19310324 - Dans la Légion.

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19310308 - Le Centenaire de la Légion étrangère.

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19310303 - Le Centenaire de la Légion étrangère.

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Un Article des «DÉBATS»

Dans les « Débats », M. Gaétan Sanvoisin célèbre le centenaire de la Légion. De l'article qu'il publie a ce sujet, nous détachons les passages suivants :

— Il y aura cent ans; le 9 mars prochain, que fut instituée légalement la Légion étrangère avec le statut qui lui donne son organisation et des droits qui sont encore les siens. C'est là une date non seulement dans nos annales militaires et dans l'histoire d'un esprit de corps propre au romanesque et resté mystérieux, mais aussi dans l'orientation de maintes destinées éparses sous tous les cieux puisque la Légion est une sorte de garnison universelle sous les plis de notre drapeau.

« En 1914, la Légion arrive en Artois, livre combat à Fay et au Bois Étoilé, se fait décimer le 28 janvier 1915 sur la Grande Dune, près de Nieuport, enlève le 9 mai la crête de Vimy, conquiert les positions ennemies de la butte de Souain el celles du Bois Sabot, le 25 septembre, regagne. la Somme en 1916, redescend en Champagne en 1917, pour-la journée tragique du 17 avril, prend part le 24 août au coup dur de Verdun et vit en 1918 une véritable épopée : Villers Bretonneux, Missy-aux-Bois, Chaudun, Amblény, Saint-Pierre, Aigle, Dommiers, Vauxaillon, NeuvilIe-sur-Margival, où elle emporte sa citation d'alors :

« Avec nue fougue admirable, après douze jours de luttes très dures, le 1er régiment étranger a enlevé un des saillants réputés inexpugnables de la ligne Hindenburg.»

« En novembre, quand fut signé l'armistice, le drapeau de la Légion arborait la Légion d'honneur, la Croix de guerre avec neuf palmes, la fourragère rouge et la fourragère jaune.

Inlassables, en 1925 les magnifiques guerriers entraient triomphalement en campagne dans le Riff. »

19310302 - Le centenaire de la Légion.

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Il y aura cent ans le 9 mars prochain que fut instituée légalement la Légion Etrangère « avec le statut qui lui donne son organisation et des droits qui sont encore les siens. »   C'est là une date, non seulement dans nos annales militaires et dans l'histoire d'un esprit de corps propre au romanesque et resté mystérieux, mais aussi dans l'orientation de maintes destinées, éparses sous tous les cieux, puisque la « Légion est une sorte de garnison universelle, sous les plis de notre drapeau. »

Peu de formations héroïques ont fournit à la littérature et à la synthèse rude de l'imagination populaire une matière aussi ample. L'atmosphère de Sidi-Bel-Abbès compose une force attractive de rare qualité, poétique et mélancolique à la fois, autour de l'uniforme à grenade.
Trois éléments se partagent la vie du légionnaire : le risque, le « cafard », l'illusion. Un des historiens de la phalange légendaire et qui~lui appartint durant cinq ans : M. C.-R~Manue, a écrit : « Il ne faut pas oublier que les légionnaires sont des dépaysés, des déclassés que rien ne retient ni ne lie, en proie aux plus terribles désespérances ou soucieux d'oublier un lourd passé. » Sur la couverture du livre que leur consacra jadis M. Georges d'Esparbès on voyait un de ces modernes « chevaliers de fortune porteur d'un masque qui dérobait entièrement ses traits. Symbole du drame inconnu qui, multiplié, aboutit souvent, sous le soleil d'Afrique, à l'enrichissement d'une équipe d'énergies unique au monde !

Pour ceux qui se rappellent les hécatombes amoncelées, cette phrase vaut mieux encore qu'un chapitre de Plutarque : « Pendant la guerre, sur le front de France, le ler régiment de marche de la Légion Etrangère venait en tête de la division marocaine; il avait groupé sous son drapeau à fourragère rouge tous ceux qui, en Europe, avaient éprouvé le besoin de contribuer, de leur personne, à la victoire française.

Les fastes de ta Légion ? Un siècle de gloire. Sa devise ? Disctpline – et le mot prend en l’occurrence tout son sens inflexible. M. Mac Orlan a évoqué, au cours de son enquête, le jeune poète américain Alan Seeger, tué dans les rangs des légionnaires, Kisling et Blaise Cendrars, qui y furent blessés, et la parole du général Dodds : « A de tels sotdats, on peut tout demander. »

Ouvrons le palmarès incomparable : combat de Mouley Ismaël en 1835; de 1841 à 1852, c'est Kolea, Bou Maza, Constantine, la Mouiouya. 1854. Campagne de Crimée. Viennent ensuite celles d'Italie et du Mexique. Voici l'Année Terrible. Le prince Karageorgevifch, qui deviendra le roi Pierre1er de Serbie, lutte avec elle comme officier au titre étranger. Et le Dahomey, Madagascar, se succèdent,  après le Tonidn. Puis c'est le Maroc, où, en 1906, « le premier régiment de marche reçoit la Légion-d'Honneur. »

1914... La Légion arrive en Artois, livre combat à Fay et au Bois Etoilé, se fait décimer, le 28 janvier 1915, sur la Grande-Dune, près de Nieuport, enlève, le 9 mai, la crête de Vimy, conquiert les positions ennemies de la butte de Souain et celles du Bois Sabot le 25 septembre, regagne la Somme en 1916, redescend en Champagne en 1917 pour la journée tragique du 17 avril, prend part, le 24 août, au coup dur de Verdun et vit, en 1918, une véritable épopée: Villers-Bretonneux, Missy-aux-Bois, Chaudun, Amblény, Saint-Pierre Aigle, Dommiers, Vauxaillon, NeuviIle-sur-Margivat, où, porte sa citation d'alors, « avec une fougue admirable, après douze jours de luttes très dures, le premier régiment étranger a enlevé un des saillants réputés inexpugnables de la ligne Hindenburg ». En novembre, quand fut signé l'armistice, le drapeau de la Légion arborait la Légion d'Honneur, la Croix de guerre avec neuf palmes, la fourragère rouge et la fourragère jaune. Inlassabtes, en 1925 les magnifiques guerriers rentraient triomphalement en campagne, dans le Riff.

A Montréal un monument va être élevé pour commémorer le souvenir des soldats français et étrangers qui sont morts au champ d'honneur de 1914 et 1918 dans les rangs de la Légion. J'ai sous les yeux la reproduction de la maquette d'un autre monument dû à la collaboration du peintre militaire Mahut et du statuaire Pourquet qui devait être érigé cette année, à Sidi-Bet-Abbès, dans la cour même de la caserne du 1er régiment. Y pense-t-on toujours?

11 est des sentiments âpres, tributaires d'erreurs inexpiables, faits de nostalgie, de renoncement et de témérité, que ne sauraient exprimer l'outil de l'artiste et la plume de l'écrivain. Ici, la musique intervient.

La Légion a la sienne; son orchestre à cordes comprend des musiciens qui ont appartenu aux grands orchestres de Milan, d'Amsterdam, de Berlin, de Vienne; sa clique présente une particularité unique dans notre armée: en plus des clairons, trompettes, tambours et cors de l'infantene, elle possède des fifres en pied...

La musique de la Légion. Des morceaux qu'elle exécute se dégage une sorte de drogue idéale et perfide, qui noie l'ennui et anéantit la peur quel que soit le paysage que la présence de ces hommes anime.

GAÉTAN SANVOISIN

19310228 - Le Centenaire de la Légion étrangère.

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Le 9 mars, la Légion étrangère aura cent ans.

Le gouvernement se propose de les fêter et il aura grandement raison,car cette troupe peut bien, pour une fois, être à l'honneur après avoir été si souvent à la peine.

Son histoire et aussi son épopée méritent d'être rappelées : sa création officielle, alors qu'elle continuait déjà, depuis longtemps, officieusement, la tradition des bataillons-étrangers qui, au cours des siècles avaient existé en marge de l'armée française et les innombrables actions d'éclat qui ont illustré son drapeau aux quatre coins du monde.

On a beaucoup décrié la Légion; on l'a généralement mal connue.

Elle n'a guère vécu que de légendes; la vérité lui serait bien due, enfin.

Des voix plus autorisées célèbreront son héroïsme;disons simplement que, depuis cent ans, la Légion étrangère a bien mérité de la patrie.

Bien qu'elle fut surtout composée d'étrangers, elle a servi la France, avec une loyauté, un dévouement, un courage incomparables et on reconnaîtra qu'elle ne ne l'a pas fait sans risques, quand on indiquera que, dans une période de dix ans, elle a perdu sur un effectif de six mille hommes 33 officiers et 3643 soldats.

Encore négligeons-nous les blessés innombrables...

On sait comment est constituée la Légion, par l'unique engagement de volontaires anonymes.

Celui qui se présente pour l'enrôlement n'est l'objet d'aucune enquête.

Le nom qu'il donne est admis comme le sien et il ne lui est posé aucune question indiscrète.

Qu'il s'agisse d'un étranger qu'attire l'aventure, d'un déserteur, d'un condamné de droit commun qui aspire à se racheter, ou plus simplement d'un dévoyé ou d'un malheureux écrasé par une lourde peine, chacun est accueilli de la même manière.

C'est, pour certains naufragés de la vie, le refuge et la paix.

Et l'expérience a prouvé que, sous une discipline ferme et bienveillante, ce mélange d'éléments si divers constitue le plus admirable foyer d'énergie morale et de vertus militaires.

Une remarque curieuse, c'est le grand nombre d'allemands qui s'engagent dans la Légion.

Avant 1870, ils en formaient la majorité; plus tard, l'effectif des Alsaciens - Lorrains était aussi très élevé.

Il s'agissait généralement de déserteurs. Les uns comme les autres servirent bravement la France.

On a connu aussi un général prussien et un prince cousin de Guillaume II dans cette troupe d'aventure où l'on découvre couramment, quand ils avouent leur identité ; des professeurs, des médecins, des officiers, des prêtres, et où a passé jusqu'à un évêque bulgare qui fut un admirable soldat.

Guy de la Blancarde


N.D.L.R. Nous profitons de l'occasion pour demander à qui de droit, la raison ayant jusqu'ici retardé l'avancement du brave Colonel Rollet, commandant le 1er étranger ?

Est-ce parce qu’il est trop militaire et pas assez civil ?

193101 - Le Maroc et l'imagination.

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J'ai, devant moi, sur ma table de travail, la carte dépliée du Maroc. Au crayon bleu, j'ai ligné,quelques sou- noms de villes, des noms célèbres de la poésie géographique et d'autres qui ne sont célèbres que- pour moi, quand mon imagination leur impose des images plus vraies sans doute que la vérité contrôlée par les yeux et les mystérieux enchantements de la photographie. Voici les noms dont le, grand, public ne peut ignorer la haute valeur décorative et sensuelle : Tanger et ses commerçants inquiets, Tétouan, Fez, Rabat et Salé, Meknès, Casablanca, Marakech.

J'ajoute à cette liste quelques noms qui, pour moi gardent une puissance sentimentale exacte et féconde : Dar Riffien où les légionnaires espagnols élèvent des cochons bruns connue des sangliers, Oudjda défigurée par l'hygiène et Bou Denib où je n'ai jamais mis les pieds.

Voici tout ce que je connais du Maroc, c'est-à dire tout ce que j'ai vu (Bou Denib excepté) du Maroc à un âge et dans une situation qui ne me permettait plus de me mêler au jeu et d'acquérir du mérite en laissant un peu de moi-même sur ces pistes d'ailleurs bien fréquentées par des Chrysler et des autocars repus.

Ceux qui ont vu comme il est utile de voir quand on veut plus tard extraire un certain profit de la connaissance pittoresque des choses sont les hommes qui ont sacrifié leur graisse et quelques espoirs assez choisis sur ces routes du Sud ouvertes à toutes les impressions poétiques faciles.

Ainsi le Maroc déroula devant mes yeux ses films éblouissants dont les mille images s'animaient dans cette lumière si merveilleuse qu'elle devenait plus lourde que l'ombre dans les froids pays du nord de la France.

Il fut un jour entre Marrakech et Casablanca où je me crus transporté au temps des diligences.

L'aventure rôdait peut-être sur la place Djemaa el Fna dont le nom sinistre permettait des associations d'idées conformes aux lois de cette chimère.

C'était au moghreb, le mot est plaisant, et-puis ill indique précisément que ce crépuscule de la nuit appartient à un pays dont les nuits ne sont pas peuplées d'apparences familières. L'heure trouble du coucher du soleil ramenait toutes les odeurs de Marrakech vers cette place où quelques éléments d'architecture européenne disparaissaient modestement devant l'excitation quotidienne d'une foule de braves gens qui obéissaient à des rythmes dont je ne pouvais guère imaginer l'importance et les effets. Sur la Place du Congrès des Trépassés des hommes et des femmes s'associaient, se dispersaient pour s'agglomérer de nouveau au hasard de leur fantaisie qui s'alimentait sans cesse aux forces inquiétantes de cette rue du Sud-Marocain où les tambours des petits danseurs chleuhs provoquaient des exaltations clandestines.

Pour moi, perdu dans cette foule de djellabas qui sentaient le suint, sans guide pour m'expliquer définitivement le mystère des choses, je ne tenais au sol réel que par mon verre de bière servi sur un vrai guéridon de zinc à la terrasse d'un petit café fréquenté par des colons de la région et des ouvriers d'origine un peu espagnole.

Des légionnaires maigres, au visage durci par les feux combinés de l'Afrique et du passé, mangeaient du bout des doigts des saucisses chaudes, dont le parfum occupait provisoirement tout l'espace jusqu'aux orangers de la Mamounia. En tenant ferme mon verre de bière je ne parvenais pas à concevoir ma présence sur cette place comme une réalité banale. Un autre personnage que moi-même, un personnage sans aucune importance, mêlait sa ridicule légèreté corporelle au roulement sourd des derboukas, au glapissement d'armes des castagnettes de fer, à toute cette joie gutturale qu'un porteur d'eau fraîche, couvert de cuivre et astiqué comme un chapeau chinois semblait porter sur ses jambes maigres. Le typhus rôdait sournoisement dans cette foule et je surveillais avec adresse une bande d'enfants et de longs vagabonds qu'un agent de police conduisait au centre d'épouillage, à quelques pas. L'aventure pouvait suivre leurs traces comme elles pouvait également se mêler à cette fureur écarlate dont un Européen quadragénaire assommait le
conducteur d'un fiacre tapissé d'une nappe ornée de dentelles parce qu'il hésitait à le conduire à l'Aguedal. Il faut dire que dans la voiture, à côté du gros Européen en complet marron, une marocaine voilée et impassible ruminait le véritable secret de cette scène anormale, inquiétante et riche en hypothèses de toute nature.

L'aventure accompagne ici les soldats de la Légion étrangère. Par origine et par principe, ils sont bons conducteurs de cette étonnante force lyrique qui donne à l'humanité une parure d'exception.

L'aventure est au bout des routes, au point même où elles se confondent avec le bled dans le triste paysage de tôle ondulée d'un dépôt d'outils. Au Maroc, l'aventure suit les routes au sol de fer pour atteindre l'heure trouble où le paysage devient parfois homicide : des fusils de diverses provenances peuplent la nuit d'éclairs rapides. C'est une fusillade nonchalante qui tient l'imagination en éveil jusqu'au jour où l'on apprend que la compagnie montée du Ne Régiment étranger a dix-huit hommes tués. La mort violente qui est la commère de l'Aventure entretient soigneusement son domaine. Elle est assise au bord de la route, au bord de l'Erg, quand l'autocar ventru attire les hommes du Sud vers l'aventure au pays des machines. Ils sont venus l'imagination farcie de légendes précises : les uns chevauchent des ânes et les autres poussent devant eux des chameaux fragiles et mélancoliques. La route, où des soldats à torse nu accomplissent une besogne à décourager un entrepreneur de travaux publics, apparaît belle et lisse comme un fleuve des régions tempérées. Les pieds des bêtes sonnent sur cette route qui semble une coulée de lave à peine refroidie. Le grand autocar ronfle faiblement, prêt à partir. Ceux du Sud dominent tous les réflexes qu'une imagination trop nourrie doit leur imposer. Ils renvoient leurs bêtes vers les dunes surveillées par les errants des compagnies sahariennes, et ils montent dans la machine infernale, le visage calme et presque désabusé, comme ceux qui accomplissent un geste quotidien assez fastidieux. Mais dans leur poitrine leur cœur bat plus vite et leurs yeux indifférents se referment sur des images presque désespérées.

C'est ainsi qu'ils gagnent la ville rouge, la place Djemaa-El-Fna... le pays merveilleux où les bicyclettes sont des gazelles et les fanfares militaires des apothéoses presque terrifiantes.

C'est aux endroits même où les hommes se groupent pour écouter la voix de leurs instincts que l'aventure choisit ses spectacles et disperse ses agents recruteurs. Ce n'est pas le décor d'un pays qui peut créer l'aventure, malgré toutes les ruses d'un paysage souvent tragique. L'aventure est une création cérébrale, l'homme la nourrit longtemps dans sa tête avant de se livrer aux hasards ainsi provoqués. En dehors de l'aventure militaire et de ses disciplines, le Maroc peut dérouler, à certaines heures un film d'une incomparable puissance.

Le mystère social pénètre parfois comme une brume opaque dans les medinas les mieux ouvertes et dans les mellahs les plus soumis. Là où règne le mystère social, l'aventure rampe comme une larve. Elle gémit, cette incroyable bête, car elle exige du sang humain pour prendre des forces et s'élancer dans un bond presque toujours imprévisible.

C'est en me promenant et en me faisant mince dans la foule silencieuse des nuits bourgeoises de Fès qu'il me semblait entendre les échos des grands films sonores dont l'humanité subit l'attrait homicide. Le YOU-YOll des femmes se mêlait aux coups sourds des tambours, une ghaïta pleurait quelque part comme une source dans la nuit. Toute la ville sentait la boucherie.

L'odeur du sang amollissait les jambes, les reins et les yeux. Les oreilles vivaient d'une vie surnaturelle.

A cette heure, le Maroc me paraissait tout à fait incompréhensible et l'homme en général plus près des rythmes de la nature qui ne sont pas précisément confidentiels

Une trompette barbare pouvait mettre le décor en marche et donner aux grands journaux d'Europe l'occasion d'exercer le courage et le talent de leurs correspondants de guerre.

Pierre MAC ORLAN.

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