrangère. Il s’agissait du frère ainé de mon grande père maternel, qui est mort au champ d’honneur lors d’un engagement contre les révoltés du Tonkin.

Le jeune sergent Kayser était devenu, pour la jeunesse de Saint-Ulrich, le grand homme. Le héros du pays. Dans ma jeunesse on parlait encore souvent de ce héros de la famille. J’ai conservé précieusement la photo du légionnaire.

Après son décès, ses affaires personnelles avaient été retournées à la famille. Je ne sais par quel fait du hasard, sa ceinture orientale avait échoué chez-nous. En satin rougé, d’une largeur de plus de 20 centimètres elle se fermait par quatre courroies. Elle était brodée de scènes orientales. Quelques horribles dragons qui crachaient du feu et autres monstres. Également quelques jeunes annamites en chapeau pointu et parasols de circonstance, qui se promenaient dans des jardins exotiques. Des paons et des oiseaux de Paradis. A l’intérieur, bien cachés, un porte monnaie et un porte feuille.

Ma grande fierté de gosse a été, de la montrer à mes copains, qui m’enviaient grandement. Leur plaisir était comblé lorsque je leur permettais de porter le trophée, qui naturellement était trop grand pour nos tailles de gamins.

A la suite de notre évasion en 1942 et de la déportation de nos parents par les Nazis, la ceinture s’était perdue.

Les évènements sanglants de quatre années de misère, ont donné matière à conversation et, tant Jean Baptiste Kayser, que la ceinture avaient été quelque peu oubliés.

Nous l’avons retrouvé dans le grenier, au milieu d’un fatras de vieilleries, lorsque nous avons vidé la maison paternelle, après sa vente. Elle était dévorée par les mites. Les cuirs pourris et cassants. Elle a été irrécupérable et a achevé sa belle carrière sur le dépotoir communal, ou tant de souvenirs et d’objets du passé ont trouvé une fin peu glorieuse.

Sur les bancs du collège de Delle, Auguste a eu comme condisciple, celui qui devait devenir l’archevêque de Paris, Monseigneur Feltin, avec lequel il est resté en correspondance durant toute sa vie.

Auguste s’est très vite fait remarquer au collège, par son application et sa grande facilité au travail. Il s’est distingué des autres élèves par une certaine indépendance, qui décidera de son destin.

A 18 ans, ayant fait le mur du collège, pour aller danser avec la fille du maire de Delle, il a été traduit devant le Conseil de Discipline et invité à ne plus revenir dans l’établissement à la prochaine rentrée.

Après ce regrettable incident de parcours, il a terminé ses études secondaires et ses humanités à Besançon, où il a décroché ses deux baccalauréats avec mention.

Il va maintenant pouvoir réaliser son rêve. Faire une carrière militaire.

Ayant eu, avec son père, une explication quelque peu orageuse et manifesté le désir de s’engager dans la Légion étrangère, celui-ci l’a orienté vers Saint-Cyr.

Il est monté à Paris, a découvert la capitale de la belle époque. Il a préparé avec ardeur, le concours d’entrée à Saint-Cyr. Il a été reçu avec un bon numéro. Seul films de paysan de tous les candidats de France. Il s’est juré de s’engager, après diplôme reçu, dans la Légion étrangère.

La première année il s’est donné entièrement à sa tâche. Malheureusement, sur ces entre faits, le ministre de l’époque prend la décision de ne plus envoyer directement les promotions à venir, dans la Légion.

Richert, quelque peu désabusé, se laisse aller à la douceur de la capitale. A sa vie agréable et facile. Ses grandes qualités intellectuelles lui permettent, malgré cette relâche, d’être reçu, avec la promotion « In Fannah » (1899-1901).

Il est nommé au 106e Régiment d’infanterie à Chalons sur Marne. Le Régiment est commandé par le Colonnel Vanderscheer, Alsacien de vieille souche comme Richert.

Il a été obligé d’arroser ses épaulettes en Suisse. Chez des amis de la famille. Interdit de séjour par les allemands, qui l’ont considéré comme réfractaire et traître à la patrie.

Au bout de deux ans, le Lieutenant Richert, fatigué par la vie de garnison, sans intérêt et sans panache, demande à son Colonel de l’aider à gagner la Légion, faute de quoi il quitterait l’armée. Nouveau trait de son caractère indépendant et de sa volonté de servir. Bien lui en a pris. Un mois plus tard, en janvier l904, il arrive à Sidi-Bel-Abès. On l’affecte à la 19e compagnie de la Légion, dont il exercera le commandement pendant huit mois.

Il se sent dès lors à sa vraie place ! Il commande à 250 Légionnaires, en grande partie Alsaciens, dont la majorité parlent l’allemand . Aussi a t’il tôt fait de gagner leur confiance.

Ce sera bientôt le baroud avec ses gars de la Légion.

En octobre 1904, il dirige sa compagnie sur Berguent, où elle devient compagnie montée, commandée par un Capitaine et trois Lieutenants, dont il est le plus jeune.

Elle va faire partie du groupement du Chef d’Escadron Henrys, le futur Général, chargé par Lyautay de faire tache d’huile au Maroc Oriental. C’est avec ce groupement qu’il prendra part à de nombreuses opérations de montagne, entre Debdou, Metarko, Tendrara, le Chott-el-Charbi et la frontière Algérienne.

Il fera ainsi son apprentissage de chef de guerre. Il dirigera fréquemment, dans des conditions pénibles, les convois sur de longues distances, à travers des régions infestées de bandes armées. Excellent entraînement pour développer en l’homme, le sens de responsabilité et l’esprit d’initiative.

En 1907, il participe aux opérations de pacification des Beni-Snessen et livre, à Aïn-Sfa son premier combat en règle.

Le Maroc oriental résistera longtemps à la pénétration française.

Le Lieutenant Richert se fait remarquer par ses grandes qualités, son sens des responsabilités et son esprit d'initiative.

En 1910, il quitte le Maroc, où il a fait ses premières armes, pour devenir, à la suite d’un concours, professeur d’allemand, à l’école militaire de Saint-Maixant.

Il met à profit son séjour, dans cet établissement pour préparer l’école de guerre, à laquelle il est admis en 1911.

Ce sera l’occasion de se documenter sur place et au cours de maints voyages d’études, à travers la France, et d’ouvrir son esprit aux grands problèmes politiques, économiques et sociaux. En particulier les cours d’André Tardieu et de Charles Gide, qui auront sur sa formation une influence déterminante.

Voyant venir le conflit mondial, et pour échapper à d’éventuelles représailles, ses parents ont acheté une ferme à Reppe, dans le territoire de Belfort, et s’y sont installés.

La guerre surprend notre héros au moment même où il passe ses examens de sortie.

Il est affecté, comme Officier d’État Major à une Brigade de la 63e Division de Réserve et participe comme tel à la campagne d’Alsace ,du Général Pau.

Ayant repris une seconde fois Mulhouse, en août 1914, cette Division se voit contrainte d’abandonner l’Alsace, pour être envoyée devant Paris, où elle constitue le 7e Corps, de concert avec la 14e D.I.. Elle s’illustre aux batailles de l’ourcq.

Victoire de Monoury sur les allemands de Von Glück (Septembre 1914). Richert y gagne sa première citation.

Début 1915, il est blessé dans les combats du nord de l’Aisne. Il reçoit, des mains du Général Joffre, la Légion d’Honneur, avec une nouvelle citation.

Gazé pendant la bataille de Champagne, en automne 1915 alors qu’il a fait partie de l’État Major du 14e Corps.

Après une courte convalescence il revient à l’État Major de la 63e Division du Général Andlauer, avec laquelle il prend part, en 1916 et 17, aux terribles batailles de Verdun, où il gagne une nouvelle citation.

En février 1918, il prend le commandement d’un bataillon du 305e R.I., qui se bat dans le secteur du « Four de Paris », en Argonne et reçoit le quatrième galon.

Durant l’hiver 1917-1918, il assume provisoirement le commandement du Régiment, aux lieu et place des officiers supérieurs disparus dans les combats.

Il termine la guerre dans l’armée américaine, en qualité d’officier de liaison, d’abord à la 90e D.D., avec laquelle il prend part à la bataille de Saint-Mihiel. Puis du 6e C.A. et y gagne une nouvelle citation et la décoration de la Distinguished Service Médal ». Il avait eu, notamment pour mission d’initier, plus particulièrement, les noirs à la guerre des tranchées.

Après l’armistice. En raison de sa parfaite connaissance de la langue et de la culture allemande, il est affecté à l’administration supérieure de la Sarre.(Affaires politiques et administratives)

Le but du gouvernement français était de faire de la Sarre un état politiquement autonome, le détachant de l’ Allemagne, pour l’amener dans notre orbite économique.

Il remplit les fonctions de Chef de Bureau des affaires civiles, sous la haute autorité du Général Andlauer, puis du Général Wirbel, deux chefs d’origine Alsacienne comme Richert et qui lui font entière confiance.

Grâce à ses connaissances parfaites de la langue de Goëthe », et en raison de ses hautes fonctions, Richert devient bientôt le point de mire de la contre propagande allemande. Surtout après juillet 1920, lors de l’arrivée en Sarre, de la Commission du gouvernement, chargée, par la Société des Nations de l’administration du petit Territoire politiquement autonome.

Camouflé par la suite en fonctionnaire des Mines Domaniales, mais en réalité détaché aux Affaires Étrangères, il dirige, en sous-main, le nouveau courrier de la Sarre. Quotidien français de langue allemande et organise, dans tout le pays, un service de renseignement, qui veille sur tout. Des groupements divers, tels que Alsaciens Lorrains, Anciens Légionnaires, Sarrois d'origine française, qui ont des représentants jusque dans les plus petits villages et veillent à l'application stricte du traité de Versailles.

En 1919 et 1920, beaucoup de Sarrois, fascinés par la victoire de nos armées, désirent sincèrement que leur pays gravite dans l’orbite de la France et réclament, en masse, la nationalité française.

Mais les mesures dilatoires et plutôt hostiles des Britanniques, « Encore eux », ne tardent pas de faire craindre aux Sarrois, que l’autonomie de la Sarre n’a qu’un caractère provisoire.

La perspicacité de Richert, jamais prise en défaut, l’incite à quitter son poste de Sarrebrück. Il songe sérieusement à abandonner la carrière militaire, pour faire son chemin dans le monde des affaires, quant se produit un événement, qui devra avoir une influence déterminante sur sa vie.

Le Quai d’Orsay le charge de missions spéciales diplomatiques et militaires.

Au début de mai 1921, le Commandant Richert. Breveté d’État Major, entreprend une tournée d’instruction dans les grandes villes d’Allemagne et de l’Europe Centrale.

Il visite successivement Cologne, Hambourg, Berlin, Varsovie, Cracovie, Posen, Budapest, Bratislawa et Vienne. Il termine son périple par un séjour d'une quinzaine à Munich. Il a été reçu partout, par curiosité surtout. Tout le monde voulait connaître ce phénomène, qui agitait si vigoureusement le secteur de la Sarre.

Bel homme, il avait pu glaner, au cours de son périple, maintes importantes confidences sur le coussin, par des belles qui fréquentaient le cercle fermé de la diplomatie et de l’espionnage.

Fin mai début juin 1921, au cours d’un grand bal, donné par un ancien ambassadeur allemand, il fait la connaissance de quelques notabilités appartenant au milieu dirigeant Sarrois. Dont les Nazis de la première heure et avant la lettre.

Connu par les attaques vigoureuses dont il fut l’objet, dans la Presse allemande, il pique la curiosité des Munichois.

Rentré à Sarrebrück, il reçoit la visite d’un industriel Bavarois, qui le prie, de la part de Von Kahr, Président du Conseil de Bavière, de retourner à Münich, pour assurer secrètement la liaison entre les gouvernements français et Sarrois. Ce dernier ne désirait pas se laisser absorber entièrement par la République de Weimar et comptait obtenir la neutralité bienveillante de la France.

Devenu prudent après son expérience Sarroise, il s’en ouvrit à Monsieur Lenail, questeur de la Chambre des Députés. Personnage de l’entourage de Monsieurt Viviani, qui rentrait d’un voyage en Allemagne, et qui était de passage en Sarre.

Briand, alerté nomme Richert observateur officieux en Bavière. Il lui facilite sa tâche par l’octroi de subsides. Il a gardé son poste comme chef de la propagande en Sarre.

Ayant obtenu le feu vert pour entrer plus en contact avec les meneurs de la conspiration et les hautes autorités Bavaroises, il participe à de nombreuses réunions clandestines, parmi les Sociétés Patriotiques et paramilitaires telles que « Stahlhelm » « Oberland » « Blücherbund ». Paris lui alloue des fonds spéciaux pour indemniser certains intermédiaires, et pour financer quelques groupuscules paramilitaires.

Dès juin 1921, il passe une grande partie de son temps en Bavière et sur les voies ferrées reliant Münich à Berlin, Vienne et Paris. Il n’apparaissait que de temps à autres en Sare, pour donner le change à l’opinion publique.

Il possédait une fausse carte d’identité de l’organisation, établie au nom de « Major Berger ». Seuls étaient au courant de sa véritable identité Hugo Marchaus, rédacteur du Völkische Beobachter ». Journal Nazi fondé récemment et principal animateur des premiers S.A. de Münich. Ainsi que du Professeur Fuchs, l’homme de confiance des Wittelsbach, prétendants au trône de Bavière.

De 1920 à 1923, années fertiles en incidents et émeutes en tous genres à Münich, le Commandant Richert, devenu agent secret malgré lui, assistait à de nombreuses réunions et meetings dans les salles enfumées des brasseries.

L’une d’elles se termina par des bagarres, particulièrement violentes et sanglantes, dans la soirée du 4.11.1921, au célèbre Hofbraühaus à Münich.

L’orateur était un certain Adolphe Hitler.

Richert reconnaît avoir été impressionné par ce tribun populaire, qui, avec sa voix et son regard, exerçait déjà une véritable fascination, à la limite de l’hypnose, sur son auditoire. Pénétré par l’ampleur du destin qu’il se voyait attribuer.

Richert avait pour mission d’activer le mouvement séparatiste, fut ce au prix d’un coup de force.

Les leaders ;du mouvement parviennent à grouper autour d’eux environ 25.000 hommes et une quarantaine de canons, sous l’œil bienveillant du Général Von Rapp, commandant de la Reichswehr embryonnaire.

En 1922, on tombe d’accord sur la formule suivante ! « Créer un royaume catholique Danubien et restaurer la Dynastie des Wsittelsbach ». Des contacts sont pris avec les Leaders catholiques Autrichiens, Tyroliens et Souabes.

Le Vatican, averti par l’intermédiaire de Monseigneur Pacelli, alors nonce à Münich, se montrait favorable au projet. Les choses semblaient marcher à souhait.

En décembre 1922, les principaux meneurs, Marchaus et Fuchs, accompagnèrent secrètement le Commandant Richert à Paris, pour persuader le gouvernement français que l’heure H était arrivée pour déclencheur le coup d’État en Bavière.

Un fâcheux événement d’ordre international, fait échouer la tentative. La réoccupation de la Sarre par Poincaré, en 1923. De suite l’opinion Bavaroise se retourne contre la France.

Richert organise une ultime réunion secrète à Munich, au domicile de Marchaus, avec quelques chefs encore libres de l’organisation paramilitaire, favorables au complot.

Il a cru bon de révéler sa véritable identité. Sa tête avait été mise à prix par la police politique de Berlin, qui entre temps avait pris le contrôle de celle de Munich.

Il se rend très vite compte qu’il venait de tomber dans un piège, ou guet-apens et ne dût son salut qu’à une fuite précipitée.

Il passa de justesse entre les mailles du filet de la police grâce à un déguisement. Revêtu d’un vieux costume tyrolien, il réussit à regagner la France.

La plupart des meneurs autonomistes avaient retourné la veste. A l’exception toutefois de Marchaus et de Fuchs, qui furent arrêtés par la Police de Berlin.

Richert eut la surprise, en débarquant à la gare de l’Est, de trouver, à la une de « L’intransigeant », le récit de son évasion, avec force détails sur les circonstances de sa fuite.

Sur les travées du Palais Bourbon, le Président Poincaré fut interpelé au sujet du Commandant Richert. Il l’a désavoué publiquement par trois fois, déclarant : Qu’il n’avait jamais eu de mission officielle en Bavière.

On demanda à Richert de se taire et de s’abstenir de tout commentaire, moyennant quoi il recevrait une nouvelle promotion et une nouvelle affectation de son choix.

Côté allemand, le coup d’État a trouvé son épilogue au procès de Lmeipzig, où devant le « Volksgerichtshof » l’on discuta des faits et méfaits de Richert. Le scénario visait à blanchir les vrais responsables. Le Commandant Richert s’était engagé, envers eux, avant de quitter Münich, de se taire quoiqu’il advienne. Les inculpés et leurs défenseurs le chargèrent naturellement de tous les péchés.

Quelques jours avant l’ouverture du procès, Marchaus a été trouvé pendu dans sa cellule, avec son ceinturon.

Complètement brûlé en Sarre et en Allemagne, Richert fut affecté au 152e Régiment d’Infanterie à Colmar.

Il peut, à son gré, rayonner en Alsace. Retrouver ses amis du Sundgau et gagner aisément Reppe, pays d’adoption de sa famille.

En juillet 1925, il introduit une demande de mise à la retraite proportionnelle, pour ses 25 ans de service.

En réponse le ministre de la guerre lui a envoyé un télégramme s’enquérant s’il était volontaire pour servir au Maroc, pendant la durée de la guerre du Rif. Opération engagée contre Abd-El-Krim, ce qui l’a comblé d’aise, tant il avait hâte d’échapper à l’athmosphère lénifiante de la métropole et de retrouver un véritable esprit militaire.

Affecté d’abord à la Division marocaine, il la rejoint à Oudjda. Vers la mi juillet il est envoyé à Taza, fortement menacé par les partisans d’Abd-El-Krim.

A son arrivée à Taza, il rend visite au Général Gambay, commandant la Région et à son Chef d’État Major, le Capitaine De Lattre de Tassigny.

C’est alors pour Richert la grande aventure marocaine. Il rejoint tout d’abord Sidi Abdallah, important nœud ferroviaire sur la ligne de Fez.

Prenant le commandement des éléments avancés de la Division Marocaine, il est envoyé en hâte défendre ce poste important, contre les Riffains Puis, ceux ci ayant suspendu leur offensive vers le sud, Richert rejoint l’État-major de la D.M. à Fez, où le maréchal Pétain, qui dirige d'en haut les opérations, organise six Divisions destinées à anéantir les bandes d’Abd-El-Krim.

Peu après il est envoyé à Taza, en qualité de Chef d’État Major de la première Division de marche du Maroc (La D.M.M.).

A peine installé, le Colonel Conrap l’engage pour la pacification de la puissante tribu des Branès. Il y commande une petite colonne qui essuie un violent combat sur son flanc gauche, au cours duquel , à ses côtés est blessé le Capitaine De Lattre de Tassigny.

Après la soumission des Barnès, il participe, avec la première D.M.M., à une opération de grand style, qui rejette les Rifains hors de notre zone.

En mai l926, c’est la grande offensive, qui s’achève par la capitulation d’Abd-El-Krim, dans laquelle le commandant Richert a joué un rôle définitif, en lançant, de sa propre initiative l’avant garde de la première D.M.M. sur Targuet, capitale du chef Riffain. En dépit de l’interdiction formelle de franchir, sans ordre, la frontière du Rif Espagnol.

Il reçoit, en récompense, son cinquième Galon de Lieutenant Colonel.

En juillet il est envoyé à Engil, pour préparer l’assaut du repère quasi inaccessible du Tichoukt, où sont réfugiés de nombreux rebelles du moyen Atlas.

En août c’est la soumission des tribus guerrières de la grande tache de Taza. Opératiuon à laquelle prend part la 1re D.M.M., sous les ordres du Général Vernois avec Richert comme chef D’État Major.

Fin 1926, Richert se voit confier ce cercle du Haut-Leban. Il devient alors administrateur et fait montre, dans ce domaine de qualités hors pair.

Il consacre quatre années à organiser et à administrer les tribus du nord. A dresser leurs Caïds ,à nos méthodes d’administration. A doter le territoire de voies de communication, de Centres Administratifs. A protéger la frontière du Nord contre les incursions de bandes Riffaines, venues du Maroc Espagnol.

En avril 1930, il est nommé Commandant du 2e Étranger à Meknès, qui participe chaque année aux opérations de pacification de l’Atlas.

C’est désormais, pour lui, la vie rêvée de nomade, dans les camps et sous la tente. Elle convient parfaitement à son tempérament d’aventurier.

De mai à Octobre 1930, il dirige une opération dans le Moyen Atlas, à l’Oued El-Abid et livre le combat de Maokaïn, où il disperse une forte Harka de montagnards.

Cet exploit lui vaut le galon de Colonel.

En 1931, le groupe mobile de Meknès attaque le Grand Atlas. Richert fait figure de Commandant de Colonne.

Képi Blanc

Avant 1914, notamment à la première époque de Lyotay, dans le Sud Orannais, puis au Maroc, époque où le Général Richert a fait ses premières armes, la tenue de combat du Légionnaire comportait le Képi (bleu ou rouge, avec un couvre nuque blanc). Il devint kaki en 1917 et se portait déployé ou roulé derrière la nuque, pour se protéger du soleil africain.

L’usage de porter ce protège nuque commençait à se perdre dans les garnisons. En tenue de service, ou en sortie, on ne le portait plus guère qu’enroulé.

Le 30 avril 193l, à Sidi-Bel-Abès, à l’occasion der la traditionnelle célébration de Camerone, où se sont déroulées, en même temps, les fêtes du centenaire de la Légion et de la conquête de l’Algérie. Au cours du brillant défilé, qui marqua ces mémorables évènements, les premier et quatrième Régiments Étrangers étaient en Képi rouge.

Par contre, ce que l’on sait beaucoup moins, c’est qu’à cette même occasion, le képi blanc, « sans couvre nuque » a fait sa première apparition officielle, dans la tenue du Légionnaire.

Le Général Richert avait été invité, avec son Régiment, le deuxième Étranger, alors en garnison à Meknès. Comme du reste tous les régiments de la Légion, à participer à cette double commémoration,. Ce d’autant plus que ses légionnaires s’étaient particulièrement distingués lors des durs combats de pacification du Haut-Atlas.

C’est alors que Richert a eu une idée, pour le défilé : Afin de mieux démarquer son Régiment des autres, il a demandé à tous ses hommes, de porter, par dessus le Képi, une housse blanche soigneusement immaculée.

Le deuxième étranger fut particulièrement remarqué et très applaudi. A la réception qui suivit, cela valut à notre Colonel les félicitations particulières du Général Franchet-Desperey.

Ce ne fut ni la première, ni la dernière des mille extravagances, plaisanteries, incartades et autres exploits à la hussarde, accomplies par notre fougueux Général Sundgauvien. Ce qui ne lui valut pas que des compliments, au cours de sa carrière. Toujours est il que depuis lors le Képi Blanc a été officiellement adopté par l’ensemble des régiments de la Légion.

1932 est l’année des attaques sanglantes qui valent au Colonel Richert la brillante citation suivante :

« Comme commandant du groupe, a pris le premier mai 1932, une part décisive dans l’opération de forcement des cluses de Targount, obligeant à Laggouach, par une mesure hardie, un groupement der dissidents menaçants, à mettre bas les armes. Le 13 juillet, à An-efgou, a atteint tous les objectifs, malgré de grandes difficultés de terrain et par une habile intervention a dégagé un convoi aux prises avec les dissidents. En septembre, après avoir préparé avec une inlassable ténacité la progression de son groupement, s’est emparé, de haute lutte, le cinq et le sept du Tazigzeout. S’y est maintenu malgré les contre attaques et a exploité son succès avec autant de sens tactique que d’énergie, jusqu’à la capitulation complète de son adversaire. A obtenu ce brillant succès grâce à l’ardeur et à l’esprit de sacrifice qu’il a su comme chef de corps du 2e Régiment Étranger, inspirer à ses Bataillons ».

1933 c’est l’achèvement de la pacification, du Grand Atlas. Le Colonel Richert y- prend part et après les combats de Tanrecht et du Tanghart, pénètre avec son groupement dans la Haute vallée de l’Asil Melloul à 2500 mètres d’altitude. A la suite des combats de Djebel Hamdou et de L’Ouksersar, les derniers dissidents capitulent.

Richert reçoit la cravate de Commandeur de la Légion d’Honneur. C’est la fin de son épopée marocaine.

En juillet 1934, il est affecté à la subdivision d’Épinal. On lui a donné à comprendre qu’un séjour dans la métropole s’imposait, en vue de l’attribution des premières étoiles. Il lui plaisait, il est vrai de revenir en Europe, alors que l’atmosphère était déjà chargée d’électricité à la veille du plébiscite de la Sarre, en janvier 1935.

A peine arrivé, il prend part aux manœuvres du Corps d’Armée, et inspecte la ligne Maginot, dont il doit commander le secteur de Bitche, en cas de mobilisation.

Il découvre, au cours de ses inspections, une armée française figée dans sa victoire de 1918 et n’ayant pas suivi, comme sa voisine d’en face, le rythme du progrès.

Au début de 1935, il reçoit le commandement de la Brigade Nord Africaine de Toul, qui effectue, chaque année, des travaux entre Puttelange et Saint-Avold, en prolongement de la ligne Maginot.

Il critique ouvertement et vertement l’insuffisance de notre protection de la zone Nord par où il est indubitable que passeront à nouveau les allemands, ce qui n’est pas pour plaire au grand État Major.

Mars 1936 le voit parvenir au grade de Général de Brigade et à cet instant il songe d’aller offrir ses services à Tchank-Kaï-Tcheck, quant une affectation nouvelle, au Maroc, en juillet l936, le décide à ne pas abandonner la carrière militaire.

Il arrive au Sultanat pour remplacer, au pied levé, le Commandant de la Région de Fez, poste qui n’est pas de tout repos.

Il doit d’abord faire face aux nationalistes marocains, qui demandent une plus grande autonomie administrative. Il lui faut remédier, également, à l’insuffisance de notre protection, le long de la zone Espagnole, en pleine effervescence depuis le déclenchement de la guerre civile en Espagne. Enfin il lui faut s’adapter aux initiatives nouvelles et pleines de hardiesse du nouveau résident général, monsieur Peyrouton.

Le Général Richert se montre à la hauteur de sa tâche, faisant face, avec sérénité à toutes les difficultés. Mais il a compté sans les remous de la Politique Française et, en octobre 1936,

Peyrouton sacrifié par le Front Populaire, doit céder sa place au Général Noguès, précisément en mauvais termes avec Richert, depuis des lustres.

Aussi, en avril 1937, Richert est il remplacé comme administrateur de la région de Fez et ne garde que le titre de Commandant des troupes.

C’est en cette qualité qu’il entreprend la drôle de guerre. En 1939 il mobilise et groupe à Oran la 8e Division Nord Africaine. Au moment où elle s’apprête à partir pour la Syrie, le Général est affecté à Bizerte, comme adjoint au Préfet Maritime.

Il commande les troupes de la région fortifiée de Bizerte et organise la défense de la côte contre les attaques éventuelles venant de la Libye.

En mai 1940, lors de l’entrée de l’Italie en guerre, le Général Noguès l’envoie à Béjà en Tunisie, avec ordre de former, avec les dépôts Algériens et Marocains, une nouvelle Division indigène.

A l’armistice, la Division en formation à Béjà est dissoute et Richert se voit confier le commandement de la 180e Division d’Infanterie, entre Sousse et la ligne de Mareth, couvrant la Tunisie face à la Libye.

Mais Richert n’accepte pas l’armistice et la défaite momentanée de la France.

Il entretient ses troupes dans d’excellentes conditions physiques, prévoyant le moment où elles se heurteront aux Italiens de Tripolitaine et de Libye.

Il trouve en Monsieur Peyrouton, alors résident général à Tunis, un homme compréhensif, qui n’envisage pas la victoire Nazie. Mais se heurte au Vichyssois Général Noguès qui intrigue et le fait mettre à la retraite, par dépêche, sans qu’on lui octroie, comme il est d’usage, sa troisième étoile dans le cadre de la réserve.

Richert retourne alors à Fez et s’adonne à la résistance. Sur sa route il s’arrête à Alger, y voit ses amis et connaissances et les persuade de l’impossibilité de l’Allemagne de gagner la guerre et par voie de conséquence il les engage à se préparer à la lutte.

En août 1940, il entre en contact – déjà – avec les officiers jetés sur la côte, non loin d’Agadir, pour tenter un soulèvement au Maroc.

Richert s’engage à mettre éventuellement ses qualités de chef, à la tête d’un mouvement visant à rallier le Maroc aux Forces Françaises libres.

A cet effet il consent à rencontrer le Général De Gaulle à Gibraltar et fait aménager secrètement aux environs de Sefroy, un terrain d’aviation auxiliaire où doit atterrir un avion Britannique, à une date fixée à l’avance et qui l’emmènerait en Angleterre.

Sur ces entrefaites il apprend la mort de son frère à Reppe et revient en France, pour régler, avec ses neveux ses affaires de famille.

Il en profite pour parcourir le pays et prendre contact avec des organisations de Résistance, principalement à Toulouse, Tarbes, Marseille, Avignon, Montélimar, Lyon et Vichy où un bref séjour lui permet de constater que nombre d’officiers de l’entourage du Maréchal jouent double jeu.

En novembre 40, de retour au Maroc, il apprend non sans surprise, que des officiers gaullistes, débarqués au Maroc, ont été appréhendés. Il ne peut plus, dès lors, être question d’une entrevue avec De Gaulle.

Il se décide alors à quitter le Maroc pour l’Angleterre, lorsqu’il rencontre, à Casablanca, des agents consulaires américains, qui lui conseillent vivement de rester en Afrique du Nord, où sa précieuse présence peut être plus utile qu’ailleurs.

Pendant l’hiver 1940-41, il prépare le débarquement américain et travaille, dans ce but, de concert avec les agents américains.

Cette activité n’est pas sans éveiller les soupçons des chefs locaux de la Légion des Combattants. Organisme à la dévotion de Pétain, dont elle est la création. Il est de leur part l’objet d’une continuelle surveillance.

Alsacien de vieille souche, il s’occupe tout naturellement des réfugiés Alsaciens –Lorrains particulièrement nombreux. Les groupe en Associations. Crée pour eux un foyer à Fez et les embrigade dans des formations de combat, en vue de la libération du Maroc.

Il leur assigne plus spécialement comme tâche, en cas de débarquement allié, la neutralisation de la Légion et surtout des S.O.L. fanatisés.

A Casablanca il monte aussi une dizaine de groupes, dont il assure personnellement la liaison avec l’ensemble du réseau du Maroc.

En 1941, le voici de nouveau en France où il continue à maintenir le contact avec les Alsaciens-Lorrains et à raviver en eux l’espoir d’une victoire de la cause alliée, malgré les triomphes momentanés du Nazisme.

Revenu au Maroc, il fonde, à Casablanca, Fez et Meknès des comités de notables résistants, sans distinction d'opinion politique

Mars 1942 le trouve à Tunis, où il s’informe de l’attitude des autorités françaises en cas de débarquement allié à Alger. Au retour il revoit le groupement l’Alsaciens-Lorrains, les agents consulaires américains et de nombreux officiers qui, en sous main travaillent pour la cause des alliés.

Rentré au Maroc, après son voyage de prospection en Afrique du Nord, il travaille à fédérer tous les groupements existants et à rallier à sa cause quelques Régiments, Tabord et Goums, dont il connaissait les sentiments des chefs. Il adressa alors, aux Anglos-Saxons un rapport où il met en lumière l’importance et l’urgence d’un débarquement en Afrique du Nord, et où il recommande tout spécialement l’occupation de Bizerte, dès la première heure de la tentative des alliés.

Quinze jours avant le débarquement il rédige, à la demande du conseiller Murphy, avec plusieurs membres du Comité de Casablanca, les dernières recommandations à ;l’adresse de L’État Major des troupes de débarquement.

Le 9 novembre 1942, sur ordre du Résident Général, il est arrêté et gardé à vue à son domicile par deux inspecteurs Libéré dans la nuit du 10 au 11 novembre, il est arrêté à nouveau alors qu’il s’apprêtait, sur recommandation de Londres, à déposer une gerbe au monument aux morts.

Finalement le Général Noguez, qui a contrarié en tous temps l’action de la Résistance, demeure à son poste auprès des alliés, tandis que le Général Richert est mis à l’écart. Bel exemple de justice humaine.

Richert est nommé juge suppléant au Tribunal d’Armée, ce qui l’oblige à de fréquents déplacements à Alger et lui permet d’entrer en relations avec l’entourage du Général De Gaulle. De fréquenter les principaux personnage de l’époque qui composaient le gouvernement provisoire de la France libre. Les généraux De Gaulle, Giraud. L’amiral Darlan et quantités d’autres proconsuls de l’époque.

Voyant toutes les intrigues qui se nouent et les procès que se livre la Camerilla, dans l’entourage de De Gaulle, il décide d’abandonner définitivement l’armée.

En 1945 il retourne au Maroc, à Fez et entre au Conseil d’Administration de plusieurs grosses affaires industrielles. Il fonde et dirige durant deux ans, de 1948 à 1950 un Quotidien : Le courrier du Maroc.

La politique d’amitié franco Marocaine ne plait ni aux autorités du protectorat, ni aux gros colons.

Le Général Richert sera notamment un des signataires de la fameuse lettre des 75 adressée au Président de la République pour protester contre la politique de répression pratiquée au Maroc par les autorités Françaises, pendant l’exil du sultan Mohamed V.

La situation politique et économique s’étant détériorée après les années 1950-60, il liquide ses affaires en 1964 et quitte définitivement sa résidence de Fez, où il jouissait pourtant de l’amitié et de la considération générale, dans tous les milieux marocains.

Durant toutes ces années il a fait nombre de voyages en France, en Allemagne et jusqu’en Amérique où il était invité à donner des conférences.

Il venait chaque année en Alsace, dans sa famille à Reppe, Saint-Ulrich et Strueth.

Sur le tard de sa vie il est venu retrouver ses racines, dans son Sundgau natal. Il est toujours resté attache viscéralement à son village de Saint-Ulrich. Il aimait évoquer, dans le savoureux dialecte de la Largue, qu’il n’a jamais renié, maints souvenirs de sa jeunesse.

Il avouait volontiers qu’il devait essentiellement sa bonne forme physique et son caractère entier à son ascendance paysanne du Sundgau. Ce faisant il s’est toujours souvenu du sage conseil de Monsieur Michelet qui disait « L’important n’est pas de monter, mais en montant de rester soi.

C’était un grand svelte vieillard, qui est toujours resté très droit, jusqu’au seuil de sa mort. Il entretenait sa forme physique, pratiquait encore le vélo, nageait dans la Largue à 90 ans, même lorsque l’eau était trop froide pour les jeunes.

Il avait fait agrandir le cimetière de Saint-Ulrich, ce qui lui a permis, longtemps à l’avance, de faire construire son propre caveau, dans lequel il a fait transférer ; les restes de ses aïeux.

Le 28 aout , 1966, jour de son 87e anniversaire, au cours d’une réception à la mairie de Saint Ulrich, le maire de l’époque, Monsieur Schindler Auguste étant un de ses parents, il avait été fait citoyen d’honneur de la localité.

Il ne s’est jamais marié, ce qui ne l’a pas empêché, bel homme qu’il était, de faire des ravages auprès de la gent féminine de la bourgeoisie et de l’aristocratie des pays de l’Est.

Notamment pendant sa période d’agent secret. Il a recueilli maintes confidences secrètes sur l’oreiller.

Chaque année il a convié toutes les vieilles personnes des quatre villages formant la paroisse de Mertzen, à un repas gastronomique, où le champagne « De la Légion » coulait à flots.

Il a passé les dernières années de sa vie comme pensionnaire à la maison de retraite de Dannemarie où il est décédé le 17 janvier 1975, à l’âge de 96 ans.

L’enterrement du grand homme a été plus que discret. L’administration avait délégué un mince peloton militaire pour lui présenter les derniers honneurs.

La municipalité de Saint-Ulrich a réparé cette injustice. Le samedi 19 mai 1984, lors de l’inauguration de sa salle des fêtes, construite par la vaillante équipe des Sapeurs Pompiers locaux. Elle a été dédiée très officiellement, en hommage posthume au Général de Brigade Xavier Auguste RICHERT, grand Officier de la Légion d’Honneur, illustre Légionnaire et enfant du village.

Il était 15 heures lorsque Madame Charles Richert, épouse de l’ainé des neveux du Général disparu, a dévoilé la plaque commémorative de la salle Auguste Richert, en présence de Monsieur le Sénateur Goetschy Président du Conseil Général du Haut-Rhin, De Monsieur le Sénateur Chiele, de Monsieur Belin sous préfet d’Altkirch, Monsieur Weisenhorn député de la circonscription, Messeurs Wqith, Klemm et Reitzer conseillers Généraux, ainsi que des maires et de nombreuses autres personnalités du canton et de l’arrondissement.

A la place d’honneur trône le buste en bronze du grand homme. Il l’avait fait sculpter de son vivant.

A la salle de la mairie, un tableau le montre à cheval sur le front de ses troupes. Il veille sur les débats du Conseil Municipal.

Sa saga est consignée dans le livre d’or de la Légion. Il a fait don de son uniforme de gala et de son sabre d’apparat au musée sundgauvien d’Altkirch.

20161020 - Revue Historiques des Armées n°268 : Insurrection, contre-insurrection

20161019 - Les Fourragères

20161011 - Racontez-nous sommairement le combat de Camaron.

1892 - Manuel patriotique du citoyen et du soldat.

 

1. — DO. Racontez-nous sommairement le combat de Camaron. A quelle époque a-t-il eu lieu et dans quelles partie du monde ce fait d'armes s'est-il passé?

DR. Le combat de Camaron s'est livré au Mexique (Amérique du Nord) le 30 avril 1863.
C'est un des faits d'armes les plus héroïques de ce siècle. Une compagnie de la légion d'un faible effectif (3 officiers et 62 hommes presque tous Français) fut chargée de reconnaître la route que devait suivre un grand convoi se rendant de Soledad A Puebla.

Ce convoi comprenait des pièces de siège, des voitures du Trésor contenant plusieurs millions de francs, une grande quantité de vivres, etc.

Au cours de cette reconnaissance, cette compagnie fut attaquée par 2,000 Mexicains. Obligée de se retirer sur Camaron, pauvre petit village indien, elle s'y établit dans une maison qui tombait en ruine, la seule qui restât encore debout.

C'est dans cette maison eu ruines que ces 62 soldats, commandés par le capitaine Danjou, ont, sous un soleil de plomb, mourant de soif, asphyxiés par la fumée, tenu tête pendant dix heures à 2,000 Mexicains, à qui ils refusèrent do se rendre, et ceux-ci n'ont pu venir à bout de leurs adversaires qu'en incendiant la bicoque, après les avoir mis tous hors de combat et avoir laissé plus de 300 des leurs sur le terrain.

Honneur A ces vaillants soldats qui, par leur résistance acharnée, sauvèrent non seulement le convoi qui, prévenu à temps de ce qui se passait à Camaron, put rétrograder, mais firent mieux encore, car ils sauvèrent l'honneur du drapeau et préférèrent mourir tous jusqu'au dernier plutôt que de se rendre.
.
2. — DO. Quelles réflexions vous inspire le combat de Camaron et qu'y voyez-vous de particulièrement remarquable faisant honneur à ces héroïques soldats ?

DR,. Nous remarquons que les soldats français avaient pour ennemis les Mexicains, gens civilisés, qui pas plus que nous ne maltraitaient leurs prisonniers ; que ces braves gens le savaient, et que, malgré cela, ils préférèrent mourir jusqu'au dernier plutôt que de se rendre.

Développement du combat de Camaron.

Le combat do Camaron est un des faits d'armes les plus héroïques de notre siècle. Le 30 avril 1863, une-compagnie de la légion étrangère d'un faible effectif (3 officiers et 62 hommes presque tous Français,) commandée par le capitaine Danjou, secondé par les sous-lieutenants Maudet et Vilain, reçut l'ordre d'aller reconnaître la route que devait suivre un grand convoi, allant de Soledad à Puebla, dont l'armée française avait entrepris le deuxième siège. Le convoi comprenait des pièces de siège, des voitures du Trésor contenant plusieurs millions de francs, une grande quantité de vivres, etc.

Privés de cavalerie, les Français ne pouvaient pousser au loin leurs reconnaissances et ignoraient que, depuis plusieurs jours, un parti de troupes ennemies, fort de 1,200 fantassins et de 800 cavaliers, était venu s'établir-dans le voisinage do la route que devait suivre le
convoi.

En revanche, les Mexicains, possédant une nombreuse cavalerie, étaient au courant de nos moindres mouvements.

Prévenus de la formation et du départ du convoi, ils comptaient bien s'en emparer, le sachant faiblement escorté ; mais voici ce qui se passa : Vers 1 heure du matin, le capitaine Danjou quitte le campement de l.a Chiquique où se trouvait une partie de la légion étrangère; à l'aube elle traversait Camaron, pauvre petit village Indien ruiné. Après une reconnaissance sommaire des maisons du village, la petite troupe reprit sa marche en avant. Vers 7 heures du matin, n'ayant trouvé aucune trace do l'ennemi, la compagnie se rassemblait à Palo-Verde. Le soleil était déjà très chaud. Le capitaine fit faire halte, placer des sentinelles et l'on prépara le café. Trois quarts d'heure après, au moment où l'on jetait le café dans les marmites, les sentinelles signalèrent un nuage de poussière sur la route qui venait d'être suivie par la compagnie, dans la direction de Camaron. Tout à coup, dans une éclaircie de broussailles, les sentinelles aperçurent distinctement les larges chapeaux des Mexicains. « Aux armes ! » Le cri réveille tous ceux qui reposaient A l'ombre, les marmites sont renversées et; quelques minutes après, la compagnie était prête au combat.

Vers 8 heures du matin, elle se trouva cernée par une nombreuse cavalerie; elle dut se former en carré, repoussa deux charges successives de l'ennemi menées avec beaucoup d'entrain et parvint à se faire jour jusqu'au village de Camaron, dans une des maisons duquel elle se fortifia, résolue à mourir plutôt que de se rendre.

A 9 h. 1/2 du matin, avant d'entreprendre 1'altaque de cette maison, l'ennemi, confiant dans son nombre, somma d'abord le capitaine Danjou de se rendre. Il fut remercié en termes qui ne laissèrent aucun doute sur la détermination de nos vaillants soldats, et le feu commença partout à la fois.
Le capitaine Danjou, déjà blessé grièvement en Crimée, amputé d'une main, portait une main articulée. Calme, intrépide, il allait partout, animait tout le monde. L'ennemi grossissait à chaque instant. Déjà, vers 11 heures, on n'espérait plus le succès ; mais le capitaine Danjou fil promettre à ses hommes de se défendre jusqu'à la dernière extrémité. Tous le promirent. Peu après, il tombait percé d'une balle et mourait sans avoir proféré une parole.

Le sous-lieutenant Vilain prit le commandement.


On avait eu A lutter jusqu'à ce moment contre 500 cavaliers et 350 guérilleros. Vers midi, on. entendit battre et sonner. Il y eut une lueur d'espérance parmi les défenseurs de Camaron; on crut un instant à l'arrivée du régiment sur le lieu du combat; c'étaient, au contraire, trois bataillons ennemis, forts de 300 ou 400 hommes chacun, qui venaient ajouter le poids de leurs armes dans cette lutte déjà trop inégale,

Vers 2 heures, au moment où le sous-lieutenant Vilain, mortellement frappé par une balle au front, venait d'être remplacé par le sous-lieutenant Maudet, une nouvelle sommation fut faite, mais elle fut accueillie comme la première.

L'ennemi eut alors recours à l'incendie pour réduire cette héroïque petite troupe, qui résista néanmoins jusqu'au soir. A ce moment, l'ennemi  livra un assaut général et parvint à s'emparer d'une partie des bâtiments occupés par les débris de la compagnie française.

C'est alors que le sous-lieutenant Maudet, voyant que de nouveaux efforts étaient inutiles, réunit les quelques hommes qui lui restaient encore et ordonna d'envoyer à l'ennemi la dernière balle, puis de se faire tuer en chargeant à la baïonnette.

Au moment où, A la tête de son monde, le brave Maudet sortait du hangar, le soldat Catteau, s'apercevant que tous les fusils étaient braqués sur son officier, se jette devant lui, lui fait un rempart do son corps et tombe foudroyé.

Maudet tombe lui-môme mortellement blessé de deux balles à la hanche.

Alors, l'ennemi se précipite et prend tout ce qui respire encore. L'heure fatale avait sonné, c'en était fait de la compagnie, mais elle avait tenu son serment de ne pas se rendre, et son héroïque résistance pouvait compter parmi les faits d'armes les plus glorieux qui aient jamais existé.

Telle est cette journée pendant laquelle une poignée de 62 soldats français, sans vivres, sans eau, par une chaleur torride, sous un soleil de plomb, asphyxiés par la fumée, résista pendant dix heures à 2,000 ennemis.

Leur sacrifice avait sauvé le convoi, car le commandant de l'escorte, averti A temps, avait pu s'arrêter et rétrograder sur Soledad.

Honneur à ces soldats héroïques qui combattirent jusqu'au dernier et sauvèrent non seulement le convoi, mais plus encore, l'honneur du drapeau, en préférant mourir plutôt que do se rendre. Ils vivront dans l'immortalité.

Le régiment étranger rendu les derniers devoirs aux braves qui avaient succombé dans cette lutte inégale. Sur le tombeau fut placée une modeste croix de bois portant celle inscription : « A la mémoire de MM. Danjou, Vilain et Maudet et de la 3e compagnie du 1er bataillon de la légion étrangère, qui ont succombé le 30 avril 1863 après dix heures de lutte contre 2,000 Mexicains. » Et toutes les fois qu'une troupe traversait Camaron, elle faisait face à la tombe et présentait les armes et l'on sentait revivre l'âme de ces quelques héros entre ces murs où ils avaient trouvé une mort si glorieuse.

20161007 - Le régiment étranger dans la guerre de 1870 - 1871

20161007 - Collection Témoignages volume 2

20161007 - Camerone et l’Aigle du Régiment Etranger

20160930 - La Légion étrangère dans la guerre d’Algérie, 1954-1962

https://www.cairn.info/

 

Lors du déclenchement de l’insurrection en Algérie, plus de la moitié des effectifs de la Légion sont encore présents en Indochine, et le Dépôt commun des régiments étrangers doit panser les blessures de Diên Biên Phu avant même de prendre en compte les opérations dites de maintien de l’ordre. Le rapatriement d’Extrême-Orient des régiments achevé, un nouveau défi doit être relevé avec le regroupement des régiments implantés tant au Maroc qu’en Tunisie. Le commandement assure la transition aux moindres frais en raison des nombreux problèmes soulevés par le recrutement, l’instruction et l’emploi d’une troupe usée, fatiguée et qui doit être renouvelée au plus vite. En effet, les stigmates de l’Indochine ont creusé les rangs des régiments éprouvés par huit années de combats incessants et meurtriers. Les pertes — les plus élevées du corps expéditionnaire en Extrême-Orient — à elles seules expriment l’ampleur de l’épreuve : 37,2 % des effectifs engagés entre 1945 et 1954, soit 27 098 hommes sur 72 833. Toutefois, la tâche n’est pas de tout repos. Les séquelles de la guerre — notoirement les désertions en augmentation sensible, le renouvellement du recrutement — vont peser dans les premières mesures adoptées pour redresser la situation jugée préoccupante. Déjà, en septembre 1954, le colonel commandant le Groupement autonome de la Légion étrangère, le gale, au terme d’une dernière inspection en Indochine, s’était ouvert au général Ely, récemment nommé commandant en chef et commissaire général en Indochine. Il mettait en relief la nécessité de reprendre en main la troupe en fixant « l’objectif des chefs de corps (de Légion) de conserver au plus haut degré possible la cohésion, la discipline, l’instruction de leurs régiments, en prévoyant loin » [1][1] Archives de la Légion étrangère (ale). Note du colonel....

Le regroupement en terre africaine

2

Dans les premiers mois du conflit, le seul régiment implanté en Algérie, le premier régiment étranger d’infanterie (1er rei), est en mesure de lever un bataillon de marche aussitôt dirigé sur l’Ouarsenis pour la première mission de maintien de l’ordre. Les effectifs sont en partie réalisés par prélèvements dans les compagnies de passage de la « Maison Mère », les pelotons d’élèves gradés et les compagnies d’instruction de Saïda, de Mascara, du Kreider, Bedeau et Méchéria. Le repli et le regroupement des régiments encore implantés en Indochine et au Maroc s’effectuent en deux temps, compte tenu de l’évolution de la situation générale en Afrique du Nord. Les troubles en Tunisie comme au Maroc conduisent le commandement à opérer dans l’urgence des changements d’implantations des unités.

3

La première phase touche les corps de Légion concernés par l’application des accords de Genève qui doivent évacuer le Tonkin d’abord, l’Annam ensuite, la Cochinchine enfin. La libération des prisonniers du camp retranché de Diên Biên Phu permet un premier regroupement des unités. C’est ainsi que, dès le 15 décembre 1954, un premier contingent, le 3e régiment étranger d’infanterie (3e rei), très éprouvé, diminué et affecté par une vague de désertions lors de la traversée de la mer Rouge et du canal de Suez, débarque à Alger. Les quatre bataillons sont aussitôt dirigés sur Djidjelli et Sétif avant d’être engagés dans la région d’Arris. C’est au tour du 2e régiment étranger d’infanterie (2e rei) de rejoindre Bizerte, le 23 février 1955, mais il est destiné à opérer au Maroc jusqu’à l’accession à l’indépendance du protectorat. Dès juin 1956, les légionnaires du 2 « pitonnent » en Petite Kabylie. Le 1er bataillon étranger parachutiste (1er bep) quant à lui débarque à Mers-el-Kébir le 25 mars 1955 : regroupé dans le Sud constantinois, après avoir reçu des renforts, il est transformé en régiment le 1er septembre suivant. Les retours se succèdent au cours de l’année. Le 2e bataillon étranger parachutiste (2e bep) — débarqué dans l’ouest algérien le 18 novembre — suit les traces du 1er bep quelques jours plus tard ; il est également transformé en corps régimentaire. La 13e demi-brigade de Légion étrangère (13e dble) rejoint l’Afrique du Nord entre juin et juillet 1955 avant d’être dépêchée dans le Constantinois pour participer au rétablissement de l’ordre après les massacres de Philippeville et d’El-Halia des 20 et 21 août. En novembre 1955, les légionnaires du 1er régiment étranger de cavalerie retrouvent leur ancienne garnison de Sousse abandonnée depuis 1939. Le retour du régiment du Tonkin, le 5e régiment étranger d’infanterie (5e rei), s’échelonne de février à avril 1956, alors que la guerre s’est installée dans l’ensemble du territoire algérien, plus particulièrement dans l’est.

4

La deuxième et ultime phase de regroupement des unités de la Légion étrangère qui retrouvent leur terre d’élection s’effectue entre octobre 1956 et mars 1957, avec le repli du 2e régiment étranger de cavalerie (2e rec) et du 4e régiment étranger d’infanterie (4e rei), le régiment du Maroc qui abandonne définitivement les garnisons réparties entre Agadir et Midelt au sud, et Meknès et Fès au nord pour le secteur de Tebessa. Désormais, la Légion peut aligner en Algérie une dizaine de régiments et trois compagnies sahariennes portées de légion (cspl) au Sahara, réparties entre Aïn-Sefra (1re cspl), Laghouat (2e cspl) et Sebha au Fezzan (3e cspl).

Une transition délicate (1955-1957)

5

Le retour et le redéploiement en Algérie se font dans un climat tendu. Tous les régiments sans exception, touchés par une baisse sensible du moral relevée par les chefs de corps, ont dû faire face à plusieurs vagues de désertions, tant lors des retours d’Indochine par voie maritime qu’au Maroc et en Algérie. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre le 1er novembre 1954 et le 27 janvier 1956, le nombre des déserteurs en fuite s’élève à 653, soit 35 par mois et 3 pour mille contre 2,2 pour mille dans les troupes nord-africaines. La situation est plus particulièrement préoccupante au 3e rei [2][2] ale, « Journal de marche et opérations du 3e rei »,.... Les régiments encore au Maroc, les 2e et 4e rei ainsi que le 2e rec, sont sérieusement affectés avec 42 désertions par mois en 1955 : l’usure comme la lassitude de la troupe sont relevées dans des rapports alarmistes qui vont peser dans les décisions du commandement. Il faut agir vite, frapper fort afin de mobiliser des cadres parfois désabusés. Le redressement passe par des mesures d’urgence, mais aussi et surtout par une politique adaptée à la nouvelle donne.

6

Dans une note datée du 28 mars 1956, le colonel Lennuyeux met en garde l’état-major sur l’emploi des légionnaires qu’il juge abusif. Il lance un avertissement en s’appuyant sur les renseignements recueillis par le service d’immatriculation de la Légion (sil) et le bureau des statistiques de la Légion étrangère (bsle) : « Nous ne devons pas nous leurrer sur les sentiments du légionnaire à notre égard. Qu’on le veuille ou non, le prestige de la France est ébranlé, et il est plus difficile qu’autrefois de faire sonner les grands mots d’honneur et de fidélité dans le cœur de soldats déçus qui ont tendance à se considérer comme des mercenaires véritablement exploités. La propagande rebelle ne se fait d’ailleurs pas faute de le souligner » [3][3] Service historique de la Défense Terre (shdt), 1H 1348,.... Cependant, il y a lieu, pour évaluer avec plus de précision la crise qui affecte la Légion et mesurer l’impact réel de la désertion dans les unités, de distinguer les désertions avec ou sans emport d’armes et de munitions des désertions au cours de l’instruction, traditionnellement plus nombreuses.

7

Il est vrai que le légionnaire sait que les sanctions sont légères : la plupart des peines avec sursis ne sont pas ou peu dissuasives. En effet, l’instruction ministérielle du 26 avril 1934 qui fixe le délai de repentir du militaire pour rejoindre son unité en fonction de sa situation autorise une interprétation libérale du texte. L’article 408 du code de justice militaire portant sur la désertion à bande armée prévoit la réclusion criminelle à temps de dix à vingt ans. La réclusion à perpétuité est requise si le complot est avéré. C’est le cas d’un engagé volontaire allemand de vingt et un ans qui déserte pendant l’instruction et qui est repris deux mois plus tard lors d’un accrochage avec une bande armée. Après huit mois de préventive, le tribunal militaire le condamne à deux ans de prison avec sursis, et le commandement de la Légion étrangère résilie son contrat, probablement par suite d’une intervention extérieure [4][4] SHDT, 7T 29, Inspection technique de la Légion étrangère.... Si 950 légionnaires ont déserté entre le 1er novembre 1954 et le 30 novembre 1956, seulement 39 d’entre eux sont partis en emportant leurs armes. Car le légionnaire cherche avant tout à rejoindre son pays, déçu par l’instruction ou las d’une guerre qui n’est pas la sienne, mais rarement gagné par la propagande du Front de libération nationale (fln) [5][5] Tramor Quemeneur, Une guerre sans nom ? Insoumissions,.... D’après le bureau des statistiques de la Légion étrangère (bsle), près de 7 % des déserteurs auraient rejoint les rangs du fln [6][6] Commandement supérieur des forces armées en Algérie,.... En revanche, les défaillances de sous-officiers sont exceptionnelles. Faut-il rappeler que ce corps occupe une place centrale dans la Légion ? Il assure et assume la cohésion au sein des unités. Le réseau de désertion mis en place à Tétouan par un Allemand, candidat malheureux à l’engagement et refoulé par le poste de recrutement de Landau le 2 février 1951, bénéficie de la bienveillance des autorités marocaines. Cette organisation qui bénéficie du soutien logistique du fln favorise les désertions plus particulièrement grâce à une propagande efficace. De plus, Si Mustapha, alias Winfried Müller, met en place un service de rapatriement qui inquiète les autorités françaises [7][7] SHDT, 7T 29, Inspection technique de la Légion étrangère....

8

La riposte ne se fait pas attendre. Malgré les difficultés du recrutement depuis 1954, le commandement décide de renforcer le dispositif de filtrage et de procéder à la radiation des engagés volontaires fichés selon la « cotation du degré de nocivité », dite « ods ». Le fichage permet de prévenir certaines désertions par un contrôle renforcé des candidats à l’engagement dont le passé est jugé compromettant ou dangereux pour la Légion [8][8] Tramor Quemeneur, op. cit., p. 136. « Copie d’une étude.... Alors même que les attaques contre la Légion redoublent d’intensité en République fédérale d’Allemagne — les campagnes de presse se succèdent, relayées par les initiatives au Bundestag de certains parlementaires sociaux-démocrates et des pressions exercées au sein du gouvernement Adenauer, embarrassé depuis le rapprochement avec la France dans le cadre de la politique européenne et de la coopération scientifique dans le domaine nucléaire avec l’accord de Colomb-Bechar du 12 mars 1956 [9][9] Bougherara Nassima, « Les rapports franco-allemands... —, la source de recrutement germanique, Allemands et Autrichiens, ne se tarit pas : plus de 40 % des candidats en 1957 dont la moyenne d’âge est inférieure à vingt et un ans [10][10] Jean-Paul Cahn, « La République fédérale d’Allemagne....

Répondant au vœu du commandement, comme un démenti des prévisions pessimistes de certains officiers, la Légion retrouve sa physionomie de l’après Seconde Guerre mondiale avec une proportion élevée d’Allemands, 50 % au plus fort de la guerre d’Algérie [11][11] SHDT 1H1348, dossier 8, 1er régiment étranger, bil.... Le rajeunissement de la troupe constitue un atout dans le type de guerre qui impose une préparation physique intense. Aussi, la durée de l’instruction portée à vingt semaines permet une meilleure prise en main de l’engagé confronté à l’épreuve de la rupture et aux rites de passage et d’intégration au groupe. Le renforcement de la discipline assure une plus grande cohésion dans une troupe fragile et parfois instable, particulièrement rajeunie, soumise aux influences extérieures et aux appels à la désertion. Le redressement est assuré en grande partie par l’amélioration de l’encadrement, notamment en sous-officiers plus jeunes, afin de compenser le déficit en officiers (3 027 pour 2 907 théoriques). Les anciens, souvent atteints — et guéris ? — du syndrome indochinois, font bénéficier de leur longue expérience les jeunes recrues et les préparent au combat rapproché et au tir d’instinct. Les opérations de bouclage-ratissage qui tombent le plus souvent dans le vide leur font découvrir le terrain à défaut de l’ennemi qui se dérobe devant le déploiement des forces de l’ordre.

Mais les régiments de la Légion étrangère ne représentent, en août 1958, avec l’arrivée des derniers renforts en provenance de Tunisie et du Maroc, que 5 % des effectifs de l’armée de terre engagés dans les opérations dites de maintien de l’ordre [12][12] Alban Mahieu, « Les effectifs de l’armée française.... De quel poids peuvent-ils peser dans la conduite de la guerre ? L’expérience indochinoise des « vieux » soldats peut-elle servir aux nouveaux venus, cadres et jeunes engagés volontaires ? Le défi pour la Légion est à la mesure de l’enjeu dans une guerre qui implique toute l’armée française : unités constituées de soldats de métier, régiments d’appelés et de rappelés, corps de l’ancienne armée d’Afrique et de la Coloniale, forces supplétives enfin. À la fin de l’année 1957, un premier bilan peut être établi, qui permet de mesurer le chemin parcouru en trois ans. Depuis la dissolution du Dépôt commun de la Légion étrangère (dcle), le 1er juillet 1955, le 1er re est en charge de l’administration, de l’accueil des engagés volontaires ainsi que du triage et des opérations de filtrage jugées indispensables pour la sécurité, mais aussi de l’instruction et du perfectionnement des gradés comme de toutes les opérations de libération en tant qu’organe liquidateur. Le régiment, véritable école du légionnaire, du gradé et passage obligé de tout officier, malgré un effectif pléthorique de 4 443 hommes, n’est en mesure de fournir qu’un bataillon d’intervention de 330 hommes en soutien des forces du secteur. La réorganisation des régiments est pratiquement achevée à l’issue de ces deux années difficiles, mais ouvre la voie aux innovations tactiques attendues, tant à Alger que parmi les officiers impatients d’en découdre avec les moudjahidine de plus en plus entreprenants.

Le redressement : 1958-1960

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La réorganisation accompagnée du resserrement ne donne cependant pas entière satisfaction à tous les jeunes cadres. La décision prise au printemps de 1958, en pleine bataille des frontières, par le général Salan et qui concerne le redéploiement des régiments les plus engagés dans les opérations, est lourde de conséquences pour la Légion et le moral des légionnaires. Tous les régiments ne sont pas logés à la même enseigne. Aussi, de la répartition des missions dévolues aux unités dépend leur nouvelle organisation à l’origine de tensions perceptibles lors du passage des cadres à la « Maison Mère ».

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Les deux unités régimentaires de création récente se détachent du lot. Les 1er et 2e REP, avec l’abandon du modèle bataillonnaire de type Blizzard, devenus unités « interarmées » avec un effectif théorique de 1 200 hommes, sont rattachés pour emploi à la 10e division parachutiste (10e dp) et à la 25e dp mises sur pied en juillet 1956. L’ordre très souple de l’état-major tactique — deux par régiment — constitué à partir de la compagnie de commandement (et des services), des quatre compagnies de combat, de la compagnie d’appui (mortiers et canons de 75 sans recul) et d’un escadron de reconnaissance, apporte une première réponse au problème posé par un adversaire mobile qui conserve l’initiative. Les paras légionnaires vont participer activement aux grandes opérations et ravir la vedette aux autres régiments moins bien traités par le haut commandement. De plus, exception dans la Légion pendant le conflit, le 1er rep fait l’expérience de la guerre urbaine au sein de la 10e dp lors de la bataille d’Alger de janvier à mars, et entre août et octobre 1957. La recherche du renseignement devient prioritaire pour ces soldats peu préparés aux missions de police. Le lieutenant-colonel Jeanpierre exige de ses subordonnés autant d’efficacité que dans le djebel. Le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, détaché depuis peu à l’état-major de la 10e dp comme chargé des relations publiques, qui côtoie ses camarades soumis aux pressions de la hiérarchie, témoigne des doutes et du malaise s’installant parmi ceux contraints à des pratiques que les lois de la guerre réprouvent [13][13] Hélie Denoix de Saint-Marc, Mémoires. les champs de.... À la villa Sésini, pendant la première phase de la bataille de janvier à mars, le capitaine Faulques, officier de renseignement du régiment, pratique des interrogatoires renforcés et contrôlés, en application des instructions données par le commandement. Selon le commandant Ruat de la section P du système de renseignement, action, protection (rap) adopté le 2 août 1956 et mis en place à Alger au sein du centre de coordination interarmées, « l’interrogatoire pose souvent un cas de conscience plus ou moins aigu chez les gens appelés à le pratiquer » [14][14] SHDT, 1R338, note du commandant Ruat du cci/section P.... Les instructions précisent notamment la mission comme les objectifs du service de contre-espionnage qualifié d’opérationnel et ne poursuivant « aucun but judiciaire ». Avec l’arrestation de Yacef Saadi, le 24 septembre, et la mort d’Ali la Pointe, le 8 octobre, dans l’explosion de la cache de la casbah où il s’abritait, la publicité faite autour de cette dernière affaire rehausse le prestige de Jeanpierre et contribue à « distinguer » le 1er rep des autres régiments de la Légion.

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D’autres missions attendent les deux rep. L’aln lance dans la « bataille des frontières » des katibas bien équipées et mieux encadrées pour forcer les deux barrages, entre décembre 1957 et mai 1958. Les légionnaires du 2e rep, familiarisés avec un terrain difficile qui constitue leur zone d’activité de l’Est algérien — la presqu’île de Collo, de la région de Philippeville et des Aurès où les combattants de l’aln gardent l’initiative —, aguerris par des opérations nombreuses avec leurs camarades de la 25e dp, sont bien préparés à affronter un adversaire plus pugnace et plus déterminé que jamais, ce malgré un encadrement insuffisant : un tiers de jeunes sous-officiers chefs de section dont la moyenne d’âge n’atteint pas trente ans [15][15] ALE, 2e rep, « Journal de marche et opérations » (jmo),....

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Pendant six mois, de part et d’autre de la ligne Morice (frontière algéro-tunisienne) et de la ligne Pédron (frontière algéro-marocaine), outre les parachutistes, deux régiments de Légion, les 3e et 4e rei, en tant que forces de secteur, vont être engagés dans les opérations et tester leurs capacités d’adaptation à la nouvelle forme de guerre. Au plus fort de l’offensive entre avril et mai 1958, le 1er rep perd son chef, le lieutenant-colonel Jeanpierre, tué le 29 mai au cours de la manœuvre qu’il dirigeait à partir de son Alouette. Le bilan appelle un commentaire. Il témoigne de l’engagement des légionnaires, de la pugnacité de l’adversaire, mais aussi d’un style de commandement qui suscite des réserves parmi les officiers éprouvés par le rythme imposé par leur chef. À s’en tenir au seul ratio des pertes « amies/ennemies » et au rapport des forces sur le terrain, les pertes comptabilisées, le seul 1er rep perd au combat, au cours de l’année 1958, 116 tués et 260 blessés contre 1 297 combattants de l’aln, soit un ratio de 1/10, parfois de 3/10 lors des accrochages les plus violents [16][16] ALE, 1er rep, « Journal de marches et opérations »....

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Les efforts de l’Inspection technique de la Légion étrangère (itle) et de son chef, le général Gardy, dans le domaine de la sélection plus sévère des candidats à l’engagement et dans une instruction plus poussée, donnent des résultats attendus. Désormais, les engagés volontaires sont préparés au combat au cours de l’instruction par insertion dans les unités engagées dans les opérations des secteurs autour de Sidi-bel-Abbès. Le général Salan, gagné aux thèses de la « jeune armée », se résout enfin à une réorganisation des unités insuffisamment manœuvrières. Pour la Légion, le choix se porte, dans un premier temps, sur les 3e et 5e rei et la 13e dble, par l’abandon du modèle d’unité ted 107 (tableau d’effectifs et dotations) trop lourd. Restent sur la sellette les deux régiments d’infanterie portée, les 2e et 4e rei, transformés en groupements de compagnies portées pour répondre à la tactique retenue par Alger. Quant aux deux régiments de cavalerie, le 1er et le 2e rec, ils perçoivent un matériel moderne, les engins blindés de reconnaissance (ebr), plus adapté au théâtre d’opérations. Ces régiments de secteur et/ou affectés aux missions ingrates et peu glorieuses de la « herse » subissent des pertes relativement élevées eu égard à l’importance des engagements, et pâtissent du sort qui leur est fait au profit des unités des « réserves générales » mises sur pied en décembre 1958 par le nouveau commandant en chef, le général Challe, à son arrivée à Alger. L’esprit de corps de ces régiments souffre déjà du dédain parfois affiché par leurs camarades plus chanceux, oubliés dans une guerre défensive qui ne convient pas aux légionnaires dont l’orgueil souffre aussi d’une relative désaffection de l’inspection à leur égard [17][17] Le mauvais état du réseau routier et l’usure du matériel....

La reprise en main se traduit par une accalmie sur le front des désertions dont le taux diminue sensiblement : les défections touchent d’abord les jeunes engagés à l’instruction, rarement des légionnaires blanchis sous le harnais [18][18] Désertions pour l’ensemble de la Légion : deux pour.... Il faut relever la situation d’un régiment prestigieux qui a beaucoup donné en Indochine. Les rapports sur le moral aux commandants d’unité du 3e rei traduisent l’inquiétude des cadres devant l’état de délabrement de la troupe soumise à des sorties incessantes et éprouvantes et forcée de subir des conditions d’hébergement précaires. Les aumôniers comme les médecins tirent la sonnette d’alarme. Sans grands résultats [19][19] SHDT, 6T 574. Rapport du général Gardy pour 1959.. Malgré ces difficultés et ces tensions latentes, la troupe rajeunie, avec un encadrement renforcé à partir de 1958, notamment dans les rep avec 16,5 % et 17 % de sous-officiers et d’officiers, mieux commandée, peut affronter avec plus d’assurance un adversaire longtemps sous-estimé. Le temps des opérations de bouclage et ratissage du terrain des années 1955-1956 a laissé des traces : le moudjahid, perçu comme un simple rebelle capable de porter des coups par surprise mais prompt à se dérober et à éviter l’affrontement direct, laisse la place au combattant équipé et plus expérimenté.

Les opérations offensives lancées dans le cadre du plan Challe, destinées à asphyxier la résistance de l’intérieur après la fermeture des frontières, donnent l’occasion aux légionnaires de montrer leur savoir-faire dans le combat de contre-guérilla. Le nouveau commandant en chef innove et bouscule les habitudes prises dans les secteurs, sous-secteurs et quartiers depuis le début de la guerre, qui ont conduit aux blocages hérités du syndrome indochinois dénoncé par les officiers les plus dynamiques. Les réserves générales sont constituées autour des deux divisions parachutistes, de la 11e division d’infanterie et des différents commandos de chasse, de la marine et de l’air, renforcés par des troupes de secteur. Six des dix régiments de la Légion sont alternativement engagés dans les grandes opérations entre février 1959 et octobre 1960. Le 5e rei et le 2e rep sont de l’opération Couronne dans l’Ouarsenis en février 1959 pour neutraliser les zones refuges d’Oranie ; entre juillet et octobre, quatre des régiments — le 1er rep, les 3e et 5e rei ainsi que la 13e dble — participent à la grande opération Jumelles commandée directement par Challe qui entend détruire le potentiel militaire de la Wilaya 3 en Kabylie. De même dans le massif du Hodna, ces unités — exception faite de la 13e dble — poursuivent les katibas dans l’opération Étincelles. Entre-temps, Pierres précieuses, dans le Constantinois, permet, dès le 6 septembre, au 2e rep, plus tardivement aux 3e et 5e rei, de se distinguer jusqu’en août 1960. Sans aucun répit, les légionnaires, toujours sur la brèche, sont appelés dans les dernières offensives de la guerre : Courroie, Flammèche dans le sud autour de Djelfa et Biskra avec le 1er rep et le 2e rec en juin 1960, Trident enfin en octobre de la même année dans la région de Kenchela avec le 2e rep et les 3e et 5e rei. L’Atlas saharien n’est pas pour autant négligé. Déjà, en décembre 1957 et janvier 1958, le 1er rep avait été engagé au côté de la 4e cspl entre Touggourt et Laghouat. Les autres compagnies sahariennes remplissent les missions de surveillance des secteurs qui leur sont assignés, réussissant à accrocher et à neutraliser des éléments infiltrés ou de passage. En décembre 1960, la réduction des katibas dans les cinq wilayas autorise un ralentissement des interventions sur le terrain. Certaines unités, marquées par la fatigue et les pertes, attendent du commandement d’être relevées afin de permettre aux hommes de se préparer à de nouvelles missions. Comme toujours en pareil cas, les légionnaires doivent être entourés par leurs cadres : la rupture subite dans le rythme d’activité peut entraîner une crise du moral susceptible de mettre en péril la cohésion du corps.

La fin de la guerre : le tournant improbable (1961-1962)

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Le début de l’année 1961 est marqué par un incident au 1er rep, qui doit être analysé en prenant en compte la situation particulière du régiment au sein même de la Légion étrangère. Déjà impliqués en 1957 dans la guerre urbaine et les sales besognes après une première expérience de contact avec la foule algéroise lors de la journée des tomates, le 6 février 1956, les cadres et les hommes du rang ont dû participer au maintien de l’ordre lors de la semaine des barricades à la fin janvier de 1960. Alors que les autres unités, engagées dans la seule action militaire, n’ont que peu de contacts avec la population européenne des villes, le 1er rep a approché à plusieurs reprises ce milieu qui les porte aux nues depuis la bataille d’Alger, les journées de mai 1958 et les événements de janvier 1960. Leur chef, le lieutenant-colonel Dufour, avait joué un grand rôle dans la sortie de crise, en janvier 1960, en permettant aux derniers insurgés du réduit des facultés d’Alger de se rendre avec les honneurs militaires et de s’engager — pour les plus déterminés à en découdre avec l’aln — dans le commando « Alcazar » rattaché pour emploi au régiment. Au contact d’une population hostile à la politique d’autodétermination annoncée par le chef de l’État lors de son discours du 16 septembre 1959, gagnés par l’activisme de ses représentants officiels — la majorité des élus — ou officieux — les leaders des organisations créées pour la circonstance —, les cadres du régiment sont peu à peu gagnés aux thèses des partisans de la solution « la plus française » de la question algérienne [20][20] Le comité d’entente des mouvements nationaux, créé.... Les liens tissés avec les Algéroises et les Algérois depuis leur installation à Zéralda en 1955 vont peser dans la décision du chef de corps du 1er rep de désobéir à la suite de la décision du commandement de le muter en Allemagne, en raison de ses sympathies politiques. Il est, en effet, soupçonné de comploter contre le général de Gaulle dont l’enlèvement est prévu au cours de son voyage prévu du 9 au 13 décembre. En signe de protestation, entre le 6 et le 8 décembre, il disparaît avec le drapeau du régiment, refusant de participer à la prise d’armes de passation de commandement réglementaire au lieutenant-colonel Guiraud qui a été désigné pour lui succéder. Cette première manifestation publique de désaccord avec la politique du gouvernement n’est pas sans effet sur le moral de la troupe déjà gagnée par le doute sur les intentions du chef de l’État. Toutefois, l’équipée burlesque et quelque peu rocambolesque ne fait pas l’unanimité parmi ses camarades pour lesquels l’unité de la Légion doit être préservée, ce d’autant que les propos rassurants du général de Gaulle, le 9 décembre à Aïn-Témouchent, devant les officiers de Légion réunis autour du colonel Favreau, chef de corps du 5e rei, laissent encore quelque espoir d’une issue heureuse au conflit [21][21] Témoignage du général Louis Pichon, alors lieutenant-colonel.... Un mois plus tard, à la veille du référendum sur l’Algérie, un nouvel incident survient au régiment, éloigné de la capitale en signe d’apaisement pour opérer dans le Nord constantinois près de la ligne Morice. Le 7 janvier 1961, trois commandants de compagnie refusent de répondre à l’ordre d’opération pour le lendemain et restent au bivouac. À nouveau, le général Saint-Hillier — un ancien officier de la Légion qui a servi à la 13e dble — doit intervenir, temporiser avant que les sanctions ne tombent, alourdissant encore le climat au sein du régiment.

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L’irréparable survient dans la nuit du 21 au 22 avril, lorsque le commandant de Saint-Marc prend la décision de lancer les hommes dont il assure le commandement par intérim, en l’absence de Guiraud, alors en permission [22][22] Le témoignage du commandant de Saint-Marc suffit à.... La participation de la Légion étrangère à la révolte des généraux ne se limite pas au seul 1er rep auquel sont confiées des tâches de simple police (arrestation de généraux, notamment) et de défense des points sensibles ; elle va secouer la vénérable institution dans ses profondeurs et mettre en péril son unité. Le bloc est près de se fissurer. En effet, ces officiers de la Légion, et non des moindres, jouent un rôle central dans la préparation comme l’exécution du coup de force d’Alger. Des anciens du 1er rep bien sûr, tels Sergent, Godot, La Bigne, Ponsolle, Robin du groupe de commandos parachutistes, de La Chapelle, le général Gardy enfin, leur ancien inspecteur dont les liens avec la « Maison Mère » sont très forts. Le colonel Brothier — qui a commandé le 1er rep — à Sidi-bel-Abbès, approché par le général Gardy, tergiverse, mais ne cède pas. Toutefois, d’autres régiments sont prêts à basculer : le ralliement du 1er rec est sans conséquence ; celui du 2e rec n’implique que son chef de corps, le colonel de Coetgourden.

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Des défections aux 4e et 5e rei restent sans conséquences : le ralliement des unités est suspendu à l’évolution du mouvement. Les attentistes — ou légalistes — ont sans aucun doute réussi à éviter le pire : l’éclatement de la Légion. Pour les plus anciens, le souvenir de la « petite » guerre de Syrie entre juin et juillet 1941 est dans les mémoires : éviter l’affrontement entre frères d’armes, écarter la menace d’une politisation de la Légion. La tentation prétorienne rejetée par la majorité en dépit des solidarités et des sympathies reconnues pour la cause de l’Algérie française, la reprise en main de la troupe se fait dans la discrétion coutumière à la subdivision d’arme. La suite s’inscrit dans la logique de l’ordre militaire et des lois de la République. La dissolution du 1er rep ainsi que celle des trois autres unités en pointe du coup de force d’Alger, les 14e et 18e régiments de chasseurs parachutistes et le groupement des commandos de l’air, le 30 avril, jour anniversaire de Camerone, si elles suscitent une vive émotion parmi les cadres, ne donnent lieu à aucune manifestation particulière. L’heure est au recueillement. Les habitants de Zéralda, désemparés, à leur départ pour la dispersion dans différentes unités de la Légion, font une ultime haie d’honneur à ces étrangers engagés dans une aventure dont les enjeux les dépassent, pour une guerre qui n’est qu’indirectement la leur. Les cadres impliqués font l’objet de poursuites judiciaires ou de sanctions proportionnelles au degré de leur engagement. Cependant, quelques officiers, sous-officiers et légionnaires désertent et choisissent d’entrer dans la clandestinité au sein de l’organisation de l’armée secrète (oas). L’heure est grave pour l’institution menacée dans son existence même. L’ingérence politique de quelques-uns d’entre eux, 21 officiers directement impliqués, moins d’une cinquantaine au total sanctionnés sur plus de 620 officiers au tableau d’effectifs, soit une faible proportion, est manifeste mais aussitôt médiatisée. Les conséquences sont prévisibles, après la dissolution du 1er rep, malgré les attentes de certains milieux politiques et au sein même de l’armée. Certains veulent en finir avec les prétoriens et autres « mercenaires » incontrôlables constituant une menace pour le pays [23][23] Le chiffre avancé se fonde sur les archives de l’itle....

Le courroux du général de Gaulle est apaisé à l’issue de l’intervention du ministre des Armées qui fait appel à un officier « ancien » du 4e rei, le lieutenant-colonel Vadot, pour plaider la cause de la Légion étrangère [24][24] Témoignage réservé. Le lieutenant-colonel Vadot, convoqué.... La presse et certains milieux politiques se déchaînent contre la Légion, également mise en cause et critiquée dans certains milieux militaires en raison du maintien de son statut, alors même que l’armée d’Afrique comme les troupes coloniales ont subi les réformes engagées sous la 4e République [25][25] André-Paul Comor, « Pouvoir politique, haut commandement.... La menace de dissolution écartée, les sanctions tombent, mais la discipline est aussitôt rétablie. Pour autant, si les légionnaires repartent apparemment sans état d’âme, le cœur n’y est plus. La reprise des négociations engagées à Évian depuis avril 1961 avec les représentants du gouvernement provisoire de la République algérienne laisse augurer une fin prochaine et rapide des opérations offensives, un temps suspendues. Le moral est au plus bas ; les désertions, au plus bas depuis 1958, reprennent : l’inaction, l’absence de perspectives pour un légionnaire qui veut bouger et déteste rien plus que la caserne et les corvées expliquent bien des départs considérés comme des « ruptures unilatérales » de contrat. Le redéploiement des régiments en vue d’un regroupement dans le Sud algérien ne laisse que peu de choix au légionnaire en fin de contrat. Les accords d’Évian et le cessez-le-feu sonnent le glas de la présence française en Algérie, et par voie de conséquence celle de la Légion sur sa terre d’élection.

Conclusion

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Depuis la fin de 1961, les légionnaires s’attendent à vivre les heures douloureuses de l’abandon de leur ville, des quartiers qu’ils ont construits, de cette population qui les a — tardivement et difficilement — adoptés. C’est chose faite, au terme d’une présence ininterrompue pendant cent vingt-deux ans lorsque, le 25 octobre 1962, le dernier détachement du 1er rei quitte la ville après une dernière veillée aux flambeaux dans la cour du quartier Viénot. Ils respectent les dernières volontés de leur grand ancien, le capitaine de Borelli, en procédant à la destruction par le feu du fanion des Pavillons Noirs pris lors du siège de Tuyen Quang. L’essentiel est préservé : les mutations, déflations des effectifs et dissolutions d’unités n’ont pas entamé la détermination des officiers et des « vieux » sous-officiers attachés avant tout à l’institution. L’heure du bilan de la guerre a sonné. La Légion laisse en terre algérienne les tombes de 65 officiers, 278 sous-officiers et celles des 1 633 légionnaires tombés au cours des combats ou morts de leurs blessures. Ces pertes sont à comparer avec le total des tués de l’armée de terre, soit 20 494 pour un effectif moyen de 330 000 [26][26] Journal officiel de la République française, Assemblée.... Le pourcentage pour les régiments étrangers s’élève à 9,7 % avec un effectif moyen de 19 000. Au-delà des chiffres et des sacrifices consentis — le tribut payé est lourd eu égard à la nature du conflit et à la valeur de l’adversaire —, l’institution tire les leçons d’une expérience politico-militaire en s’insérant de plain-pied et sans arrière-pensée dans la nouvelle armée. La page tournée — malgré une épuration sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale —, le ministre des Armées donne leur chance aux officiers pour faire des régiments étrangers le fer de lance des forces d’intervention en voie de formation.

Notes

[1]

Archives de la Légion étrangère (ale). Note du colonel commandant le Groupement autonome de Légion étrangère (gale) à l’attention des chefs de corps de la Légion étrangère en Extrême-Orient à l’issue da mission, 8 septembre 1954.

[2]

ale, « Journal de marche et opérations du 3e rei », 1er semestre 1956. Le médecin-chef juge mauvais l’état sanitaire : les effets de la campagne d’Algérie ajoutent à la fatigue de l’Indochine. En 1953, le commandant du gale faisait déjà état de cette situation qui se traduisait dans le pourcentage élevé de réformés — 22 % — parmi les libérables.

[3]

Service historique de la Défense Terre (shdt), 1H 1348, dossier 7, note du 26 mars 1956.

[4]

SHDT, 7T 29, Inspection technique de la Légion étrangère (itle).

[5]

Tramor Quemeneur, Une guerre sans nom ? Insoumissions, refus d’obéissance et désertions de soldats français pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), thèse d’histoire sous la dir. de Benjamin Stora, soutenue le 15 octobre 2007 à l’université de Paris 8, non publiée, chapitre 2 : « Les déserteurs », p. 91-168. Voir la section consacrée aux légionnaires complétant les premières études initiées en 1999 qui ont fait l’objet d’un premier état de la question dans les actes du colloque international de Montpellier, les 5 et 6 mai 2000 ; André-Paul Comor, « L’adaptation de la Légion étrangère à la nouvelle forme de guerre », in Jean-Charles Jauffret (dir.), Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Bruxelles, éd. Complexe, 2001, p. 59-72.

[6]

Commandement supérieur des forces armées en Algérie, état-major interarmées (emi), 2e bureau, « Destination présumée des légionnaires déserteurs », 7 février 196 ; voir Tramor Quemeneur, op. cit., p. 135.

[7]

SHDT, 7T 29, Inspection technique de la Légion étrangère (itle). État des attaques contre la Légion, 1959.

[8]

Tramor Quemeneur, op. cit., p. 136. « Copie d’une étude sur certaines des caractéristiques des contingents d’engagés à la Légion étrangère et des déserteurs de la Légion étrangère », 22 mai 1958. Les engagés à éliminer, au nombre de 33 pour un effectif total évalué à 20 000 hommes, représentent une infime minorité en tenant compte des flux mensuels de recrutement.

[9]

Bougherara Nassima, « Les rapports franco-allemands à l’épreuve de la question algérienne (1955-1963) », Revue d’Allemagne aujourd’hui, n° 162 (oct.-déc. 2002).

[10]

Jean-Paul Cahn, « La République fédérale d’Allemagne et la question de la présence d’Allemands dans la Légion étrangère française dans le contexte de la guerre d’Algérie (1954-1962) », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 186/1997, p. 95-120.

[11]

SHDT 1H1348, dossier 8, 1er régiment étranger, bilans 1959-1960.

[12]

Alban Mahieu, « Les effectifs de l’armée française en Algérie, 1954-1962 », in Jean-Charles Jauffret (dir.), Militaires et guérilla dans la guerre d’Algérie, Bruxelles, éd. Complexe, 2001, p. 45.

[13]

Hélie Denoix de Saint-Marc, Mémoires. les champs de braise, Perrin, 1995, p. 216-219 ; André-Paul Comor, « Les officiers de la Légion étrangère et la tentation politique ? », in Jean-Charles Jauffret (dir.), Des hommes et des femmes en guerre d’Algérie, Paris, Autrement, 2003, p. 483-488 ; Jean-Charles Jauffret, Ces officiers qui ont dit non à la torture en Algérie, 1954-1962, Paris, Autrement, 2005, p. 47-50.

[14]

SHDT, 1R338, note du commandant Ruat du cci/section P n° 297/1/104/ts du 25 avril 1957. Diffusée pendant la bataille d’Alger alors qu’éclate « l’affaire Bollardière », sa mise aux arrêts de forteresse par le général Ely, chef d’état-major général des forces armées, cette note « technique » se fait l’écho du débat parmi les officiers de renseignement.

[15]

ALE, 2e rep, « Journal de marche et opérations » (jmo), 1958, 1er et 2e semestres.

[16]

ALE, 1er rep, « Journal de marches et opérations » (jmo), 1958, 1er et 2e semestres.

[17]

Le mauvais état du réseau routier et l’usure du matériel roulant sur des pistes dans des reliefs accidentés sont à l’origine de nombreux accidents de la circulation qui occasionnent des pertes non négligeables.

[18]

Désertions pour l’ensemble de la Légion : deux pour mille ; 604 en 1957, et 568 en 1958.

[19]

SHDT, 6T 574. Rapport du général Gardy pour 1959.

[20]

Le comité d’entente des mouvements nationaux, créé à Alger le 13 octobre 1959, rassemble en un véritable front du refus le Front national français (fnf), le Mouvement démocrate chrétien et musulman, le Comité d’entente des anciens combattants et l’Association générale des étudiants de Pierre Lagaillarde.

[21]

Témoignage du général Louis Pichon, alors lieutenant-colonel à l’état-major particulier du président de la République, entretien du 15 mars 1998 avec l’auteur.

SHDT, 1K 233, dossier 12, fonds Ely, compte rendu de la conversation entre de Gaulle et Ely dans l’avion qui les ramène à Paris, le 13 décembre 1960. Selon le chef d’état-major de la défense nationale, le général de Gaulle a été à la fois convaincant et émouvant devant son auditoire.

[22]

Le témoignage du commandant de Saint-Marc suffit à comprendre la grave décision qu’il a assumée avec la grandeur d’âme dont ont témoigné ses subordonnés comme ses chefs en moult occasions. Voir ses Mémoires cités supra, p. 258-271.

[23]

Le chiffre avancé se fonde sur les archives de l’itle du SHDT (1H 1348 bilans et tableaux incomplets) et du bureau information et historique de la Légion étrangère (note du général Gardy de fin décembre 1958).

[24]

Témoignage réservé. Le lieutenant-colonel Vadot, convoqué au début du mois de mai par Pierre Messmer, a été reçu au palais de l’Élysée pour être entendu par le général de Gaulle en présence du ministre. Cette entrevue aurait conduit le chef de l’État à renoncer à dissoudre la Légion étrangère. Vadot, second du colonel Georgeon qui a laissé ses subordonnés libres de leur choix alors même qu’il avait annoncé son ralliement au mouvement, avait été retenu par le ministre en raison de son attitude lors des journées d’avril. Il avait tiré les leçons de sa première expérience du 30 juin 1940 au camp de Trentham Park : il avait dû, avec ses camarades de la 13e dble de retour de Norvège, après la parenthèse du réduit breton, choisir entre l’aventure (de la France libre) et le retour au Maroc.

[25]

André-Paul Comor, « Pouvoir politique, haut commandement et recrutement étranger de la Révolution à nos jours », Aux vents des puissances, mélanges réunis par Jean-Marc Delaunay, en hommage à Jean-Claude Allain, Presses de la Sorbonne, 2008, p. 259-261.

[26]

Journal officiel de la République française, Assemblée nationale, débats du 25 janvier 1982, p. 269.

Pour citer cet article

Comor André-Paul, « La Légion étrangère dans la guerre d'Algérie, 1954-1962 », Guerres mondiales et conflits contemporains 1/2010 (n° 237) , p. 81-93
URL : www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2010-1-page-81.htm.
DOI : 10.3917/gmcc.237.0081.

20160928 - Témoignage du LTN Masselot du 12e REI.

Nederlanders in het Franse Vreemdelingenlegioen

12e Régiment étranger d'Infanterie

 

Crée 24-02-1940

Dissous 25-06-1940

 

Né le 23 avril 1911 à Maktar (Tunisie), Georges Masselot, à sa sortie de Saint-Cyr (promotion Joffre 1930-1932), sert d'abord dans les rangs des tirailleurs algériens.

En 1936, il demande à rejoindre la Légion étrangère et arrive au 1er R.E.

Il fait la campagne de 1939-1940 au 12e R.E.I. comme lieutenant. Il est blessé.

Après la guerre, il fait une carrière à la Légion, accomplissant de nombreux séjours en Indochine et en Algérie. La fin de la guerre d'Indochine le trouve chef de bataillon et commandant le 2e B.E.P. En Algérie, il forme le 2e R.E.P. puis commande le secteur de Djelfa.

En 1960, colonel, il commande le 18e régiment de chasseurs parachutistes et quitte l'armée après avril 1961.

Deux fois blessé, titulaire de très nombreuses citations, le colonel Georges Masselot est commandeur de la Légion d'honneur.

 

10-1938

Je quitte le groupement de Légion étrangère au Levant, en fin de séjour, au moment de la signature du traité de Munich (octobre 1938) et suis affecté à un régiment de l'Est. Je fais, dès la fin de mon congé de fin de campagne, une demande de réaffectation à la Légion.

 

10-01-1940

Après trois mois dans les Ardennes, je suis muté au centre d'instruction de la Légion étrangère de Sathonay-La-Valbonne, où j'arrive le 10 janvier 1939 [1940 ?].

 

Régiment de marche

Traditionnellement, en cas de conflit européen, la Légion forme des régiments de marche où peuvent servir les légionnaires appartenant aux puissances étrangères en conflit avec la France. Leur dossier personnel et leur état-civil sont alors modifiés.

Depuis la montée du nazisme en Allemagne, de nombreux Juifs européens se sont réfugiés en France, dans la région lyonnaise notamment. Ils s'engageront massivement pour la durée de la guerre (dans la perspective d'une naturalisation). Un encadrement légionnaire réduit leur est affecté pour les instruire.

 

Centre d'instruction de la Légion étrangère de Sathonay-La-Valbonne

Le camp de La Valbonne, transformé en centre d'instruction, leur fait subir un premier stage de base destiné à leur affectation aux compagnies de voltigeurs.

Le matériel d'instruction est sommaire: fusils 1907-1915, et même Lebel 1886-93, FM. 24-29, et mitrailleuses Hotchkiss 8 mm insuffisants en nombre. Il ne peut équiper que les stagiaires et leur sera retiré pour équiper le stage suivant.

 

Le matériel

Dès que ce stage est terminé, les servants d'armes lourdes, mortiers et canons de 25 antichars seront sélectionnés. Je suis, à mon arrivée, chargé de la formation de ces derniers.

Le matériel d'instruction est dérisoire : un mortier de 81 mm sans appareil de pointage, un mortier de 60 mm avec appareil de pointage, un canon de 25 et, là, c'est la surprise : ce n'est pas /'Hotchkiss que je connais, mais un A.P.X., qui n'a de commun avec l'autre que sa munition.

Je demande à l'état-major de la région les documents (description, nomenclature, école de pièce) de cette arme. On me répond que, seuls, les ateliers de Puteaux pourraient me satisfaire. Un contact officiel avec ces derniers provoque une réponse ahurissante : « Ce matériel est secret, nous ne pouvons vous satisfaire. »

Je m'enferme dans une pièce avec un armurier, une caisse à outils, des manuels d'artillerie et un aspirant américain E.V.D.G. (engagé volontaire pour la durée de la guerre) ayant déjà combattu dans les rangs français en 1914-1918, mais qui, miniaturiste de son métier, illustrera le règlement et l'école de pièces que j'établirai après avoir complètement démonté l'arme, décrit et dûment baptisé chaque pièce. Par suite d'une très excusable erreur de manipulation, mon armurier cassera le percuteur. Qu'à cela ne tienne, un vieil artisan ajusteur m'en tournera (moyennant finances) deux exemplaires.

L'instruction au mortier de 60 ne posera pas de problèmes et, pour le 81, on extrapolera avec l'appareil de pointage du 60, un fil à plomb pour le pointage en direction, un niveau à bulle pour la hausse. Nous sommes revenus au mortier de 81 I.D. de 1917...

Notre recrutement particulier nous pose quelques problèmes d'é¬thique, certains de mes légionnaires s'étonnant de ce que j'utilise le train ou le bus pour me rendre à Lyon, et me proposant l'utilisation de leur Delage, de leur Delahaye et même, pour l'un d'eux, de son Hispano. Ma réponse, restée malgré tout modérée à ces honnêtes propositions, leur fait hocher la tète avec un peu de pitié.

Les compagnies, puis les bataillons se constituent. A l'origine, j'ai reçu du lieutenant-colonel Besson le commandement de la compagnie régimentaire d'engins, puis je donnerai mon précieux petit ouvrage sur le 25-A.P.X. à un capitaine, arrivé d'Afrique du nord, afin qu'il apprenne, lui aussi, le matériel de l'unité à laquelle son grade le fait affecter.

Comme je suis dans ma sixième année de grade, je reçois le commandement de la compagnie de fusiliers-voltigeurs. Je suis ravi, mais l'arrivée de mon ancien de Cyr, le lieutenant Farret, me fait rétrograder. Lui-même touchera un capitaine et, dans sa septième année de grade, commandera la 1re section de sa compagnie. Le colonel Besson, commandant le 12e R.E.I., devant la pauvreté en moyens de transmissions, décidera de doter les chefs de bataillon d'un lieutenant-adjoint, officier de liaison auprès du chef de corps, et, pour lui faciliter la tâche, il lui sera affecté d'abord un cheval de selle, puis un side-car.

 

Les chefs de bataillon

Les chefs de bataillon, les adjudants-majors, quelques commandants de compagnie sont souvent des anciens de 1914-1918. Leur expérience de la guerre des tranchées, à peine enrichie par celle des campagnes du Rif, de la tâche de Taza, ou du djebel Sagho ne les a, pour la plupart, pas mis au niveau souhaitable, et, pour certains, survivants de durs combats, dans les conditions morales parfaites pour en affronter d'autres. Les officiers d'active, postérieurs à 1920, seront en tous points à la hauteur, intellectuellement, physiquement, moralement.

Je prends un exemple : le 12e R.E.I. comptait dans ses rangs cinq lieutenants saint-cyriens de la promotion Joffre (1930-1932) ; deux mourront d'une manière héroïque : les lieutenants Veyrunes et Merlet ; un sera grièvement blessé ; les deux derniers, après un comportement digne d'éloges, se retrouveront à l'armistice auprès de leur drapeau et de leur chef de corps.

Après avoir tenté de reconstituer de mémoire une sorte de journal de marche personnel, j'ai fini par opter pour des flash... des anecdotes dont le souvenir est toujours vivant en moi. Après tout, cela est mieux ainsi et, en tout cas, parfaitement véridique.

 

10-05-1940

Le 10 mai 1940, dans la deuxième partie de la nuit, l'aviation allemande bombarde les faubourgs de Lyon et l'aérodrome de Bron. C'en est fini de la drôle de guerre.

 

11-05-1940

Le 11 mai, à 17 heures, le 12e Etranger, embarqué, fait route par le rail vers le nord-est.

Le 2e bataillon s'installe dans les forêts du Barrois, où il arrive le 12.

 

17-05-1940

Jusqu'au 17 mai inclus, la 8e D.I. étant en réserve d'armée, le bataillon poursuit l'instruction de ses compagnies, dotées de la majeure partie de leur matériel.

 

18-05-1940

Le 18 mai, arrivée à Château-Thierry. Je fais la route avec le convoi auto. Les Allemands on sévèrement bombardé les localités et les voies ferrées. Nous traversons Vitry-le-François en flammes. Déjà, sur les routes, des civils qui fuient, quelques soldats isolés et désarmés de la IXe armée. Le bataillon continue par Nogent-l'Artaud, sur Lisy-sur-Ourcq et le Plessis-Plassy. Bombardements allemands, très peu de chasseurs alliés. Un Heinkel-III abattu, nous capturons le pilote blessé.

Nous constatons que les raids de bombardiers convergent au-dessus d'une carrière de May-en-Multien, à partir de laquelle ils se dirigent vers l'ouest, Paris peut-être ; le mystère est vite découvert, un gros tronc d'arbre creux de quelque dix mètres de haut contient un énorme projecteur dirigé vers le ciel et qui fait balise. On parle beaucoup de paras allemands, on les cherche et on s'organise défensivement.

Bombardements sur le Trilport-Velleroy ; attaque sur des unités à Meaux.

 

22-05-1940

Le 22 mai, embarquement dans des autobus parisiens, en direction de Villers-Cotterets ; cantonnement dans des maisons pillées par les civils et les fuyards. Bombardements peu précis de la colonne.

 

25-05-1940

Le 25 mai, progression vers Soissons ou le II/12e R.E.I. organise défensivement le sous-secteur Est.

 

27-05-1940

Le 27 mai, j'aperçois un parachute au nord de la ville, je fonce à moto, mais ne trouve rien dans les bois. Cependant, le pilote d'un avion allemand abattu s'éjecte au-dessus d'un groupe d'artillerie qui le mitraille vainement pendant sa descente. Je le protège et le fais soigner ; sur son carnet, mention de six Curtiss-P-36 bel Paris abgeschossen (a), il est parfaitement arrogant, on l'évacué.

Un matin, patrouillant dans les faubourgs de Soissons, je suis alerté par des coups de feu. Je fonce et réussis à arrêter un duel au pistolet entre mon chef de bataillon, le commandant Franquet, et un margis-chef d'artillerie, surpris à piller une maison ; il est conduit au régiment.

Nous avons la visite d'un aumônier, envoyé par la division ; il confesse quelques pénitents et célèbre une messe, puis est invité à la popote du bataillon. lia un accent tudesque à couper au couteau. Je lui en fais la remarque et il me répond qu 'il est originaire des Vosges. Son ordre de mission est en règle. Quelques jours après, faisant une liaison à moto, je le retrouverai dans les mains d'un brave cantonnier, armé d'un fusil de chasse et quil'avait poursuivi, ayant constaté que, sous sa soutane, il était en tenue. Sa fuite le dénonçait, les gendarmes l'ont emmené.

Nous apprenons que le 3e bataillon, prêté à une division alpine (27e D.I. A.) s'est sacrifié en attaquant, seul et à deux reprises, sur les sites historiques de la ferme de Laffaux, du moulin de La Malmaison, du Chemin-des-Dames. La résistance française sur l'Ailette (7e D.I.) est bousculée, les unités se replient.

 

31-05-1940

Dès le 31 mai, les avant-gardes allemandes prennent contact sur l'Aisne, mais sont refouléeà. La ville de Soissons est bombardée, le bataillon a ses premières pertes. Un Potez-63 (bimoteur de commandement de la chasse), probablement récupéré intact, straffe nos liaisons bataillon-régiment. Un autre, mais français, est abattu par trois chasseurs allemands, après un combat spectaculaire. La 3e compagnie (capitaine Thomas) inhumera l'héroïque pilote.

 

05-06-1940

Le 5 juin, alors que des parachutages d'isolés sont signalés dans les forêts au nord de l'Aisne, les Stuka attaquent les positions du bataillon, dont les avant-postes sont sur la rive sud de l'Aisne, en ville, auras de l'eau. Aucune réaction de la chasse amie, et nos batteries de 75 n'ouvrent plus le feu, de peur d'être prises à partie.

 

06-06-1940

Le 6 juin, violents bombardements par le même type d'avion que la veille, auxquels il faut ajouter des tirs d'artillerie qui nous causent de sérieuses pertes. Un véhicule d'un GRD est attaqué et détruit. Le colonel ordonne aux officiers de liaison de rejoindre son P. C.

 

07-06-1940

Le 7 juin dans la nuit, le colonel Besson me missionne pour donner l'ordre au génie d'exécuter les destructions prévues des ponts sur l'Aisne. Je pars en side-car parle premier pont à l'ouest. Les éclaireurs allemands l'ont atteint. Nous ouvrons le feu pour protéger l'équipe du génie, le pont saute enfin.

Je fonce au pont Gambetta, en pleine ville ; à sa sortie sud, un grand général, les cheveux gris, tête nue ; il veille au repli de ses dernières unités et me donnera le feu vert pour la destruction.

Une demi-heure après, il fait grand jour. Il me dit : «Tout mon monde est passé !». J'envoie les artificiers du génie qui se replient après mise à feu d'une charge, le pont sautera dans les trois minutes. Nous faisons abriter les hommes lorsqu'un vieux légionnaire, tireur au F.M. et solide buveur, se précipite sur le pont et met sa pièce en batterie, car des silhouettes approchent sur la rive nord en colonne par un, de chaque côté de la route. Malgré nos appels, le vieux brave veut se sacrifier. Sans réfléchir, je fonce, je l'assomme et le tire du bon côté. A peine arrivé à l'abri précaire de la culée, je me couche et je vois, dans la fumée provenant des bombardements, que les fantassins de l'autre rive, les bras chargés de caisse, sont déjà sur le pont. C'est alors que l'ouvrage se soulève et éclate dans tous les sens. Les dernières pierres achèvent de tomber lorsque se font entendre des cris déchirants : «On est Français, on est Français !!!»... une compagnie de la 7e D.I. s'était arrêtée dans la sucrerie pour faire provision de bouteilles d'alcool... Les légionnaires \ sauvent ce qu'ils peuvent... et les Allemands apparaissent sur la rive \ nord.

Je suis parti rendre compte au colonel Besson du résultat de ma mission. Il est rassuré, car il pense avoir mis le régiment à l'abri, en tout cas provisoirement, des colonnes blindées allemandes qui ne sauraient tarder. De violents combats se déroulent toute la journée. Torses nus, avec leurs équipements et se donnant le bras, scandant Ein Volk, ein Reich, ein Fùhrer, de magnifiques soldats allemands tenteront de franchir la rivière sous le feu des compagnies du bataillon, dont les armes sont brûlantes ; ils ne passeront pas ce jour-là.

 

08-06-1940

Dans la nuit, le colonel Besson, qui a appris le repli de tous les régiments français et sans nouvelles de la division, me donne l'ordre de me rendre au P.C. du bataillon. On lui a dit que, sur notre droite, notre 1er bataillon était en grand danger d'encerclement. Si tel était le cas, je devrais donner l'ordre au commandant Franquet de se replier, en liaison avec le 1er bataillon, jusqu'aux collines du sud de Soissons. Je pars à pied, en pleine nuit, et j'arrive au P.C. du bataillon. Je ne me sens pas le droit de finasser et je renseigne mon chef. ..Il n'a pas de nouvelles de ses voisins, mais je prends un téléphone de campagne et j'ai tout de suite la liaison avec le 1er bataillon : «Nos voisins de droite ont abandonné armes et équipements ; un élément ennemi a réussi à passer l'Aisne, mais le capitaine Thomas et sa 3eme compagnie ont contre-attaque efficacement ; les positions du 1er bataillon ne sont plus entamées.»

 

09-06-1940

Le 9 juin 1940, dans l'après-midi, le colonel charge ses officiers de liaison de porter aux unités l'ordre de repli. Je saute dans une voiture et aborde la forêt de Belleu. Je suis pris à partie par une patrouille allemande. Je stoppe après un virage, mets le feu à ma voiture et continue à pied. Dans le bois, je tombe sur le capitaine Chatenet, adjudant-major ; il est bouleversé : «Le P. C. a été investi, le commandant Franquet a mis le revolver au poing et s'est dirigé vers l'ennemi pour se faire tuer». Il va des Allemands partout. Je m'assure que l'ordre de repli a été transmis et retourne à pied rendre compte au chef de corps. En route, un Stuka me prend à partie et je me mets à l'abri sous un pont. Affolé par la sirène de l'avion, un attelage de cuisine roulante remorquant sa ferraille se précipite à ma rencontre. J'abats un des chevaux au mousqueton et sa chute, à quelques mètres, m'épargne une mort stupide.

Le régiment fait retraite sur les collines tenues au sud par une formation dont le colonel m'annonce que, loin de nous recueillir, il attend que nous le relevions pour se replier. Je luidis, sans fioritures, ce que j'en pense, car, à partir de maintenant, le régiment, ou plutôt ce qu'il en reste, encerclé, devra, pour se replier, rompre cet encerclement.

Le repli se poursuivra, en ordre, entrecoupé de haltes défensives, de combats avec les avant-postes. Dans nos replis de nuit, dès que nous arrivions à hauteur d'une grange à fourrages, elle prenait feu spontanément, balisant notre route pour les Stuka . Oui, les parachutistes allemands étaient partout...

 

10-06-1940 Neuilly-Saint-Front

Le 10 juin, nous revenons sur Neuilly-Saint-Front, que nous avions reçu l'ordre d'abandonner. A la tête des débris de nos bataillons, moins d'une centaine d'hommes au total, le capitaine Thomas et moi-même, sans nous concerter, nous retrouvons à la tombée de la nuit, sur un ruisseau que nous avions obligé une compagnie allemande à retraverser.

 

12-06-1940

Et puis, toujours sur ordre, nous arrivons, le 12 juin, sur la Marne. Je suis, avec quelques hommes, au sud de la rivière. En face de moi, une route descendant vers un pont qui la franchit. Sur cette route, un side-car allemand avec ses deux passagers. J'ai réquisitionné le fusil 1936 d'un volontaire espagnol du 23e R.M.V.E. et fait l'expérience de l'œilleton de cette arme, pour moi nouvelle. Le side et son équipage basculent dans le vide et tombent à l'eau... c'est toujours ça.

 

13-06-1940

Le 13 juin, à 10 heures du matin, après avoir passé la nuit dans une grange au P.C. du colonel, qui me faisait rechercher depuis deux jours et exigeait que je reste à sa disposition, je me précipitai pour relever un légionnaire, blessé au crâne par une salve de 105. L'un des obus mit fin à ma guerre de 1940. Avant de me réveiller trois jours après, à l'hôpital de Provins, la dernière voix que j'ai entendue était celle d'un brave légionnaire penché sur moi dans le fossé où j'avais été tramé «Er wird sterben»...(b) mais tous les légionnaires ne sont pas des prophètes.

(a) «Six Curtiss-P-36 abattus dans les environs de Paris». Les Curtiss étaient des avions de chasse anglais (N.D.L.R.).

(b) «II va mourir...»

Commandant le bataillon : Chef de bataillon ANDRE

Capitaine adjudant-major : Capitaine CHABANNE

Officier adjoint : Lieutenant HUTTEAU

Médecin-chef : Medecin-lieutenant LEVY

Commandant la 9e compagnie : Capitaine RUILLIER

Commandant la 10e compagnie : Capitaine PERRET

Commandant la 11e compagnie : Capitaine BAILLY

Commandant la CA 3 : Capitaine FRAVOSSOUDOVIYCH

20160928 - 1919-1939 : Le recrutement des légionnaires allemands

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Alors que la Grande Guerre n’est pas encore achevée, la revue L’Illustration perçoit déjà que le conflit a profondément modifié la physionomie d’un des corps les plus singuliers de l’armée française. « Quoi qu’il en ait été de l’ancienne Légion, celle de Madagascar et du Tonkin, celle du Dahomey et du Maroc, la guerre l’a renouvelée, transformée de fond en comble » [1][1] L’Illustration, n° 3905, 5 janvier 1918, p. 8.. Indubitablement, « la vieille Légion est morte dans les tranchées du nord de la France » [2][2] Douglas Porch, La Légion étrangère, 1831-1962, Paris,.... Ainsi, la nécessité de disposer d’effectifs toujours plus importants a-t-elle imposé une organisation différente du recrutement et des statuts des légionnaires, notamment par le recours aux engagements pour la durée de la guerre [3][3] Le concept de l’engagement volontaire pour la durée.... Enfin, la création d’unités résultant de la multiplication des théâtres d’opérations de cette guerre mondiale procure à la Légion étrangère des « identités » multiples. À la fin des hostilités, il n’y a plus une mais des Légions étrangères qu’il est nécessaire de fédérer pour retrouver un véritable esprit légionnaire. « Seule compte la Légion et non le régiment […]. Le bloc légionnaire doit former un corps incomparable, dont l’esprit, l’esprit légionnaire, est et doit demeurer unique » [4][4] Colonel Maire, Nouveaux souvenirs sur la Légion étrangère,.... Malgré la gloire acquise, la Légion sort terriblement affaiblie de cette grande épreuve qui l’a désorganisée et modifiée [5][5] Notamment par le régiment de marche de la Légion étrangère.... Dans le contexte difficile de l’après-guerre puis de l’entre-deux-guerres, il s’agit de donner naissance puis d’assurer la pérennité d’une « troisième Légion », « la jeune Légion » comme l’appellent les contemporains par opposition à la « vieille Légion » d’avant-guerre [6][6] La première Légion est celle de 1831-1835, qui a été....

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Dès le début du xxe siècle, dans le contexte particulier de la rivalité coloniale avec la France, l’Allemagne mène des campagnes contre la Légion étrangère. Cette dernière contrarie d’autant plus ses plans qu’elle enrôle ses ressortissants [7][7] Gaston Moch, La Question de la Légion étrangère, éd. Bibliothèque-Charpentier,.... En septembre 1908, l’affaire de Casablanca occasionne une très vive tension en totale disproportion avec l’événement [8][8] Le 25 septembre 1908, cinq légionnaires déserteurs.... L’exaspération est à son comble. Elle augmente encore en décembre lorsque quarante légionnaires allemands de la compagnie d’instruction du 2e régiment étranger tentent de déserter en arrêtant le train se rendant à Aïn-Sefra [9][9] SHD/DAT, 3H259, note 5 du lieutenant-colonel Maurel.... « Après quelques moments d’accalmie […] la campagne contre la Légion reprend avec plus d’intensité » [10][10] Hubert Jacques, L’Allemagne et la Légion, éd. Libraire.... Elle s’amplifie jusqu’à la déclaration de guerre. « Dans le numéro de décembre 1913 de la revue Hochland, Heinrich Poh exprime une opinion fort répandue en Allemagne, en disant que la seule existence de la Légion étrangère peut à l’occasion fournir l’étincelle qui mettrait le feu aux poudres » [11][11] Gaston Moch, op. cit., p. 5. L’auteur de cet article.... À la même époque, Maurice Paléologue, ambassadeur de France à Berlin, confie à Aristide Briand que l’Allemagne possède deux motifs pour brusquer une agression : le Maroc et le « recrutement de la Légion étrangère où viennent s’enrôler beaucoup de soldats allemands. Les feuilles pangermanistes accusent les Français de favoriser la désertion dans les rangs de l’armée allemande, pour faire payer leurs conquêtes par du sang allemand » [12][12] Maurice Paléologue, Au quai d’Orsay à la veille de.... Ainsi, l’Allemagne est-elle fortement sensibilisée à la question de la Légion, et possède-t-elle une bonne expérience dans la lutte contre cette dernière.

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Malgré sa capitulation, l’abdication du Kaiser et la partition de son territoire, l’Allemagne n’est finalement pas anéantie. Paradoxalement, « loin de détruire ou seulement d’ébranler l’unité allemande, les traités de 1919 la confirmèrent » [13][13] Jacques Bainville, Histoire de deux peuples, continuée.... Le traité de Versailles ne réconcilie pas les peuples. La paix entre la France et l’Allemagne n’est qu’apparente. Les rivalités demeurent. Si la Grande Guerre a effectivement transformé la plus chère troupe de Lyautey, a-t-elle également modifié les relations entre la Légion étrangère et l’Allemagne ?

Certes, l’entre-deux-guerres est, par définition, une période de « non guerre » donc de paix, mais la Légion étrangère n’est-elle pas à nouveau un casus belli avec l’Allemagne ? L’étude du recrutement des légionnaires allemands semble pouvoir apporter un élément de réponse à cette interrogation.

De 1919 à 1932, la Légion étrangère est le théâtre d’une « drôle de paix » (I). Entre recherches de légionnaires et hostilités déclarées, les deux ennemis d’hier se retrouvent à nouveau face à face. Ensuite, avec la radicalisation du régime politique d’outre-Rhin, la Légion étrangère représente « un défi permanent » (II). Malgré les initiatives françaises, la persécution des légionnaires par le Reich n’est pas sans conséquence sur le recrutement « de cette belle troupe que les Allemands n’aiment pas mais admirent » [14][14] Colonel Maire, op. cit., p. 210..

I - Une drôle de paix (1919-1932)

A - Le recours au contingent allemand

L’inquiétante crise des effectifs

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Alors que le traité de paix n’est pas encore signé, les engagés volontaires pour la durée de la guerre sont démobilisés. En quelques mois, la Légion étrangère retrouve ses effectifs d’avant le conflit et même légèrement moins [15][15] Selon les estimations, il y aurait environ 12 000 légionnaires.... Or, il y a un régiment de plus à fournir en effectifs : le rmle qui a été l’objet de toutes les attentions durant la Grande Guerre. Maintenant que l’heure est à la démobilisation, ce régiment voit ses effectifs diminuer « considérablement » [16][16] SHD/DAT, 7N144, note 1838-1/11, 25 janvier 1919. Cette.... À la fin de l’année 1919, le régiment ne se compose plus que « de huit cent vingt-huit hommes dont deux cent vingt en cours d’instruction » [17][17] SHD/DAT, 7N381, rapport du lieutenant-colonel Rollet.... Le glorieux régiment n’est plus qu’un bataillon.

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Au Maroc, la situation de la Légion demeure aussi alarmante. Le théâtre n’a pas été prioritaire. Très peu de renforts lui ont été octroyés depuis plus de quatre ans. De plus, la « démobilisation fera-t-elle perdre deux mille hommes à la Légion étrangère qui, ajoutés au déficit actuel […] feront tomber l’effectif global des quatre bataillons à mille deux cent cinquante-trois hommes soit, en défalquant absents et mitrailleurs, une moyenne de quarante hommes par compagnie » [18][18] SHD/DAT, 6N112, télégramme 44, 17 janvier 1919.. Selon Lyautey, la Légion menacerait même de disparaître [19][19] SHD/DAT, 6N112, télégramme 2080, 21 avril 1919.. La situation ne s’améliore pas. « Les dépôts d’Algérie n’ont pu envoyer au Maroc que des renforts tout à fait insignifiants » [20][20] SHD/DAT, 3H95, télégramme 3867 bg, 17 juillet 1919.

La principale conséquence des sous-effectifs est une réduction notable de la capacité opérationnelle de la Légion. Les bataillons n’ont plus les moyens de manœuvrer parce qu’ils ne peuvent pas aligner le nombre de fusils suffisant, aussi sont-ils frappés d’immobilité [21][21] SHD/DAT, 3H259, note sur le recrutement de la Légion.... « En raison de la pénurie d’effectif à la Légion étrangère, les bataillons […] stationnés au Maroc sont réorganisés » [22][22] SHD/DAT, 3H259, note de service 3125, 27 décembre .... Entre deux et trois compagnies y sont mises en sommeil [23][23] Ibid.. Comme les autres « unités d’infanterie française », la Légion étrangère n’est plus constituée « que de simples centres d’instruction et de dépôts de cadres et spécialistes » [24][24] SHD/DAT, 6N112, télégramme 54 du commissaire résident.... Il est pourtant nécessaire qu’elle retrouve rapidement sa capacité opérationnelle. L’œuvre qui reste à accomplir au Maroc repose essentiellement sur son emploi [25][25] SHD/DAT, 3H95, note 347 du général Cottez, commandant.... La Légion étrangère doit être reconstruite en toute urgence.

Les possibilités de recrutement outre-Rhin

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Dans ce contexte difficile, plusieurs solutions sont envisagées pour permettre une renaissance rapide de ce corps prestigieux. Tout d’abord, la section Afrique de l’état-major des armées propose d’y incorporer les condamnés militaires au titre d’un engagement spécial [26][26] SHD/DAT, 7N381, bordereau d’envoi 9455-1/11, 8 novembre.... Cette disposition intéressante à court terme serait une catastrophe à long terme. Aussi, l’idée est-elle abandonnée. La deuxième possibilité consiste à amalgamer les légionnaires dans des unités indigènes, ou d’utiliser les compétences particulières des individus au sein des états-majors. Ces nouveaux emplois modifieraient complètement la Légion, ce qui paraît tout à fait inopportun et impolitique. De plus, ils ne permettraient pas aux légionnaires de rester une troupe soudée puisque ces derniers évolueraient dans des cadres différents. Ces hypothèses irréalisables sont finalement abandonnées.

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D’ailleurs, les perspectives du recrutement ne semblent pas nécessiter de telles dispositions. Le Résident général pense « qu’il devrait être facile de trouver un recrutement illimité d’Austro-Allemands attirés […] parmi le personnel de guerre ou des volontaires des pays occupés » [27][27] SHD/DAT, 6N112, télégramme 380/CMC, 18 novembre 19.... Quelques jours plus tard, Lyautey insiste à nouveau pour reconstituer la Légion « par un très large appel aux Allemands et aux Autrichiens parce qu’il lui semble que la situation intérieure de ces pays et la démobilisation de leur armée devrait pouvoir faciliter de nombreux et immédiats engagements volontaires » [28][28] SHD/DAT, 6N112, télégramme 6/cmc, 25 janvier 1919.. Des dispositions législatives et ministérielles sont donc prises pour faciliter les engagements. Le 18 avril 1919, une nouvelle loi abroge celle du 5 août 1915. Elle permet à tous les étrangers de pouvoir contracter un engagement de cinq ans selon les dispositions d’avant-guerre [29][29] La loi du 5 août 1915 interdit l’engagement à la Légion.... Enfin, la section Afrique de l’état-major des armées contacte le ministère de l’Intérieur qui s’engage à faciliter l’entrée en France des gens dépourvus de passeport, mais voulant s’engager [30][30] SHD/DAT, 8N42, lettre 1911-1/11 du ministre de la Guerre....

Au début de 1920, les engagements « prennent une très sérieuse importance » [31][31] DHPLE, 1-FP/C22, note 497/cm du ministère de la Guerre.... En septembre, « le moment est proche où les unités de Légion en service au Maroc auront atteint leur effectif normal » [32][32] SHD/DAT, 3H365, note 4100-9/11 de la section d’Afrique.... En fait, il y a déjà deux mille légionnaires de plus que les prévisions de juillet 1919 [33][33] Il y a alors 5 500 légionnaires au Maroc, alors que.... Durant cette période d’engagements massifs, le recrutement germanique est prépondérant. Le triple phénomène démobilisation, crise économique et crise politique rend effectives les perspectives d’enrôlement dans les pays ex-ennemis. Le général commandant les troupes d’occupation dans le Palatinat écrit même au lieutenant-colonel Rollet que « les sujets badois, wurtembourgeois et palatins rappliquent en masse » [34][34] DHPLE, 1-FP/C22, lettre manuscrite, 19 janvier 192.... Le nombre des candidats qui se présentent spontanément à l’armée du Rhin « dépasse un millier par mois, c’est-à-dire que les provinces rhénanes fournissent à la Légion étrangère un contingent supérieur » à celui qu’il est possible d’incorporer [35][35] SHD/DAT, 3H259, note 54209-9/11 du ministre de la Guerre.... Aussi, le ministre de la Guerre demande-t-il que le nombre d’engagements de ces volontaires soit limité à environ cinq cents par mois. Le flux dépasse les prévisions du commandement français qui est surpris de « cette affluence anormale de sujets allemands » [36][36] SHD/DAT, 3H259, note 20415/S du général de division.... Au total, il semble effectivement que la Légion retrouve la situation d’avant-guerre, c’est-à-dire que « la majorité des engagés est d’origine ou d’attache allemande » [37][37] DHPLE, 1-FP/C22, note 8892 du lieutenant-colonel Rollet....

B - Rivalité autour des engagements

La malédiction du candidat et du légionnaire

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Dans l’immédiat après-guerre, les difficultés économiques et politiques de l’Allemagne estompent le problème que la Légion étrangère pose à une partie de l’opinion publique. Il n’en est donc plus qu’épisodiquement question. Les quelques « recrudescences de propagande contre la Légion » sont en fait très limitées aussi bien dans le temps et dans l’espace que dans les revendications abordées voire le vocabulaire utilisé [38][38] SHD/DAT, 3H259, lettre du lieutenant-colonel Rollet.... En des temps diplomatiquement complexes, le gouvernement du Reich se positionne prudemment. « Il interdit notamment la production du film sur “la honte noire”, et d’un autre film contre la Légion étrangère » [39][39] MAE, carton Z 417, note pour la direction des affaires.... À partir du milieu des années 1920, l’action contre la Légion étrangère se développe. La conclusion des accords de Locarno permet aux autorités allemandes de « consacrer leur attention à la question de la Légion étrangère » [40][40] SHD/DAT, 7N22054 (1), renseignement 9649, 24 mars 1930..... Entre 1926 et 1927, les parutions et productions sont de plus en plus nombreuses, mais obtiennent encore assez peu d’écho. À partir de janvier 1928, voire dès décembre 1927, ce n’est plus le cas. La Légion est un thème traité « en boucle » par la presse [41][41] SHD/SHM, 1BB3.22, compte rendu trimestriel de renseignement.... Le but est « d’entretenir l’agitation plus que de fournir une peinture exacte de la situation des Allemands enrôlés dans cette troupe » [42][42] SHD/SHM, 1BB3.22, compte rendu trimestriel de renseignement.... En fait la Légion est un exutoire [43][43] SHD/SHM, 1BB8.239, compte rendu trimestriel de renseignement.... Les attaques sont aussi des prétextes pour discréditer les institutions internationales et bien sûr le traité de Versailles.

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L’action des pouvoirs publics allemands ne se limite pas à l’orchestration de campagnes dans la presse. Pour être vraiment dissuasif, l’accès à la Légion doit être difficile. Une véritable traque est organisée contre les candidats. Facilement reconnus en zone frontière par leurs tenues dépenaillées, ces derniers « sont le plus souvent “passés à tabac”, incarcérés pendant trois ou quatre jours, relâchés et mis en route vers l’intérieur » [44][44] Ibid.. Entre les autorités allemandes et les candidats s’organise alors une partie de cache-cache à laquelle la France n’est pas étrangère. Cependant, elle ne peut opposer qu’une vigilance active ainsi qu’une connaissance des bons et des mauvais itinéraires. En fonction des informations données par les centres d’hébergement et l’armée du Rhin, les militaires français parviennent à déterminer les axes par lesquels les candidats n’arrivent pas à destination. Dès que cela est nécessaire, les officiers chargés des mises en route sont convoqués à Mayence pour y recevoir des instructions « exclusivement verbales » [45][45] La fréquence de la réunion des officiers d’information.... Ensuite, ils conseillent en conséquence les postulants à l’engagement sur les routes et sur les meilleurs points de franchissement [46][46] Ibid. « C’est ainsi que dans le courant de novembre.... Les autorités allemandes effectuent aussi des contrôles à l’entrée du territoire. Les anciens légionnaires sont rapidement identifiés, car ils sont renvoyés dans leurs foyers avec un costume civil identique et connu des policiers [47][47] SHD/DAT, 7N2590, note 1366/am de l’attaché militaire.... Cette reconnaissance est le point de départ de tracasseries. Ainsi, des directives sont-elles finalement données pour indiquer aux légionnaires libérés les itinéraires et points de franchissement les plus sûrs [48][48] SHD/DAT, 7N22128 (3), renseignement 4396-scr-2/11,.... La nécessité d’une telle disposition laisse présager que les anciens légionnaires ont la vie difficile en Allemagne.

En effet, l’ancien légionnaire a un sort peu enviable lorsqu’il rentre au pays. À partir de 1928, « les Allemands décident de poursuivre pour haute trahison les anciens légionnaires qui ont servi à la Légion étrangère pendant la Grande Guerre » [49][49] SHD/DAT, 7N22122 (1), renseignement 185/z-sdo au sujet.... Indéniablement, l’objectif est de faire prendre conscience aux citoyens que, « du fait de son entrée à la Légion, tout Allemand devient traître à sa patrie » [50][50] SHD/DAT, 7N22054 (1), Deutsche Wehr, 4 septembre 1.... Vue sous cet aspect, la lutte contre les légionnaires devient l’affaire de chaque citoyen qui se doit de dénoncer les suspects « dans les gares, aux guichets et sur les quais » [51][51] SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note sur les modifications.... Ainsi, « la gendarmerie […] fait appel à l’aide de la population pour seconder l’autorité dans sa lutte contre la Légion étrangère » [52][52] SHD/DAT, 7N20254 (1), renseignement 642-scr-2/11, 10 février.... Une fois découvert, l’ancien légionnaire est l’objet de tracasseries de la part des services de police mais aussi de la société qui se montre impitoyable envers les postulants ou les anciens légionnaires. Ils sont « traités comme ils le méritent », c’est-à-dire sans douceur ni compassion [53][53] SHD/DAT, 7N22054 (1), Deutsche Wehr, 4 septembre 1.... Dans ce contexte, il est facile de comprendre que la réadaptation du légionnaire est difficile. Il a du mal à vivre de nouveau en Allemagne. Beaucoup n’ont pas de domicile. Ils pérégrinent de villes en villes dans lesquelles ils font de courts séjours et vivent de mendicité [54][54] SHD/DAT, 7N22122 (1), renseignement 6673-scr-2/11,.... Leur instabilité entraîne leur indigence, ce qui explique en partie la multiplication des « témoignages de rue » [55][55] SHD/SHM, compte rendu de renseignement concernant la... et la nécessité pour ceux qui n’ont pas droit à une pension « de vendre des livrets contre la Légion » [56][56] SHD/DAT, 7N22054 (2), rapport du chef d’escadron Lano....

Contre-attaque de l’institution

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Le premier contact du candidat avec l’institution est primordial, car il lui donne un préjugé favorable ou non. Il convient donc de ménager le futur légionnaire [57][57] SHD/DAT, 7N992 supplément, note 1235-9/11 de la section.... Or, de l’avis du chef de bataillon Augier, « du bureau de recrutement où il s’engage jusqu’au dépôt du régiment, l’odyssée du légionnaire est dépourvue de charme […] ballotté de villes en dépôts où il ne trouve que réceptions sinon hostiles, du moins indifférentes […] il regrette l’engagement souscrit, et bientôt cherche à recouvrer sa liberté » [58][58] SHD/DAT, 3H259, rapport du chef de bataillon Augier,.... Le volontaire a besoin d’un meilleur accueil pour être persuadé qu’il fait le bon choix. Ceci est d’autant plus important que les inaptes refoulés contribuent aussi à la propagande. Leur impression peut influencer de futurs candidats. Cependant, la Légion ne s’occupe pas vraiment de son propre recrutement. Ainsi, n’est-il pas choquant que ce soit un lieutenant du 30e dragons qui soit responsable du centre de Metz ? Il se trouve être l’un des premiers contacts entre le candidat et une institution qu’il ne représente pas. Il paraîtrait donc normal que des officiers de Légion commandent les centres. « La prise en main des volontaires, dès leur arrivée au bureau de recrutement » par la Légion est un sujet particulièrement cher au colonel Rollet [59][59] Pierre Soulié, Paul-Frédéric Rollet, père de la Légion,....

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En juin 1928, il obtient satisfaction [60][60] SHD/DAT, 7N2348, note sur les modifications à apporter.... Il est « installé en France et en Algérie, sous l’autorité directe du colonel commandant le 1er régiment étranger, des barrages successifs de spécialistes, médecins et officiers de Légion ne laissant passer que des candidats susceptibles de faire physiquement et moralement d’excellents légionnaires » [61][61] SHD/DAT, 7N992 supplément, note 1235-9/11 de la section.... Très rapidement, il semble opportun de regrouper les centres de rassemblement du recrutement germanique en un seul. Le lieu doit combiner plusieurs atouts : être aussi près que possible du front d’engagement ; permettre de surveiller tout en étant à l’abri lui-même des indiscrétions ou agissements hostiles ; offrir un casernement suffisamment confortable et disposer d’un médecin et d’un hôpital. Enfin, la voie ferrée doit être facile d’accès aussi bien pour l’arrivée des engagés que pour leur départ sur Marseille. Finalement, Toul répond le mieux à ces exigences. Bientôt, ils sont plusieurs milliers d’Allemands à passer par ce dépôt avant de rejoindre Marseille puis l’Afrique. La réorganisation de la chaîne de recrutement germanique permet d’être plus performant. Faut-il encore que l’institution parvienne à toujours attirer les ressortissants d’outre-Rhin.

Des brochures et des tracts sont édités par le commandement « pour la propagande en faveur de la Légion étrangère » [62][62] SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, note 2473 du bureau.... Diffusés « par les voies et moyens habituels », ces documents sont transmis à l’ambassade de Berlin pour être adressés aux divers consulats français en Allemagne [63][63] SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, note 2820 du ministre.... À charge pour eux de les faire distribuer aux candidats potentiels. Traduits en anglais, en suédois et en espagnol, les prospectus sont également diffusés dans les pays où la propagande allemande est particulièrement nocive et active. Ces publications présentent la Légion « sous un jour pittoresque — et d’ailleurs véridique — de nature à frapper l’imagination » [64][64] SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, projet de note accompagnant.... Ils rappellent les statuts qui régissent l’institution et la vie quotidienne du légionnaire. La qualité de la vie du légionnaire est estimée en fonction de la solde et des autres avantages financiers [65][65] SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, « Le Légionnaire à la.... Indubitablement, l’amélioration des conditions de vie des légionnaires contribue à contrer l’argumentaire de la propagande hostile à la Légion [66][66] SHD/DAT, 7N989 (5) supplément, note 456-scr-2/11 de.... « La vraie propagande est donc fonction des avantages accordés aux militaires de la Légion étrangère en ce qui concerne la solde, les permissions, l’habillement, le confort et la bonne tenue du casernement » [67][67] SHD/DAT, 7N989 (5) supplément, bordereau 1036-9/11.... Les évolutions de la vie et des conditions du légionnaire établissent de façon certaine une distinction entre la « vieille » et la « jeune » Légion [68][68] Cooper, Douze ans à la Légion étrangère, éd. Payot,.... En effet, « le traitement des légionnaires est humanisé. Par exemple, les anciennes punitions, dont la sévérité était si redoutée, sont remplacées par les punitions régulières de l’armée ordinaire » [69][69] Prince Aage de Danemark, Mes souvenirs de la Légion.... Les coopératives, bibliothèques et cinémas spécialement mis en place pour les légionnaires sont activement fréquentés, « principalement dans les détachements du Sud où la plupart des localités n’offrent aux militaires aucune ressource ou distraction » [70][70] DHPLE, 1-FP/C26, rapport sur l’état d’esprit du 1er régiment.... Bien que la vie du légionnaire soit rendue moins difficile, elle ne fait pas pour autant perdre à l’institution une partie de son rayonnement, et son image excite toujours autant la curiosité du monde extérieur [71][71] Pierre Mac Orlan, Légionnaires, Éd. du Capitole, 1930,.... En fait, la Légion s’adapte aux circonstances, aux sociétés et aux aspirations des jeunes qui viennent s’engager.

C - Un recrutement durable

Inefficacité des campagnes d’outre-Rhin

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L’observateur constate une contradiction logique entre les appréciations française et allemande. Les Français soulignent « l’efficacité des mesures prises par les autorités allemandes pour empêcher leurs ressortissants de prendre du service à la Légion » [72][72] SHD/DAT, 9N960 (1) supplément, note 3121-9/11 de la.... De leur côté, les Allemands ne cessent de « constater que le nombre des enrôlements à la Légion étrangère ne diminue pas » [73][73] SHD/DAT, 7N2664 (3), note VI 5212 du ministère de l’Intérieur.... Ils regrettent ainsi que « l’œuvre de la propagande contre la Légion, entreprise par les autorités et par la presse, n’ait pas obtenu de grands résultats » [74][74] SHD/DAT, 7N22122 (3), renseignement 5304-scr-2/11,.... Il semble que « les résultats désirés ne sont pas atteints » [75][75] SHD/DAT, 7N22054 (1), Hagener Zeitung, 31 mars 193.... La lutte que mène l’Allemagne est effectivement un échec. L’État ne parvient pas à tarir les engagements ; il continue à fournir à la Légion les ressortissants dont elle a besoin.

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Le mauvais accueil en Allemagne transforme l’ancien légionnaire en propagandiste d’un eldorado. « Il n’est pas rare qu’il y revienne accompagné de parents, de frères ou de camarades. On cite l’exemple de l’un d’eux, ex-caporal, se présentant suivi de six compatriotes » [76][76] SHD/DAT, 7N992 supplément, note sur les modifications.... La propagande et les mauvais traitements réservés aux légionnaires favorisent le rengagement des anciens. Les campagnes de propagande se substituent aux anciens. Elles excitent la curiosité des individus qui n’ont pas spontanément de contact avec la Légion. Finalement, elles « appellent l’attention » sur l’institution [77][77] SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note 3232bis-9/11, 25 novembre....

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Malgré l’image négative qui lui est donnée, la Légion fascine et « fait germer le goût d’aventure » [78][78] SHD/DAT, 7N22054 (1), Mainzer Anzeiger, 10 août 19.... Ainsi, les actions entreprises rendent-elles finalement peu de services [79][79] SHD/DAT, 7N22054 (1), lettre de Wilhlem Marx au légionnaire.... Elles suscitent des vocations et « provoquent des candidatures » [80][80] SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note 3232bis-9/11, 25 novembre.... En fait, « quiconque prononce le nom de Légion, en Allemagne surtout, travaille pour elle » [81][81] Capitaine Poirmeur, Notre vieille Légion, éd. Berger-Levraut,.... Paradoxalement, les actions entreprises par les autorités allemandes produisent finalement l’effet inverse à celui recherché. Incontestablement, « les moyens de propagande ont renforcé l’exil vers la Légion » [82][82] SHD/DAT, 7N12054 (1), Pirmasenser Zeitung, 29 janvier.... L’échec des campagnes résulte aussi de leur manque de crédibilité. La population n’est pas dupe. L’homme de la rue ne pense pas que l’existence « soit si terrible » à la Légion où les soldats sont même peut-être plus heureux qu’à la Reichswehr [83][83] SHD/DAT, 7N22122 (3), lettre de M. Anton Giersen à.... Il paraît alors « qu’on exagère fortement du côté allemand […]. Nous savons exactement quelle est la vie d’un légionnaire en France, ils ne peuvent plus continuer à mentir et nous voulons étaler la vérité » [84][84] SHD/DAT, 7N22125, lettre de M. Pfennig à son fils,.... D’ailleurs, lorsque Heinz Weil-Bernard fait part du désir de s’engager, son professeur lui rappelle les atrocités commises contre les légionnaires. Mais, faisant preuve de bon sens, le jeune homme lui rétorque que « les Français ne peuvent pas faire la guerre avec des légionnaires ensevelis ou évanouis » [85][85] Heinz Weil-Bernard, Contre-moi de la tyrannie…, Nouvelles....

Évolution du recrutement germanique

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Entre 1920 et 1923, l’arrivée des jeunes Allemands est vécue dans les unités comme une invasion [86][86] Georges Manue, Têtes brûlées, éd. La Nouvelle Société.... Ils représentent presque 49 % des recrues [87][87] SHD/DAT, 7N2314, note 1987-9/11 de la section d’études.... Cette arrivée massive est d’autant plus fortement ressentie que les autres contingents sont numériquement nombreux mais individuellement faiblement représentés. Les ressortissants allemands semblent encore plus présents, car sont considérés comme Allemands tous ceux qui en parlent la langue. « L’Allemand » est alors employé comme un terme générique qui demeure finalement assez flou [88][88] SHD/DAT, 3H697, note du colonel Rollet commandant le.... Ainsi, s’il est certain que « c’est l’Allemagne qui fournit le plus de soldats », et dans une proportion importante, il est également vrai que leur nombre varie selon les définitions données à « l’Allemand » [89][89] Pierre Mac Orlan, Légionnaires, Éd. du Capitole, 1930,....

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Nous ne disposons pas de beaucoup de données numériques. Toutefois, entre 1924 et 1927, l’évolution du recrutement du centre de Metz permet de montrer que l’affluence des Allemands s’inscrit dans la durée [90][90] SHD/DAT, 7N992 supplément, note sur les modifications.... Durant ces quatre années, il y aurait eu presque 50 % de recrues allemandes. Inévitablement, leur présence ne diminue pas dans les unités [91][91] DHPLE, 1-FP/C23, rapport du capitaine Deschamps, commandant.... De 1924 à 1926, la proportion d’Allemands oscille entre 43 % et 55 %. Il semble toutefois que la Légion ait atteint sa capacité maximum d’intégration des sujets allemands. Elle cherche à diversifier son recrutement dès 1926 [92][92] SHD/DAT, 7N2348 (1), note 172/ES du 1er bureau de l’état-major.... En 1927, la répartition des nationalités à l’engagement change puisque les Allemands ne représentent plus que 39 % des recrues. Cette année marque donc probablement une rupture. Dès lors, le recrutement germanique reste toujours indispensable mais moins essentiel. Il demeure le réservoir de la Légion étrangère mais aussi, finalement, une variable d’ajustement puisqu’il y est fait plus ou moins appel selon les besoins.

En 1929, le contingent allemand est encore largement le plus nombreux. Il représente 40 % des engagements [93][93] DHPLE, 1 FP/C24, rapport du sil pour l’année 1929.. Toutefois, cette proportion doit être relativisée par ceux qui quittent l’institution. En valeur absolue, le gain n’est que de trois cent quatre-vingts hommes. De plus, l’arrivée en quantité importante de sujets francophones et italiens réduit la prédominance allemande [94][94] Ibid. Cette année-là, de nombreux francophones (30 %).... L’année suivante, le phénomène devient plus sensible. « Les Allemands sont toujours en majorité mais […] il y aurait plutôt diminution, en ce qui les concerne, sur les effectifs de l’année dernière » [95][95] SHD/DAT, 7N1011 supplément, rapport du sil pour l’.... En 1931, alors que le recrutement est le plus important depuis le début des années 1920, les Allemands n’ont jamais été aussi peu admis. Ils ne sont que 23 % des engagés volontaires [96][96] SHD/DAT, 7N1011 supplément, rapport du sil pour l’.... Enfin, durant la grande restriction de 1932, ils constituent encore l’apport le plus important, mais représentent 25 % de l’effectif total. Ainsi, se forme-t-il finalement une régulation involontaire. Les Allemands évitent d’envoyer les candidats que la Légion ne peut assurément pas engager, non pas parce qu’elle n’en a pas besoin, mais parce que le maintien de son équilibre le lui « interdit » [97][97] Souvenons-nous qu’en 1920, le ministre de la Guerre.... Le souci d’une meilleure répartition entre les nationalités porte ses fruits. En 1932, elle est même déclarée satisfaisante [98][98] Ibid.. Le changement de régime en Allemagne remet-il en cause cet « équilibre » ?

II - Le défi permanent (1933-1939)

A - La stratégie des nazis

Politisation de la lutte

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Durant le premier trimestre 1933, la propagande contre la Légion étrangère ne diffère pas fondamentalement de celle entreprise depuis l’évacuation des territoires occupés et le début de la crise économique. Toutefois, le message devient plus politique. L’arrivée d’Hitler au pouvoir est l’occasion de lancer « un appel au gouvernement de relèvement national actuel pour le conjurer d’étudier dès maintenant la recrudescence de racolage pour la Légion » [99][99] SHD/DAT, 7N22054 (2), L’Ami du peuple, 12 mai 1933..... Les nazis convaincus adjurent de prendre des mesures radicales pour empêcher les Allemands d’entrer à la Légion [100][100] Ibid.. Leur sentiment est que la responsabilité du service des Allemands à la Légion « incombe indirectement mais en grande partie aux gouvernements qui se sont succédés jusqu’à ce jour et qui ont omis de mettre en garde les enfants des écoles contre les méthodes de racolage » [101][101] SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement 17003 du 29 mars.... Les arguments politiques destinés à émouvoir le gouvernement touchent surtout la nécessité de tarir le recrutement de la Légion [102][102] SHD/DAT, 7N2591, note 273/am de l’attaché militaire.... Non seulement « l’Allemagne n’a aucune raison de faire cadeau à la France de sa jeunesse », mais en « éliminant la Légion, on ébranlerait du même coup tout l’empire colonial français, étant donné que les troupes indigènes sont peu sûres et que, dans leurs rangs, les émeutes seraient de plus en plus fréquentes. L’Allemagne […] a donc un double intérêt à empêcher que la France ne recrute pour sa Légion étrangère des mercenaires allemands » [103][103] SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement de presse 40/Pr..... La lutte contre la Légion s’inscrit dans la stratégie globale du nouveau gouvernement.

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Assez rapidement après sa création, le Geheime Staatspolitisches Amt, une nouvelle entité de la police d’État, élabore une stratégie pour prévenir les enrôlements [104][104] Le Geheime Staatspolitische Amt est plus connu sous.... Dès le mois de mai 1933, elle propose une série de mesures dont « la perte de la nationalité pour les légionnaires allemands et l’interdiction d’échanger de la correspondance entre les parents des légionnaires et ces derniers » [105][105] SHD/DAT, 7N22128 (2), renseignement 3443-scr-2/11,.... La presse allemande accorde une grande publicité à ces mesures qu’elle annonce à diverses reprises [106][106] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... L’objectif est assez habile. Il s’agit de ne pas effrayer les légionnaires susceptibles de rentrer en leur assurant qu’ils ne seront pas inquiétés sans pour autant augmenter le nombre de candidats. Ainsi, les anciens légionnaires ne seront « ni punis ni expulsés et conserveront leur nationalité […]. Cette immunité ne doit cependant pas constituer un attrait de plus en faveur de la Légion étrangère. Il est à supposer qu’à l’avenir, le gouvernement allemand prendra des mesures pour barrer de plus en plus la route de la Légion étrangère aux jeunes Allemands » [107][107] SHD/DAT, 7N22054 (2), Der Tag, 1er octobre 1933..

En juillet 1933, les différentes associations et ligues sont regroupées au sein du nsdap qui est proclamé parti unique. Aussi, en octobre 1933, le Volkischer Beobachter annonce-t-il que les principales ligues de protection contre la Légion se sont fusionnées en une seule association. Elle a pris le nom de « Ligue de combat contre la Légion étrangère française ». « Elle s’est placée sous la direction du parti national-socialiste » [108][108] SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement 6865-scr-2/11,.... Il est donc désormais évident que la lutte est directement orchestrée par l’État qui verse des subsides importants pour la propagande [109][109] SHD/DAT, 7N22122 (1), renseignement 7548-scr-2/11,.... La mainmise des autorités allemandes sur les associations d’anciens légionnaires se traduit par l’interdiction de celles qui ne rentrent pas dans le rang. Ainsi, en Saxe, la section locale de la Schutzverband gegen die französische Fremdenlegion qui n’a pas rejoint la nouvelle association est dissoute, interdite, et ses biens sont saisis [110][110] SHD/DAT, 7N22054 (2), Berliner Börsen Zeitung, 21 décembre....

Entre amnésie et activisme

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En 1934, les campagnes se poursuivent encore, mais avec moins d’insistance que l’année précédente. Le moment semble opportun pour faire le silence autour de la Légion. À partir de 1935, date qui correspond au rétablissement du service militaire en Allemagne, « les directives données par la police d’État paraissent pouvoir se résumer ainsi : ne plus parler de la Légion étrangère, même pas en mal » [111][111] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... À partir de 1937, une légère inflexion se fait sentir. Des journalistes allemands, « en quête d’articles et de renseignements sur la Légion », séjournent au Maroc [112][112] SHD/DAT, 7N22128 (2), renseignement 2062-bsle au chef.... La réserve à l’encontre de la Légion s’estompe au fur et à mesure que le peuple allemand, à force de propagande, est convaincu de sa « résurrection […] le traité de Versailles par lequel il fut soumis à l’esclavage pendant quatorze ans gît à terre en lambeaux. Chaque année apporte de nouveaux exploits dus à la témérité et à la bravoure du Führer » [113][113] SHD/DAT, 7N22100 (1), renseignement 218-bsle à la scr,.... Désormais, les campagnes peuvent reprendre. La population est apte à comprendre que « la présence de citoyens allemands à la Légion étrangère sert des intérêts qui sont étrangers au peuple allemand et heurte de ce fait l’opinion populaire. L’enrôlement à la Légion étrangère ou le fait d’y demeurer nuit à la puissance de la défense nationale et à celle du travail du peuple, ce que rien ne peut excuser ni effacer » [114][114] SHD/DAT, 7N22100 (1). Ce paragraphe, probablement rédigé....

Ennemis déclarés du Reich, les légionnaires sont mis au ban de la société en trois étapes. La première remonte au rétablissement du service militaire. L’article 140 de la loi du 28 juin 1935 transforme le légionnaire en hors-la-loi puisqu’il doit nécessairement quitter sans autorisation le territoire du Reich. L’infraction « est punie d’une peine […] cette peine entraîne, en outre, la perte de l’aptitude à exercer une fonction publique pour une durée de une à cinq années […] la tentative est passible de sanctions » [115][115] SHD/DAT, 7N22054 (2), note 5890-2-scr-ema, extrait.... Le second temps se déroule juste après l’Anchluss, en avril 1938. Il concerne les légionnaires en service qui doivent faire allégeance au régime [116][116] Il est évident que la loi dont il est bientôt question.... La loi sur la déclaration de résidence des Allemands à l’étranger oblige tous les citoyens, y compris les anciens ressortissants autrichiens, à se présenter personnellement ou, en cas d’empêchement, à écrire au consulat général d’Allemagne du lieu de résidence, pour y faire leur déclaration. Les modalités d’application sont assez difficiles pour les légionnaires qui se coupent de facto de la communauté allemande. La perte de la nationalité est la troisième étape du processus de leur bannissement. Le 22 février 1939, le ministre de l’Intérieur du Reich décide « que la nationalité allemande sera retirée à tout Allemand qui, en pleine possession de ses facultés mentales, se sera engagé dans la Légion étrangère ou aura contracté une prolongation d’engagement. Il en sera de même pour les anciens légionnaires rentrés en Allemagne qui se rendront à l’étranger en dépit de la défense qui leur aura été faite » [117][117] SHD/DAT, 7N22100 (1), renseignement de presse du 23 février.... La loi a désormais le mérite d’être claire, même si le retrait de la nationalité ne s’applique pas à tous les légionnaires en service. Ne sont concernés que « les ressortissants allemands qui désormais contracteront un engagement dans la Légion […] ou qui, servant déjà dans la Légion, contracteront un rengagement » [118][118] SHD/DAT, 7N22122 (2), analyse de presse 31326 au sujet.... Les Allemands qui se sont engagés ou rengagés avant le 22 février 1939 et qui continuent d’accomplir leur service ne sont donc pas visés par la loi [119][119] SHD/DAT, 2R45, note 34119HC/SUR/SAT du chef du service....

B - La Légion contre-attaque

Faciliter les engagements

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Les autorités françaises peuvent difficilement mener des actions sur le territoire du Reich pour inciter les jeunes Allemands à venir s’engager. Ce n’est qu’une fois la frontière franchie qu’elles peuvent leur faciliter la tâche. Au printemps 1937, une réflexion est conduite par la préfecture de la Moselle qui, dans le cadre du contrôle des étrangers, souhaite assurer un meilleur suivi des candidats à la Légion. L’acheminement des ressortissants allemands franchissant clandestinement la frontière et qui demandent à contracter un engagement n’est pas satisfaisant. Aussi le cabinet de la préfecture propose-t-il deux mesures. La première vise à favoriser le recrutement en faisant accompagner les candidats par la gendarmerie jusqu’au centre d’hébergement. La seconde proposition a pour objectif une meilleure coordination dans la procédure de remise à la vie civile des candidats non admis [120][120] SHD/DAT, 7N22106 (2), note du cabinet du préfet de.... Si tous les acteurs conviennent de la nécessité de cette mesure, personne ne semble vraiment disposé à assurer le convoiement. Après de nombreuses tergiversations, l’escorte est finalement dévolue aux commissaires spéciaux. En fin de compte, ces mesures sont assez limitées. En effet, ce n’est que dans la région militaire dont l’état-major est à Nancy que, du 1er novembre 1937 au 1er février 1938, des dispositions sont prises pour mieux contrôler l’entrée des étrangers, et finalement faciliter le recrutement des candidats allemands [121][121] SHD/DAT, 7N22106 (2), note 2186 du général de division....

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La France semble prête à payer le prix nécessaire pour s’assurer un recrutement de ressortissants allemands. En effet, cette mesure occasionne des frais importants puisqu’elle nécessite de rembourser les déplacements des escortes. Toutefois, « il est à constater que, depuis le jour où cette mesure a été appliquée, le nombre des engagés allemands a diminué fortement. D’une moyenne de cinquante par mois, l’effectif est passé à trente-cinq depuis qu’on accompagne les candidats. Est-ce un effet de cette mesure ? » [122][122] SHD/DAT, 7N22106 (2), rapport 10/S du capitaine Perrossier... Cette expérience est momentanément abandonnée.

Néanmoins, d’autres mesures sont prises pour favoriser l’arrivée des Allemands à la Légion. Le candidat bénéficie de conditions exceptionnelles qui l’autorisent à rentrer en France assez facilement. En effet, un décret-loi du 2 mai 1938 sur la police des étrangers prescrit que ces derniers ne sont admis à pénétrer sur le territoire national que s’ils sont munis des documents exigés par les conventions internationales. « Or en raison des mesures prises par certaines puissances, notamment l’Allemagne, pour s’opposer à l’engagement de leurs ressortissants dans la Légion étrangère, de nombreux candidats désirant servir dans les régiments étrangers ne peuvent pénétrer en France que clandestinement » [123][123] SHD/DAT, 3H236, note 2065-9/ema du ministre de la Défense.... Ainsi, le ministère de l’Intérieur prend les dispositions nécessaires pour que les Allemands en situation irrégulière et désirant s’engager à la Légion ne soient pas refoulés. Munis d’un sauf-conduit, ils sont dirigés sur le poste de gendarmerie le plus proche [124][124] SHD/DAT, 3H236, note D-18 du ministre de l’Intérieur.... Le recrutement allemand est donc l’objet d’une attention particulière qui n’est pas vraiment remise en cause jusqu’à la déclaration de guerre.

Du recrutement à la solidarité

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Les différentes actions entreprises par l’Allemagne font comprendre aux autorités françaises que pour recruter, il n’est plus suffisant d’assurer un service acceptable aux légionnaires, mais qu’il faut aussi prendre en considération « l’après Légion ». Les légionnaires libérés sont souvent, sans s’en douter, les meilleurs agents de recrutement. Encore liés à leur régiment par un attachement qu’une bonne libération renforce, conscients et reconnaissants des soins qui leur ont été donnés même après le service, ils ne manquent pas de manifester autour d’eux leur fierté et leur satisfaction d’avoir servi à la Légion [125][125] SHD/DAT, 7N2348 (3), document émanant du sil intitulé,.... Parfois, lorsque les difficultés de la vie civile sont trop pénibles, si la libération n’a pas été vécue comme une ultime brimade, l’ancien revient, car il se souvient des bons moments passés à la Légion [126][126] DHPLE, 1-F.P./C.24, rapport du sil pour l’année 1929,.... Aussi, à partir du début des années 1930, la libération est-elle l’objet d’une grande attention [127][127] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... « Il faut donner au libéré la certitude que la Légion ne le rejette pas comme un instrument qui a bien servi mais qui est devenu inutile ; il ne faut pas qu’il ait l’impression, en quittant le dépôt de Marseille, qu’une lourde porte se renferme derrière lui » [128][128] SHD/DAT, 7N2348 (3), document émanant du sil intitulé,.... Dès lors, plusieurs organisations d’entraide et diverses dispositions sont mises en place. Malgré les aléas, les légionnaires bénéficient de structures qui « ne les oublient pas […] et où ils peuvent obtenir une aide matérielle qui facilite l’accomplissement des formalités multiples et complexes que nécessite leur retour à la vie civile » [129][129] Idem..

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En d’autres termes, « on ne cesse pas d’être légionnaire au moment où l’on quitte l’uniforme. On le reste jusqu’à la mort » [130][130] Georges Manue, Têtes brûlées, op. cit., p. 247.. Celui qui passe à la Légion conserve à jamais son empreinte. Logiquement, les anciens se regroupent dans des associations qui remplissent plusieurs missions dont l’entraide et la solidarité sont les plus importantes. En outre, les différentes organisations d’anciens légionnaires cherchent à défendre les intérêts de leurs membres. Sous l’impulsion énergique du général Rollet, elles défendent les légionnaires pour leur faciliter l’octroi du droit de résidence qui conditionne l’accès au marché de l’emploi.

La solidarité Légion s’exerce aussi envers les légionnaires libérés qui ne peuvent pas travailler à cause d’une inaptitude, d’une réforme, ou encore auprès des anciens qui sont isolés, sans maison ni famille. Dès 1932, il est évoqué la possibilité d’offrir un abri et une existence convenable aux retraités et réformés dans une maison de retraite [131][131] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... Une fois encore, le général Rollet est au cœur du projet. C’est lui d’ailleurs qui signe le règlement intérieur de la maison de retraite du légionnaire située à Auriol [132][132] SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, lettre d’Élie Rambaud.... Le général inaugure le domaine le 8 juillet 1934 [133][133] SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, programme de l’inauguration..... Dès l’ouverture du centre, une quinzaine d’anciens légionnaires y sont admis [134][134] SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, note 69 du capitaine.... Par la suite, la maison de retraite diversifie son « offre » en accueillant ponctuellement quelques légionnaires récemment libérés. Ces « jeunes anciens » ne sont pas destinés à rester, mais à être placés dans des emplois de la région [135][135] SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, lettre de M. Rambaud.... De leur côté, les trente-cinq à quarante pensionnaires ne restent pas oisifs. Ils travaillent la terre [136][136] SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, lettre et reportage.... Le centre se développe, s’embellit et prospère. De nouveaux terrains sont acquis, et la presse écrite s’intéresse à l’œuvre [137][137] La Légion étrangère, revue mensuelle illustrée. Militaire.... Être légionnaire n’est plus seulement un statut mais aussi un « état ». Toutefois, ces mesures sont-elles suffisantes pour maintenir le recrutement germanique ?

Le recrutement allemand en chiffres [138][138] SHD/DAT, 7N1011 supplément et 9N79 supplément, rapports...

C - Évolution du contingent germanique

Tarissement du recrutement

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Durant les deux années qui suivent l’avènement d’Hitler, le nombre de ressortissants allemands engagés à la Légion étrangère subit une très forte baisse. En 1933, c’est environ la moitié de l’effectif de 1932 qui est admis. En raison du sureffectif et de la crise économique qui impose des sacrifices budgétaires, la Légion recrute très peu [139][139] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... Cependant, les chiffres sont trompeurs. En proportion, le recrutement allemand augmente très sensiblement. Après les fléchissements de 1931 et 1932 durant lesquels leur proportion est tombée à 23 %, les années 1933 et 1934 sont meilleures [140][140] SHD/DAT, 7N4041 (2), rapport 900/srd du colonel Azan.... Le pourcentage des engagés volontaires allemands remonte à 37 %. Si on y ajoute les Autrichiens et les Hongrois, le recrutement « germanique » s’élève même à 42 % [141][141] Il s’agit du « groupe 2 » établi par le sil.. Durant ces deux années, la faiblesse numérique du recrutement permet d’entreprendre une « sélection effective» [142][142] DHPLE, 1 fp/C27, rapport 101 du sil, p. 6, mars 19.... La forte représentation germanique s’explique par les qualités militaires de ce contingent qui fait toujours « la meilleure impression » [143][143] SHD/DAT, 9N123 (1), extrait du rapport annuel du sil....

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Entre 1935 et 1936, la situation est exactement inverse à celle des deux années précédentes. Les engagés allemands sont plus nombreux en effectif, mais baissent considérablement en proportion. Leur représentation chute aux environs de 20 %. Le nombre des engagés volontaires de nationalité allemande ou autrichienne ne croît pas proportionnellement à l’augmentation générale des engagements. En 1937, les facilités accordées par le Reich à ses ressortissants pour se rendre à l’exposition universelle permettent quelques engagements. Toutefois, « les tableaux des effectifs et des nationalités montrent une diminution notable des pays qui, autrefois, procuraient le plus de monde, en particulier l’élément allemand » [144][144] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... Désormais, le nombre d’engagés et le taux de proportion du contingent allemand coïncident.

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Le déclin du recrutement allemand est alors une évidence. Ce contingent devient même marginal en 1938. Il « est en régression très nette par rapport aux années précédentes et n’est plus que de 12 % à égalité avec le pourcentage de Polonais […]. Il convient également de remarquer que le nombre des engagés d’origine allemande (418) ne compense pas celui des libérés (484) » [145][145] SHD/DAT, 9N79 supplément, rapport du sil pour l’année 1938,.... Étant donné le faible pourcentage des Allemands qui arrivent à la Légion, les mesures prises par le Reich pour empêcher les engagements « paraissent avoir réussi en partie » [146][146] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour....

Mutation du contingent

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Depuis 1934, les rengagements des légionnaires allemands connaissent aussi une déflation. À partir de l’été 1938, étant donné le sort qui leur est réservé, les légionnaires allemands se rengagent massivement. En 1939, le mouvement continue, et le contingent allemand est désormais un de ceux qui restent à la Légion. L’institution semble donc être redevenue un refuge pour eux. Ce changement a de multiples raisons. D’une part, les légionnaires concernés se sont engagés en 1933 et 1934. Ils avaient déjà de bonnes raisons de fuir le nouveau régime. L’évolution de la politique intérieure allemande ne les incite pas au retour. D’autre part, le décret de dénationalisation du mois de février 1939 a eu un impact favorable sur les rengagements [147][147] SHD/DAT, 1N70 (4) supplément, note 192-S/2 du général.... Les légionnaires allemands semblent ne plus oser rentrer dans leur pays. Ainsi, les autorités du Reich sont parvenues à tarir le recrutement de leurs ressortissants, mais leur propagande pour éviter les rengagements n’a que partiellement réussi. Il n’en reste pas moins que, depuis 1933, le contingent allemand de la Légion étrangère a inévitablement subi des mutations.

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Les motivations des candidats sont désormais bien différentes de celles des premières années après la Grande Guerre [148][148] SHD/DAT, 9N960 (1) supplément, note 115/S du capitaine.... Les aventuriers, élément le plus intéressant, sont peu nombreux. Ceux qui s’engagent pour des raisons économiques viennent parce qu’ils ne trouvent pas de travail en Allemagne à cause de leurs opinions. La véritable raison de leur engagement est donc d’ordre politique. De fait, l’arrivée de la grande majorité des Allemands est expliquée par leur opposition au régime. Aussi, ce contingent est-il constitué de communistes ou de socialistes qui n’ont pas voulu s’affilier au parti nazi et qui sont persécutés en raison de leurs idées. Desnazis tombés en disgrâce viennent également chercher refuge [149][149] SHD/DAT, 9N79 supplément, rapport du sil pour l’année 1938,.... Aussi, après juin 1934, quelques sa préfèrent-ils prendre la fuite plutôt que de rester en Allemagne où leur existence s’annonce pénible. À ces persécutions politiques, il convient d’ajouter celles pour des motifs religieux comme « les catholiques, éléments très bons […] qui ne peuvent s’entendre avec le régime actuel » [150][150] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... « Du fait des décisions prises contre les individus de race non aryenne », les juifs constituent également une part croissante des ressortissants allemands [151][151] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour.... Ils viennent à la Légion parce qu’ils sont chassés de leur pays [152][152] SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour....

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Les anciens légionnaires peuvent faire partie de l’une de ces catégories, mais ces candidats forment à eux seuls un groupe bien particulier. Il n’est pas nouveau de voir les anciens légionnaires s’engager après une interruption de service. Les vexations dont ils sont victimes suffisent à expliquer leur retour dans des proportions plus importantes. « Le légionnaire quitte la Légion comme il est venu, avec la même insouciance […] s’il est Allemand, après de nombreux déboires, il finit par revenir sous un autre nom » [153][153] André Raulet, Légion über Alles !, éd. Lavauzelle,.... Le retour des anciens légionnaires et l’accomplissement d’un temps de service plus long modifient la structure du contingent allemand. Désormais, il est plus âgé et participe encore davantage à l’encadrement des unités. Entre 1934 et 1939, l’évolution est sensible. En cinq ans, alors que le taux de représentation du contingent a été divisé par deux, le nombre des sous-officiers d’origine allemande a augmenté d’environ soixante et celui des gradés d’encadrement de presque deux cents.

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Durant l’entre-deux-guerres, les relations entre la Légion étrangère et l’Allemagne sont à la fois complexes et paradoxales.

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Le recrutement est un enjeu dont la complexité résulte du changement qui intervient dans les premières années du Troisième Reich. Au début, dans l’immédiat après-guerre, les ressortissants allemands constituent le vivier des personnels dont la Légion a besoin pour renaître. La République de Weimar s’avère incapable d’endiguer réellement le flux des Allemands qui viennent s’engager en grand nombre. Puis, l’arrivée d’Hitler au pouvoir inverse la donne. L’efficacité des persécutions mises en place par le régime et le « relèvement de la nation » suscitent de moins en moins de vocations de légionnaires. En proportion, le recrutement « germanique » baisse considérablement à partir de 1934 pour être presque marginal en 1938. Inévitablement, le contingent allemand change de physionomie. Dans ce conflit qui ne porte pas de nom, ne peut-on pas dire finalement que face à l’Allemagne, la Légion a perdu « la bataille du recrutement » ?

A priori non, et c’est là le paradoxe que nous évoquions précédemment. D’une part, les mesures prises par le régime nazi qui provoquent le « départ » du contingent allemand ne sont-elles pas finalement une aubaine ? À l’heure de la montée des totalitarismes, une trop forte proportion d’Allemands n’aurait-elle pas pu avoir de lourdes conséquences sur le loyalisme de la troupe ? D’autre part, l’action subversive de l’Allemagne, dont le but est de faire capituler l’adversaire sans combattre en provoquant une crise du recrutement, produit les effets inverses à ceux recherchés. Elle oblige la Légion à adapter ses structures, son organisation et son fonctionnement, mais surtout à placer « M. Légionnaire » au centre de ses préoccupations. Désormais, être légionnaire n’est plus un « statut » mais un « état » [154][154] Le code d’honneur du légionnaire qui a été formalisé.... L’aboutissement de cette nouvelle conception est le développement de la « solidarité Légion » qui existe toujours au xxie siècle et fait la force de l’institution.

Notes

[1]

L’Illustration, n° 3905, 5 janvier 1918, p. 8.

[2]

Douglas Porch, La Légion étrangère, 1831-1962, Paris, Fayard, 1994, 844 p., p. 447.

[3]

Le concept de l’engagement volontaire pour la durée de la guerre (evle) a été mis en place en juillet 1870. L’urgence de la situation nécessite que les volontaires ne s’engagent pas pour une durée déterminée, comme c’est l’usage, mais uniquement pour le temps que dure le conflit. Ce type de contrat inédit est ensuite abandonné pendant plus de quarante ans. Blaise Cendrars est l’un de ces légionnaires occasionnels ou de circonstance. Il ne se définit pas comme un militaire, mais comme un volontaire « prêt à aller au bout de ses actes » (Blaise Cendrars, La Main coupée, éd. Folio, 2005, 445 p., p. 158, 267 et 299).

[4]

Colonel Maire, Nouveaux souvenirs sur la Légion étrangère, Paris, éd. Albin Michel, 1948, 211 p., p. 22.

[5]

Notamment par le régiment de marche de la Légion étrangère (rmle) qui arbore à la cravate de son drapeau non seulement une croix de guerre avec neuf citations, mais aussi la médaille militaire et la Légion d’honneur. De même, le 3e bataillon du régiment de marche d’Afrique qui se bat en Orient est cité à trois reprises.

SHD/DAT, 3H697, lettre du colonel Martin commandant le 2e régiment étranger, 23 mars 1923.

[6]

La première Légion est celle de 1831-1835, qui a été cédée à Marie-Christine d’Espagne.

[7]

Gaston Moch, La Question de la Légion étrangère, éd. Bibliothèque-Charpentier, 1914, 385 p., p. 59.

[8]

Le 25 septembre 1908, cinq légionnaires déserteurs dont trois Allemands, sont appréhendés juste avant leur embarquement sur un navire allemand dans le port de Casablanca. L’un d’eux étant reconnu par un fonctionnaire, une rixe s’ensuit, et des violences sont portées à l’encontre de deux agents consulaires qui, normalement, sont pourvus de l’immunité diplomatique. Quant aux déserteurs, ils sont arrêtés.

[9]

SHD/DAT, 3H259, note 5 du lieutenant-colonel Maurel commandant le 4e régiment étranger au Résident général, 17 janvier 1921.

[10]

Hubert Jacques, L’Allemagne et la Légion, éd. Libraire Chapelot, 1914, 176 p., p. 61.

[11]

Gaston Moch, op. cit., p. 5. L’auteur de cet article est rédacteur en chef de plusieurs journaux : Die grossere Deutschland et La Gazette du Rhin et de Westphalie.

[12]

Maurice Paléologue, Au quai d’Orsay à la veille de la tourmente, Journal, 1913-1914, Paris, éd. Plon, 1947, 329 p., p. 27.

[13]

Jacques Bainville, Histoire de deux peuples, continuée jusqu’à Hitler, Paris, Arthème-Fayard, 1947, 252 p., p. 239.

[14]

Colonel Maire, op. cit., p. 210.

[15]

Selon les estimations, il y aurait environ 12 000 légionnaires en 1913.

[16]

SHD/DAT, 7N144, note 1838-1/11, 25 janvier 1919. Cette note relative au renvoi immédiat dans leurs foyers des engagés volontaires étrangers pour la durée de la guerre précise que les soldats qui en feront la demande « sont autorisés dès maintenant à solliciter leur renvoi immédiat dans leurs foyers ».

dhpl, 1-FP/C22, rapport du lieutenant-colonel Rollet sur le moral de la troupe, mars 1919.

[17]

SHD/DAT, 7N381, rapport du lieutenant-colonel Rollet au sujet du rmle, transmis par le Résident général à la section Afrique de l’état-major des armées, note 220, 20 décembre 1919.

[18]

SHD/DAT, 6N112, télégramme 44, 17 janvier 1919.

[19]

SHD/DAT, 6N112, télégramme 2080, 21 avril 1919.

[20]

SHD/DAT, 3H95, télégramme 3867 bg, 17 juillet 1919.

SHD/DAT, 6N112, télégramme 2080, 21 avril 1919.

[21]

SHD/DAT, 3H259, note sur le recrutement de la Légion étrangère, sans service émetteur ou récepteur, mais postérieure à juillet 1919.

[22]

SHD/DAT, 3H259, note de service 3125, 27 décembre 1919.

[23]

Ibid.

[24]

SHD/DAT, 6N112, télégramme 54 du commissaire résident général à la section Afrique de l’état-major du ministère de la Guerre, 29 décembre 1920.

[25]

SHD/DAT, 3H95, note 347 du général Cottez, commandant provisoirement les troupes d’occupation au Maroc, au ministre de la Guerre, 12 août 1920.

[26]

SHD/DAT, 7N381, bordereau d’envoi 9455-1/11, 8 novembre 1919.

[27]

SHD/DAT, 6N112, télégramme 380/CMC, 18 novembre 1918.

SHD/DAT, 6N112, télégramme 44, 17 janvier 1919.

[28]

SHD/DAT, 6N112, télégramme 6/cmc, 25 janvier 1919.

[29]

La loi du 5 août 1915 interdit l’engagement à la Légion étrangère des sujets appartenant aux puissances ennemies.

[30]

SHD/DAT, 8N42, lettre 1911-1/11 du ministre de la Guerre aux commandants des régions militaires frontalières, 21 avril 1920.

[31]

DHPLE, 1-FP/C22, note 497/cm du ministère de la Guerre au Résident général, 23 février 1920.

DHPLE, 1-FP/C22, lettre de l’intendant général de l’armée du Rhin au général commandant l’armée du Rhin, 12 janvier 1920. À titre d’exemple, entre le 1er mai 1919 et le 1er octobre de la même année, il n’y eut que 38 engagements dans la zone de l’armée du Rhin. Il y en a 208 entre le 1er octobre et le 12 janvier 1920.

[32]

SHD/DAT, 3H365, note 4100-9/11 de la section d’Afrique au 1er bureau de l’état-major de l’armée, 27 septembre 1920.

[33]

Il y a alors 5 500 légionnaires au Maroc, alors que l’effectif initialement prévu est de 3 500 légionnaires.

[34]

DHPLE, 1-FP/C22, lettre manuscrite, 19 janvier 1920.

[35]

SHD/DAT, 3H259, note 54209-9/11 du ministre de la Guerre au ministre des Affaires étrangères, 29 décembre 1920.

[36]

SHD/DAT, 3H259, note 20415/S du général de division Bonneval, commandant provisoirement le 19e corps d’armée, à la section d’Afrique, 1er décembre 1920.

[37]

DHPLE, 1-FP/C22, note 8892 du lieutenant-colonel Rollet à la section d’Afrique, 18 août 1920.

[38]

SHD/DAT, 3H259, lettre du lieutenant-colonel Rollet au colonel Delmas, 24 juin 1920.

SHD/DAT, 7N2633 (1). Extrait de la brochure Über Propaganda du capitaine von Wallenberg, fascicule de mars 1922 de la revue Militärwissenchaftliche Mitteilungen. « Lorsque je veux qu’un grand nombre d’hommes pensent et agissent dans un sens déterminé, je dois leur faire apparaître sous un jour favorable ces pensées et ces actes. C’est ce que l’on appelle la propagande. »

[39]

MAE, carton Z 417, note pour la direction des affaires administratives et techniques, 4 novembre 1921.

[40]

SHD/DAT, 7N22054 (1), renseignement 9649, 24 mars 1930. La conférence puis les accords de Locarno visent à stabiliser la situation entre l’Allemagne et les autres États. Les accords portent sur la reconnaissance de la frontière ouest de l’Allemagne, la démilitarisation de la zone rhénane et l’entrée de l’Allemagne à la Société des Nations (sdn) où elle obtient un siège de membre permanent.

[41]

SHD/SHM, 1BB3.22, compte rendu trimestriel de renseignement concernant la propagande allemande d’après l’étude de la presse, janvier-mars 1928.

[42]

SHD/SHM, 1BB3.22, compte rendu trimestriel de renseignement concernant la propagande allemande d’après l’étude de la presse, 1er septembre-30 novembre 1928.

[43]

SHD/SHM, 1BB8.239, compte rendu trimestriel de renseignement concernant la propagande allemande d’après l’étude de la presse, 31 décembre 1931.

[44]

Ibid.

[45]

La fréquence de la réunion des officiers d’information est difficile à déterminer. Le rapport 174.M du SIL tend à laisser croire que cette « pratique idéale » n’est pas systématique : « Il y aurait avantage à tenir les centres de groupement des candidats au courant des modifications survenant dans la garde des frontières et à inciter les centres à tenir compte de ces modifications dans les itinéraires à conseiller aux candidats sérieux. Une visite annuelle orientée dans ce sens serait nécessaire » (DHPLE, 1-FP/C24, « La Légion étrangère au cours de l’année 1929 », 30 mars 1930).

SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note sur les modifications à apporter aux modalités actuelles sur le recrutement germanique de la Légion, 18 juin 1928.

[46]

Ibid. « C’est ainsi que dans le courant de novembre et décembre, on put reconnaître que de tous les volontaires mis en route d’Höchst sur Winden, aucun n’arrivait à destination. Il en fut de même, à un autre moment, entre Landau et Sarreguemines. »

[47]

SHD/DAT, 7N2590, note 1366/am de l’attaché militaire à Berlin au ministre de la Guerre, 26 septembre 1932.

[48]

SHD/DAT, 7N22128 (3), renseignement 4396-scr-2/11, 8 juillet 1932.

[49]

SHD/DAT, 7N22122 (1), renseignement 185/z-sdo au sujet des poursuites exercées contre les anciens légionnaires ayant servi à la Légion pendant la guerre, 6 juin 1929.

[50]

SHD/DAT, 7N22054 (1), Deutsche Wehr, 4 septembre 1931.

[51]

SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note sur les modifications à apporter aux modalités actuelles du recrutement germanique à la Légion étrangère, 18 juin 1928.

[52]

SHD/DAT, 7N20254 (1), renseignement 642-scr-2/11, 10 février 1931.

[53]

SHD/DAT, 7N22054 (1), Deutsche Wehr, 4 septembre 1931.

[54]

SHD/DAT, 7N22122 (1), renseignement 6673-scr-2/11, 5 octobre 1931.

[55]

SHD/SHM, compte rendu de renseignement concernant la propagande allemande d’après l’étude de la presse, 31 décembre 1931.

[56]

SHD/DAT, 7N22054 (2), rapport du chef d’escadron Lano au colonel gouverneur militaire de Dunkerque, 21 septembre 1932.

[57]

SHD/DAT, 7N992 supplément, note 1235-9/11 de la section d’études au 1er bureau de l’état-major de l’armée, 21 mai 1928.

[58]

SHD/DAT, 3H259, rapport du chef de bataillon Augier, 3 octobre 1920.

[59]

Pierre Soulié, Paul-Frédéric Rollet, père de la Légion, éd. Italiques, 2001, 736 p., p. 402.

[60]

SHD/DAT, 7N2348, note sur les modifications à apporter à l’organisation du dépôt de Marseille, 1er juin 1928.

[61]

SHD/DAT, 7N992 supplément, note 1235-9/11 de la section d’études au 1er bureau de l’état-major de l’armée, 21 mai 1928.

[62]

SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, note 2473 du bureau renseignements et propagande de l’état-major de l’armée du Rhin au ministre de la Guerre et des Pensions, 26 mars 1924.

[63]

SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, note 2820 du ministre des Affaires étrangères au ministre de la Guerre et des Pensions, 19 décembre 1923.

[64]

SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, projet de note accompagnant les prospectus, le ministre de la Guerre aux attachés militaires, sans date mais probablement de l’automne 1920.

[65]

SHD/DAT, 7N928 (1) supplément, « Le Légionnaire à la Légion étrangère », 1er août 1920, 88 p.

[66]

SHD/DAT, 7N989 (5) supplément, note 456-scr-2/11 de la section de centralisation des renseignements à l’attaché militaire près l’ambassade de France à Berne, 5 février 1930.

[67]

SHD/DAT, 7N989 (5) supplément, bordereau 1036-9/11 du ministère de la Guerre pour le cabinet du ministre, 1er mai 1928.

[68]

Cooper, Douze ans à la Légion étrangère, éd. Payot, 1934, 270 p., p. 174.

[69]

Prince Aage de Danemark, Mes souvenirs de la Légion étrangère, éd. Payot, 1936, 214 p., p. 105.

[70]

DHPLE, 1-FP/C26, rapport sur l’état d’esprit du 1er régiment étranger pour l’année 1932, 1er décembre 1932.

[71]

Pierre Mac Orlan, Légionnaires, Éd. du Capitole, 1930, 210 p., p. 71 et 72.

[72]

SHD/DAT, 9N960 (1) supplément, note 3121-9/11 de la section d’étude de l’état-major des armées à la direction du service de santé, 15 novembre 1929.

[73]

SHD/DAT, 7N2664 (3), note VI 5212 du ministère de l’Intérieur allemand en vue de combattre les enrôlements dans la Légion étrangère, 7 novembre 1922.

[74]

SHD/DAT, 7N22122 (3), renseignement 5304-scr-2/11, 31 octobre 1928. Extrait du Kölnische Zeitung du 16 octobre 1928.

[75]

SHD/DAT, 7N22054 (1), Hagener Zeitung, 31 mars 1930.

[76]

SHD/DAT, 7N992 supplément, note sur les modifications à apporter aux modalités actuelles du recrutement germanique à la Légion, 18 juin 1928.

[77]

SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note 3232bis-9/11, 25 novembre 1929.

[78]

SHD/DAT, 7N22054 (1), Mainzer Anzeiger, 10 août 1931.

[79]

SHD/DAT, 7N22054 (1), lettre de Wilhlem Marx au légionnaire Lieder, octobre 1929.

[80]

SHD/DAT, 7N992 (1) supplément, note 3232bis-9/11, 25 novembre 1929.

[81]

Capitaine Poirmeur, Notre vieille Légion, éd. Berger-Levraut, 1931, 317 p., p. 20.

[82]

SHD/DAT, 7N12054 (1), Pirmasenser Zeitung, 29 janvier 1931.

[83]

SHD/DAT, 7N22122 (3), lettre de M. Anton Giersen à son neveu, le légionnaire Giersen, 2 novembre 1929.

SHD/DAT, 7N22086 (1), lettre de M. Bayer à son frère, légionnaire au 1er régiment étranger, 12 mars 1927.

[84]

SHD/DAT, 7N22125, lettre de M. Pfennig à son fils, légionnaire à l’instruction, 28 juillet 1929.

[85]

Heinz Weil-Bernard, Contre-moi de la tyrannie…, Nouvelles Éditions latines, 1991, 234 p., p. 58.

[86]

Georges Manue, Têtes brûlées, éd. La Nouvelle Société d’édition, 1929, 283 p., p. 13.

[87]

SHD/DAT, 7N2314, note 1987-9/11 de la section d’études au sujet de la crise des effectifs de la Légion étrangère et des besoins approximatifs en 1925 et 1926, 22 juillet 1925.

[88]

SHD/DAT, 3H697, note du colonel Rollet commandant le 1er régiment étranger au général commandant supérieur des troupes du Maroc, 4 mars 1926.

[89]

Pierre Mac Orlan, Légionnaires, Éd. du Capitole, 1930, 210 p. p. 199.

[90]

SHD/DAT, 7N992 supplément, note sur les modifications à apporter aux modalités actuelles du recrutement germanique de la Légion, 18 juin 1928. Ce centre est l’un des points principaux par lequel transitent les volontaires allemands. En 1928, 67 % des candidats du centre sont allemands et 74 % germaniques (en incluant les Autrichiens et les Sarrois). Par ailleurs, en 1927, 60 % des légionnaires allemands qui ont été engagés sont passés par ce centre.

[91]

DHPLE, 1-FP/C23, rapport du capitaine Deschamps, commandant la 6e compagnie du 3e régiment étranger, 1924. « Le contingent de la compagnie comprend 60 % d’Allemands ».

[92]

SHD/DAT, 7N2348 (1), note 172/ES du 1er bureau de l’état-major des armées, 8 juillet 1926.

[93]

DHPLE, 1 FP/C24, rapport du sil pour l’année 1929.

[94]

Ibid. Cette année-là, de nombreux francophones (30 %) et Italiens (18,6 %) viennent s’engager.

[95]

SHD/DAT, 7N1011 supplément, rapport du sil pour l’année 1930.

[96]

SHD/DAT, 7N1011 supplément, rapport du sil pour l’année 1932.

[97]

Souvenons-nous qu’en 1920, le ministre de la Guerre écrivait à son homologue des Affaires étrangères que « les provinces rhénanes fournissent à la Légion étrangère un contingent supérieur à celui qu’il estime possible et désirable d’incorporer dans les unités d’Algérie et du Maroc ». (SHD/DAT, 3H259, note 54209-9/11, 29 décembre 1920).

[98]

Ibid.

[99]

SHD/DAT, 7N22054 (2), L’Ami du peuple, 12 mai 1933. Il s’agit d’un article du colonel en retraite von Ditfurth publié dans Deutschwehr. Selon le journal, cet officier serait l’auteur d’un livre assez virulent contre la Légion.

[100]

Ibid.

[101]

SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement 17003 du 29 mars 1933, enregistré le 10 avril à la scr, papier 487 du carton.

[102]

SHD/DAT, 7N2591, note 273/am de l’attaché militaire à Berlin au ministre de la Guerre, 28 mars 1933.

[103]

SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement de presse 40/Pr. de la sr, 25 février 1933. Der Arbeitdienst, février 1933.

SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement 17003 du 29 mars 1933, enregistré le 10 avril à la scr, papier 487 du carton.

[104]

Le Geheime Staatspolitische Amt est plus connu sous le nom de Gestapo.

[105]

SHD/DAT, 7N22128 (2), renseignement 3443-scr-2/11, 17 mai 1933. Dans la durée, les actions proposées par cet organisme s’avèrent extrêmement cohérentes. La note marque non pas une action à mener instantanément, mais le déroulement d’une méthode qui s’inscrit étape après étape.

[106]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1933.

[107]

SHD/DAT, 7N22054 (2), Der Tag, 1er octobre 1933.

[108]

SHD/DAT, 7N22054 (2), renseignement 6865-scr-2/11, 18 octobre 1933. Le numéro du Völkischer Beobachter est paru les 8 et 9 octobre. Il s’agit donc d’une fusion entre la Ligue de protection contre la Légion étrangère (Schutzverband gegen die französische Fremdenlegion) et la Ligue de combat contre la Légion étrangère (Kampfbund gegen die Fremdenlegion). Il est intéressant que le nom de la nouvelle association (Kampfbund gegen die französische Fremdenlegion) reprenne en partie les termes de cette ligue, mais qu’elle définisse plus nettement l’adversaire en précisant « französische ».

[109]

SHD/DAT, 7N22122 (1), renseignement 7548-scr-2/11, 21 novembre 1934.

[110]

SHD/DAT, 7N22054 (2), Berliner Börsen Zeitung, 21 décembre 1933. Cette mesure a été prise en vertu du décret pour la protection du peuple et de l’État en date du 28 février 1933.

[111]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1935, p. 10.

[112]

SHD/DAT, 7N22128 (2), renseignement 2062-bsle au chef du sea, 24 septembre 1937.

[113]

SHD/DAT, 7N22100 (1), renseignement 218-bsle à la scr, 27 janvier 1939. Il s’agit d’un extrait du Glaube und Tat (Foi et Action), un almanach chrétien (protestant) destiné aux formations de jeunesse, qui a été envoyé aux légionnaires par des pasteurs à l’occasion de Noël.

[114]

SHD/DAT, 7N22100 (1). Ce paragraphe, probablement rédigé en communiqué de presse par le ministère de la Propagande, se retrouve mot pour mot aussi bien dans le Völkische Beobachter que dans le Fränkische Tageszeitung du 22 février 1939 (renseignements 506-bsle du 3 mars 1939 et 561 du 8 mars 1939).

[115]

SHD/DAT, 7N22054 (2), note 5890-2-scr-ema, extrait de la loi du 28 juin 1935 portant modification du code pénal allemand, août 1935.

[116]

Il est évident que la loi dont il est bientôt question ne vise pas les légionnaires en particulier, mais les concerne en premier lieu.

[117]

SHD/DAT, 7N22100 (1), renseignement de presse du 23 février 1939.

[118]

SHD/DAT, 7N22122 (2), analyse de presse 31326 au sujet des mesures prises par le ministre de l’Intérieur du Reich concernant les Légionnaires, 3 mars 1939.

[119]

SHD/DAT, 2R45, note 34119HC/SUR/SAT du chef du service de la sûreté à l’ambassadeur de France haut-commissaire de la République en Allemagne, 25 juillet 1952. La question de la perte de la nationalité des légionnaires allemands ressurgit en 1952. Les légionnaires allemands sont toujours l’objet de tracas au sujet de leur appartenance à la nation allemande. En exécution des instructions du ministre badois de l’Intérieur, la police convoque six anciens légionnaires ayant servi dans la Légion avant le 8 mai 1945. L’agent raye « sur leur Kennkarte la mention “nationalité allemande” pour porter l’annotation “nationalité indéterminée”. Les directives mentionnent en outre qu’à partir du 8 mai 1945, l’entrée à la Légion étrangère n’a plus donné lieu, en aucun cas, au retrait de la nationalité. Le cas de chaque légionnaire sera examiné spécialement […]. En ce qui concerne Baden-Baden, cent soixante cas environ seraient à examiner […]. Il est évident que les ex-légionnaires considèrent cette mesure comme étant une brimade et craignent qu’il en résulte ultérieurement des difficultés relatives à leur séjour en Allemagne et à leur emploi dans l’économie allemande ».

[120]

SHD/DAT, 7N22106 (2), note du cabinet du préfet de Moselle au général commandant la 20e région militaire, 3 juin 1937.

[121]

SHD/DAT, 7N22106 (2), note 2186 du général de division Requin commandant la 20e région au ministre de la Guerre et de la Défense nationale, 25 juin 1938.

[122]

SHD/DAT, 7N22106 (2), rapport 10/S du capitaine Perrossier commandant l’annexe du dépôt de transition de la Légion étrangère à Toul, s.d., mais antérieure au 10 mars 1938.

[123]

SHD/DAT, 3H236, note 2065-9/ema du ministre de la Défense nationale et de la Guerre au ministre de l’Intérieur, 6 mai 1938.

[124]

SHD/DAT, 3H236, note D-18 du ministre de l’Intérieur au ministre de la Défense nationale et de la Guerre, 25 mai 1938.

[125]

SHD/DAT, 7N2348 (3), document émanant du sil intitulé, « La libération — L’organisation de l’entraide — Le rôle du sil », 20 février 1933.

[126]

DHPLE, 1-F.P./C.24, rapport du sil pour l’année 1929, p. 14.

[127]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1934, p. 20.

[128]

SHD/DAT, 7N2348 (3), document émanant du sil intitulé, « La libération — L’organisation de l’entraide — Le rôle du sil », 20 février 1933.

[129]

Idem.

[130]

Georges Manue, Têtes brûlées, op. cit., p. 247.

[131]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1932, p. 11.

[132]

SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, lettre d’Élie Rambaud au capitaine Goudard de la section d’études, 2 février 1934.

[133]

SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, programme de l’inauguration. Notons que l’image de ce dernier ne représente pas le centre mais un portrait du général Rollet dessiné par Benigni.

[134]

SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, note 69 du capitaine Rollin au chef de la sr-scr, 7 février 1934.

[135]

SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, lettre de M. Rambaud au capitaine Pasteur, 20 juin 1936.

[136]

SHD/DAT, 7N1009 (3) supplément, lettre et reportage photographique de M. Rambaud au colonel de Monsabert, chef de la section d’outre-mer, 12 septembre 1936.

[137]

La Légion étrangère, revue mensuelle illustrée. Militaire et coloniale, n° 2, juillet-août 1937, p. 38.

[138]

SHD/DAT, 7N1011 supplément et 9N79 supplément, rapports du SIL de 1932 à 1938. Les Autrichiens et les Tchécoslovaques ne sont pas pris en compte dans les graphiques. Entre 1933 et 1938, ils sont trois mille deux cent onze Allemands à s’engager sur un total de quinze mille huit cent quarante et une recrues, soit 20,2 %.

[139]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1934, p. 15.

[140]

SHD/DAT, 7N4041 (2), rapport 900/srd du colonel Azan commandant par intérim le 1er régiment étranger sur l’état d’esprit du régiment pour l’année 1935, p. 21, 7 décembre 1935.

[141]

Il s’agit du « groupe 2 » établi par le sil.

[142]

DHPLE, 1 fp/C27, rapport 101 du sil, p. 6, mars 1934.

[143]

SHD/DAT, 9N123 (1), extrait du rapport annuel du sil de 1932 mis à la disposition de la section études de l’ema, 27 mai 1933.

[144]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1937, p. 18.

[145]

SHD/DAT, 9N79 supplément, rapport du sil pour l’année 1938, p. 37.

[146]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1935, p. 10.

[147]

SHD/DAT, 1N70 (4) supplément, note 192-S/2 du général commandant le 19e corps d’armée au 2e bureau de l’état-major de l’armée, 8 mars 1939.

[148]

SHD/DAT, 9N960 (1) supplément, note 115/S du capitaine commandant l’annexe de Toul à la direction de l’infanterie, 4 décembre 1935. « Parmi les candidats allemands, il y en a un certain nombre qui, pour venir en France, ont parcouru à pied plusieurs centaines de kilomètres, sans repos, et qui, pendant de longues étapes qu’ils viennent de faire, n’ont pu se procurer qu’une alimentation absolument insuffisante ».

[149]

SHD/DAT, 9N79 supplément, rapport du sil pour l’année 1938, p. 5, 6 et 7.

[150]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1937, p. 6 et 7.

[151]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1935.

[152]

SHD/DAT, 7N1011 (2) supplément, rapport du sil pour l’année 1935 et, 7N4041 (3), rapport 517/srd du colonel Azan commandant le 1er régiment étranger sur l’état d’esprit du régiment pour l’année 1936, p. 21, 21 décembre 1936.

[153]

André Raulet, Légion über Alles !, éd. Lavauzelle, 1934, 176 p., p. 159.

[154]

Le code d’honneur du légionnaire qui a été formalisé dans les années 1980 mais trouve sa source dans le Mémento du soldat de la Légion de 1937 est très clair. L’un des articles stipule : « Fier de ton état de légionnaire, tu le manifestes. »

Pour citer cet article

Neviaski Alexis, « 1919-1939 : le recrutement des légionnaires allemands », Guerres mondiales et conflits contemporains 1/2010 (n° 237) , p. 39-61
URL : www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2010-1-page-39.htm.
DOI : 10.3917/gmcc.237.0039.

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