Le sentiers des braises, un livre de Guy Sallat sur un officier exceptionnel, héros de Camerone, de Bazeilles et de tant d'autres combats - Od2C Éditions -
Dans le feu de la guerre, Philippe Maine a tracé son chemin : le sentier des braises ; ces restes brûlants qui éclairent les yeux qui attendent, chauffent les corps endurants mis à l’épreuve et survivent sous la dernière cendre qui les mène inexorablement au gouffre froid de la mort.
Guy Sallat a fait un beau choix. Faire revivre la légende d’un soldat total, issu du rang. Un officier de troupe qui, pour chercher sa voie, porta tous les uniformes : chasseur, fantassin de ligne, Bat d’Af, légionnaire, colonial, franc-tireur, et même territorial. Il fut, comme il en rêvait, de presque tous les combats de son temps. Ceux d’un siècle, ceux du Second Empire qui résume notre histoire militaire d’avant et celle qui adviendra plus tard. Celle du pouvoir qui envoie ses soldats faire la guerre à sa place pour y inscrire son nom en lettres d’or sur un monument de pierre.
Ce diable d’homme de Maine, une figure parmi tant d’autres, incarne à lui seul ce à quoi l’armée française vous entraîne : un tempérament, une soif d’aventure, un soldat d’exception, un chef naturel issu d’une histoire familiale et de son territoire profond du Périgord.
Avec la modestie de l’héroïsme et l’abnégation du serviteur, Maine a connu tous les grades, excepté celui de lieutenant-colonel dont il rêvait et qu’on lui avait octroyé dans l’urgence. Avant de lui reprendre, car le système, celui de l’arrière qui survit à toutes les épreuves, se renie et maltraite parfois ses vieux serviteurs épuisés. Et c’est ainsi qu’au terme de 27 ans de campagnes, deux blessures, deux captivités, une évasion, le survivant héroïque de Camerone, de Bazeilles et de tant de combats, frôlant la gloire, épargné par la mort, termina au grade de capitaine ; après avoir obtenu la Légion d’honneur comme caporal, été promu officier à titre exceptionnel et officier de la Légion d’honneur dans les mêmes conditions.
Pour écrire ces « mémoires d’outre-guerre », Guy Sallat connaît son métier et son homme. Il a pris, au bénéfice d’un siècle en plus, la main du capitaine Maine pour voir à hauteur d’hommes, écrire à hauteur d’âmes, arpenter les terrains d’une vie où l’impossible se prépare ensemble et s’exécute sans discussion.
Ces mémoires posthumes écrit au singulier racontent une seule histoire ; elle en vaut mille autres. Histoire que le soldat fait en silence, là où le destin qu’il poursuit l’expédie. Au bout du monde, en toutes circonstances, de l’Algérie au Mexique, dans la redoutable Crimée, sauf en Italie qu’il a manquée, dans la guerre mal engagée contre la Prusse en plein essor ; dans l’enfer du combat, de la maladie, de la blessure, de la fatigue, de la faillite du commandement et du doute de la dernière cartouche avant un jour, de quitter, meurtri, ses frères et leurs combats. Et de rentrer au pays pour n’être rien sauf pour les siens et, déjà mort au pied de son tombeau, essuyer, sur la route du paradis des braves, un dernier coup de feu maladroit.
Ce livre résume, avec l’érudition de la passion et le brio de l’écriture ce qui fait l’honneur du métier militaire : la force de la droiture, l’art des circonstances, la chance du talent, et l’énergie fidèle et infatigable de l’esprit de corps. Fraternité dans l’épreuve, déchirures du sort, horreurs et honneurs mêlés, la voix de Maine dit la guerre dans les hautes latitudes de la ferveur fiévreuse et ses longs instants de peine dans la boue des tranchées, sous la mitraille, au laid milieu de la mort. La mort l’avait choisi, lui, sans qu’il le sache, pour le garder en vie, pour son envie d’ailleurs et sa France au cœur.
Mon capitaine, dans les superbes pages de votre parcours et de votre testament, il y a tout ce qu’il faut retenir de l’état intemporel du soldat et le savoir du métier d’officier.
Puisse ce beau livre vous rendre justice, vous citer en exemple et sortir de l’oubli votre long silence.
Quand il combat à Camerone, Philippe Maine porte déjà une Légion d’honneur gagnée au feu en Crimée comme simple caporal des Chasseurs à pied. Quand on le retrouve à la tête de ses hommes à Bazeilles comme capitaine adjoint d’unité, il est administrativement en congé de convalescence. Blessé deux fois, il continue le combat. Prisonnier, il s’évade. Terrassé par la maladie, il lève encore l’arme vers l’ennemi et le voilà lieutenant-colonel, chef de corps d’un régiment de 5000 hommes face aux Prussiens. Le Sentier des Braises est son histoire, celle d’un guerrier d’une modernité incroyable et d’une trempe exemplaire.
Pour Guy Sallat, le travail d’historien se rapproche des métiers du renseignement. C’est en véritable enquêteur qu’il a entrepris de relever le défi de suivre à la trace ce survivant de presque toutes les guerres de son temps. Durant trois ans, il a écumé les archives nationales et de la défense, celles de la Légion, allant puiser jusque dans les sources mexicaines, russes ou prussiennes pour croiser les informations avant de les valider. C’est ainsi qu’il a débusqué le compte-rendu fait par le colonel Milan, chef de l’armée mexicaine à Camerone à son ministre de la guerre, le soir même du 30 avril 1863. Un écrit jusque-là inédit.
Dans le même registre, il a réussi à identifier assez clairement l’action presque heure par heure de chacun des régiments de la division bleue durant les fameux combats commémorés par les troupes de marine les 31 août et 1er septembre 1870. Il n’avait pas manqué d’en présenter le détail devant la promotion « Division bleue » de Saint Maixent en novembre 2020 et devant les cadres du 2ème de marine plus récemment. Voilà que cette découverte est maintenant gravée dans le marbre.
Dix fois Philippe Maine aura changé d’arme et renoncé aux avancements pour partir au combat, le voilà tour à tour zouave, fantassin de ligne puis du bataillon d’Afrique, tirailleur sénégalais, franc-tireur, garde mobile. C’est un héros de l’interarmes et de tous les grades. D’ailleurs, il a donné son nom à une promotion de l’École militaire interarmes. La Légion a redécouvert ce héros oublié au début des années 1960. Mais aucun travail approfondi d’historien n’avait été jusque-là entrepris pour retrouver son parcours opérationnel complet.
Son profil Wikipédia, qui présente des photos d’illustres inconnus pour le représenter, une erreur des années 30 qui se perpétue, et qui s’égare dans nombre d’inexactitudes, résume l’approximation qui a présidé cependant à cette époque, à la résurrection mémorielle de Philippe Maine. D’ailleurs, on lui attribue à Mussidan le nom d’une ruelle avec le prénom Louis qui fut le petit nom que lui donnaient ses intimes, précédé du grade de Caporal quand il finit sa carrière comme Lieutenant-colonel, chef de corps d’un régiment de 5000 hommes.
Voilà un ouvrage passionnant qui, à la manière des mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, est présenté à la première personne, ce qui lui donne une approche intimiste très appréciable : Philippe Maine nous confie sa vie comme il le ferait à un frère d’arme. Le récit est précis, ciselé, alerte. Le lecteur se fait prendre au jeu à coup sûr.
Guy Sallat nous fait découvrir avec brio ce Second Empire qui mérite tant d’être mieux connu tout en nous faisant rencontrer un archétype du résilient, un fils d’étranger devenu modèle, un symbole vivant de l’engagement, un modèle indéniable de serviteur loyal de la France, un militaire du rang d’exception, un sous-officier exemplaire, un officier d’envergure. Un homme qui cristallise des valeurs qui fondent encore aujourd’hui la singularité du soldat français : l’humanité, l’engagement total, le sens du devoir en conscience.
Format 16/24, 364 pages ; ISBN 978-2-9555430-7-8.
25 euros port compris chez OD2C 29 rue de l’avenir 93800 Épinay-sur-Seine (contact
Disponible dans toutes les librairies.
