18950216 - Le Monde illustré - A MADAGASCAR - LE BOMBARDEMENT DE FARAFATRANA.

 

A MADAGASCAR - LE BOMBARDEMENT DE FARAFATRANA.

 

Tamatave était occupée par nos troupes le 12 décembre; le drapeau français était hissé sur la batlerie hova « pour toujours»; toutes les tentatives pacifiques ayant échoué, notre plénipotentiaire, M. Le Myre de Vilers, quittait Madagascar le 27.

Le départ du ministre plénipotentiaire français, c'était la déclaration définitive et irrémédiable de l'état de guerre, c'était l'abandon par l'administration civile aux pouvoirs militaires de toute liberté d'action.

Pour marquer l'ouverture de cette situation nouvelle, un bombardement fut décidé; le bombardement de Farafatrana fut pour la marine comme une fête d'inauguration.

Le 27 décembre au soir, le commandant Bien-Aimé avait passé en revue les troupes de la garnison : la première opération offensive était décidée pour le lendemain.

Le 28, avant huit heures, le Dupetit-Thouars quittait son mouillage en grande rade pour aller prendre position dans la baie de Panalana; le Primauguet et le Papin s'embossaient sur place; la mer était calme: pas un souffle n'en ridait la surface.

Pour seconder les canons des trois navires, une batterie (que nous représentons au moment de son départ, d'après une photographie de MM. Perrot) va prendre position dans la plaine de Betainaomby.

Enfin, les canons tonnent, les coups se succèdent de minute en minute;la flotte tire environ cent coups, la batterie de terre cinquante.

A 10h1/2 le feu cesse : l'heure du repas sonne.

Les Hovas n'avaient pas riposté, toutes leurs défenses semblent anéanties.

Quelques heures après cependant ils démasquent une batterie : peut-être pensaient ils que nous avions épuisé toutes nos munitions. Ils tirent six ou sept coups de canon, dont un seul boulet est venu tomber à 400 mètres en avant des batteries de Betainaomby; c'est leur plus grand effort.

Les batteries de terre ripostent, le Papin tire quelques obus à la mélinite sur la batterie hova ; lorsque la fumée est évanouie, on peut constater qu'il ne reste plus rien debout chez les ennemis, ni canon, ni Hova.

PRISE DE L'« AMBOHIMANGA ».

Du côté de Diego-Suarez, nous n'avons pas encore agi avec autant d'énergie : nous laissons les Hovas maîtres d'Ambohimarina, d'où leurs bandes pillardes viennent chaque nuit dévaster impunément notre colonie.

Nous n'avons pu de ce côté, malgré les douze cents hommes de garnison que nous entretenons dans notre colonie, préserver nos frontières.

Les colons de nos villages agricoles ont dit abandonner leurs cases pour se réfugier au chef-lieu : ils ont évacué entre autres villages, ceux de la Montagne d'Ambre et du Sakaramy; le village d'Anamakia, qui est tout proche du chef-lieu (Antsirane), a déjà, lui aussi, été dévasté à différentes reprises par les pillards: l'audace des Hovas est telle que le 23 décembre ils ont attaqué le poste militaire de Mahatsinzo; leur attaque, cela va sans dire, a été prestement repoussée par nos tirailleurs sakalaves que dirigeait admirablement le brave capitaine Jacquemin, ce crâne officier dont les démêlés avec M. Larrouy ont fait jadis quelque bruit.

Toutes les propriétés et les plantations de nos colons de Diego-Suarez ont été saccagées par les Hovas : quelques heures ont suffi pour anéantir les résultats de neuf années de travail et de sacrifices.

En rade de Diego se balançait depuis quelques mois le seul bateau qu'ait jamais possédé le gouvernement Hova : l'Ambohimanga; il n'était plus armé; ce n'était guère qu'une épave des grandes espérances hova; le 13 décembre un détachement de marins du ponton de l’État, la Corrèze, a pris possession de cette canonnière; le pavillon de la reine a été abattu et remplacé par le pavillon tricolore.

Les Hovas eurent jadis une armée de mer : onze ou douze fusiliers marins ! qui avaient été embarqués à bord de l'Ambohimanga; cette armée de mer, s'en est allé comme leur armée de parade, faute de fonds.

Aujourd'hui le gouvernement hova n'a même plus son piquet de marins aux pieds nus : il l'a licencié depuis longtemps par nécessité budgétaire.

HENRI MAGER

 

LE STEAMER AFFRÉTÉ « NOTRE-DAME-DE-SALUT».

 


Un premier steamer affrété par le Gouvernement, pour transporter des troupes et du matériel à Madagascar, a quitté Marseille le 9 février, à destination de Toulon et Philippeville où se complétera son chargement.

Ce steamer porte le nom de Notre-Dame-de-Salut.

C'est un grand et élégant bateau, de construction anglaise et qui a fait, durant plusieurs années, le service postal de Londres à Zanzibar, Mozambique et la colonie du Cap. Il a été acheté, au prix de 600,000 francs, par la Société des Pèlerinages organisés par les Pères de l'Assomption, dont le siège est à Paris. Et déjà, il a effectué trois voyages de Marseille à Jaffa, d'où les pèlerins, ses passagers habituels, gagnent Jérusalem par le nouveau chemin de fer.

Destiné à recevoir un grand nombre de passagers, ce steamer est pourvu de nombreuses cabines. Ses cales ont été disposées pour recevoir les 700 sous-officiers et soldats qu'il doit transporter à Madagascar, et son pont supérieur a été garni de bâtes  —  qui l'obstruent, du reste, un peu trop — peut loger les 150 chevaux et mulets qui lui seront remis à Philippeville, pour la même destination.

Comme d'usage, un hôpital a été installé à bord, et le steamer est pourvu d'appareils de distillation pour assurer à ses passagers l'approvisionnement en eau douce et potable, dans le cas où on ne pourrait, à un moment donné, se munir, à la côte, de ce liquide indispensable.

Le steamer Notre-Dame-de-Salut a quitté Toulon mardi. Il s'est rendu à Philippeville, pour prendre exactement, 1 officier supérieur, 6 officiers subalternes, 1 adjudant, 1 sergent-major, 10 sergents, 10 caporaux, 111 soldats, 12 chevaux et 141 mulets, du matériel et 2 batteries d'artillerie.

A Marseille, il avait déjà pris une centaine d'hommes du génie et du train des équipages, ainsi qu'un matériel important pour Majunga et des approvisionnements de toutes sortes.

A cette occasion, nous avons vu ici, pour la première fois, le nouvel uniforme adopté pour le génie et pour le train des équipages, et qui consiste en l'adoption du béret alpin et de la pèlerine à capuchon, gris-bleu foncé, avec passe-poils rouges et capuchon.

Ces soldats étaient munis, en outre, du casque colonial blanc. Ils paraissaient confortablement et convenablement vêtus, de cette façon.

Avec une vue du steamer Notre-Dame-de-Salut, prise dans le port de Marseille, par notre correspondant, nous donnons un groupe de soldats du train, avec leur nouvel uniforme, sous l'avant du bateau où ils allaient s'embarquer.

Le steamer Notre-Dame-de-Salut a été affrété par l’État, au prix de 31.000 fr. par mois.

A Madagascar, il restera à la disposition de M. le capitaine de vaisseau Bien-Aimé, chef de la division navale.

H. F.

Pévisions d'activités

Dernières Infos